ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
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"505"> remment dans d'autres villes de son ressort.

Ordinairement, dès que le juge étoit de retour & présent en son siége, le lieutenant ne pouvoit plus faire de fonction; c'est pourquoi dans la confirmation des priviléges de la ville de Lille en Flandres, faite par Charles VI. au mois de Janvier 1392, il est dit que les lieutenans qui avoient été nommés par le bailli ou par le prevôt de cette ville, lorsque ceux - ci devoient s'absenter, ou qu'ils ne pouvoient vaquer à leurs fonctions, ne pouvoient exercer cet office lorsque le bailli ou le prevôt étoit présent; mais que si le titre de lieutenant leur avoit été conféré par des lettres de provision, ils le conservoient jusqu'à ce qu'elles eussent été révoquées.

Quelques considérables que soient les places de lieutenans dans les principaux siéges royaux, le bailli ou autre premier officier a toûjours la supériorité & la prééminence sur le lieutenant; c'est en ce sens que dans des lettres de 1394, le lieutenant du bailli de Meaux, en parlant de ce bailli, le nomme son seigneur & maître.

Le roi ordonnoit quelquefois lui - même à certains juges d'établir un lieutenant lorsque cela paroissoit nécessaire; c'est ainsi que Charles VI. en 1397, ordonna qu'il seroit établi à Condom un lieutenant du sénéchal d'Agen par lequel il seroit institué; que ce lieutenant devoit résider continuellement dans la ville, & connoitre des causes d'appel.

Charles VII. voyant que les baillis & sénéchaux n'étoient point idoines au fait de judicature, leur ordonna en 1453 d'établir de bons lieutenans, sages, clercs & prud'hommes qui seroient choisis par délibération du conseil, & sans exiger d'eux aucune somme d'or ou d'argent ou autre chose; que ces lieutenans ne prendront ni gages ni pensions d'aucuns de leurs justiciables, mais qu'ils seront salariés & auront gages; qu'ils ne pourront être destitués sans cause raisonnable; qu'à chaque bailliage il n'y aura qu'un lieutenant général & qu'un lieutenant particulier, & que ce dernier n'aura de puissance au siége qu'en l'absence du lieutenant général.

Le parlement avoit rendu dès l'année 1438, un arrêt, pour la réformation des abus de ce royaume, & notamment par rapport aux baillifs; en conséquence de quoi, & de l'ordre de Charles VII. Regnaud de Chartres, archevêque de Reims & chancelier de France, fut commis & député pour aller par toute la France mettre & instituer des lieutenans des baillifs & sénéchaux, gens versés au fait de judicature.

Quelque tems après, Charles VII. & Charles VIII. ôterent aux baillifs & sénéchaux le pouvoir de commettre eux - mêmes leurs lieutenans, & nos rois commencerent dès - lors à ériger en titre formé des offices de lieutenans des baillifs & sénéchaux.

Il y eut pourtant quelque variation à ce sujet; car Louis XII. en 1499, ordonna que l'élection de ces lieutenans se feroit en l'auditoire des bailliages & sénéchaussées, en y appellant les baillis & sénéchaux, & autres officiers royaux, & ce quinzaine après la vacance des offices de lieutenant. Ce fut lui aussi qui ordonna que les lieutenans généraux des baillis seroient docteurs ou licenciés en une université fameuse.

Chenu dans son Traité des offices, dit avoir vû des élections faites en la forme qui vient d'être dite du tems de Louis XII. pour les places de lieutenant général, de lieutenant particulier au bailliage de Berri, & de lieutenant en la conservation.

Depuis ce tems il a été fait diverses créations de lieutenans généraux & particuliers, de lieutenans civils & de lieutenans criminels, & de lieutenans criminels de robe courte, tant dans les siéges royaux ordinaires, que dans les siéges d'attribution; quelques - uns ont été supprimés ou réunis à d'autres, lorsque le siége ne pouvoit pas comporter tant d'officiers.

L'édit de 1597, fait en l'assemblée de Rouen, ordonnoit que nul ne sera reçu lieutenant général de province qu'il ne soit âgé de trente - deux ans complets, & n'ait été conseiller pendant six ans dans un parlement. Les ordonnances de François I. & celle de Blois, ne requierent que trente ans, ce que la cour, par un arrêt de 1602, a étendu à tous les lieutenans généraux & particuliers des bailliages grands & petits.

Voyez ci - après Lieutenant civil, Lieutenant criminel, Lieutenant général, Lieutenant particulier . (A)

Lieutenant civil (Page 9:505)

Lieutenant civil, (Jurisprud.) est un magistrat de robe longue qui tient le second rang entre les officiers du châtelet de Paris; il a le titre de lieutenant général civil, parce qu'il étoit autrefois le seul lieutenant du prevôt de Paris. Présentement il prend le titre de lieutenant civil de la prevôté & vicomté de Paris.

Anciennement le prevôt de Paris jugeoit seul en personne au châtelet toutes les affaires civiles, criminelles & de police; il ne lui étoit pas permis d'avoir aucun lieutenant ordinaire en titre.

Suivant l'article 11. de l'ordonnance de 1254, il devoit exercer personnellement son office, & ne pouvoit commettre de lieutenant que dans le cas de maladie ou autre légitime empêchement, & pour ledit tems seulement.

Cette ordonnance fut renouvellée par celle de Philippe le Bel, du mois de Novembre 1302, qui porte, ar. 7. que le prevôt n'aura point de lieutenant certain résident; mais que s'il est absent par nécessité, il pourra laisser un prudhomme pour lui tant qu'il retournera ou que nécessité sera.

Le prevôt de Paris choisissoit à sa volonté ce lieutenant, & pouvoit le destituer de même.

Les registres du châtelet, & autres actes publics, nous ont conservé les noms de ceux qui ont rempli la place de lieutenant civil; le plus ancien que l'on trouve est Jean Poitaut, qui est qualifié lieutenant du prevôt de Paris en 1321.

Il est parlé de ces lieutenans dans plusieurs articles de l'ordonnance de Philippe de Valois, du mois de Février 1327, par lesquels il paroit que le prevôt de Paris n'avoit alors qu'un seul lieutenant qui expédioit, en l'absence du prevôt, toutes les causes, tant civiles que criminelles. Les auditeurs du châtelet avoient aussi déja des lieutenans, mais ils n'étoient pas qualifiés lieutenans du prevôt de Paris.

Ce premier office de lieutenant du prevôt de Paris est celui qui s'est perpétué en la personne du lieutenant civil. Il fut le seul lieutenant du prevôt de Paris jusques vers l'an 1337 que le prevôt de Paris nomma un autre lieutenant pour le criminel.

En effet, on trouve qu'en 1337 Pierre de Thuilliers, qui étoit examinateur, étoit en même tems lieutenant civil; & il est évident qu'il ne fut nommé civil que pour le distinguer de lieutenant criminel, aussi les monumens publics font - ils mention de ce dernier à peu - près dans le même tems.

Il y avoit un lieutenant civil en 1346, en 1360, & en 1366.

Il y a eu plusieurs fois dans le même tems deux lieutenans civils, qui exerçoient alternativement; en 1369, c'étoient deux avocats du châtelet qui faisoient alternativement la fonction de lieutenant civil. Ils la remplissoient encore de même en 1372, en 1404 & en 1408; c'étoient deux examinateurs qui étoient lieutenans civils.

Dans la suite, quelques - uns de ceux qui remplirent cette place, ne furent pas toujours attentifs à prendre le titre de lieutenant civil; c'est ainsi qu'en [p. 506] 1479 Charles Dubus sieur de Lardy est qualifré simplement lieutenant du prevôt de Paris; & en 1481 Nicolas Chapelle examinateur, se disoit commis du prévôt de Paris à tenir le siege de l'audience.

Les noms de ceux que l'on trouve avoir rempli cette place en 1378, 1392, 1407, 1413, 1417, 1421, 1427, 1432 & 1433, prouvent qu'insensiblement les lieutenans du prevôt de Paris étoient devenus ordinaires, & que l'on reconnut la nécessité de les rendre tels pour l'expédition des affaires qui se multiplioient de jour en jour.

Ce fut par ce motif que l'ordonnance du mois d'Avril 1454, art. lxxxvij. permit au prevôt de Paris de commettre des lieutenans, non plus à tems seulement comme autrefois, mais indéfiniment, pourvu que ce fût par le conseil des officiers de son siege.

Ce pouvoir donné au prevôt de Paris, fut confirmé par l'ordonnance du mois de Juillet 1493, art. lxxiij. laquelle défend en même tems au prevôt de Paris de révoquer ses lieutenans après qu'ils auront été une fois commis, sauf au cas qu'il y eût cause raisonnable à la remontrer au roi, qui s'en est réservé la connoissance.

Cette ordonnance doit être regardée comme l'époque de l'érection des lieutenans en titre d'office, au lieu de simples commissions qu'ils étoient auparavant.

La disposition de l'ordonnance de 1493 fut renouvellée par celle du mois de Mars 1498, art. 47.

Le pouvoir d'élire & commettre des lieutenans fut ôté au prevôt de Paris par l'ordonnance de 1510, art. 41. & il ne lui reste plus que celui de choisir & nommer au Roi, par forme d'ésection, trois sujets suffisans & capables, pour être l'un deux pourvu par S. M. vacation avenant de cet office.

Enfin, le prevôt de Paris a perdu jusqu'à ce droit de nomination par la vénalité des charges qui a été introduite sous François I.

Jean Alligret fut le premier lieutenant civil élu en titre, en conséquence de l'ordonnance de 1493. Il fut reçu au châtelet le 6 Mai 1496.

Cette place reçut alors un nouvel éclat; & depuis ce tems a toujours été remplie par des personnes également distinguées par leur naissance & par leurs vertus, tels que les de Mesmes, les Miron, les Seguier, les le Jay, les Bailleul, les le Camus & les d'Argouges.

L'office de lieutenant civil souffrit pendant quelque tems un démembrement par l'érection qui fut faite en 1522 d'un bailliage a Paris, ou conservation des privileges royaux de l'université, composé entr'autres officiers d'un lieutenant général; mais ce nouveau tribunal ayant été supprimé en 1526, & réuni à la prevôté de Paris, l'office de lieutenant général de la conservation fut depuis éteint & réuni à celui de lieutenant civil par édit du mois de Juillet 1564.

Sous François I. cet office eut le même sort que tous les autres par rapport à la vénalité; on faisoit cependant encore prêter serment aux officiers à leur réception, de n'avoir rien donné pour leur office. Le parlement en usa ainsi à la réception de Jacques Aubery, lieutenant civil, le 28 Août 1551.

Mais bien - tôt après, dans des lettres de jussion qui furent données en 1556 pour la réception de Jean Moulnier ou Mesnier, il est dit qu'il avoit payé 10000 écus d'or sol au Roi pour l'office de lieutenant civil; ce qui, en évaluant l'écu à 46 sols, feroit 23000 livres, somme considérable pour ce tems - là.

L'office de président au présidial qui avoit été créé au mois de Juin 1557, fut réuni à celui de lieutenant civil par lettres patentes & édit des 14 & 22 Juillet 1558.

Ceux qui remplirent la place de lieutenant civil, depuis 1596 jusqu'en 1609, & depuis 1613 jusqu'en 1637, furent en même tems prevôts des marchands.

Après la mort du dernier, le Roi donna le 9 Novembre 1637 une déclaration portant que dorénavant la charge de lieutenant civil ne seroit plus exercée que par commission de trois ans, sauf à proroger, & qu'elle ne pourroit plus être exercée avec celle de prevôt des marchands par une seule & même personne. La veuve du dernier titulaire reçut du Roi 360000 livres pour le remboursement de cet office.

Le 10 Novembre 1637, Isaac de l'Affermes, maitre des requêtes, fut commis à l'exercice de la charge de lieutenant civil pour trois ans; sa commission étant finie, fut renouvellée d'abord pour deux ans, ensuite pour deux autres années, puis pour trois ans, mais le 8 Avril 1643 la commission fut révoquée.

Dès le mois de Janvier 1643, le Roi avoit par un édit rétabli la charge de lieutenant civil; Dreux d'Aubray, maître des requêtes, y fut reçu le 8 Mai suivant, & l'exerça jusqu'à sa mort, arrivée le 12 Septembre 1666; le prix de sa charge fut de 550000 liv.

Au mois de Mars 1667, l'office de lieutenant civil fut de nouveau supprimé, & en son lieu & place furent créés deux autres offices, l'un de lieutenant civil, & l'autre de lieutenant de police.

Le Roi ayant par édit du mois de Mars 1674, créé un nouveau châtelet qu'il démembra de l'ancien, y créa un lieutenant civil; mais ce nouveau châtelet ayant été supprimé au mois de Septembre 1684, l'office de lieutenant civil du nouveau châtelet fut aussi supprimé & réuni à celui de l'ancien châtelet. Pour jouir du bénéfice de cette réunion, le Roi, par arrêt de son conseil du 14 Octobre 1684, ordonna que Jean le Camus, resté seul lieutenant civil, payeroit au trésorier des revenus casuels une somme de 100000 livres, au moyen de quoi la charge de lieutenant civil demeureroit fixée à 400000 liv. En 1710 elle a été fixée à 500000 livres. M. d'Argouges|, maître des requêtes honoraire, a rempli dignement cette charge jusqu'en 1762, que M. d'Argouges son fils, maître des requêtes, qui en avoit déjà la survivance, lui a succédé.

Le lieutenant civil est donc le second officier du châlelet, & le premier des lieutenans de la prevôté & vicomté de Paris. C'est lui qui préside à toutes les assemblées du châtelet, soit pour réceptions d'officiers, enregistrement, & autres affaires de la compagnie.

C'est lui qui préside à l'audience du parc civil, qui recueille les opinions, & prononce les jugemens, lors même que le prevôt de Paris y vient prendre place.

Il donne aussi audience les mercredi & samedi en la chambre civile, où il n'est assisté que du plus ancien des avocats du Roi.

Toutes les requêtes en matieres civiles sont adressées au prevôt de Paris on au lieutenant civil.

Il répond en son hotel les requêtes à fin de permission d'assigner dans un délai plus bref que celui de l'ordonnance, ou à fin de permission de saisir, & autres semblables, ou pour être reçu appellant desdites sentences des juges ressortissans au présidial; c'est aussi lui qui fait les rôles des causes d'appel qui se plaident le jeudi au présidial.

Il regle pareillement en son hotel les contestations qui s'élevent à l'occasion des scellés, inventaires; & le rapport qui lui en est fait par les officiers, s'appelle référé.

Les procès - verbaux d'assemblée de parens pour les affaires des mineurs, ou de ceux que l'on fait interdire, & les procès - verbaux tendans au jugement d'une demande & séparation se font aussi en son hotel.

On lui porte aussi en son hotel les testamens trou<pb->

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