RECHERCHE | Accueil | Mises en garde | Documentation | ATILF | ARTFL | Courriel |
Page 5:83
Ce sentiment est une modification de l'ame, qui consiste dans une perception desagréable, occasionnée par un desordre dans le corps, par une lésion déterminée dans l'organe du sentiment en général. Cet organe doit être distingué de ceux des sens en particulier, soit par la nature de la sensation qui peut s'y faire, qui est différente de toute autre; soit parce qu'il est plus étendu qu'aucun autre organe, & qu'il est le même dans toutes les parties du corps.
Les organes des sens sont distingués les uns des autres par une structure singulierement industrieuse; au lieu que l'organe dont il s'agit, n'a d'autre disposition que celle qui est nécessaire pour l'exercice des sensations en général. Il suffit qu'une partie quelconque reçoive dans sa composition un plus grand ou un moins grand nombre de nerfs, pour qu'elle soit susceptible de douleur plus ou moins forte. Ce sentiment est aussi distingué de tour autre, parce qu'il est de la nature humaine de l'avoir tellement en aversion, que celui qui en est affecté, est porté, même malgré lui, à écarter, à faire cesser ce qu'il croit être la cause de la perception desagréable qui constitue la douleur, parce tout ce qui peut l'exciter, tend a la destruction de la machine, & parce que tout animal a une inclination innée à conserver son individu.
Ainsi l'organe de la douleur est très - utile, puisqu'il sert à avertir l'ame de ce qui peut affecter le corps d'une maniere nuisible. Ce n'est donc pas une lésion peu considérable dans l'oeconomie animale, que celle de cet organe: elle peut avoir lieu de trois manieres, savoir lorsque la sensation en est abolie ou seulement diminuée, ou lorsqu'elle s'exerce sur - tout avec trop d'intensité & d'activité; ce qui en fait les différens degrés. 1°. Elle peut être abolie, si les nerfs qui se distribuent à une partie du corps, sont coupés ou détruits par quelque cause que ce soit; s'ils sont liés ou comprimés, de sorte qu'une sensation ne puisse pas se transmettre librement au sensorium com<-> mune; s'ils sont relâchés ou ramollis; s'ils sont tendus, trop roides ou endurcis; s'ils sont rendus calleux ou desséchés; si l'organe commun à toutes les sensations, n'est pas susceptible d'en recevoir les impressions. 2°. La sensation de la douleur peut être diminuée par toutes les causes qui peuvent l'abolir, si elles agissent à moindres degrés, excepté celle des nerfs coupés, qui, lorsqu'ils ne le sont qu'en partie, sont une des causes de la douleur, comme il sera dit en son lieu. 3°. L'organe de la sensation est aussi lésé lorsqu'il exerce sa fonction, qui consiste à recevoir
L'homme le plus sain a en lui la faculté de percevoir quelques idees, à l'occasion du changement qui se fait dans ses nerfs; il ne peut aucunement empêcher l'exercice de cette faculté, posée la cause de la perception: un philosophe absorbé dans une profonde méditation; si on vient à lui appliquer un fer chaud sur quelque partie du corps que ce soit, changera bien - tôt d'idée, & il naîtra dans son ame une perception desagréable, qu'il appellera douleur. Mais en quoi consiste la nature de cette perception? C'est ce qu'il est impossible d'exprimer: on ne peut la connoître qu'en l'éprouvant soi - même, car on ne se représente pas quelque chose de différent de la pensée; mais il se fait une affection qui donne lieu à la perception. Personne ne pense lorsqu'il souffre, qu'il y ait quelque chose hors de lui qui soit semblable au rentiment qu'il a de la douleur; mais chacun, qui a ce sentiment, dit qu'il souffre de la douleur; & lorsqu'elle est passée, il n'est pas en pouvoir de celui qui l'a ressentie, de faire renaitre la perception desagréable, en quoi elle consiste, si la cause qui affectoit l'ame de cette perception, lorsqu'elle etoit appliquée au corps, n'y produit encore un semblable effet. L'expérience a fait connoître quel est le changement qui se fait dans le corps, & quelles sont les parties qui l'éprouvent; d'où s'ensuit dans l'ame l'idée de la douleur.
Il est démontré par les affections du cerveau qui
peuvent abolir la faculté de sentir de la douleur dans
différentes parties du corps, que les nerfs qui en tirent
leur origine, peuvent seuls être affectés de maniere
à produire dans l'ame la perception de la dou<->
leur; & le changement qui se fait dans ces nerfs,
d'où résulte cette perception, paroît être une disposition
telle, que si elle augmente considérablement,
ou si elle dure long tems la même, elle produit la
solution de continaité dans les nerfs affectés par quelque
cause que ce soit, & de quelque maniere qu'elle
agisse, pourvû qu'elle dispose à se rompre la fibre
nerveuse, dont la communication avec le cerveau
est sans interruption; plus la rupture sera prête à se
faire, plus il y aura de la douleur, pourvû que la
rupture ne soit pas entierement faite: car alors la
communication avec le cerveau ne subsistant plus
dans tout le trajet du nerf, il ne seroit plus susceptible
de transmettre aucune sensation à l'ame; elle
n'en recevroit même pas, le nerf restant libre, si
Next page
The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.