ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"672"> pour cela qu'il avoit fourni aux frais de son éducation: mais on le soupçonna de pencher pour la confession d'Ausbourg; peut - être n'étoit - il pour aucun parti: de quelque religion qu'il fût, cela ne fait rien à la Philosophie. Voilà pourquoi nous ne discutons pas cet article exactement. Après avoir prosessé longtems la Medecine à Bâle, il passa à Strasbourg; & de cette ville, il revint à Bâle pour y être professeur de Morale. De - là il repassa en Allemagne où il s'acquit une grande réputation: son école étoit remplie de Barons & de Comtes, qui venoient l'entendre. Il etoit si desintéressé, qu'avec toute cette réputation & ce concours pour l'écouter, il ne devint pas riche. Il mourut de la peste, âgé de cinquante - neuf ans. Ce fut un des premiers hommes de son tems; car il osa penser seul, & il ne se laissa jamais gouverner par l'autorité: on découvre par tous ses écrits une certaine hardiesse dans ses pensées & dans ses opinions. Jamais personne n'a mieux saisi une difficulté, & ne s'en est mieux servi contre ses adversaires, qui communément ne pouvoient pas tenir contre lui. Il fut grand ennemi de la philosophie de Caesalpin: on découvre dans tous ses écrits qu'il étoit fort content de ce qu'il faisoit; l'amour propre s'y montre un peu trop à découvert, & on y apperçoit quelquefois une présomption insupportable. Il regardoit du haut de son esprit tous les philosophes qui l'avoient précédé, si on en excepte Aristote & quelques anciens. Il examina la philosophie d'Aristote, & il y apperçut plusieurs erreurs; il eut le courage de les rejetter, & assez d'esprit pour le faire avec succès. Il est beau de lui entendre dire dans la préface de la méthode de la Medecine de prédiction, car tel est le titre du livre: « Je m'attache à venger la doctrine de Jesus - Christ, & je n'accorde à Aristote rien de ce que Jesus - Christ paroît lui refuser: je n'examine pas même ce qui est contraire à l'Evangile, parce qu'avant tout examen, je suis assûré que cela est faux ». Tous les philosophes devroient avoir dans l'esprit que leur philosophie ne doit point être opposée à la religion; toute leur raison doit s'y briser, parce que c'est un édifice appuyé sur l'immuable vérité. Il faut avoüer qu'il est difficile de saisir son système philosophique. le sai seulement qu'il méprisoit beaucoup tous les commentateurs d'Aristote, & qu'il avoue que la philosophie péripatéticienne lui plaisoit beaucoup, mais corrigée & rendue conforme à l'Evangile; c'est pourquoi je ne crois pas qu'on doive l'effacer du catalogue des Péripatéticiens, quoiqu'il l'ait réformée en plusieurs endroits. Un esprit aussi hardi que le sien ne pouvoit manquer de laisser échapper quelques paradoxes: ses adversaires s'en sont servis pour prouver qu'il étoit athée: mais en vérité, le respect qu'il témoigne par - tout à la religion, & qui certainement n'étoit point simulé, doit le mettre à l'abri d'une pareille accusation. Il ne prévoyoit pas qu'on pût tirer de pareilles conséquences des principes qu'il avançoit; car je suis persuadé qu'il les auroit retractés, ou les auroit expliqués de façon à satisfaire tout le monde. Je crois qu'on doit être fort reservé sur l'accusation d'athéïsme; & on ne doit jamais conclurre sur quelques propositions hasardées, qu'un homme est athée: il faut consulter tous ses ouvrages; & l'on peut assûrer que s'il l'est réellement, son impiété se fera sentir par tout.

Michel Piccart brilloit vers le tems de Nicolas Taureill; il professa de bonne heure la Logique, & s'y distingua beaucoup; il suivit le torrent, & fut péripatéticien. On lui confia après ses premiers essais, la chaire de Méthaphysique & de Poësie, cela paroit assez disparat, & je n'augure guere bien d'un tems où on donne une chaire pour la poësie à un Péripatéticien: mais enfin il étoit peut - être le meilleur dans ce tems - là, & il n'y a rien à dire, lorsqu'on vaut mieux que tous ceux de son tems. Je ne comprends pas comment dans un siecle où on payoit si bien les savans, Piccart fût si pauvre; car il luta toute sa vie contre la pauvreté; & il fit bien connoître par sa conduite que la philosophie de son coeur & de son esprit valoit mieux que celle qu'il dictoit dans les écoles. Il fit un grand nombre d'ouvrages, & tous fort estimés de son vivant. Nous avons de lui cinquante & une dissertations, où il fait connoître qu'il possédoit Aristote supérieurement. Il fit aussi le manuel de la philosophie d'Aristote, qui eut beaucoup de cours: la réputation de Piccart subsiste encore; &, ce qui ne peut guere se dire des ouvrages de ce tems - là, on trouve à profiter dans les siens.

Corneille Martini naquit à Anvers; il y fit ses études, & avec tant de distinction, qu'on l'attira immédiatement après à Amsterdam, pour y professer la Philosophie. Il étoit subtil, capable d'embarrasser un homme d'esprit, & se tiroit aisément de tout en bon Péripatéticien. Le duc de Brunswic jetta les yeux sur lui, pour l'envoyer au colloque de Ratisbone. Gretzer qui étoit aussi député à ce colloque pour le parti des Protestans, trouva mauvais qu'on lui associât un professeur de Philosophie, dans une dispute où on ne devoit agiter que des questions de Théologie; c'est ce qui lui fit dire lorsqu'il vit Martini dans l'assemblée, quid Saül inter prophetas quoerit? A quoi Martini répondit, asinam patris sui. Dans la suite Martini fit bien connoître que Gretzer avoit eu tort de se plaindre d'un tel second. Il fut très - zélé pour la philosophie d'Aristote; il travailla toute sa vie à la défendre contre les assauts qu'on commençoit déjà à lui livrer. C'est ce qui lui fit prendre les armes contre les partisans de Ramus; & on peut dire que ce n'est que par des efforts redoublés que le Péripatétisme se soûtint. Il étoit prêt à disputer contre tout le monde: jamais de sa vie il n'a refusé un cartel philosophique. Il mourut âgé de cinquante - quatre ans, un peu martyr du Péripatétisme; car il avoit altéré sa santé, soit par le travail opiniâtre pour défendre son cher maître, soit par ses disputes de vive voix, qui infailliblement userent sa poitrine. Nous avons de lui l'Analyse logique, & le commentaire logique contre les Ramistes, un système de Philosophie morale & de Méthaphysique. Je ne fais point ici mention de ses différens écrits sur la Théologie, parce que je ne parle que de ce qui regarde la Philosophie.

Hermannus Corringius est un des plus savans hommes que l'Allemagne ait produits. On pourroit le loüer par plusieurs endroits: mais je m'en tiendrai à ce qui regarde la Philosophie; il s'y distingua si fort, qu'on ne peut se dispenser d'en faire mention avec éloge dans cette histoire. Le duc Ulric de Brunswic le fit professeur dans son université; il vint dans un mauvais tems, les guerres désoloient toute l'Europe: ce fléau affligeoit toutes les différentes nations; il est difficile avec de tels troubles de donner à l'étude le tems qui est nécessaire pour devenir savant. Il trouva pourtant le moyen de devenir un des plus savans hommes qui ayent jamais paru. Le plus grand éloge que j'en puisse faire, c'est de dire qu'il fut écrit par M. Colbert sur le catalogue des savans que Louis le Grand récompensa. Ce grand Roi lui témoigna par ses largesses au fond de l'Allemagne le cas qu'il faisoit de son mérite. Il fut Péripatéticien, & se plaint lui - même que le respect qu'il avoit pour ce que ses maîtres lui avoient appris, alloit un peu trop loin. Ce n'est pas qu'il n'osât examiner les opinions d'Aristote: mais le préjugé se mettant toûjours de la partie, ces sortes d'examens ne le conduisoient pas à de nouvelles découvertes. Il pensoit sur Aristote, & sur la façon dont il falloit l'étudier, comme Mélancthon. Voici comme il parle des ouvrages d'Aristote: « Il manque beaucoup de choses dans la Philosophie [p. 673] morale d'Aristote que j'y desirerois; par exemple, tout ce qui regarde le droit naturel, & que je crois devoir être traité dans la Morale, puisque c'est sur le droit naturel que toute la Morale est appuyée. Sa méthode me paroît mauvaise, & ses argumens foibles. » Il étoit difficile en effet qu'il pût donner une bonne morale, puisqu'il nioit la Providence, l'immortalité de l'ame, & par conséquent un état à venir où on punit le vice & où on récompense la vertu. Quelles vertus veut - on admettre en niant les premieres vérités? Pourquoi donc ne chercherois - je pas à être heureux dans ce mondeci, puisqu'il n'y a rien à espérer pour moi dans l'autre? Dans les principes d'Aristote, un homme qui se sacrifie pour la patrie, est fou. L'amour de soi - même est avant l'amour de la patrie; & on ne place ordinairement l'amour de la patrie avant l'amour de soi - même, que parce qu'on est persuadé que la présérence qu'on donne à l'intérêt de la patrie sur le sien est récompensée. Si je meurs pour la patrie, & que tout meure avec moi, n'est - ce pas la plus grande de toutes les folies? Quiconque pensera autrement, sera plus attention aux grands mots de patrie, qu'à la réasité des choses. Corringius s'éleva pourtant un peu trop contre Descartes: il ne voyoit rien dans la Physique de raisonnable, & celle d'Aristote le satisfaisoit. Que ne peut pas le préjugé sur l'esprit? Il n'approuvo Descartes qu'en ce qu'il rejettoit les formes substantielles. Les Allemands ne pouvoient pas encore s'accoutumer aux nouvelles idées de Descartes; ils ressembloient à des gens qui ont eu les yeux bandés pendant long - tems, & auxquels on ôe le bandeau: leurs premieres démarches font timides; ils reent de s'appuyer sur la terre qu'ils découvrent; & tel aveugle qui dans une heure traverse tout Paris, seroit peut - etre plus d'un jour à faire le même chemin si on lui rendoit la vûe tout - d'n - coup. Corringius mourut, & le Péripatétisme expira presque avec lui. Depuis il ne fit que languir, parce que ceux qui vinrent après, & qui le détendirent, ne pouvoient être de grands hommes: il y avoit alors trop de lumiere pour qu'un homme d'esprit pût s'égarer. Voilà à peu - près le commencement, les progrès & la fin du Péripatétisme. Je ne pense pas qu'on s'imagine que j'aye prétendu nommer tous ceux qui se sont distingués dans cette secte: il faudroit des volumes immenses pour cela; parce qu'autrefois, pour être un homme distingué dans son siecle, il falloit se signaler dans quelque secte de Philosophie; & tout le monde sait que le Péripatétisme a long - tems dominé. Si un homme passoit pour avoir du mérite, on commençoit par lui proposer quelqu'argument, in barocho tres - souvent, afin de juger si sa réputation étoit bien fondée. Si Racine & Corneille étoient venus dans ce tems - là, comme on n'auroit trouvé aucun ergo dans leurs tragédies, ils auroient passé pour des ignorans, & par conséquent pour des hommes de peu d'esprit. Heureux notre siecle de penser autrement!

ARITHMANCIE, ou ARITHMOMANCIE (Page 1:673)

ARITHMANCIE, ou ARITHMOMANCIE, s. f. divination ou maniere de connoitre & de prédire l'avenir par le moyen des nombres. Ce mot est formé du Grec A'RIQMO, nombre, & de MANTEIA, divination. Delrio en distingue de deux sortes; l'une en usage chez les Grecs, qui considéroient le nombre & la valeur des lettres dans les noms de deux combattans, par exemple, & en auguroient que celui dont le nom renfermoit un plus grand nombre de lettres, & d'une plus grande valeur que celles qui composoient le nom de son adversaire, remporteroit la victoire; c'est pour cela disoient - ils, qu'Hector devoit être vaincu par Achille. L'autre espece étoit connue des Chaldéens, qui partageoient leur alphabet en trois décades, en répétant quelques lettres, chan<cb-> geoient en lettres numérales les lettres des noms de ceux qui les consultoient, & rapportoient chaque nombre à quelque planete, de laquelle ils tiroient des présages.

La cabale des Juifs modernes est une espece d'arithmancie, au moins la divisent - ils en deux parties, qu'ils appellent théomancie & arithmancie.

L'évangéliste S. Jean, dans le chap. xiij. de l'Apocalypse, marque le nom de l'Antechrist par le nombre 666. passage dont l'intelligence a beaucoup exercé les commentateurs. C'est une prophétie enveloppée sous des nombres mystérieux, qui n'autorise nullement l'espece de divination dont il s'agit dans cet article. Les Platoniciens & les Pythagoriciens étoient fort adonnés à l'arithmancie. Delrio, Disquisit. Magicar. lib. IV. cap. ij. quoest. 7. sect. 4. pag. 565. & 566. (G)

ARITHMETICIEN (Page 1:673)

ARITHMETICIEN, s. m. se dit en général d'une personne qui sait l'Arithmétique, & plus communément d'une personne qui l'enseigne. Voyez Arithmétique. Il y a des experts jurés écrivains Arithméticiens. Voyez Expert, Juré, &c. (E)

ARITHMÉTIQUE (Page 1:673)

ARITHMÉTIQUE, s. f. (Ordre encycl. Entend. Raison, Philos. ou Science, Science de la nat. ou des êtres, de leurs qualités abstraites, de la quantité, ou Mathémat. Math. pures, Arithmétique.) Ce mot vient du Grec A'RIQMO, nombre. C'est l'art de nombrer, ou cette partie des Mathématiques qui considere les propriétés des nombres. On y apprend à calculer exactement, facilement, promptement. Voyez Nombre, Mathématiques, Calcul

Quelques auteurs définissent l'Arithmétique la science de la quantité discrete. Voyez Discret & Quantité.

Les quatre grandes regles ou opérations, appellées l'addition, la soustraction, la multiplication, & la division, composent proprement toute l'Arithmétique. Voyez Addition. &c.

Il est vrai que pour faciliter & expédier rapidement des calculs de commerce, des calculs astronomiques, &c. on a inventé d'autres regles fort utiles, telles que les regles de proportion, d'alliage, de fausse position, de compagnie, d'extraction de racines, de progression, de change, de troc, d'excompte, de réduction ou de rabais, &c. mais en faisant usage de ces regles, on s'apperçoit que ce sont seulement différentes applications des quatres regles principales. Voyez Regle. Voyez aussi Proportion, Alliage, &c.

Nous n'avons rien de bien certain sur l'origine & l'invention de l'Arühmétique: mais ce n'est pas trop risquer que de l'attribuer à la premiere société qui a eu lieu parmi les hommes, quoique l'histoire n'en fixe ni l'auteur ni le tems. On conçoit clairement qu'il a fallu s'appliquer à l'art de compter, dès que l'on a été nécessité à faire des partages, & à les combiner de mille différentes manieres. Ainsi comme les Tyriens passent pour être les premiers commerçans de tous les peuples anciens, plusieurs Auteurs croyent qu'on doit l'Arithmétique à cette nation. Voyez Commerce.

Josephe assûre que par le moyen d'Abraham l'Arithmétique passa d'Asie en Egypte, où elle fut extrèmement cultivée & perfectionnée; d'autant plus que la Philosophie & la Théologie des Egyptiens rouloient entierement sur les nombres. C'est de - là que nous viennent toutes ces merveilles qu'ils nous rapportent de l'unité, du nombre trois; des nombres quatre, sept, dix. Voy. Unité, &c.

En effet, Kircher fait voir, dans son OEdip. AE gypt. tom. II. p. 2. que les Egyptiens expliquoient tout par des nombres. Pythagore lui - même assûre que la nature des nombres est répandue dans tout l'univers, & que la connoissance des nombres conduit à

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