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Les croisées doivent avoir les mêmes proportions que les portes, parce que toutes les ouvertures dans un bâ - timent doivent avoir les mêmes rapports: les ornemens sont à - peu - près dans le même cas, mais leur forme doit différer, les ceintres surbaissés & les pleins ceintres ne convenant qu'aux ouvertures des portes; & les arcs bombés & les plates bandes semblant devoir être con - sacrés seulement aux ouvertures des croisées. Certai - nement chaque membre dans l'Architecture porte un caractere établi par l'usage, dont on ne doit s'écarter que par de bonnes raisons: cependant cette considération a paru arbitraire à la multitude; d'où il est résulté qu'au lieu de faire de belles portes & de belles croisées dans nos bâtimens françois, on n'a plus songé qu'à faire des percemens dans les murs de face, sans égard à la beauté des formes, à la conformité de l'ordonnance, & à la relation que les vuides doivent avoir avec les pleins, dans la décoration de nos édifices. C'est en pure perte, pour le grand nombre, qu'on remarque au Louvre, au Luxembourg, à la Sorbonne, des desseins en ce genre d'un goût exquis; on imite ceux des Tuileries, du Palais Royal & tant d'autres fort au - dessous de ceux que nous citons, sans songer que les croisées se répétant à l'infini dans un bâtiment, c'est vouloir multiplier la médiocri - té, que de négliger l'étude de cette partie intéressante de la décoration.
La croisée rustique de cette Planche est à appui plein; la toscane offre un balcon de fer placé ici pour faire sentir l'abus de ce genre frivole, auquel on devroit tou - jours substituer une balustrade, comme à la croisée do - rique, sur - tout lorsque l'on est forcé de faire descendre le bas de l'ouverture jusques dessus le sol des appartemens. La croisée ïonique est couronnée d'une mézanine, non que cette deuxieme ouverture soit toujours nécessaire, mais pour en présenter un exemple. Les croisées corin - thiennes & composites sont à l'imitation de celles du Louvre, & offrent autant de modeles qui peuvent servir d'autorité, mais qui, comme les portes, peuvent se va - rier à l'infini, selon l'application qu'on en veut faire dans l'Architecture.
Les niches dans l'Architecture tiennent de la pro - portion des portes & des croisées. Ce sont des cavités prises dans l'épaisseur des murs, destinées à recevoir des statues. Il s'en fait de deux especes; les unes quarrées par leur plan, & en plate - bande dans leur sommet, comme on le voit à la niche rustique; les autres, dont le plan est décrit par un demi - cercle, & dont le sommet plein ceintre forme un cul de four, ainsi que le présentent les autres niches de cette Planche.
Il faut observer que, soit que le diametre des niches soit grand, petit ou moyen dans une même ordonnance de bâtiment, il faut que toutes puissent contenir une fi - gure de même grandeur, c'est - à - dire égale au tiers de la hauteur de l'ordre qui préside dans la décoration de l'é - difice; de maniere que, dans le cas où ce rapport ne pourroit avoir lieu, il faudroit éviter l'application des niches. Disons un mot du moyen de faire servir les sta - tues d'une hauteur égale dans des niches de différente grandeur. Par exemple, dans les petites niches on se contentera de poser sous les piés de la statue un socle, comme il s'en remarque dans les niches dorique, ïoni - que & corinthienne; dans les moyennes niches, au lieu de socle, on placera un piédouche, comme dans les ni -
En général il ne faut pas abuser de l'emploi des niches dans l'Architecture; il devroit être réservé pour les édi - fices sacrés, les fontaines, les châteaux d'eaux, & autres édifices hydrauliques. Dans les maisons des particuliers elles attaquent la solidité des murs, & ne préseutent à l'oeil que des figures plus petites que nature, qui ren - dent l'ordonnance de la décoration chétive & mesquine; ce qui ne peut arriver dans les monumens publics, à cause de leur grandeur, toujours fort au - dessus de celle des bâtimens d'habitation.
Au bas de cette Planche on remarque plusieurs des - seins de frontons. La figure A donne la maniere de tra - cer leur hauteur par leur base, c'est - à - dire que la per - pendiculaire a du triangle isocele a, c, d, qui les com - pose, soit à la base c, d de ce triangle. comme cinq est à vingt - quatre; ce qui est la même chose que le procé - dé de décrire le quart de cercle d, e, pour du point e, comme centre, tracer la portion d, a; portion qui dé - termineroit la courbure du fronton circulaire, de même hauteur que le fronton triangulaire.
En général les frontons circulaires ont plus de pesan - teur réelle, & présentent une forme plus matérielle à l'oeil que les triangulaires; aussi doit - on ne les employer que dans les ordonnances rustique & toscane, malgré la multitude d'exemples contraires.
La figure B présente la forme d'un fronton la plus réguliere, c'est - à - dire un entablement continu & une corniche angulaire; à l'égard des ornemens de sculpture, le mieux seroit de n'en jamais mettre dessus les fron - tons, parce que c'est employer deux amortissemens py - ramidaux l'un sur l'autre; mais particulierement on de - vroit toujours éviter les figures a posées sur les corni - ches inclinées; le socle horisontal b semblant autoriser celle c, ainsi qu'on le remarque avec succès au château de Seaux, du côté de l'entrée. Au contraire, le tympan d devroit toujours être destiné à recevoir quelques bas reliefs, & c'est à quoi se devroit réduire toute la richesse de ces couronnemens, qui néanmoins, comme les ni - ches, devroient être consacrés pour la décoration de nos temples, ou n'être employés que sur les avant - corps principaux des palais des Rois & des édifices publics, & jamais dans la décoration des bâtimens particuliers.
La figure C offre la coupe ou profil du fronton B.
La figure D fait voir la partie angulaire de l'extrémité
du fronton, tel qu'on l'exécute dans l'Architecture ré -
guliere, de préférence à la crossette que présente la fi -
gure E, qui, de même que celles F, G, ne sont placées
ici que comme des exemples à éviter, ainsi qu'une infi -
nité d'autres frontons enroullés, découpés, chantour -
nés; productions gothiques qui ne sont imitées de nos
jours, que par les architectes subalternes, & que les
grands maîtres sçavent rejetter.
Observations générales sur les trois ordres grecs appliqués
en particulier à plusieurs monumens érigés pour la ma -
gnificence.
La connoissance des ordres que nous venons d'acqué -
rir seroit insuffisante, si nous ne cherchions pas à con -
noître l'application que nous en devons faire dans la dé -
coration des bâtimens. Nous avons déjà dit qu'il en étoit
de cinq especes, trois grecs & deux romains. Les trois
Planches suivantes vont nous offrir l'application des
trois premiers dans la fontaine de Grenelle faubourg
S. Germain, d'ordre ïonique; dans le projet d'une autre
fontaine, d'ordre dorique; & dans la colonade du Lou -
vre, d'ordre corinthien. A l'égard des deux derniers,
toscan & composite, production des Romains, nous
n'avons point donné d'exemple de leur application dans
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Nous ne craignons pas de l'avouer ici; la juste appli -
cation des ordres à l'Architecture est plus essentielle que
l'on ne se l'imagine ordinairement. Combien ne voyons -
nous pas de bâtimens dont l'usage intérieur exige exté -
rieurement un air de solidité, & qui ont pour décora -
tion dans leur dehors un ordre moyen ou délicat;
& d'autres dont la destination semble exiger de l'é -
légance, avoir dans leur façade un ordre ou une ex -
pression rustique, comme s'il étoit indifférent de négli -
ger la relation que ces deux parties doivent avoir ensem -
ble? Mais passons aux explications des trois Planches de
cette deuxieme partie; elles nous donneront occasion de
discuter plus précisément l'opinion des architectes mo -
dernes à cet égard.
Ce monument élevé par la ville de Paris en 1739, sur
les desseins de M. Bouchardon, Sculpteur du Roi, qui a
présidé à la conduite de l'Architecture, & exécuté la
sculpture qui s'y remarque, est un des édifices modernes
qui fait le plus d'honneur à notre siecle. En effet une ar -
chitecture pure, un appareil correct, une construction
solide, & une sculpture admirable, sont autant de beau -
tés réunies qu'on rencontre difficilement ailleurs. Nous
ne parlerons point ici de la situation de ce monument;
personne n'ignore que ce chef - d'oeuvre méritoit un tout
autre point de vûe: mais, nous l'avons déjà dit, cette
partie est trop négligée en France. Nous ne pouvons
dissimuler encore que l'ordre ïonique qui détermine le
caractere de l'ordonnance de ce monument, non seule -
ment n'exprime pas assez de solidité, mais paroît d'un
trop petit module pour l'étendue de l'édifice. Il semble
que l'ordre dorique devroit être le propre des bâtimens
de l'espece dont nous parlons. Une fontaine suppose des
voûtes dans son intérieur, d'épaisses murailles, un volu -
me d'eau dont le poids est considérable, une humidité
difficile à parer; autant de motifs qui veulent être an -
noncés dans la décoration de ses dehors, par un cara -
ctere viril que l'ordre ïonique ne peut offrir. Nous con -
cevons bien que cette fontaine est dédiée à la ville de
Paris, & que cette divinité féminine a pû autoriser l'or -
dre ïonique dans le frontispice du temple qui paroît être
élevé derriere elle. Mais nous le pensons ainsi. Le pre -
mier mérite de l'artiste est de faire ensorte de concilier
les accessoires de la décoration avec la convenance de
l'édifice. Le premier objet qui doit frapper l'oeil du spe -
ctateur, c'est le caractere propre à la chose; autrement,
l'esprit est distrait: on remarque bien les beautés de dé -
tail; mais les vraies beautés sont celles de l'ensemble;
toutes les autres doivent lui être subordonnées. Au reste,
cette réflexion, qui nous est particuliere, n'empêche pas
que ce monument ne soit très - recommandable: aussi
l'avons - nous préféré dans cette collection, pour exem -
ple, à la fontaine des Innocens, autre chef - d'oeuvre,
mais dont l'architecture corinthienne nous a paru en -
core plus desassortie à l'idée qu'on doit se former d'un
bâtiment hydraulique.
Comme il ne s'agit dans cette deuxieme partie que de
l'application des ordres à l'Architecture, & non de la
description de chaque monument en particulier, nous
n'entrerons dans aucun détail pour ce qui regarde la
beauté de l'ordonnance, ni sur le choix des parties, ni
sur la maniere de profiler, ni sur la distribution des or -
nemens. L'aspect du lieu, ou l'inspection de la Planche
que nous donnons, dédommageront suffisamment de
notre silence à cet égard.
Nous venons d'éprouver en quelque sorte, à - propos
de la Planche précédente, la nécessité de faire choix de
l'ordre dorique pour la décoration des bâtimens hydrau -
liques. Nous ajoutons ici cet exemple, non pour nous
mettre en parallele avec l'habile artiste qui a donné les
desseins de la treizieme Planche, mais pour donner à
connoître si une plus grande architecture, une sculp -
ture moins colossale, & l'application de l'ordre viril,
peuvent convenir plus véritablement aux monumens
dont nous parlons; nous convenons qu'alors la virilité
de cet ordre semble exiger des ornemens & une scul -
pture qui lui soit assortie, & qu'en conséquence il con -
viendroit de dédier l'édifice à Neptune, à quelque fleu -
ve, &c. plûtôt qu'à Amphytrite, à quelques Nayades,
&c. Mais en supposant que le lieu où se doit élever le
monument, ne permette que des attributs ou des allégo -
ries féminines, il nous semble qu'il seroit préférable,
malgré l'analogie que doit avoit avoir la Sculpture avec
l'Architecture, de rendre cette derniere relative au genre
de l'édifice, comme l'objet principal, plûtôt que de
chercher à la faire dépendre des accessoires. Ajoutons à
cela que cet ordre, quoique solide, peut s'enrichir &
se disposer de maniere à pouvoir recevoir tel symbole
que la nécessité semblera exiger.
Si ce que nous avançons paroît avoir quelque fonde -
ment, il n'est donc pas aussi indifférent qu'on se l'ima -
gine ordinairement, d'appliquer un ordre plûtôt qu'un
autre dans un édifice de genre différent; ce qui n'ar -
rive le plus souvent que parce qu'on ignore le vrai ca -
ractere, la véritable expression de chacun d'eux. Nous
l'avons déjà dit, nous le répétons, l'ordre toscan ne de -
vroit jamais être employé que pour les ouvrages mili -
taires, ou dans l'Architecture civile pour les dépendan -
ces des bâtimens d'habitation de quelqu'importance;
l'ordre dorique, pour les édifices publics; l'ordre ïoni -
que, pour les maisons de plaisance; l'ordre corinthien,
pour les palais des Rois; l'ordre composite, aux mo -
numens élevés pour la magnificence. Mais comme no -
tre objet dans ces élémens est de ne parler que de l'ap -
plication des trois ordres grecs, dorique, ïonique & co -
rinthien, & que nous n'avons point d'édifice dorique ré -
gulier à citer en France, nous avons donné ce dessein de
fontaine d'ordre dorique (a), afin de prendre occasion
de parler de ces trois ordres en particulier, & de leur
application en général dans l'Architecture.
Nous venons de dire qu'il n'y avoit point d'ordre do -
rique régulier. Avant de passer à l'ordre corinthien, di -
sons un mot de ce que nous entendons par la régularité
de cet ordre.
Les Grecs, à qui nous devons la découverte des pro -
portions de l'ordre dont nous parlons, avoient conçu
qu'une de ses beautés principales devoit consister dans
la symétrie; ce qu'ils ont exécuté avec le plus grand suc -
cès; mais comme ils n'accouploient pas les colonnes, &
que les modernes en ont connu la nécessité à certains
égards, plusieurs ont tenté en vain de concilier cette ré -
gularité des Grecs avec les accouplemens; en sorte que
les uns ont fait pénétrer les bases & les chapiteaux,
comme on le voit au portail des Minimes; les autres,
pour éviter ce défaut, ont fait leurs métopes oblongues
ou barlongues, comme on le remarque à Saint - Gervais;
ceux - ci ont renflé leurs colonnes, comme au bureau des
marchands drapiers; ceux - là ont donné un module de
plus à leur ordre, comme au portique de la cour royale
du château de Vincennes; autant de tentatives infruc -
tueuses que d'autres enfin ont cru éviter, en se privant
de l'application de cet ordre dans leurs productions: ex -
trémité peut - être plus condamnable encore, parce qu'elle
détruit l'esprit de convenance, & qu'elle prive la plus
grande partie de nos édifices du caractere qui leur con -
vient. Tant d'irrésolutions & d'incertitudes nous ont
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(a) Cette Planche auroit dû précéder la fontaine de Grenelle; mais
comme cette ordonnance dorique est de notre composition, nous avons ju -
gé à propos dans ces élémens de faire passer la production de M. Bouchardon
avant la nôtre, comme un juste tribut que nous devons aux ouvrager de
cet artiste célebre.