ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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l'Architecture: il suffit de sçavoir que le toscan, ordre rustique, ne doit être employé que dans les ouvrages militaires, ou dans l'Architecture civile, dans les dépen - dances des grands bâtimens, tels qu'aux orangeries, comme à Versailles, aux écuries, &c. & que l'ordre com - posite, composé lui - même des autres ordres, mais toû - jours d'une expression corinthienne, ne peut guere être employé que dans les décorations théatrales, aux fêtes publiques, dans les pompes funébres, &c. malgré l'usage qu'en ont fait quelques - uns de nos architectes au portail des Minimes, au château de Clagny, &c.

Nous ne craignons pas de l'avouer ici; la juste appli - cation des ordres à l'Architecture est plus essentielle que l'on ne se l'imagine ordinairement. Combien ne voyons - nous pas de bâtimens dont l'usage intérieur exige exté - rieurement un air de solidité, & qui ont pour décora - tion dans leur dehors un ordre moyen ou délicat; & d'autres dont la destination semble exiger de l'é - légance, avoir dans leur façade un ordre ou une ex - pression rustique, comme s'il étoit indifférent de négli - ger la relation que ces deux parties doivent avoir ensem - ble? Mais passons aux explications des trois Planches de cette deuxieme partie; elles nous donneront occasion de discuter plus précisément l'opinion des architectes mo - dernes à cet égard.

ARCHITECTURE ET PARTIES QUI EN DÉPENDENT. |SECONDE PARTIE. |PLANCHE XIII.

PLANCHE XIII.

Fontaine de Grenelle, faubourg S. Germain.

Ce monument élevé par la ville de Paris en 1739, sur les desseins de M. Bouchardon, Sculpteur du Roi, qui a présidé à la conduite de l'Architecture, & exécuté la sculpture qui s'y remarque, est un des édifices modernes qui fait le plus d'honneur à notre siecle. En effet une ar - chitecture pure, un appareil correct, une construction solide, & une sculpture admirable, sont autant de beau - tés réunies qu'on rencontre difficilement ailleurs. Nous ne parlerons point ici de la situation de ce monument; personne n'ignore que ce chef - d'oeuvre méritoit un tout autre point de vûe: mais, nous l'avons déjà dit, cette partie est trop négligée en France. Nous ne pouvons dissimuler encore que l'ordre ïonique qui détermine le caractere de l'ordonnance de ce monument, non seule - ment n'exprime pas assez de solidité, mais paroît d'un trop petit module pour l'étendue de l'édifice. Il semble que l'ordre dorique devroit être le propre des bâtimens de l'espece dont nous parlons. Une fontaine suppose des voûtes dans son intérieur, d'épaisses murailles, un volu - me d'eau dont le poids est considérable, une humidité difficile à parer; autant de motifs qui veulent être an - noncés dans la décoration de ses dehors, par un cara - ctere viril que l'ordre ïonique ne peut offrir. Nous con - cevons bien que cette fontaine est dédiée à la ville de Paris, & que cette divinité féminine a pû autoriser l'or - dre ïonique dans le frontispice du temple qui paroît être élevé derriere elle. Mais nous le pensons ainsi. Le pre - mier mérite de l'artiste est de faire ensorte de concilier les accessoires de la décoration avec la convenance de l'édifice. Le premier objet qui doit frapper l'oeil du spe - ctateur, c'est le caractere propre à la chose; autrement, l'esprit est distrait: on remarque bien les beautés de dé - tail; mais les vraies beautés sont celles de l'ensemble; toutes les autres doivent lui être subordonnées. Au reste, cette réflexion, qui nous est particuliere, n'empêche pas que ce monument ne soit très - recommandable: aussi l'avons - nous préféré dans cette collection, pour exem - ple, à la fontaine des Innocens, autre chef - d'oeuvre, mais dont l'architecture corinthienne nous a paru en - core plus desassortie à l'idée qu'on doit se former d'un bâtiment hydraulique.

Comme il ne s'agit dans cette deuxieme partie que de l'application des ordres à l'Architecture, & non de la description de chaque monument en particulier, nous n'entrerons dans aucun détail pour ce qui regarde la beauté de l'ordonnance, ni sur le choix des parties, ni sur la maniere de profiler, ni sur la distribution des or - nemens. L'aspect du lieu, ou l'inspection de la Planche que nous donnons, dédommageront suffisamment de notre silence à cet égard.

ARCHITECTURE ET PARTIES QUI EN DÉPENDENT. |SECONDE PARTIE. |PLANCHE XIV.

PLANCHE XIV.

Autre fontaine d'ordre dorique.

Nous venons d'éprouver en quelque sorte, à - propos de la Planche précédente, la nécessité de faire choix de l'ordre dorique pour la décoration des bâtimens hydrau - liques. Nous ajoutons ici cet exemple, non pour nous mettre en parallele avec l'habile artiste qui a donné les desseins de la treizieme Planche, mais pour donner à connoître si une plus grande architecture, une sculp - ture moins colossale, & l'application de l'ordre viril, peuvent convenir plus véritablement aux monumens dont nous parlons; nous convenons qu'alors la virilité de cet ordre semble exiger des ornemens & une scul - pture qui lui soit assortie, & qu'en conséquence il con - viendroit de dédier l'édifice à Neptune, à quelque fleu - ve, &c. plûtôt qu'à Amphytrite, à quelques Nayades, &c. Mais en supposant que le lieu où se doit élever le monument, ne permette que des attributs ou des allégo - ries féminines, il nous semble qu'il seroit préférable, malgré l'analogie que doit avoit avoir la Sculpture avec l'Architecture, de rendre cette derniere relative au genre de l'édifice, comme l'objet principal, plûtôt que de chercher à la faire dépendre des accessoires. Ajoutons à cela que cet ordre, quoique solide, peut s'enrichir & se disposer de maniere à pouvoir recevoir tel symbole que la nécessité semblera exiger.

Si ce que nous avançons paroît avoir quelque fonde - ment, il n'est donc pas aussi indifférent qu'on se l'ima - gine ordinairement, d'appliquer un ordre plûtôt qu'un autre dans un édifice de genre différent; ce qui n'ar - rive le plus souvent que parce qu'on ignore le vrai ca - ractere, la véritable expression de chacun d'eux. Nous l'avons déjà dit, nous le répétons, l'ordre toscan ne de - vroit jamais être employé que pour les ouvrages mili - taires, ou dans l'Architecture civile pour les dépendan - ces des bâtimens d'habitation de quelqu'importance; l'ordre dorique, pour les édifices publics; l'ordre ïoni - que, pour les maisons de plaisance; l'ordre corinthien, pour les palais des Rois; l'ordre composite, aux mo - numens élevés pour la magnificence. Mais comme no - tre objet dans ces élémens est de ne parler que de l'ap - plication des trois ordres grecs, dorique, ïonique & co - rinthien, & que nous n'avons point d'édifice dorique ré - gulier à citer en France, nous avons donné ce dessein de fontaine d'ordre dorique (a), afin de prendre occasion de parler de ces trois ordres en particulier, & de leur application en général dans l'Architecture.

Nous venons de dire qu'il n'y avoit point d'ordre do - rique régulier. Avant de passer à l'ordre corinthien, di - sons un mot de ce que nous entendons par la régularité de cet ordre.

Les Grecs, à qui nous devons la découverte des pro - portions de l'ordre dont nous parlons, avoient conçu qu'une de ses beautés principales devoit consister dans la symétrie; ce qu'ils ont exécuté avec le plus grand suc - cès; mais comme ils n'accouploient pas les colonnes, & que les modernes en ont connu la nécessité à certains égards, plusieurs ont tenté en vain de concilier cette ré - gularité des Grecs avec les accouplemens; en sorte que les uns ont fait pénétrer les bases & les chapiteaux, comme on le voit au portail des Minimes; les autres, pour éviter ce défaut, ont fait leurs métopes oblongues ou barlongues, comme on le remarque à Saint - Gervais; ceux - ci ont renflé leurs colonnes, comme au bureau des marchands drapiers; ceux - là ont donné un module de plus à leur ordre, comme au portique de la cour royale du château de Vincennes; autant de tentatives infruc - tueuses que d'autres enfin ont cru éviter, en se privant de l'application de cet ordre dans leurs productions: ex - trémité peut - être plus condamnable encore, parce qu'elle détruit l'esprit de convenance, & qu'elle prive la plus grande partie de nos édifices du caractere qui leur con - vient. Tant d'irrésolutions & d'incertitudes nous ont

(a) Cette Planche auroit dû précéder la fontaine de Grenelle; mais comme cette ordonnance dorique est de notre composition, nous avons ju - gé à propos dans ces élémens de faire passer la production de M. Bouchardon avant la nôtre, comme un juste tribut que nous devons aux ouvrager de cet artiste célebre.

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