ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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barres, qui communique d'un bout à la gorge des jets, & de l'autre à une étoupille circulaire qui entoure le moyeu au pié des barres, leur communique à tous le feu en même tems.

En place des jets qui forment l'étoile, on peut garnir les barres de six soleils tournans; ils doivent être composés, quoique plus petits, comme ceux décrits ci - dessus, savoir, d'une communication de feu entre deux cylindres, séparés par un bouton, & couverts d'un tuyau de laiton; le tout ne doit avoir au plus que quatre pouces de longueur: l'axe sur lequel ils doivent tourner, est une cheville de fer qui traverse la roue & les deux cylindres. Elle est vissée par le bout, & assez longue pour traverser la barre sur laquelle on veut la placer; on l'arrête avec un écrou derriere la barre qui est percée pour y donner passage, il reçoit le feu par l'étoupille couchée sur la barre à laquelle on joint celle du cylindre qui est appliqué dessus.

C'est avec de pareils soleils que l'on éclaire les décorations en découpures & les berceaux en treillages; on les fait ordinairement à trois jets qui prennent feu successivement.

Art. XII. D'une pâte dont les Chinois se servent pour représenter en feu des figures d'animaux & des devises. Nous devons encore au pere d'Incarville, cette maniere de former des figures. Elle consiste en une pâte faite de soufre en poudre impalpable & de colle de farine, dont on couvre des figures d'ozier, de carton ou de bois; ces figures doivent être premierement enduites d'argille ou terre grasse, pour les empêcher de brûler; après que la couche de pâte de soufre est posée, & pendant qu'elle est encore humide, on la poudre de poussier qui s'y attache; lorsqu'elle est bien seche, on colle des étoupilles sur ses principales parties, pour que le feu se porte par - tout en même tems, & on la couvre en entier de papier collé: les Chinois peignent ces figures de la couleur des animaux qu'elles représentent; leur durée en feu est proportionnée à l'épaisseur de la couche de pâte qui les couvre.

Lorsque les figures sont petites, on peut les mouler ou les modeler massives; comme cette pâte ne coule point en brûlant, elles conservent leurs formes jusqu'à ce qu'elles soient entierement consumées.

On peut aussi en faire usage pour former des devises & autres desseins.

Les Chinois s'en servent encore pour représenter des raisins; ils leur donnent la couleur pourprée en substituant à la colle de farine de la chair de jujubes; ils les font cuire, & en séparent la peau & le noyau. Cet article est tiré du Manuel de l'artificier de M. Perrinet d'Orv al, ouvrage excellent, qui nous fournira de plus tous les autres articles que nous avons cités plus haut.

Feu Grégeois

Feu Grégeois, (Hist. du moyen âge.) espece de feu d'artifice qui étoit composé de naphte, de poix, de résine, de bitume, & autres corps inflammables.

Feu grégeois signifie feu grec, parce qu'anciennement nous nommions les Grecs Grégeois; que ce furent eux qui s'en servirent les premiers, vers l'an 660, au rapport de Nicétas, Théophane, Cédrenus & autres; & qu'enfin ils furent en possession pendant trois siecles, de brûler par le secret de ce feu, les flottes de leurs ennemis.

L'inventeur du feu grégeois, suivant les historiens du tems, fut un ingénieur d'Héliopolis en Syrie, nommé Callinicus qui l'employa pour la premiere fois dans le combat naval que Constantin Pogonat livra contre les Sarrasins, proche de Cizique sur l'Hellespont. Son effet fut si terrible, ajoûtent les mêmes écrivains, qu'il brûla toute la flotte composée d'une trentaine de mille hommes.

Il est vrai que quelques modernes, & Scaliger entr'autres, donnent une date plus ancienne à cette decouverte, & l'attribuent à Marcus Gracchus: mar, les passages des auteurs grecs & latins qu'on cite pour favoriser cette opinion, n'en prouvent point la vérité.

Ce qu'on sait plus positivement, c'est que les successeurs de Constantin se servirent du feu grégeois en différentes occasions, presqu'avec autant de succès que lui; & ce qu'il y a de remarquable, c'est qu'ils eurent le bonheur de garder pour eux seuls le secret de cette composition, jusque vers milieu du x. siecle, tems auquel il paroît qu'aucun autre peuple ne le savoit encore.

Aussi le feu grégeois fut mis au rang des secrets de l'état par Constantin Porphyrogenete; en conséquence dans son ouvrage dédié à Romain son fils, sur l'administration de l'empire, il l'avertit que lorsque les Barbares lui demanderont du feu grégeois, il doit répondre qu'il ne lui est pas permis de leur en donner, parce qu'un ange qui l'apporta à l'empereur Constantin, défendit de le communiquer aux autres nations, & que ceux qui avoient osé le faire, avoient été dévorés par le feu du ciel, dès qu'ils étoient entrés dans l'église.

Cependant malgré les précautions de Constantin Porphyrogenete, la composition du feu grégeois vint à être connue ou découverte par les ennemis. Le P. Daniel, dans son histoire du siege de Damiette en 1249, sous S. Louis, rapporte que les Turcs en firent alors un terrible usage. Ils le lançoient, dit - il, avec un espece de mortier, & quelquefois avec une sorte d'arbalête singuliere, qui étoit tendue fortement par le moyen d'une machine, supérieure en force à celle des bras & des mains. Celui qu'on tiroit avec un espece de mortier, paroissoit quelquefois en l'air de la grosseur d'un tonneau, jettant une longue queue, & faisant un bruit semblable à celui du tonnerre. Mais voici les propres paroles de Joinville, qui étoit présent. « Les Turcs emmenerent un engin, qu'ils appelloient la perriere, un terrible engin à mal - faire, & les misdrent vis - à - vis des chats chateils, que messire Gaultier de Curel & moi, guettions de nuit; par lequel engin ils nous jetterent le feu grégeois à planté, qui étoit la plus terrible chose que onques jamais je veisse.» Au reste M. du Cange a fait une ample note sur cet endroit, dans laquelle il explique la composition & l'usage de ce feu; j'y renvoye le lecteur pour abréger.

On croit communément que le feu grégeois brûloit dans l'eau, & même avec plus de violence que dehors, opinion qui est hors de toute vraissemblance. Il est vrai qu'Albert d'Aix (liv. VII. ch. v.), a écrit qu'on ne pouvoit point éteindre ce feu avec de l'eau; mais en accordant même qu'il ne s'est pas trompé, ses paroles ne veulent point dire que le feu grégeois brûlât dans l'eau.

Encore moins faut - il penser que ce feu fût inextinguible; puisque selon Matthieu Paris en l'an 1219, on pouvoit l'éteindre avec du vinaigre & du sable. Les François y parvinrent plusieurs fois en l'étouffant avec adresse, & en empêchant la communication de l'air extérieur, par des peaux humides d'animaux nouvellement écorchés, qu'on jettoit dessus. Aussi lit - on dans la même histoire de Joinville, « Et incontinent fut éteint le feu grégeois par cinq hommes que avions propres à ce faire.»

Enfin l'invention du feu grégeois s'est perdue an moyen de la poudre à canon qui lui a succédé, & qui fait, par le secours de l'artillerie, bien d'autres ravages que ceux que produisoit le feu grégeois par le soufle dans des tuyaux de cuivre, par des arbalêtes - à - tour, ou autres machines à ressort. Reposons - nousen sur les hommes policés; ils ne manqueront jamais

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