ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"401"> mains ont tellement affecté le discours figuré, qu'ils ne parlent presque jamais autrement ».

C'est encore le même langage chez l'auteur du Manuel des Grammairiens. « L'hyperbate se fait, ditil, lorsque l'ordre naturel n'est pas gardé dans l'arrangement des mots: ce qui est si ordinaire aux Latins, qu'ils ne parlent presque jamais autrement; comme Catonis constantiam admirati sunt omnes. Voilà une hyperbate, parce que l'ordre naturel demanderoit qu'on dît, omnes sunt admirati constantiam Catonis. Cela est si ordinaire, qu'il ne passe pas pour figure, mais pour une propriété de la langue latine. Mais il y a plusieurs especes d'hyperbate qui sont de véritables figures de Grammaire ». Part. I. chap. xiv. n. 8.

Tous ces auteurs confondent deux choses que j'ai lieu de croire très - différentes & très - distinctes l'une de l'autre, l'inversion & l'hyperbate. Voyez Inversion.

Il y a en effet, dans l'une comme dans l'autre, un véritable renversement d'ordre; & à partir de ce point de vûe général, on a pu aisément s'y méprendre: mais il falloit prendre garde si les deux cas avoient rapport au même ordre, ou s'ils présentoient la même espece de renversement. Quintilien (Inst. Lib. VIII. Cap. vj. de tropis,) nous fournit un motif légitime d'en douter: il cite, comme un exemple d'hyperbate, cette phrase de Cicéron (pro Cluent. n. 1.) Animadverti, judices, omnem accusatoris orationem in duas divisam esse partes; & il indique aussitôt le tour qui auroit été sans figure & conforme à l'ordre requis; nam in duas partes divisam esse rectum erat, sed durum & incomptum.

Personne apparemment ne disputera à Quintilien d'avoir été plus à portée qu'aucun des modernes, de distinguer les locutions figurées d'avec les simples dans sa langue naturelle; & quand le jugement qu'il en porte, n'auroit eu pour fondement que le sentiment exquis que donne l'habitude à un esprit éclairé & juste, sans aucune réflexion immédiate sur la nature même de la figure, son autorité seroit ici une raison, & peut - être la meilleure espece de raison sur l'usage d'une langue, que nous ne devons plus connoître que par le témoignage de ceux qui la parloient. Or, le tour que Quintilien appelle ici rectum, par opposition à celui qu'il avoit nommé auparavant U(PE/RBATON, est encore un renversement de l'ordre naturel ou analytique; en un mot, il y a encore inversion dans in duas partes divisam esse, & le rhéteur romain nous assure qu'il n'y a plus d'hyperbate. C'est donc une nécessité de conclure, que l'inversion est le renversement d'un autre ordre, ou un autre renversement d'un certain ordre, & l'hyperbate, le renversement du même ordre. L'auteur du Manuel des grammairiens n'étoit pas éloigné de cette conclusion, puisqu'il trouvoit des hyperbates qui ne passent pas pour figures, & d'autres, dit - il, qui sont de veritables figures de Grammaire.

Il s'agit donc de déterminer ici la vraie nature de l'hyperbate, & d'assigner les caracteres qui le différencient de l'inversion; & pour y parvenir, je crois qu'il n'y a pas de moyen plus assuré que de parcourir les différentes especes d'hyperbate, qui sont reconnues pour de véritables figures de Grammaire.

1°. La premiere espece est appellée anastrophe, c'est - à - dire proprement inversion, du grec 'ANAS2QROFH(/: racine A)NA, in & S2QROFH, versio. Mais l'inversion dont il s'agit ici n'est point celle de toute la phrase, elle ne regarde que l'ordre naturel qui doit être entre deux mots correlatifs, comme entre une préposition & son complément, entre un adverbe comparatif & la conjonction subséquente: ce sont les seuls cas indiqués par les exemples que les Grammairiens ont coutume de donner de l'anastrophe. Cette figure a donc lieu, lorsque le complément précede la préposiition, mecum, tecum, vobiscum, quocum, au lieu de cum te, cum me, cum vobis, cum quo; maria omnia circum, au lieu de circum omnia maria; Italiam contrà, pour contrà Italiam; quâ de re, pour de quâ re: c'est la même chose lorsque la conjonction comparative précede l'adverbe, comme quand Properce a dit, Quàm priùs abjunctos sedula lavit equos.

L'anastrophe est donc une véritable inversion; mais qui avoit droit en latin d'être réputée figure, parce qu'elle étoit contraire à l'usage commun de cette langue, où l'on avoit coutume de mettre la préposition avant son complément, conformément à ce qui est indiqué par le nom même de cette partie d'oraison.

Ainsi la différence de l'inversion & de l'anastrophe est, en ce que l'inversion est un renversement de l'ordre naturel ou analytique, autorisè par l'usage commun de la langue latine, & que l'anastrophe est un renversement du même ordre, contraire à l'usage commun & autorisé seulement dans certains cas particuliers.

2°. La seconde espece d'hyperbate est nommée tmesis ou tmèse, du grec TMHSIS2, sectio, coupure. Cette figure a lieu, lorsque par une licence que l'usage approuve dans quelques occasions, l'on coupe en deux parties un mot composé de deux racines élémentaires, réunies par l'usage commun, comme satis mihi fecit, pour mihi satisfecit; reique publicoe curam deposuit, pour & reipublicoe curam deposuit; septem subjecta trioni (Géorg. iij. 381) au lieu de subjecta septem trioni. On trouve assez d'exemples de la tmèse dans Horace, & dans les meilleurs écrivains du bon siecle.

Les droits de l'inversion n'alloient pas jusqu'à autoriser cette insertion d'un mot entre les racines élémentaires d'un mot composé. Ce n'est pas même ici proprement un renversement d'ordre; & si c'est en cela que doit consister la nature générale de l'hyperbate, les Grammairiens n'ont pas dû regarder la tmèse comme en étant une espece. La tmèse n'est qu'une figure de diction, puisqu'elle ne tombe que sur le matériel d'un mot qui est coupé en deux; & le nom même de tmèse ou coupure, avertissoit assez qu'il étoit question du matériel d'un seul mot, pour empêcher qu'on ne rapportât cette figure à la construction de la phrase.

3°. La troisieme espece d'hyperbate prend le nom de parenthèse, du mot grec PARENQESI/S2, interpositio, racines W=ARA\, inter, E)N, in, & *QE/SIS2, positio, dérivé de TITHMI, pono. Les deux prépositions élémentaires servent à indiquer avec plus d'énergie la nature de la chose nommée. Il y a en effet parenthèse, lorsqu'un sens complet est isolé & inséré dans un autre dont il interrompt la suite; ainsi il y a parenthèse dans ce vers de Virgile, Ecl. iv. 23.

Titire, dum redeo (brevis est via), pasce capellas.

Les bons écrivains évitent autant qu'ils peuvent l'usage de cette figure, parce qu'elle peut répandre quelque obscurité sur le sens qu'elle interrompt; & Quintilien n'approuvoit pas l'usage fréquent que les Orateurs & les Historiens en faisoient de son tems avant lui, à moins que le sens détaché mis en parenthèse ne fût très - court. Etiam interjectione, quâ & Oratores & Historici frequenter utuntur, ut medio sermone aliquem inserant sensum, impediri solet intellectus, nisi quod interponitur breve est. (liv. VIII. cap. ij.)

La quatrieme espece d'hyperbate s'appelle synchise, mot purement grec SWGHUSIS2, confusion; TUGKOW, confundo; racine SON, cum avec, & KUW, fundo, je répans. Il y asynchyse quand les mots d'une phrase sont mêlés ensemble sans aucun égard, ni à l'ordre [p. 402] de la construction analytique, ni à la corrélation mutuelle de ces mots: ainsi il y a synchyse dans ce vers de Virgile, Ecl. VII. 57.

Aret ager: vitio moriens sitit aëris herba; car les deux mots vitio, par exemple, & aëris qui sont corrélatifs, sont séparés par deux autres mots qui n'ont aucun trait à cette corrélation, moriens sitit; le mot aëris à son tour n'en a pas davantage à la corrélation des mots sitit & herba entre lesquels il est placé: l'ordre étoit, herba moriens (proe) vitio aëris sitit.

5°. Enfin, il y a une cinquieme espece d'hyperbate que l'on nomme anacoluthe, & qui se fait, selon la Méthode latine de Port - royal, lorsque les choses n'ont presque nulle suite & nulle construction. Il faut avouer que cette définition n'est rien moins que lumineuse; & d'ailleurs elle semble insinuer qu'il n'est pas possible de ramener l'anacoluthe à la construction analytique. M. du Marsais a plus approfondi & mieux défini la nature de ce prétendu hyperbate: « c'est, dit - il, une figure de mots qui est une espece d'ellipse.... par laquelle on sous - entend le corrélatif d'un mot exprimé, ce qui ne doit avoir lieu que lorsque l'ellipse peut être aisément suppléée, & qu'elle ne blesse point l'usage ». Voyez Anacoluthe. Il justifie ensuite cette dési<-> « nition par l'étymologie du mot AKALOUTOS2, comes, compagnon; ensuite on ajoûte l'a privatif, & un v euphonique, pour éviter le baillement entre les deux a; par conséquent l'adjectif anacoluthe signifie qui n'est pas compagnon, ou qui ne se trouve pas dans la compagnie de celui avec lequel l'analogie demanderoit qu'il se trouvât ». Il donne enfin pour exemple ces vers de Virgile, AEn. II. 330.

Portis alii bipatentibus adsunt, Millia quot magnis nunquam venêre Mycenis; où il faut suppléer tot avant quot.

Il y a pareille ellipse dans l'exemple de Térence cité par Port - royal. Nam omnes nos quibus est alicundè aliquis objectus labor, omne quod est intere à tempus, priusquam id rescitum est, lucro est. Si l'on a jugé qu'il n'y avoit nulle construction, c'est qu'on a cru que nos omnes étoient au nominatif, sans être le sujet d'aucun verbe, ce qui seroit en effet violer une loi fondamentale de la syntaxe latine; mais ces mots sont à l'accusatif, comme complément de la préposition sous - entendue ergà: nam ergà omnes nos...omne... tempus.... lucro est...

L'anacoluthe peut donc être ramenée à la construction analytique, comme toute autre ellipse, & conséquemment ce n'est point une hyperbate, c'est une ellipse à laquelle il faut en conserver le nom, sans charger vainement la mémoire de grands mots, moins propres à éclairer l'esprit qu'à l'embarrasser, ou même à le séduire par les fausses apparences d'un savoir pédantesque. Si l'on trouve quelques phrases que l'on ne puisse par aucun moyen ramener aux procédés simples de la construction analytique, disons nettement qu'elles sont vicieuses, & ne nous obstinons pas à retenir un terme spécieux, pour excuser dans les auteurs des choses qui semblent plûtôt s'y être glissées par inadvertence que par raison. Méth. lat. de Port - royal, loc. cit.

Il résulte de tout ce qui précede, que des cinq prétendues especes d'hyperbate, il y en a d'abord deux qui ne doivent point y être comprises, la tmèse & l'anacoluthe; la premiere est, comme je l'ai déjà dit, une véritable figure de diction; la seconde n'est rien autre chose que l'ellipse même.

Il n'en reste donc que trois especes, l'anastrophe, la parenthèse & la synchyse. La premiere est l'inversion du rapport de deux mots autorisée dans quelques cas seulement; la seconde est une interruption dans le sens total, qui ne doit y être introduite que par une urgente nécessité, & n'y être sensible que le moins que l'on peut; la troisieme bien appréciée, me paroît plus près d'être un vice qu'une figure puisqu'elle consiste dans une véritable confusion des parties, & qu'elle n'est propre qu'à jetter de l'obscurité sur le sens dont elle embrouille l'expression. Cependant si la synchyse est légere, comme celle dont Quintilien cite l'exemple, in duas divisam esse partes, pour in duas partes divisam esse; on ne peut pas dire qu'elle soit vicieuse, & l'on peut l'admettre comme une figure. Mais il ne faut jamais oublier que l'on doit beaucoup ménager l'attention de celui à qui l'on parle, non - seulement de maniere qu'il entende, mais même qu'il ne puisse ne pas entendre; non ut intelligere possit, sed ne omnino possit non intelligere. Quintil. lib. VIII. cap. ij.

Or ces trois especes d'hyperbate, telles que je les ai présentées d'après les notions ordinaires, combinées avec les principes immuables de l'art de parler, nous menent à conclure que l'hyperbate en général, est une interruption légere d'un sens total causée ou par une petite inversion qui déroge à l'usage commun, c'est l'anastrophe, ou par l'insertion de quelques mots entre deux corrélatifs, c'est la synchyse; ou enfin par l'insertion d'un petit sens détaché, entre les parties d'un sens principal, & c'est la parenthèse. (E. R. M.)

HYPERBIBASME; (Page 8:402)

HYPERBIBASME; s. m. (Gram.) arrangement de mots qui renverse l'ordre de la construction: Cornelius Nepos nous en fournit un exemple dans sa vie de Chabrias, en ces termes: Athenienses diem certam Chabrioe proestituerumt, quàm antè domum nisi redisset, &c pour antequam. L'hyperbibasme où l'on s'écarte ingénieusement de l'ordre successif de la construction dans les pensées, s'appelle hyperbate dans Longin, & c'est le terme le plus reçu. Voyez Hyperbate & Construction, qui est un des beaux articles de Grammaire de cet Ouvrage. (D. J.)

HYPERBOLE (Page 8:402)

HYPERBOLE, s. f. en Géométrie, c'est une des lignes courbes formées par la section d'un cône. Voyez Conique.

Si le cône A B C (Pl. con. fig. 27.) est coupé de telle sorte, que l'axe de la section D Q étant continué, rencontre le côté du cône A C, prolongé jusqu'en E, la courbe qui naîtra de cette section sera une hyperbole.

Quelques auteurs définissent l'hyperbole une section du cône par un plan parallele à son axe; mais cette définition est défectueuse. Car bien qu'il soit vrai qu'une pareille section forme réellement une hyperbole, néanmoins il est vrai aussi qu'il peut s'en former une infinité d'autres, dont le plan ne sera point parallele à l'axe, & qui ne sont point comprises dans la définition.

Les auteurs appellent quelquefois le plan terminé par cette courbe, une hyperbole, & la courbe même ligne hyperbolique.

On peut définir l'hyperbole une ligne courbe, dans laquelle le quarré de la demi - ordonnée est au rectangle de l'abscisse, par une ligne droite composée de la même abscisse, & d'une ligne droite donnée, qu'on appelle l'axe transverse, comme une autre ligne droite donnée, appellée le parametre de l'axe, est à l'axe transverse; (ou bien en nommant y l'ordonnée, x l'abscisse à l'axe transverse, & b le parametre) c'est une ligne courbe dans laquelle a y2 = a b x + b x x, c'est - à - dire, b:a::y2:a x + x2.

Dans l'hyperbole, une moyenne proportionnelle entre l'axe transverse ou le parametre, est appellée l'axe conjugué; & si l'on coupe l'axe transverse

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