ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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Velox amoenum soepè Lucretilem Mutat Lycoeo Faunus; c'est - à - dire que Faune prend souvent en échange le Lucrétile pour le Lycée; il vient souvent habiter le Lucrétile aupres de la maison de campagne d'Horace, & quitte pour cela le Lycée sa demeure ordinaire. Tel est le sens d'Horace, comme la suite de l'ode le donne nécessairement à entendre. Ce sont les paroles du P. Sanadon, qui trouve dans cette façon de parler (Tom. I. pag. 579.) une vraie hypallage, ou un renversement de construction.

Mais il me paroît que c'est juger du latin par le françois, que de trouver une hypallage dans ces paroles d'Horace, Lucretilem mutat Lycoeo Faunus. On commence par attacher à mutare la même idée que nous attachons à notre verbe changer, donner ce qu'on a pour ce qu'on n'a pas; ensuite, sans avoir égard à la phrase latine, on traduit, Faune change le Lucrétile pour le Lycée; & comme cette expression signifie en françois, que Faune passe du Lucrétile au Lycée, & non du Lycée au Lucrétile, ce qui est pourtant ce qu'on sait bien qu'Horace a voulu dire; on est obligé de recourir à l'hypallage pour sauver le contre - sens que le françois seul présente. Mais le renversement de construction ne doit jamais renverser le sens, comme je viens de le remarquer; c'est la phrase même, & non la suite du discours, qui doit faire entendre la pensée, si ce n'est dans toute son étendue, c'est au moins dans ce qu'elle présente d'abord à l'esprit de ceux qui savent la langue.

Jugeons donc du latin par le latin même, & nous ne trouverons ici ni contre - sens, ni hypallage; nous ne verrons qu'une phrase latine fort ordinaire en prose & en vers.

On dit en latin donare munera alicui, donner des présens à quelqu'un; & l'on dit aussi donare aliquem munere, gratifier quelqu'un d'un présent: on dit également circumdare urbem moenibus, & circumdare moenia urbi. De même on se sert de mutare, soit pour donner, soit pour prendre une chose au lieu d'une autre.

Muto, disent les Etymologistes, vient de motu, mutare quasi motare. (Mart. Lexic. verb. muto.) L'ancienne maniere d'acquérir ce qu'on n'avoit pas, se faisoit par des échanges; delà muto signifie également acheter ou vendre, prendre ou donner quelque chose au lieu d'une autre; emo ou vendo, dit Martinius, & il cite Columelle, qui a dit porcus lacteus oere mutandus est, il faut acheter un cochon de lait.

Ainsi mutat Lucretilem signifie vient prendre, vient posséder, vient habiter le Lucretile; il achete, pour ainsi dire, le Lucrétile pour le Lycée.

M. Dacier, sur ce passage d'Horace, remarque qu'Horace parle souvent de même; & je sais bien, ajoute - t - il, que quelques historiens l'ont imité.

Lorsqu'Ovide fait dire à Médée qu'elle voudroit avoir acheté Jason pour toutes les richesses de l'univers (Met. l. VII. v. 39.), il se sert de mutare:

Quemque ego cùm rebus quas totus possidet orbis AEsoniden mutasse velim: où vous voyez que, comme Horace, Ovide emploie mutare dans le sens d'acquérir ce qu'on n'a pas, de prendre, d'acheter une chose en donnant une autre. Le pere Sanadon remarque (Tom. I. pag. 175.) qu'Horace s'est souvent servi de mutare en ce sens: mutavit lugubre sagum punico (V. od. ix.) pour punicum sagum lugubri: mutet lucana calabris pascuis (V. od. j.) pour calabra pascua lucanis: mutat uvam strigili (II. sat. vij. 110.) pour strigilim uvâ.

L'usage de mutare aliquid aliquâ re dans le sens de prendre en échange, est trop fréquent pour être autre chose qu'une phrase latine; comme donare aliquem aliquâ re, gratifier quelqu'un de quelque chose, & circumdare moenia urbi, donner des murailles à une ville tout au tour, c'est - à - dire, entourer une ville de murailles ».

La regle donnée par M. du Marsais, de juger du latin par le latin même, est très - propre à faire disparoître bien des hypallages. Celle, par exemple, que Servius a cru voir dans ce vers,

Sin nostrum annuerit nobis victoria Martem; n'est rien moins, à mon gré, qu'une hypallage: c'est tout simplement, Sin victoria annuerit nobis Martem esse nostrum, si la victoire nous indique que Mars est à nous, est dans nos intérêts, nous est favorable. Annuere pro affirmare, dit Calepin (verb. annuo); & il cite cette phrase de Plaute (Bacchid.), ego autem venturum annuo.

On peut aussi aisément rendre raison de la phrase de Cicéron, Gladium vaginâ vacuum in urbe non vidimus, nous n'avons point vu dans la ville votre épée dégagée du fourreau. C'est ainsi qu'il faut traduire quantité de passages: vacui curis (Cic.), dégagés de soins; ab isto periculo vacuus (Id.), dégagé, tiré de ce péril. L'adjectif latin vacuus exprimoit une idée très - générale, qui étoit ensuite determinée par les différens complémens qu'on y ajoutoit, ou par la nature même des objets auxquels on l'appliquoit: notre langue a adopté des mots particuliers pour plusieurs de ces idées moins générales; vacua vagina, fourreau vuide; vacuus gladius, épée nue; vacuus animus, esprit libre; &c. C'est que, dans tous ces cas, nous exprimons par le même mot, & l'idée générale de l'adjectif vacuus, & quelque chose de l'idée particuliere qui résulte de l'application: & comme cette idée particuliere varie à chaque cas, nous avons, pour chaque cas, un mot particulier. Ce seroit se tromper que de croire que nous ayons en françois le juste équivalent du vacuus latin; & traduire vacuus par vaide en toute occasion, c'est rendre, par une idée particuliere, une idée très - générale, & pécher contre la saine logique. Cet adjectif n'est pas le seul mot qui puisse occasionner cette espece d'erreur: car, comme l'a très - bien remarqué M. d'Alembert, article Dictionnaire, « il ne faut pas s'imaginer que quand on traduit des mots d'une langue dans l'autre, il soit toujours possible, quelque versé qu'on soit dans les deux langues, d'employer des équivalens exacts & rigoureux; on n'a souvent que des à - peu - près. Plusieurs mots d'une langue n'ont point de correspondans dans une autre; plusieurs n'en ont qu'en apparence, & different par des nuances plus ou moins sensibles des équivalens qu'on croit leur donner ».

Il me semble que c'est encore bien gratuitement que les commentateurs de Virgile ont cru voir une hypallage dans ce vers: Et cùm frigida mors animâ seduxerit artus. C'est la partie la moins considérable qui est séparée de la principale; & Didon envisage ici son ame comme la principale, puisqu'elle compte survivre à cette séparation, & qu'elle se promet de poursuivre ensuite Enée en tous lieux; omnibus umbra locis adero (v. 386.). Elle a donc dû dire, lorsque la mort aura séparé mon corps de mon ame, c'est - à - dire, lorsque mon ame sera dégagée des liens de mon corps. D'ailleurs la séparation des deux êtres qui étoient unis, est respective; le premier est séparé du second, & le second du premier; & l'on peut, sans aucun renversement extraordinaire, les présenter indifféremment sous l'un ou l'autre de ces deux aspects, s'il n'y a, comme ici, un motif de préférence indiqué par la raison, ou suggéré par le goût qui n'est qu'une raison plus fine. [p. 400]

C'est se méprendre pareillement, que de voir une hypallage dans Horace, quand il dit: Pocula lethoeos ut si ducentia somnos arente fauce traxerim: il est aisé de voir que le poëte compare l'état actuel où il se trouve, avec celui d'un homme qui a bu une coupe empoisonnée, un breuvage qui cause un sommeil éternel & semblable au sommeil de ceux qui passent le fleuve Léthé. On peut encore expliquer ce passage plus simplement, en prenant le mot lethoeus dans le sens même de son étymologie LH/TH, oblivio; de - là la désignation latine du prétendu fleuve d'enfer dont on faisoit boire à tous ceux qui mouroient, flumen oblivionis; & par extension, somnus lethoeus, somnus omnium rerum oblivionem pariens, un sommeil qui cause un oubli géneral. Au surplus, c'est le sens qui convient le mieux à la pensée d'Horace, puisqu'il prétend s'excuser de n'avoir pas fini certains vers qu'il avoit promis à Mécene, par l'oubli universel où le jette son amour pour Phryné.

Ibant obscuri solâ sub nocte per umbram. Ce vers de Virgile est aussi sans hypallage. Ibant obscuri, c'est - à - dire, sans pouvoir être vûs, cachés, inconnus: Cicéron a pris dans le même sens à - peu - près le mot obscurus, lorsqu'il a dit (Offic. II.): Qui magna sibi proponunt, obscuris orti majoribus, des ancêtres inconnus: dans cet autre vers de Virgile (AEn. IX. 244.), Vidimus obscuris primam sub vallibus urbem, le mot obscuris est l'équivalent d'absconditis ou de latentibus, selon la remarque de Nonius Marcellus, (cap. IV. de variâ signif. serm. litt. O): & nous - mêmes nous disons en françois une famille obscure pour inconnue. Solâ sub nocte, pendant la nuit seule, c'est - à - dire, qui semble anéantir tous les objets, & qui porte chacun à se croire seul; c'est une métonymie de l'effet pour la cause, semblable à celle d'Horace (1. Od. IV. 13.) pallida mors, à celle de Perse (Prol.) pallidam Pyrenen, &c.

Avec de l'attention sur le vrai sens des mots, sur le véritable tour de la construction analytique, & sur l'usage légitime des figures, l'hypallage va donc disparoître des livres des anciens, ou s'y cantonner dans un très - petit nombre de passages, où il sera peut - être difficile de ne pas l'avoner. Alors même il faut voir s'il n'y a pas un juste fondement d'y soupçonner quelque faute de copiste, & la corriger hardiment plutôt que de laisser subsister une expression totalement contraire aux loix immuables du langage. Mais si enfin l'on est forcé de reconnoître dans quelques phrases l'existence de l'hypallage, il faut la prendre pour ce qu'elle est, & avouer que l'auteur s'est mal expliqué.]

« Les anciens étoient hommes, & par conséquent sujets à faire des fautes comme nous. Il y a de la petitesse & une sorte de fanatisme à recourir aux figures, pour excuser des expressions qu'ils condamneroient eux - mêmes, & que leurs contemporains ont souvent condamnées. L'hypallage ne [doit] pas prêter son nom aux contre sens & aux équivoques; autrement tout seroit confondu, & cette [prétendue] figure deviendroit un azile pour l'erreur & pour l'obscurité ». (B. E. R. M.)

HYPANIS (Page 8:400)

HYPANIS, (Géog. anc.) grand fleuve de la Scythie en Europe; Hérodote même le comptoit autrefois pour le troisieme en ordre après le Danube; son nom moderne est le Boc. (D. J.)

HYPAPANT, ou HYPANT (Page 8:400)

HYPAPANT, ou HYPANT, s. f. (Myth.) est le nom que les Grecs donnent à la fête de la purification de la Vierge, ou présentation de l'enfant - Jesus dans le temple. Voyez Purification. Ces deux mots sont grecs, UPANTH & UPAPANTH, & veulent dire rencontre humble, étant composés de U(W=O\, qui signifie sous, dessous, & ANAW ou APANAW je rencontre, de ANI, contre. Ces dénominations sont prises de la rencontre du vieillard Siméon & d'Anne la prophétesse dans le temple, dans le tems qu'on y porta le sauveur. Dict. de Trév.

HYPATE (Page 8:400)

HYPATE, s. f. (Musiq.) est le nom qu'on donnoit dans l'ancienne musique au tétracorde le plus bas, & à la plus basse corde de chacun des deux plus bas tétracordes.

On appelloit donc tétracorde des hypates, ou tétracorde hypaton, TETRAKORDOS2 U)W=ATW=N, celui qui étoit immédiatement au - dessus de la proslambanomene ou de la plus basse corde du mode, & la premiere corde de ce même tétracorde s'appelloit hypate - hypaton, c'est - à - dire, la plus basse du tétracorde des plus basses. Le tétracorde suivant s'appelloit tétracorde meson ou des moyennes, & la premiere corde de ce tétracorde s'appelloit hypate - meson, c'est - à - dire, la plus basse des moyennes. Voyez Tétracorde, Système, &c.

Nicomaque le Gérasenien prétend que ce mot d'hypate, qui signifie suprème, a été donné à la plus basse des cordes qui forment le diapason, par allusion au mouvement de Saturne qui est de toutes les planetes la plus éloignée de nous.

HYPATOIDES (Page 8:400)

HYPATOIDES, en Musique, sons bas. Voyez Lepsis.

HYPECOON (Page 8:400)

HYPECOON, s. m. (Hist. nat. Bot.) genre de plante à fleur en croix composée de quatre petales découpés, pour l'ordinaire, en trois parties; il sort du calice un pistil qui devient dans la suite un fruit, ou une silique plate & composée de plusieurs noeuds joints les uns avec les autres; elle renferme des semences faites le plus souvent en forme de rein, & renfermées chacune dans un des noeuds de la silique. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez Plante. (I)

HYPÉE (Page 8:400)

HYPÉE, (Géog. anc.) Hypoea, isle de la mer de Marseille; c'est celle des trois Stoechades prétendues, qui est la plus proche de cette ville. Les Stoechades sont Pommegue, Ratenneau & Château d'If. Cette derniere est l'Hypoea des anciens; elle n'a conservé que la premiere syllabe de son nom, en changeant le P en F, changement commun dans notre langue, qui a fait de caput, chef, de colpus, golfe, &c. Voyez If l'isle d'. (D. J.)

HYPERBATE (Page 8:400)

HYPERBATE, s. m. (Gramm.) ce mot est grec; U(PERBATO/N dérivé d'U(PERBAI(NEIN, transgredi: R.R. U(PHR, trans, & BAI/NW, eo. Quintilien a donc eu raison de traduire ce mot dans sa langue par verbi transgressio: & ce que l'on nomme hyperbate consiste en effet dans le déplacement des mots qui composent un discours, dans le transport de ces mots du lieu où ils devroient être en un autre lieu.

« La quatrieme sorte de figure [de construction], c'est l'hyperbate, dit M. du Marsais, c'est - à - dire, confusion, mêlange de mots: c'est lorsque l'on s'écarte de l'ordre successif de la construction simple [ou analytique]: Saxa vocant Itali, mediis, quoe in fluctibus, aras (AEn. I. 113.): la construction est Itali vocant aras (illa) Saxa quoe (sunt) in fluctibus mediis. Cette figure étoit, pour ainsi dire, naturelle au latin; comme il n'y avoit que les terminaisons des mots, qui, dans l'usage ordinaire, fussent les signes des relations que les mots avoient entre eux, les Latins n'avoient égard qu'à ces terminaisons, & ils plaçoient les mots selon qu'ils étoient présentés à l'imagination, ou selon que cet arrangement leur paroissoit produire une cadence & une harmonie plus agréable ». Voyez Construction.

La Méthode latine de P.R. parle de l'hyperbate dans le même sens. « C'est, dit - elle, (des figures de construction, ch. vj.) le mélange & la confusion qui se trouve dans l'ordre des mots qui devroit être commun à toutes les langues, selon l'idée naturelle que nous avons de la construction. Mais les Ro<pb->

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