ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"85"> cellulaire de quelque autre partie: comme font un foetus trop grand ou mort dans la matrice, un calcul dans les reins ou dans la vessie: comme on l'éprouve par le poids des visceres enflammés, obstrués, skirrheux; ou par celui du sang, lorsqu'il est ramassé en assez grande quantité & sans mouvement dans quelqu'un de ses vaisseaux. C'est à cette espece de douleur que l'on doit rapporter celle qu'éprouvent les voyageurs à pié, qui après s'être arrêtés, ressentent une lassitude gravative, occasionnée par une suite du relâchement qui se fait dans toutes les fibres charnues, pour avoir été trop tiraillés par l'action musculaire trop long - tems continuée; d'où résultent des engagemens dans tous les membres, qui ne retenant pas ordinairement tant de fluides, éprouvent un sentiment de pesanteur extraordinaire par la distraction des fibres des vaisseaux engorgés. On appelle stupeur gravative, le sentiment que l'on éprouve après l'engourdissement d'un membre par compression d'un nerf qui s'y distribue, ou par quelqu'autre cause que ce soit.

3°. La douleur pulsative est produite par une distension de nerfs, augmentée par un mouvement distractile, qui répond à la pulsation des arteres, c'est - à - dire à leur dilatation: celle - ci en est effectivement la cause immédiate, parce que le plus grand abord des fluides augmente le volume de la partie souffrante, lui donne plus de tension, & par conséquent distend aussi davantage les nerfs qui se trouvent dans son tissu. Cette espece de douleur a principalement lieu dans les parties où il se fait une grande distribution de nerfs, comme dans la peau, les membranes, les parties tendineuses, rarement & presque point du tout dans les visceres mous, comme la rate, les poumons, &c. On appelle lancinante, la dou<-> leur pulsative, lorsqu'elle est augmentée au point de faire craindre à chaque pulsation que la partie ne s'entr'ouvre par une solution de continuité.

4°. Enfin la douleur pungitive est accompagnée d'un sentiment aigu, comme d'un corps dur & pointu qui pénetre la partie souffrante; ainsi elle peut être causée par tout ce qui a de la disposition à piquer, à percer les parties nerveuses; soit au - dehors par tous les corps ambients, tant méchaniques que physiques; soit au - dedans par l'effet des humeurs âcres, ou de celles qui reunissant leur action vers un seul point, ensuite du mouvement qui leur est communiqué dans un lieu resserré, écartent les fibres nerveuses, & produisent un sentiment approchant à la piquûre, comme il arrive dans l'éruption de certaines pustules. On donne aussi différens noms à la douleur pun<-> gitive; on l'appelle terebrante, si la surface de la partie souffrante est plus étendue qu'une pointe, & que l'on se représente la douleur comme l'effet d'une tarriere qui pénetre bien avant dans le siége de la dou<-> leur; c'est ce qui arrive lorsque les furoncles sont sur le point de suppurer. La matiere qui agit contre la pointe & tous les parois de l'abcès, cause un sentiment douloureux qui fait naître l'idée dans l'ame de l'action du trépan, appliqué à la peau dans toute son épaisseur. On appelle fourmillement, le sentiment qu'excite une piquûre legere, multipliée, & vague, qui a rapport à l'impression que peuvent faire des fourmis en marchant sur une partie sensible: on éprouve cette espece de sentiment desagréable, à la suite des engourdissemens des membres, par le retour du sang & des autres liquides dans les vaisseaux, d'où ils avoient été détournés par la compression, &c. il se fait un écartement de leurs parties resserrées, qui en admettant les humeurs, éprouvent un leger tiraillement dans leurs tuniques nerveuses, contre lesquelles elles heurtent, pour les dilater. On appelle enfin prurigineuse, l'espece de dou<-> leur qui représente à l'ame l'action d'une puissance, qui cause une espece d'érosion sur la partie souffrante: lorsque l'érosion est legere, on la nomme deman<-> geaison: lorsqu'elle est plus forte, & accompagnée d'un sentiment de chaleur, on la nomme douleur âcre: lorsqu'elle est très - violente, on lui donne le nom de douleur mordicante, corrosive.

On peut aisément rapporter toute sorte de douleur à quelqu'une de celles qui viennent d'être mentionnées, selon qu'elle participe plus ou moins des unes ou des autres especes, dans lesquelles la douleur peut être, ou continue ou intermittente, égale ou inégale, fixe ou erratique, &c.

Après avoir exposé les causes & les différences de la douleur, l'ordre conduit à dire quelque chose de ses effets, qui sont proportionnés à son intensité & aux circonstances qui l'accompagnent.

Comme il est de l'animal de faire tous ses efforts pour faire cesser un sentiment desagréable, sur - tout lorsqu'il tend à la destruction du corps, c'est ce qui fait que les hommes qui souffrent dans quelque partie que ce soit, cherchent par différentes situations & par une agitation continuelle à diminuer la cause de la douleur, dans l'espérance de trouver une attitude qui en empêche l'effet en procurant le relâchement aux parties trop tendues; c'est pourquoi on se tient, le tronc plié, courbé dans la plûpart des coliques, &c. de - là les inquiétudes & les mouvemens continuels de ceux qui éprouvent de grandes dou<-> leurs: de - là les insomnies, tout ce qui affecte vivement les organes des sens, empêche le sommeil; à plus forte raison ce qui affecte le cerveau, pour y imprimer le sentiment de la douleur: toute irritation des nerfs peut produire la fievre; ainsi elle se joint souvent aux douleurs considérables, même dans les maladies qui par leur nature peuvent le moins y donner lieu, telles que les affections arthritiques, vénériennes, &c. parce que la trop grande tension des nerfs dans les parties souffrantes se communique à tout le genre nerveux, d'où il se fait un resserrement dans les vaisseaux qui gêne le cours des humeurs; ce qui suffit pour établir une cause de fievre, & des symptomes qui en sont une suite, tels que la chaleur, la soif, la sécheresse. Les violentes douleurs donnent aussi très - souvent lieu aux convulsions, surtout dans les personnes qui ont le genre nerveux susceptible d'être facilement irrité; comme dans les enfans, les femmes, & particulierement dans celles qui sont sujettes aux affections hystériques. Le délire, la fureur, sont souvent les effets des grandes douleurs; l'érétisme de tout le genre nerveux, dont elles sont souvent la cause, suspend aussi toutes les secrétions & excrétions, trouble les digestions, l'évacuation des matieres fécales, des urines, la transpiration. La gangrene même est souvent une suite de la douleur, lorsque la cause de celle - ci agit si fortement, qu'elle parvient bien - tôt à déchirer, à rompre les fibres nerveuses de la partie souffrante, ce qui y détruit le sentiment & le mouvement: cet effet constitue l'état d'une partie gangrenée, mortifiée; c'est ce qui arrive sur - tout à la suite des violentes inflammations accompagnées de fievre, comme dans la pleurésie, &c.

Le signe de la douleur est le sentiment même que la cause excite; il ne peut y avoir de difficulté, que pour connoître le siége de cette cause, parce que la douleur est quelquefois idiopatique, & quelquefois sympathique; quelquefois elle affecte certaines parties, que l'on ne distingue pas aisément des parties voisines. L'histoire des maladies dolorifiques apprend à connoître les différens signes qui caractérisent les differens siéges de la douleur, & les divers prognostics que l'on peut en porter.

On peut dire en général, que comme rien de ce qui peut causer de la douleur n'est salutaire, elle doit [p. 86] toûjours être regardée comme nuisible par elle - même, soit qu'elle soit seule ou qu'elle se trouve jointe à quelqu'autre maladie, parce qu'elle abolit les forces, elle trouble les fonctions, elle empêche la coction des humeurs morbifiques, elle produit toûjours d'une maniere proportionnée à son intensité quelques - uns des mauvais effets ci - dessus mentionnés. Toute douleur qui affecte un organe principal est très pernicieuse, sur - tout si elle est très - forte & qu'elle tourmente beaucoup; si elle est continue & qu'elle subsiste long - tems; si elle fait perdre à la partie sa chaleur naturelle, & qu'elle la rende insensible. On regarde comme moins mauvaise, celle qui n'est pas considérable, qui n'est pas fixe, qui n'est pas durable, & qui n'a pas son siége dans un organe principal, mais dans une partie moins importante. Les douleurs, quoique toûjours pernicieuses de leur nature, servent cependant quelquefois dans les maladies aiguës à annoncer un bon effet, un évenement salutaire; telles sont celles qui dans un jour critique où il paroît des signes de coction, surviennent dans une partie qui ne sert pas aux fonctions principales, comme les cuisses, les jambes. Les douleurs se font sentir au commencement des maladies, ou dans la suite: les premieres sont ordinairement symptomatiques; & si elles ont leur siége dans les cavités qui contiennent les visceres, elles sont un signe d'inflammation, ou tout au moins de disposition inflammatoire, sur - tout lorsqu'elles sont accompagnées de fievre, de tension dans la partie: celles de cette nature qui ne sont pas continues & qui se dissipent, après quelqu'effet qui en ait pû emporter la cause, comme après quelques évacuations que la nature ou l'art ont faites à - propos, ne sont pas dangereuses, sur - tout si elles ne sont accompagnées d'aucun mauvais signe, & dans le cas même où la fiévre subsisteroit après qu'elles paroîtroient dissipées, parce qu'elle est une continuation de l'essert qu'a fait la nature pour résoudre l'humeur morbifique. C'est sur ce fondement qu'Hippocrate a dit, apho<-> risme 4, sect. 6. « La fiévre qui survient à ceux qui ont les hypocondres tendus avec douleur, guérit la maladie »; & ensuite dans l'aphor. 52 sect. 7, il ajoute: « ceux qui ont des douleurs aux environs du foie, en sont bien - tôt délivrés si la fiévre survient ». Pour ce qui est des douleurs qui sont guéries par quelqu'évacuation, il dit dans les coaques, sect. 1, text. 32: « ceux qui avec la siévre ont des douleurs de côté, guérissent par les déjections fréquentes de matieres aqueuses mêlées de bile »; ainsi de bien d'autres prognostics de cette nature, qu'Hippocrate rapporte sur les douleurs dans ses différens ouvrages. Il n'est pas moins riche d'observations, par lesquelles il porte, d'après les douleurs, des jugemens desavantageux, tels que ceux - ci, apho<-> risme 62, sect. 4: « s'il survient dans les fiévres une grande chaleur à l'estomac avec douleur vers l'orifice supérieur, c'est un mauvais signe »; & dans l'aphorisme suivant: « les convulsions & les douleurs violentes autour des visceres, qui surviennent dans les fiévres continues, sont de très - mauvais augure »; dans les prognostics, text. 36: « la dou<-> leur aiguë des oreilles dans une fiévre violente, est un mauvais signe, parce qu'il y a lieu de craindre qu'il ne survienne un délire ou une défaillance ». Ces exemples doivent suffire pour exciter à consulter ce grand maître dans l'art de prédire les évenemens des maladies, dans ses oeuvres mêmes ou dans celles de ses excellens commentateurs, tels que Prosper Alpin, de proesag. vitâ & morte, Duret, in coacas, & autres.

Tout ce qui peut faire cesser la disposition des nerfs, qui sont en danger de se rompre, peut faire cesser la douleur; mais comme cette disposition peut être occasionnée par un si grand nombre de causes différentes, les remedes anodins sont aussi différens entr'eux, puisqu'ils doivent être appropriés à chacune de ces causes: il est donc absolument nécessaire de les bien connoître, avant que de déterminer ce qu'il convient d'employer pour en faire cesser l'effet: mais avant toutes choses il faut prescrire le régime convenable, attendu que les douleurs, pour peu qu'eiles soient considérables, troublent toutes les fonctions, il est nécesiaire d'observer une diete d'autant plus severe, que les douleurs sont plus grandes. Cela posé, dans le cas où la douleur provient d'une trop forte distension de la partie souffrante, il faut en procurer le relâchement ou méchaniquement ou physiquement: dès qu'on cesse l'extension & la contre - extension des membres dont on veut réduire la luxation, la douleur cesse aussi. Si on ne peut pas faire cesser la distension des fibres, on doit faire ensorte qu'elle puisse subsister sans que la rupture s'ensuive; c'est ce qu'on peut obtenir par le moyen des émolliens aqueux, huileux, appliqués à la partie affectée de douleur. Une verge de bois sec se rompt aisément lorsqu'on la fléchit; si elle est humectée on peut la plier sans la rompre: de même la tension d'une partie enflammée qui cause une douleur insupportable, se relâche considérablement par l'application des cataplasmes humectans, des fomentations lénitives, de la vapeur de l'eau tiede par les bains; en un mot, tous les remedes qui peuvent produire le relâchement des parties solides, conviennent contre la douleur, de quelque cause qu'elle puisse provenir, parce qu'elle est toûjours l'effet d'une trop grande tension des fibres nerveuses; ils peuvent par conséquent être regardés presque comme universels en ce genre; il est très - peu de cas où ils soient contr'indiqués. Voyez Emolliens.

Lorsque la douleur provient d'une matiere qui obstrue un vaisseau quelconque, en distend trop les parois, on doit s'appliquer à faire cesser cette cause, en procurant la résolution ou la suppuration de la matiere de l'obstruction (voyez Obstruction, Résolutif, Suppuratif ); en diminuant le mouvement, l'effort & la quantité de la matiere qui fait la distension du vaisseau par de copieuses & de fréquentes saignées, autant que les forces du malade le peuvent perméttre: les autres évacuans peuvent aussi être employés dans ce cas comme les purgatifs, &c. s'il n'y a point de contr'indication; mais on doit éviter soigneusement tout remede irritant, & qui peut agiter, échauffer, en déterminant l'évacuation.

Il n'est pas moins nécessaire de diminuer le mouvement des humeurs par le repos & par les moyens ci - dessus mentionnés, lorsque ce sont des matieres âcres appliquées aux parties souffrantes, qui sont cause de la douleur; parce que l'action des irritans sur les nerfs est proportionnée à la force avec laquelle ils sont portés contre les parties sensibles, & à la réaction de celles - ci qui se portent contr'eux: les caustiques les plus forts ne font rien sur un cadavre: on doit aussi s'assûrer de l'espece d'acrimonie dominante, pour la corriger par les spécifiques, comme lorsqu'elle est acide, on oppose les alkalis ou les absorbans terreux; ou si on ne peut pas bien s'assûrer du caractere de l'âcre, on se borne à lui opposer les remedes généraux propres à émousser les pointes, comme la diete lactée, les huileux, les graisseux, les inviscans, &c. mais la douleur provient rarement d'un tel vice dominant dans toute la masse des humeurs, alors il agiroit dans toutes les parties du corps avec la même énergie, & le cerveau en seroit détruit avant qu'il pût produire des effets marqués sur les autres parties: l'acrimonie n'a communément lieu, comme cause de douleur, que dans les

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