ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"563"> gination active a toûjours besoin du jugement; l'autre en est indépendante.

Il n'est peut - être pas inutile d'ajoûter à cet article, que par ces mots perception, mémoire, imagination, jugement, on n'entend point des organes distincts, dont l'un a le don de sentir, l'autre se ressouvient, un troisieme imagine, un quatrieme juge. Les hommes sont plus portes qu'on ne pense à croire que ce sont des facultés différentes & séparées; c'est cependant le même être qui fait toutes ces opérations, que nous ne connoissons que par leurs effets, sans pouvoir rien connoître de cet être. Cet article est de M. de Voltaire.

Imagination (Page 8:563)

Imagination des femmes enceintes sur le foetus, pouvoir de l'. Quoique le foetus ne tienne pas immédiatement à la matrice; qu'il n'y soit attaché que par de petits mammelons extérieurs à ses enveloppes; qu'il n'y ait aucune communication du cerveau de la mere avec le sien: on a prétendu que tout ce qui affectoit la mere, affectoit aussi le foetus; que les impressions de l'une portoient leurs effets sur le cerveau de l'autre; & on a attribué à cette influence les ressemblances, les monstruosités, soit par addition, soit par retranchement, ou par conformation contre nature, que l'on observe souvent dans différentes parties du corps des enfans nouveaux - nés, & sur - tout par les taches qu'on voit sur leur peau, tous effets, qui, s'ils dépendent de l'imagination, doivent bien plus raisonnablement être attribués à celle des personnes qui croyent les appercevoir, qu'à celle de la mere, qui n'a réellement, ni n'est susceptible d'avoir aucun pouvoir de cette espece.

On a cependant poussé, sur ce sujet, le merveilleux aussi loin qu'il pouvoit aller. Non - seulement on a voulu que le foetus pût porter les représentations réelles des appétits de sa mere, mais on a encore prétendu, que par une sympathie singuliere, les taches, les excroissances, auxquelles on trouve quelque ressemblance, avec des fruits, par exemple des fraises, des cerises, des mûres, que la mere peut avoir desire de manger, changent de couleur, que leur couleur devient plus foncée dans la saison où les fruits entrent en maturité, & que le volume de ces représentations paroît croître avec eux: mais avec un peu plus d'attention, & moins de prévention, l'on pourroit voir cette couleur, ou le volume des excroissances de la peau, changer bien plus souvent. Ces changemens doivent arriver toutes les fois que le mouvement du sang est accéléré; & cet effet est tout simple. Dans le tems où la chaleur fait mûrir les fruits, ces élévations cutanées sont toujours ou rouges, ou pâles, ou livides, parce que le sang donne ces différentes teintes à la peau, selon qu'il pénetre dans ses vaisseaux, en plus ou moins grande quantité, & que ces mêmes vaisseaux sont plus ou moins condensés, ou relâchés, qu'ils sont plus ou moins grands & nombreux; selon la différente température de l'air, qui affecte la surface du corps, & que le tissu de la peau qui recouvre là tache ou l'excroissance, se trouve plus ou moins compact ou délicat.

Si ces taches ou envies, comme on les appelle, ont pour cause l'appétit de la mere, qui se représente tels ou tels objets, pourquoi, dit M. de Buffon, (Hist. nat. tom. IV. chap. xj) n'ont elles pas des formes & des couleurs aussi variées que les objets de ces appétits? Que de figures singulieres ne verroit - on pas, si les vains desirs de la mere étoient écrits sur la peau de l'enfant!

Comme nos sensations ne ressemblent point aux objets qui les causent, il est impossible que les fantaisies, les craintes, l'aversion, la frayeur, qu'aucune passion en un mot, aucune émotion intérieure puissent produire aucune représentation réelle de ces mêmes objets; encore moins créer en conséquence de ces représentations, ou retrancher - des parties organisées; faculté, qui pouvant s'étendre au tout, seroit malheureusement presqu'aussi souvent employée pour détruire l'individu dans le sein de la mere, pour en faire un sacrifice à l'honneur, c'est - à - dire au préjugé, que pour empêcher toutes conformations défectueuses qu'il pourroit avoir, ou pour lui en procurer de parfaites. D'ailleurs, il ne se feroit presque que des enfans mâles; toutes les femmes, pour la plûpart, sont affectées des idées, des desirs, des objets qui ont rapport à ce sexe.

Mais l'expérience prouvant que l'enfant dans la matrice, est à cet égard aussi indépendant de la mere qui le porte, que l'oeuf l'est de la poule qui le couve, on peut croire tout aussi volontiers, ou tout aussi peu, que l'imagination d'une poule qui voit tordre le cou à un coq, produira dans les oeufs qu'elle ne fait qu'échauffer, des poulets qui auront le cou tordu; que l'on peut croire la force de l'imagination de cette femme, qui ayant vu rompre les membres à un criminel, mit au monde un enfant, dont par hazard les membres se trouverent conformés de maniere qu'ils paroissoient rompus.

Cet exemple qui en a tant imposé au P. Mallebranche, prouve très - peu en faveur du pouvoir de l'imagination, dans le cas dont il s'agit; 1°. parce que le fait est équivoque; 2°. parce qu'on ne peut comprendre raisonnablement qu'il y ait aucune maniere, dont le principe prétendu ait pu produire un pareil phénomene. Soit qu'on veuille l'attribuer à des influences physiques, soit qu'on ait recours à des moyens méchaniques; il est impossible de s'en rendre raison d'une maniere satisfaisante. Puisque le cours des esprits dans le cerveau de la mere, n'a point de communication immédiate qui puisse en conserver la modification ju qu'au cerveau de l'enfant; & quand même on conviendroit de cette communication, pourroit on bien expliquer comment elle seroit propre à produire sur les membres du foetus les effets dont il s'agit? L'action des muscles de la mere mis en convulsion par la frayeur, l'horreur, ou toute autre cause, peut - elle aussi jamais produire sur le corps de l'enfant renferme dans la matrice, des effets assez déterminés, pour opérer des solutions de continuité, plus précisement dans certaines parties des os que dans d'autres, & dans des os qui sont de nature alors à plier, à se courber, plûtôt qu'à se rompre? Peut - on concevoir que de pareils efforts méchaniques, qui portent sur le foetus, puissent produire aucune autre sorte d'altération, qui puissent changer la structure de certains organes, préfér ablement à tous autres?

On ne peut donc donner quelque fondement à l'explication du phénomène de l'enfant rompu; explication d'ailleurs, qu'il est toujours téméraire d'entreprendre à l'égard d'un fait extraordinaire, incertain, ou au moins dont on ne connoît pas bien les circonstances, qu'en supposant quelque vice de conformation, qui auroit subsisté indépendamment du spectacle de la roue, avec lequel il a seulement concouru, en donnant lieu de dire très mal - à - propos, post hoc, ergo propter hoc. L'enfant rachitique, dont on voit le squelette au cabinet d'histoire naturelle du jardin du Roi, a les os des bras & des jambes marqués par des calus, dans le milieu de leur longueur, à l'inspection desquels on ne peut guere douter que cet enfant n'ait eu les os des quatre membres rompus, pendant qu'il étoit dans le sein de sa mere, sans qu'il soit fait mention qu'elle ait été spectatrice du supplice de la roue, qu ils se sont réunis ensuite, & ont formé calus.

Les choses les plus extraordinaires, & qui arrivent rarement, dit M. de Buffon, loco citato, arrivent cependant aussi nécessairement que les choses [p. 564] ordinaires, & qui arrivent très - souvent. Dans le nombre infini de combinaisons que peut prendre la matiere, les arrangemens les plus singuliers doivent se trouver, & se trouvent en effet, mais beaucoup plus rarement que les autres; dès - lors on peut parier que sur un million d'enfans, par exemple, qui viennent au monde, il en naîtra un avec deux têtes, ou avec quatre jambes, ou avec des membres qui paroîtront rompus; ou avec telle autre difformité ou monstruosité particuliere, qu'on voudra supposer. Il se peut donc naturellement, & sans qu'on doive l'attribuer à l'imagination de la mere, qu'il soit né un enfant avec les apparences de membres rompus, qu'il en soit né plusieurs ainsi, sans que les meres eussent assisté au spectacle de la roue; tout comme il a pu arriver naturellement qu'une mere, dont l'enfant étoit formé avec cette défectuosité, l'ait mis au monde après avoir vu ce spectacle dans le cours de sa grossesse; ensorte que cette défectuosité n'ait jamais été remarquée comme une chose singuliere, que dans le cas du concours des deux événemens.

C'est ainsi qu'il arrive journellement qu'il naît des enfans avec des difformités sur la peau, ou dans d'autres parties, que l'on ne fait observer qu'autant qu'elles ont ou que l'on croit y voir quelque rapport avec quelque vive affection qu'a éprouvée la mere pendant qu'elle portoit l'enfant dans son sein. Mais il arrive plus souvent encore que les femmes qui croyent devoir mettre au monde des enfans marqués, conséquemment aux idées, aux envies, dont leur imagination a été frappée pendant leur grossesse, les mettent au monde sans aucune marque, qui ait rapport aux objets de ces affections, ce qui reste sous silence mille fois pour une; ou le concours se trouve entre le souvenir de quelque fantaisie qui a précédé, & quelque défectuosité qui a, ou pour mieux dire, en qui on trouve quelque rapport avec l'idée dont la mere a été frappée. Ce n'est point une imagination agissante qui a produit les variétés que l'on voit dans les pierres figurées, les agathes, les dendrites; elles ont été formées par l'épanchement d'un suc hétérogène, qui s'est insinué dans les diverses parties de la pierre: selon qu'il a trouvé plus de facilité à couler vers une partie, que vers une autre; vers quelques points de cette partie, plutôt que vers quelques autres, sa trace a formé différentes figures. Or, cette distribution dépendant de l'arrangement des parties de la pierre, arrangement qu'aucune cause libre n'a pu diriger, & qui a pu varier; la route de l'épanchement de ce suc, & l'effet qui en a résulté, sont donc un pur effet du hasard. Voyez Hasard.

Si un pareil principe peut occasionner dans ces corps des ressemblances assez parfaites avec des objets connus, qui n'ont cependant aucun rapport avec eux, il n'y a aucun inconvénient à attribuer à cette cause aveugle, les figures extraordinaires que l'on voit sur les corps des enfans. Il est prouvé que l'imagination ne peut rien y tracer; par conséquent que les figures défectueuses ou monstrueuses qui s'y rencontrent, dépendent de l'effort des parties fluides, & des résistances ou des relâchemens particuliers dans les solides. Ces circonstances n'ayant pas plus de disposition à être déterminées par une cause libre, que celles qui produisent des irrégularités, des défectuosités, des monstruosités dans les bêtes, dans les plantes, les arbres; elles ont pu varier à l'infini, & conséquemment faire varier les figures qui en sont la suite. Si elles semblent représenter une groseille plutôt qu'un oeillet, ce n'est donc que l'effet du hasard. Un événement qui dépend du hasard, ne peut être prévu, ni prédit; & la rencontre d'un pareil événement avec la prédiction (ce qui est aussi rare, qu'il est commun d'être trompé à cet égard), quelque par<cb-> faite qu'on puisse la supposer, ne pourra jamais être regardée que comme un second effet du hasard.

Mais, c'est assez s'arrêter sur les effets, dont la seule crédulité a fait des sujets d'étonnement. On peut prédire, d'après l'illustre auteur de l'histoire naturelle, que malgré les progrès de la Philosophie, & souvent même en dépit du bon sens, les faits dont il s'agit, ainsi que beaucoup d'autres, resteront vrais pour bien des gens, quant aux conséquences que l'on en tire. Les préjugés, sur - tout ceux qui sont fondés sur le merveilleux, triompheront toujours des lumieres de la raison; & l'on seroit bien peu philoso phe, si l'on en étoit surpris.

Comme il est souvent question dans le monde des marques des enfans, & que dans le monde les raisons générales & philosophiques font moins d'effet qu'une historiete; il ne faut pas compter qu'on puisse jamais persuader aux femmes, que les marques de leurs enfans n'ont aucun rapport avec les idées, les fantaisies dont elles ont été frappées, les envies qu'elles n'ont pû satisfaire. Cependant ne pourroit - on pas leur demander, avant la naissance de l'enfant, quels ont été les objets de ces idées, de ces fantaisies, de ces envies souvent aussi respectées qu'elles sont impérieuses, & que l'on les croit importantes, & quelles devront être par conséquent les marques que leur enfant doit avoir. Quand il est arrivé quelquefois de faire cette question, on a fâché les gens sans les avoir convaincus.

Mais cependant, comme le préjugé à cet égard, est tres - préjudiciable au repos & à la santé des femmes enceintes, quelques savans ont cru devoir entreprendre de le détruire. On a une dissertation du docteur Blondel, en forme de lettres, à Paris, chez Guérin, 1745. traduite de l'anglois en notre langue, qui renferme des choses intéressantes sur ce sujet. Mais cet auteur nie presque tous les faits qui semblent favorables à l'opinion qu'il combat. Il peut bien être prouvé, qu'ils ne dépendent pas du pouvoir de l'imagination; mais la plûpart sont des faits certains. Ils serviront toujours à fortifier la façon de penser reçue, jusqu'à ce que l'on ait fait connoître, que l'on ait pour ainsi dire démontré qu'ils ne doivent pas être attribués à cette cause.

Les mémoires de l'académie des Sciences renferment plusieurs dissertations sur le même sujet, qui sont dignes sans doute de leurs savans auteurs, & du corps illustre qui les a publiés; mais, comme on y suppose toujours certains principes connus des seuls physiciens, elles paroissent peu faites pour ceux qui ignorent ces principes. Les ouvrages philosophiques destinés à l'instruction du vulgaire, & des dames surtout, doivent être traités différemment d'une dissertation, & tels que legat ipsa Lycoris. C'est à quoi paroît avoir eu égard l'auteur des lettres, qui vien nent d'être citées, dans lesquelles la matiere paroît être très - bien discutée, & d'une maniere qui la met à la portée de tout le monde; ce qui est d'autant plus louable, qu'il n'est personne effectivement qui ne soit intéressé à acquérir des lumieres sur ce sujet, que l'on trouve aussi très - bien traité dans les commentaires sur les institutions de Boerrhaave, § 694. & dans les notes de Haller, ibid. où se trouvent cités tous les auteurs qui ont écrit & rapporté des observations sur les effets attribués à l'imagination des femmes enceintes. Voyez Envie, Monstre.

Imagination (Page 8:564)

Imagination, maladies de l', voyez Passion de l'Ame, Mélancholie, Délire.

IMAL (Page 8:564)

IMAL, s. m. (Comm.) mesure des grains dont on se sert à Nancy. La carte fait deux imaux, & quatre cartes le réal, qui contient quinze boisseaux mesure de Paris; ce qui s'entend de l'avoine. Voyez Boisseau. Dict. de comm.

IMAM ou IMAN (Page 8:564)

IMAM ou IMAN, s. m. (Hist. mod.) ministres de

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