ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"842"> ils ne font que nous appliquer plus fortement à l'objet dont nous voulions nous occuper. Jamais nous ne sommes plus fortement occupés aux spectacles, que lorsqu'ils sont bien remplis: notre attention se renforce par l'attention vive & soûtenue que nous voyons dans le grand nombre des spectateurs. Combien de choses différentes ne rencontre - t - on pas quelquefois dans une même campagne? Des côteaux abondans, des plaines arides, des rochers qui se perdent dans les nues, des bois où le bruit & le silence, la lumiere & les ténebres, se succedent alternativement, &c. Cependant les Poëtes éprouvent tous les jours que cette variété les inspire; c'est qu'étant liée avec les plus belles idées dont la Poësie se pare, elle ne peut manquer de les réveiller. La vûe, par exemple, d'un côteau abondant retrace le chant des oiseaux, le murmure des ruisseaux, le bonheur des bergers, leur vie douce & paisible, leurs amours, leur constance, leur fidélité, la pureté de leurs moeurs, &c. Beaucoup d'autres exemples pourroient prouver que l'homme ne pense qu'autant qu'il emprunte des secours, soit des objets qui lui frappent les sens, soit de ceux dont l'imagination lui retrace les images.

Il n'y a rien qui ne puisse nous aider à réfléchir, parce qu'il n'y a point d'objets auxquels nous n'ayons pouvoir de lier nos idées, & qui, par conséquent, oient propres à faciliter l'exercice de la mémoi<-> & de l'imagination: mais tout consiste à savoir former ces liaisons, conformément au but qu'on se propose, & aux circonstances où l'on se trouve. Avec cette adresse, il ne sera pas nécessaire d'avoir, comme quelques Philosophes, la précaution de se retirer dans des solitudes, ou de s'enfermer dans un caveau, pour y méditer à la sombre lueur d'une lampe. Ni le jour, ni les ténebres, ni le bruit, ni le silence, rien ne peut mettre obstacle à l'esprit d'un homme qui sait penser.

Que prétendoit Démocrite en se crevant les yeux pour avoir le plaisir d'étudier sans aucune distraction la Physique? Croyoit - il par - là perfectionner ses connoissances? Tous ces Philosophes méditatifs sont - ils plus sages, qui se flatent de pouvoir d'autant mieux connoître l'arrangement de l'univers, & de ses parties, qu'ils prennent plus de soin de tenir leurs yeux exactement fermés, pour méditer librement? Tous ces aveugles Philosophes se font des systèmes pleins de chimeres & d'illusions; parce qu'il leur est impossible, sans le secours de la vûe, d'avoir une juste idée ni du soleil, ni de la lumiere, ni des couleurs, c'est - à - dire, des parties de la nature, qui en font la beauté & le principal mérite. Je ne doute pas que tous ces sombres Philosophes ne se soient souvent surpris ne pensant rien, tandis qu'ils étoient abysmés dans les plus profondes méditations. On n'auroit jamais reproché au fameux Descartes d'avoir fabriqué un monde tout différent de celui qui existe, si plus curieux observateur des phénomenes de la nature, il eût ouvert les yeux pour les contempler avidement; au lieu de se plonger, comme il a fait, dans de pures rêveries, & de former, dans une sombre & lente méditation, le plan d'un univers.

L'attention est susceptible de divers degrés. Il y a des gens qui la conservent au milieu du bruit le plus fort. Citons l'exemple de M. Montmort, & rapportons les propres termes de M. de Fontenelle. « Il ne craignoit pas les distractions en détail. Dans la même chambre où il travailloit aux problèmes les plus intéressans, on joüoit du clavessin, son fils couroit & le lutinoit, & les problèmes ne laissoient pas de se résoudre. Le Pere Malebranche en a été plusieurs fois témoin avec étonnement. Il y a bien de la force dans un esprit qui n'est pas maîtrisé pas les impressions du dehors, même les plus legeres ». Il y en a d'autres que le vol d'une mouche interrompt. Rien n'est plus mobile que leur attention, un rien la distrait: mais il y en a qui la tiennent fort long - tems attachée à un même objet; c'est le cas ordinaire des Métaphysiciens consommés, & des grands Mathématiciens. La suite la plus longue des démonstrations les plus impliquées ne les épuise point. Quelques Géometres ont poussé ce talent à un point incroyable; tels sont entre autres Clavius & Wallis: le premier a fait un traité de l'Astrolabe, dont très peu de gens seroient capables de soûtenir la simple lecture. Quelle n'a donc pas été la force de l'attention dans un auteur, pour composer ce qu'un lecteur intelligent a peine à suivre jusqu'au bout!

Il se trouve aussi des personnes qui peuvent embrasser plusieurs choses à - la - fois, tandis que le plus grand nombre est obligé de se borner à un objet unique. Entre les exemples les plus distingués dans ce genre, nous pouvons citer celui de Jules César, qui en écrivant une lettre, en pouvoit dicter quatre autres à ses secrétaires, ou s'il n'écrivoit pas lui - même, dictoit sept lettres à - la - fois. Cette sorte de capacité, en fait d'attention, est principalement fondée sur la mémoire, qui rappelle fidelement les différens objets que l'imagination se propose de considérer attentivement à - la - fois. Peu de gens sont capables de cette complication d'attention; & à moins que d'être doüé de dispositions naturelles extrèmement heureuses, il ne convient pas de faire des essais dans ce genre; car la maxime vulgaire est vraie en général:

Pluribus intentus, minor est ad singula sensus.

Il y en a qui peuvent donner leur attention à des objets de tout genre, & d'autres n'en sont maîtres qu'en certains cas. L'attention est ordinairement un effet du goût, une suite du plaisir que nous prenons à certaines choses. Certains génies universels, pour qui toutes sortes d'études ont des charmes, & qui s'y appliquent avec succès, sont donc dans le cas d'accorder leur attention à des objets de tout genre. M. Leibnitz nous fournit, au rapport de M. de Fontenelle, un de ces génies universels. Jamais auteur n'a tant écrit, ni sur des sujets si divers; & néanmoins ce mêlange perpétuel, si propre à faire naître la confusion, n'en mettoit aucune dans ses idées. Au milieu de ces passages brusques, sa précision ne le quittoit point, & l'on eût dit que la question qu'il discutoit étoit toûjours celle qu'il avoit le plus approfondie. Le plus grand nombre des hommes, & même des savans, n'a d'aptitude que pour un certain ordre de choses. Le Poëte, le Géometre, le Peintre, chacun resserré dans son art & dans sa profession, donne à ses objets favoris une attention qu'il lui seroit impossible de prêter à toute autre chose.

Il y en a enfin qui sont également capables d'attention pour les objets absens, comme pour ceux qui sont présens; d'autres au contraire ne peuvent la fixer que sur les choses présentes. Tous ces degrés s'acquierent, se conservent & se perfectionnent par l'exercice. Un Montmort, un Clavius, un Wallis, un Jules César, dont nous avons donné des exemples, n'étoient parvenus à ce degré, à cette capacité d'attention qu'ils possédoient, que par un exercice long & continuellement réitéré. Tout le monde sait de quelle force étoit l'attention d'Archimede, qui ne s'apperçut ni du sac de sa patrie, ni de l'entrée du soldat furieux dans son cabinet, qu'il prit sans doute pour quelqu'un de ses domestiques, puisqu'il lui recommanda de ne pas déranger ses cercles. Un autre trait de sa vie prouve qu'il étoit tout - à - fait capable de cette profondeur d'attention requise pour saisir dans un objet présent tout ce qu'il y a d'important à y remarquer. Je veux parler du fait rapporté par Vitruve, & de la maniere dont Archimede s'y [p. 843] prit pour découvrir le mêlange qu'un Orfévre avoit fait d'une certaine quantité d'argent dans une masse d'or que le roi Hieron lui avoit donnée pour en faire une couronne. Voyez Alliage.

Concluons ici comme ailleurs, habitude fait tout; l'ame est flexible comme le corps, & ses facultés sont tellement liées au corps, qu'elles se développent & se perfectionnent aussi - bien que celles du corps, par des exercices continuels, & des actes toûjours réitérés. Les grands hommes qui, le fil d'Ariane en main, ont pénétré, sans s'égarer, jusqu'au fond des labyrinthes les plus tortueux, ont commencé par s'essayer; aujourd'hui une demi - heure d'attention, dans un mois une heure, dans un an quatre heures soûtenues sans interruption, & par de tels progrès, ils ont tiré de leur attention un parti qui paroît incroyable à ceux qui n'ont jamais mis leur esprit à aucune épreuve, & qui ne recueillent que les productions volontaires d'un champ que la culture fertilise si abondamment. On peut dire en général, que ce qui fait le plus de tort aux hommes, c'est l'ignorance de leurs forces. Ils s'imaginent que jamais ils ne viendront à bout de elle chose; & dans cette prévention, ils ne mettent pas la main à l'oeuvre, parce qu'ils négligent la méthode de s'y rendre propres insensiblement & par degrés. S'ils ne réussissent pas du premier coup, le dépit les prend, & ils renoncent pour toûjours à leur dessein. Cet article est tiré des papiers de M. Formey. (X)

ATTÉNUANS (Page 1:843)

ATTÉNUANS, adj. (Med.) On donne ce nom à différens remedes qui sont fort utiles en Medecine; on en fait différentes classes: les incisifs simples qui délayent & détrempent les molécules des fluides: les autres divisent & fondent l'épaississement des humeurs en rompant la cohésion trop forte de leurs parties intégrantes; il en est qui agissent sur les viscosités des fluides, contenues dans le ventricule & dans les intestins: d'autres sont plus propres à agir sur le sang; enfin, il en est qui agissent sur les solides en irritant & en augmentant leurs vibrations, tandis que d'autres n'exercent leur énergie que sur les fluides seuls.

Ces différens atténuans sont appellé, fondans & apéritifs, lorsque par leur action ils divisent les matieres ténaces qui embarrassent les petits vaisseaux, & qu'ils enlevent les obstructions des visceres glanduleux, tels que le foie, les reins & la ratte. Voyez Apéritifs.

On les nomme expectorans, lorsqu'ils agissent sur le tissu des bronches, qu'ils en détachent l'humeur qui les enduit, & qu'après l'avoir divisée, ils la font sortir par les crachats; tels sont les racines d'aunée, d'iris de Florence, le lierre terrestre, l'hysope, &c. Voyez Expectorans.

Les atténuans, outre les classes que nous en avons décrites ci - dessus, sont encore divisés à raison de leur origine, en ceux tirés du regne végétal, & en ceux que le regne animal & minéral nous fournissent; ceux du regne végétal sont toutes les plantes acres, & qui donnent un sel volatil fixe, tels que toutes les plantes purgatives; le cabaret, le pié - de - veau: d'autres agissent par un sel volatil, tels que le cresson, le rayfort, le cochlearia, & enfin toutes les especes de plantes cruciferes: d'autres enfin atténuent les humeurs par un sel acre marié avec des parties sulphureuses; telles sont les résines de jalap, le turbit gommeux; telles sont toutes les gommes résines, comme le sagapenum, l'opopanax, le bdellium.

Les savons peuvent être rapportés au regne minéral ou au végétal; ils agissent à peu près comme les gommes résines. Voyez Savon.

Le regne animal fournit des sels volatils, tels que le sel ammoniac, le salpetre, &c.

Le regne minéral fournit les sels acides minéraux, le vitriol, le sel marin & les sels neutres formés de ces premiers par leur acide décomposé & débarrassé de sa base, pour ensuite l'incorporer dans la base alkaline du tartre, du nitre & autres; tels sont les sels neutres & androgyns, comme le tartre vitriolé, le sel de Glauber, & tous les sels combinés, à l'imitation de ces premiers; ces sels sont les sels neutres de tous genres, les sels androgyns, amers, purgatifs & fondans; ils peuvent remplir bien des indications.

Le regne minéral fournit encore les remedes atténuans combinés d'un sel acide, & d'un soufre métallique, qui est la terre inflammable, & la mercurielle de Beker; tels sont le fer, la pierre hématite, l'antimoine, le mercure, le cuivre, l'étain, le plomb, & leurs préparations différentes.

Comme la vertu des atténuans est des plus étendues, on leur a donné mille noms différens; ces noms sont tirés des effets particuliers de ces sels sur les humeurs, & sur les solides; ainsi on en fait différentes especes, tels que les amers, les astringens, les toniques, les altérans astringens, les altérans laxatifs, diurétiques, apéritifs, diaphorétiques. (N)

ATTÉNUATION (Page 1:843)

ATTÉNUATION, s. f. (Physique.) action d'atténuer un fluide; c'est - à - dire, de le rendre plus liquide & moins épais qu'il n'étoit. Voyez Atténuans.

Chauvin définit plus généralement l'atténuation, l'action de diviser on de séparer les plus petites parties d'un corps, qui auparavant formoit une masse continue par leur union intime; c'est pour cette raison que les alchimistes se servent quelquefois de ce mot, pour exprimer la pulvérisation, c'est - à - dire, l'action de réduire un corps en une poudre impalpable, soit en le broyant, soit en le pilant, &c. Voyez Poudre & Pulvérisation. (L)

Atténuation (Page 1:843)

Atténuation, se dit en Médecine, de l'effet des remedes atténuans, ou de certains efforts que la nature fait d'elle - même pour détruire la force des maladies: c'est ainsi que la fievre emporte un levain qu'elle détruit en le brisant; & cette atténuation du levain qui obstruoit les petits vaisseaux, est dûe à la division des humeurs, à l'irritation & la vibration des solides augmentée. Cette atténuation est la premiere indication dans les maladies qui proviennent de la condensation & de l'épaississement, mais elle est fort douteuse & même nuisible dans l'acrimonie. (N)

Atténuation (Page 1:843)

Atténuation, s. f. terme de Palais, usité dans les matieres criminelles: on appelloit défense par atténuation, les défenses de l'accusé, données par appointement à oüir droit, qui portoit que la partie civile donneroit ses conclusions, & l'accusé ses défenses par atténuation. Mais l'Ordonnance criminelle de 1670, tit. xxj. art. 1, a abrogé cette forme de procédure, & perme seulement à la partie civile de présenter sa requête, dont copie doit être donnée à l'accusé, qui en conséquence baille aussi la sienne; sans que néanmoins le jugement du procès puisse être retardé, faute par la partie civile ou par l'accusé de bailler sa requête. Celle de l'accusé tenant lieu de ce qu'on appelloit défenses par atténuation, s'appelle requête d'atténuation, c'est - à - dire requête, par laquelle l'accusé tâche d'excuser ou de diminuer son crime. Voyez Accusé. (H)

ATTÉNUER (Page 1:843)

ATTÉNUER, broyer, pulvériser (Gramm.): l'un se dit des fluides condensés, coagulés; & les deux autres des solides: dans l'un & l'autre cas, on divise en molécules plus petites, & l'on augmente les surfaces: broyer, marque l'action, pulvériser en marque l'effet. Il faut broyer pour pulvériser; il faut fondre & dissoudre, pour atténuer.

Atténuer, se dit encore de la diminution des forces; ce malade s'atténue, cet homme est atténué.

ATTERER (Page 1:843)

ATTERER, v. a. briser, rompre, dans l'économie animale, se dit de l'action que les parties grossieres des humeurs & des alimens agitées d'un mouvement intestin, exercent les unes sur les autres. Les parti

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.