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Feu Grégeois (Page 6:646)
Feu grégeois signifie feu grec, parce qu'anciennement nous nommions les Grecs Grégeois; que ce furent eux qui s'en servirent les premiers, vers l'an 660, au rapport de Nicétas, Théophane, Cédrenus & autres; & qu'enfin ils furent en possession pendant trois siecles, de brûler par le secret de ce feu, les flottes de leurs ennemis.
L'inventeur du feu grégeois, suivant les historiens du tems, fut un ingénieur d'Héliopolis en Syrie, nommé Callinicus qui l'employa pour la premiere fois dans le combat naval que Constantin Pogonat livra contre les Sarrasins, proche de Cizique sur l'Hellespont. Son effet fut si terrible, ajoûtent les mêmes écrivains, qu'il brûla toute la flotte composée d'une trentaine de mille hommes.
Il est vrai que quelques modernes, & Scaliger entr'autres, donnent une date plus ancienne à cette decouverte, & l'attribuent à Marcus Gracchus: mar, les passages des auteurs grecs & latins qu'on cite pour favoriser cette opinion, n'en prouvent point la vérité.
Ce qu'on sait plus positivement, c'est que les successeurs de Constantin se servirent du feu grégeois en différentes occasions, presqu'avec autant de succès que lui; & ce qu'il y a de remarquable, c'est qu'ils eurent le bonheur de garder pour eux seuls le secret de cette composition, jusque vers milieu du x. siecle, tems auquel il paroît qu'aucun autre peuple ne le savoit encore.
Aussi le feu grégeois fut mis au rang des secrets de l'état par Constantin Porphyrogenete; en conséquence dans son ouvrage dédié à Romain son fils, sur l'administration de l'empire, il l'avertit que lorsque les Barbares lui demanderont du feu grégeois, il doit répondre qu'il ne lui est pas permis de leur en donner, parce qu'un ange qui l'apporta à l'empereur Constantin, défendit de le communiquer aux autres nations, & que ceux qui avoient osé le faire, avoient été dévorés par le feu du ciel, dès qu'ils étoient entrés dans l'église.
Cependant malgré les précautions de Constantin
Porphyrogenete, la composition du feu grégeois vint
à être connue ou découverte par les ennemis. Le P.
Daniel, dans son histoire du siege de Damiette en
1249, sous S. Louis, rapporte que les Turcs en firent
alors un terrible usage. Ils le lançoient, dit - il,
avec un espece de mortier, & quelquefois avec une
sorte d'arbalête singuliere, qui étoit tendue fortement
par le moyen d'une machine, supérieure en
force à celle des bras & des mains. Celui qu'on tiroit
avec un espece de mortier, paroissoit quelquefois
en l'air de la grosseur d'un tonneau, jettant une
longue queue, & faisant un bruit semblable à celui
du tonnerre. Mais voici les propres paroles de Joinville, qui étoit présent.
On croit communément que le feu grégeois brûloit dans l'eau, & même avec plus de violence que dehors, opinion qui est hors de toute vraissemblance. Il est vrai qu'Albert d'Aix (liv. VII. ch. v.), a écrit qu'on ne pouvoit point éteindre ce feu avec de l'eau; mais en accordant même qu'il ne s'est pas trompé, ses paroles ne veulent point dire que le feu grégeois brûlât dans l'eau.
Encore moins faut - il penser que ce feu fût inextinguible;
puisque selon Matthieu Paris en l'an 1219,
on pouvoit l'éteindre avec du vinaigre & du sable.
Les François y parvinrent plusieurs fois en l'étouffant
avec adresse, & en empêchant la communication
de l'air extérieur, par des peaux humides d'animaux
nouvellement écorchés, qu'on jettoit dessus.
Aussi lit - on dans la même histoire de Joinville,
Enfin l'invention du feu grégeois s'est perdue an moyen de la poudre à canon qui lui a succédé, & qui fait, par le secours de l'artillerie, bien d'autres ravages que ceux que produisoit le feu grégeois par le soufle dans des tuyaux de cuivre, par des arbalêtes - à - tour, ou autres machines à ressort. Reposons - nousen sur les hommes policés; ils ne manqueront jamais [p. 647]
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