ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"83"> nere eodem...... Angor est oegritudo premens, luctus oegritudo ex ejus qui carus fuerit, interitu acerbo; moeror, oegritudo flebilis; oerumna, oegritudo laboriosa; dolor, oegritudo crucians; lamentatio, oegritudo cum ejulatu; sollicitudo, oegritudo cum cogitatione; molestia, oegritudo permanens; afflictatio, oegritudo cum vexatione corporis; desperatio, oegritudo sine ullâ rerum expectatione meliorum. Nous invitons le lecteur à lire tout cet endroit, ce qui le suit & ce qui le précede; il y verra avec quel soin & quelle précision les anciens ont sû définir, quand ils en ont voulu prendre la peine. Il se convaincra de plus que si les anciens avoient pris soin de définir ainsi tous les mots, nous verrions entre ces mots une infinité de nuances qui nous échappent dans une langue morte, & qui doivent nous faire sentir combien le premier des humanistes modernes, morts ou vivans, est éloigné de savoir le latin. Voyez Latinité, College, Synonyme, Dictionnaire , &c. (O)

Douleur (Page 5:83)

Douleur, s. f. ALGO/Z, d'ALGEI/N, souffrir, se dit en Medecine d'une sorte de sentiment dont sont susceptibles toutes les parties du corps, tant internes qu'externes, dans lesquelles se fait une distribution de nerfs qui ayent la disposition naturelle de transmettre au cerveau les impressions qu'ils reçoivent.

Ce sentiment est une modification de l'ame, qui consiste dans une perception desagréable, occasionnée par un desordre dans le corps, par une lésion déterminée dans l'organe du sentiment en général. Cet organe doit être distingué de ceux des sens en particulier, soit par la nature de la sensation qui peut s'y faire, qui est différente de toute autre; soit parce qu'il est plus étendu qu'aucun autre organe, & qu'il est le même dans toutes les parties du corps.

Les organes des sens sont distingués les uns des autres par une structure singulierement industrieuse; au lieu que l'organe dont il s'agit, n'a d'autre disposition que celle qui est nécessaire pour l'exercice des sensations en général. Il suffit qu'une partie quelconque reçoive dans sa composition un plus grand ou un moins grand nombre de nerfs, pour qu'elle soit susceptible de douleur plus ou moins forte. Ce sentiment est aussi distingué de tour autre, parce qu'il est de la nature humaine de l'avoir tellement en aversion, que celui qui en est affecté, est porté, même malgré lui, à écarter, à faire cesser ce qu'il croit être la cause de la perception desagréable qui constitue la douleur, parce tout ce qui peut l'exciter, tend a la destruction de la machine, & parce que tout animal a une inclination innée à conserver son individu.

Ainsi l'organe de la douleur est très - utile, puisqu'il sert à avertir l'ame de ce qui peut affecter le corps d'une maniere nuisible. Ce n'est donc pas une lésion peu considérable dans l'oeconomie animale, que celle de cet organe: elle peut avoir lieu de trois manieres, savoir lorsque la sensation en est abolie ou seulement diminuée, ou lorsqu'elle s'exerce sur - tout avec trop d'intensité & d'activité; ce qui en fait les différens degrés. 1°. Elle peut être abolie, si les nerfs qui se distribuent à une partie du corps, sont coupés ou détruits par quelque cause que ce soit; s'ils sont liés ou comprimés, de sorte qu'une sensation ne puisse pas se transmettre librement au sensorium com<-> mune; s'ils sont relâchés ou ramollis; s'ils sont tendus, trop roides ou endurcis; s'ils sont rendus calleux ou desséchés; si l'organe commun à toutes les sensations, n'est pas susceptible d'en recevoir les impressions. 2°. La sensation de la douleur peut être diminuée par toutes les causes qui peuvent l'abolir, si elles agissent à moindres degrés, excepté celle des nerfs coupés, qui, lorsqu'ils ne le sont qu'en partie, sont une des causes de la douleur, comme il sera dit en son lieu. 3°. L'organe de la sensation est aussi lésé lorsqu'il exerce sa fonction, qui consiste à recevoir la sensation de la douleur plus ou mois forte, parce que la plûpart des parties qui en sont susceptibles, n'en reçoivent jamais d'autre, puisqu'elles ne reçoivent pas même de l'impression par le contact des corps. En effet on ne s'apperçoit que par la douleur, que les chairs & toutes les parties internes sont susceptibles de quelque sorte de sentiment; ensorte que la faculté de sentir peut procurer infiniment plus de mal que de bien, puisqu'il est attaché à toutes les parties du corps où il y a des nerfs, d'être susceptibles de douleur, & très - peu le sont de plaisir: triste condition! Ainsi en considérant les nerfs en général, en tant qu'ils sont susceptibles de la sensation qui fait la douleur, & qu'ils en constituent l'organe, sans avoir égard à la structure & à la disposition particuliere des différens organes des sens, on peut dire que l'exercice seul de la fonction de cet organe général en est une lésion, & que son état naturel est de n'être pas affecté du tout; de ne pas exercer le sentiment dont il est susceptible, qui n'est destiné qu'à avertir l'ame des effets nuisibles au corps, à la conservation duquel elle est chargée de veiller, ensuite des lois de l'union de ces deux substances: tout autre sentiment habituel auroit trop occupé l'ame de ce qui se seroit passé au - dedans du corps; elle auroit été moins attentive au - dehors, ce qui est cependant le plus utile pour l'oeconomie animale.

L'homme le plus sain a en lui la faculté de percevoir quelques idees, à l'occasion du changement qui se fait dans ses nerfs; il ne peut aucunement empêcher l'exercice de cette faculté, posée la cause de la perception: un philosophe absorbé dans une profonde méditation; si on vient à lui appliquer un fer chaud sur quelque partie du corps que ce soit, changera bien - tôt d'idée, & il naîtra dans son ame une perception desagréable, qu'il appellera douleur. Mais en quoi consiste la nature de cette perception? C'est ce qu'il est impossible d'exprimer: on ne peut la connoître qu'en l'éprouvant soi - même, car on ne se représente pas quelque chose de différent de la pensée; mais il se fait une affection qui donne lieu à la perception. Personne ne pense lorsqu'il souffre, qu'il y ait quelque chose hors de lui qui soit semblable au rentiment qu'il a de la douleur; mais chacun, qui a ce sentiment, dit qu'il souffre de la douleur; & lorsqu'elle est passée, il n'est pas en pouvoir de celui qui l'a ressentie, de faire renaitre la perception desagréable, en quoi elle consiste, si la cause qui affectoit l'ame de cette perception, lorsqu'elle etoit appliquée au corps, n'y produit encore un semblable effet. L'expérience a fait connoître quel est le changement qui se fait dans le corps, & quelles sont les parties qui l'éprouvent; d'où s'ensuit dans l'ame l'idée de la douleur.

Il est démontré par les affections du cerveau qui peuvent abolir la faculté de sentir de la douleur dans différentes parties du corps, que les nerfs qui en tirent leur origine, peuvent seuls être affectés de maniere à produire dans l'ame la perception de la dou<-> leur; & le changement qui se fait dans ces nerfs, d'où résulte cette perception, paroît être une disposition telle, que si elle augmente considérablement, ou si elle dure long tems la même, elle produit la solution de continaité dans les nerfs affectés par quelque cause que ce soit, & de quelque maniere qu'elle agisse, pourvû qu'elle dispose à se rompre la fibre nerveuse, dont la communication avec le cerveau est sans interruption; plus la rupture sera prête à se faire, plus il y aura de la douleur, pourvû que la rupture ne soit pas entierement faite: car alors la communication avec le cerveau ne subsistant plus dans tout le trajet du nerf, il ne seroit plus susceptible de transmettre aucune sensation à l'ame; elle n'en recevroit même pas, le nerf restant libre, si [p. 84] l'organe commun des sensations dans le cerveau n'étoit pas susceptible, par quelque cause que ce soit, de recevoir les impressions qui lui seroient transmises.

Il faut donc que du changement fait dans le nerf, il s'ensuive un changement dans le cerveau, pour qu'il naisse l'idée de la douleur, qui peut même avoir lieu en conséquence de cette derniere condition seule, sans qu'aucun nerf soit affecté; s'il se fait dans le cerveau un changement semblable à celui qui a lieu conséquemment à la disposition d'un nerf, qui est en danger de se rompre: comme le prouvent les observations de Medecine, & entre autres celles qui se trouvent dans les oeuvres de Ruysch, epist. anatom. problematica xjv. & respons. par lesquelles il compte qu'il arrive souvent à ceux qui ont souffert l'amputation de quelque membre des extrémités supérieures ou inférieures, de ressentir des douleurs, qu'ils rapportent, p. ex. aux doigts ou aux orteils du membre qui leur manque, comme s'il faisoit actuellement une partie de leur corps; ce qui a été observé non - seulement peu après l'amputation, mais encore après un long espace de tems depuis l'opération: d'où l'on peut conclure que la sensation de douleur excitée dans chaque partie du corps, se transmet à l'ame avec des modifications différentes, qui semblent lui indiquer déterminément la partie qui souffre.

Si quelqu'une de ces différentes modifications affecte le sensorium commune par une cause intérieure, indépendamment de l'impression faite sur les nerfs qui y prennent leur origine, il se fera une perception semblable à celle qui viendroit à l'ame par le moyen des nerfs; il y aura sentiment de douleur, tout comme si une cause suffisante pour le produire, avoit été appliquée à la partie à laquelle l'ame rapporte la douleur.

C'est à la facilité qu'a le sensorium commune dans bien des personnes, à être affecté & à produire des perceptions, que l'on doit attribuer plusieurs maladies dolorifiques, que l'on croit être produites par des causes externes, & qui ne sont réellement causées que par la sensibilité de l'organe commun des sensations. C'est la réflexion sur ces phénomenes singuliers, qui a donné lieu à Sydenham d'imaginer, pour en rendre raison, son homme intérieur. Voyez sa dissertation épistolaire.

Il suit donc de tout ce qui vient d'être dit, que l'idée de la douleur est attachée à l'état de la fibre nerveuse, qui est en disposition de se rompre; ensorte cependant que cette perception peut aussi ayoir lieu probablement, lorsque le cerveau seul est affecté par une cause intérieure, tout comme il le seroit par la transmission de l'affection d'une ou de plusieurs fibres nerveuses qui seroient dans cette disposition. On peut comparer cet effet à ce qui se passe dans les délires de toute espece, où il se fait des représentations à l'ame de différens objets, & il en naît des idées & des jugemens aussi vifs, que si l'impression de ces objets avoit été transmise par les organes des sens, quoiqu'il n'y ait réellement aucune cause extérieure qui l'ait produite.

On doit donc regarder généralement comme cause de la douleur, tout ce qui produit un allongement dans le nerf, ou tout autre disposition qui le met en danger de se rompre; ensorte cependant que l'impression que le nerf reçoit dans cet état, soit transmise à l'ame. On peut de même comprendre parmi les causes de la douleur, tout ce qui peut produire un changement dans le cerveau, tel que celui qui résulteroit de l'impression transmise à cet organe d'un nerf en disposition de rupture prochaine: il n'importe pas que la douleur soit produite par une cause qui comprime les nerfs, qui les tire trop, ou qui les ronge, il en résultera toûjours l'idée de la douleur; elle ne sera différente qu'à proportion de l'inteusité ou de la durée de l'action de différentes causes sur les nerfs. D'ailleurs le sentiment sera toûjours le même.

La différente maniere d'agir de ces causes, établit quatre especes de douleur; savoir la tensive, la gravative, la pulsative, & la pungitive: toute autre douleur n'est qu'une complication de ces différentes especes; l'histoire des douleurs n'en a pas fait connoître d'autre jusqu'à présent.

1°. On appelle douleur tensive, celle qui est accompagnée d'un sentiment de distension dans la partie souffrante; elle est causée par tout ce qui peut tendre au - delà de l'état naturel, les nerfs & les membranes nerveuses qui entrent dans la composition de la partie, qui est le siége de la douleur. Tel est l'effet de la torture que l'on fait souffrir aux malfaiteurs, pour leur faire confesser leurs crimes, lorsqu'on les suspend par les bras, & qu'on attache à leurs piés des poids, que l'on augmente peu à peu: ce qui allonge toutes les parties molles par degrés, & y augmente la douleur à proportion jusqu'à la rendre extrème, en mettant les nerfs dans une disposition de rupture prochaine; d'où résulte une douleur d'autant plus forte, qu'il y a plus de nerfs à la fois mis dans cet état. C'est la même espece de douleur qu'éprouvent aussi ceux à qui on fait l'extension des membres, pour réduire les luxations. La douleur qui survient, lorsqu'un nerf, un tendon sont à demi - coupés, ou rompus, ou rongés par différentes causes, est aussi de cette espece; parce que les nerfs, comme les tendons, ne sont pas composés d'une fibre simple: ils sont formés d'un faisceau de fibres contiguës, qui ont un degré de tension, qu'elles concourent toutes à soutenir. Si le nombre vient à diminuer, celles qui restent entieres soûtiennent tout l'effort: d'où elles seront plus tendues chacune en particulier, & par conséquent plus disposées à se rompre: d'où la douleur est plus ou moins grande, selon que le nombre des fibres retranchées est plus ou moins grand, respectivement à celles qui conservent leur intégrité. Ainsi la solution de continuité ne fait pas une cause de douleur dans les fibres coupées, mais dans celles qui restent entieres & plus tendues. La distension des fibres nerveuses peut aussi être produite par une cause interne, qui agit dans différentes cavités du corps, comme l'effort du sang qui se porte dans une partie, qui en dilate les vaisseaux outre mesure, & en distend les fibres quelquefois jusqu'à les rompre: tant que dure l'action qui écarte les parois des vaisseaux, la douleur dure proportionnément à l'intensité de cette action. C'est ce qui arrive dans les inflammations phlegmoneuses, érésipélateuses: une trop grande quantité de liquide renfermé dans une cavité, dont les parois résistent à leur dilatation ultérieure, produit le même effet, comme dans la rétention d'urine dans la vessie, comme dans l'hydrocele, dans la tympanite, dans la colique venteuse, &c. La douleur tensive prend différens noms, selon ses différens degrés & les diverses parties qui en sont affectées; elle est appellée divulsive, si la partie souffrante est tendue au point d'être bien - tôt déchirée; si elle a son siége dans le périoste, qui est naturellement fort tendu sur l'os, la cause de la douleur augmentant, la tension rend celle - là si violente, qu'il semble à celui qui souffre que ses os se rompent, se brisent: dans ce cas elle est appellée osteocope, &c.

2°. La douleur gravative est celle qui est accompagnée d'un sentiment de pesanteur, qui occasionne la distension des fibres de la partie souffrante, comme fait l'eau ou tout autre liquide dans la cavité de la poitrine, du bas - ventre, du scrotum, ou dans le tissu

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