ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"386"> l'écu des chevaliers dans les joutes & les tournois.

L'usage de l'écu dont ils paroissent avoir pris leur dénomination, est même beaucoup plus ancien que les joutes & tournois, puisqu'il nous vient des Romains.

L'écu étoit plus petit que le bouclier, parce que celui - ci étoit pour les cavaliers, au lieu que l'autre étoit pour les gens de pié.

Les écuyers romains étoient des compagnies de gens de guerre armés d'un écu & d'un javelot. Ils étoient fort estimés, mais néanmoins inférieurs pour le rang à d'autres gens de guerre, qu'on appelloit gentils, gentiles; ceux - ci étoient certaines bandes ou compagnies de soldats prétoriens, c'est à dire destinés à la garde & défense du prétoire ou palais de l'empereur. Le maître des offices avoit sous lui deux écoles différentes, l'une pour les gentils, l'autre pour les écuyers.

Il est parlé des uns & des autres avec distinction dans Ammian Marcellin, liv. XIV. XVI. XVII. XX. & XXVII. & in notitia imperii Romani.

Pasquier en ses recherches, tome I. liv. II. ch. xvj. remarque que sur le déclin de l'empire romain, il y eut deux sortes de gens de guerre qui furent sur tous les autres en réputation de bravoure; savoir, les gentils & les écuyers, dont Julien l'apostat faisoit grand cas lorsqu'il séjournoit dans les Gaules; c'est pourquoi Ammian Marcellin, liv. XVII, rapporte que ce prince fut assiégé dans la ville de Sens par les Sicambriens, parce qu'ils savoient scutarios non adesse nec gentiles, ces troupes ayant été répandues en divers lieux pour les faire subsister plus commodément.

Scintule, comte de l'étable de César, eut ordre de choisir les plus alertes d'entre les écuyers & les gentils, ce qui fait voir que c'étoit l'élite des troupes; & Pasquier observe que les écuyers n'étoient point soûmis ordinairement au comte de l'étable, qu'ils avoient leur capitaine particulier, appellé scutariorum rector, & que ce fut une commission extraordinaire alors donnée à Scintule.

Procope rapporte que vingt - deux de ces écuyers défirent trois cens Vandales.

Les empereurs faisant consister la meilleure partie de leurs forces dans les gentils & les écuyers, & voulant les récompenser avec distinction, leur donnerent la meilleure part dans la distribution qui se faisoit aux soldats des terres à titre de bénéfice.

Les princes qui vinrent de Germanie établir dans les Gaules la monarchie françoise, imiterent les Romains pour la distribution des terres conquises à leurs principaux capitaines; & les Gaulois ayant vû sous l'empire des Romains les gentils & les écuyers tenir le premier rang entre les militaires, & posséder les meilleurs bénéfices, appellerent du même nom ceux qui succéderent aux mêmes emplois & bénéfices sous les rois françois.

L'état d'écuyer n'étoit même pas nouveau pour les Francs: en effet Tacite en son livre des moeurs des Germains, n. 5. dit que quand un jeune homme étoit en âge de porter les armes, quelqu'un des princes, ou bien le pere ou autre parent du jeune homme, lui donnoit dans l'assemblée de la nation un écu & un javelot, scuto trameaque juvenem ornant. Ainsi il devenoit scutarius, écuyer, ce qui relevoit beaucoup sa condition; car jusqu'à cette cérémonie les jeunes gens n'étoient considerés que comme membres de leur famille; ils devenoient ensuite les hommes de la nation. Ante hoc domus pars videntur, mox reipublicoe.

Ce fut sans doute de - là qu'en France ces écuyers furent aussi appellés gentils - hommes, quasi gentis homines, ou bien de ceux que l'on appelloit gentiles. La premiere étymologie paroît cependant plus na<cb-> turelle, car on écrivoit alors gentishome, & non pas gentil - homme.

Quoi qu'il en soit, comme les gentils - hommes & écuyers n'étoient chargés d'aucune redevance pécuniaire, pour raison des bénéfices ou terres qu'ils tenoient du prince, mais seulement de servir le roi pour la défense du royaume, on appella nobles tous les gentils - hommes & écuyers, dont la profession étoit de porter les armes, & qui étoient distingués du reste du peuple, qui étoit serf.

Ainsi la plus ancienne noblesse en France est venue du service militaire & de la possession des fiefs, qui obligeoient tous à ce service, mais de différentes manieres, selon la qualité du fief.

Celui que l'on appelloit vexillum ou feudum vexilli, banniere, ou fief banneret, obligeoit le possesseur, non - seulement à servir à cheval, mais même à lever banniere; le chevalier étoit appellé miles.

Le fief de haubert, feudum lorica, obligeoit seulement le chevalier à servir avec une armure de fer.

Enfin les fiefs appellés feuda scutiferorum, donnerent le nom aux écuyers qui étoient armés d'un écu & d'un javelot; on les appelloit aussi armigeri ou nobiles, & en françois nobles, écuyers ou gentilshommes.

Ces écuyers ou gentils - hommes combattoient d'abord à pié; ensuite, lorsqu'on leur substitua les sergens que fournirent les communes, on mit les écuyers à cheval & on leur permit de porter des écus comme ceux des chevaliers; mais ceux - ci étoient les seuls qui pussent porter des éperons dorés, les écuyers les portoient blancs, c'est - à - dire d'argent, & les vilains ou roturiers n'en portoient point, parce qu'ils servoient à pié.

Ainsi les écuyers ou possesseurs de simples fiefs avoient au - dessus d'eux les simples chevaliers qu'on appelloit aussi bacheliers - bannerets.

Le titre de noble ou écuyer s'acquéroit par la naissance ou par la possession d'un fief, lorsqu'il étoit parvenu à la tierce foi: mais pour pouvoir prendre le titre de chevalier, il falloit avoir été reconnu tel; & pour devenir banneret, il falloit avoir servi pendant quelque tems d'abord en qualité d'écuyer, & ensuite de chevalier ou bachelier.

Suivant une convention faite entre le roi Philippe de Valois & les nobles en 1338, l'écuyer étoit au - dessus des sergens & arbalétriers: il étoit aussi distingué du simple noble ou gentil - homme qui servoit à pié.

L'écuyer, scutifer, qui avoit un cheval de vingt - cinq livres, avoit par jour six sols six deniers tournois.

Le chevalier banneret en avoit par jour vingt tournois.

Le simple chevalier dix sols tournois.

L'écuyer qui avoit un cheval de quarante livres, avoit sept sols six deniers.

Le simple gentil - homme, nobilis homo - pedes, armé de tunique, de gambiere & de bassinet, avoit deux sols, & s'il étoit mieux armé, deux sols six deniers.

L'écuyer avec un cheval de vingt - cinq livres ou plus, non couvert, avoit par - tout sept sols tournois, excepté dans les sénéchaussées d'Auvergne & d'Aquitaine, où il n'avoit que six sols six deniers tournois.

Le chevalier qui avoit double banniere, & l'écuyer avec banniere, avoit par tout le royaume la solde ordinaire.

On voit par ce détail, que la qualité d'écuyer n'étoit pas alors le terme usité pour désigner un noble, que c'étoit le terme nobilis ou miles pour celui qui étoit chevalier, que l'écuyer étoit un noble qui n'étoit pas encore élevé au grade de chevalier, mais [p. 387] qui combattoit à cheval; qu'il y en avoit de mieux montés les uns que les autres; qu'il y en avoit même quelques - uns qui portoient banniere, & qu'on les payoit à proportion de leur état.

Du tems du roi Jean, les écuyers servoient en qualité d'hommes d'armes comme les chevaliers; il en est fait mention dans une ordonnance de ce prince, du 20 Avril 1363.

Comme anciennement les nobles ou gentils - hommes faisoient presque tous profession de porter les armes, & que la plûpart d'entre eux faisoient le service d'écuyer ou en avoient le rang; ils prenoient communément tous le titre d'écuyer: de sorte qu'insensiblement ce terme a été regardé comme synonyme de noble ou de gentil - homme, & qu'il est enfin devenu le titre propre que les nobles ajoûtent apres leurs noms & surnoms, pour désigner leur qualité de nobles. Il n'y a cependant guere plus de deux siecles que la qualité d'écuyer a prévalu sur celle de noble; & l'ordonnance de Blois, de l'année 1579, est la premiere qui ait fait mention de la qualité d'écuyer, comme d'un titre de noblesse.

Depuis que la qualité d'écuyer eut prévalu sur celle de noble, le titre de noble homme, loin d'annoncer une noblesse véritable dans celui qui la prenoit, dénotoit au contraire qu'il étoit roturier.

Il est cependant également défendu par les ordonnances de prendre la qualité de noble, comme celle d'écuyer.

La noblesse qui s'acquiert par les grands offices, & sur - tout par le service dans les cours souveraines, ne donnoit point anciennement la qualité d'écuyer, qui ne paroissoit point compatible avec un office dont l'emploi est totalement différent de la profession des armes.

Les présidens & conseillers de cours souveraines ne prenoient d'abord d'autre titre que celui de maître, qui équivaloit à celui de noble ou d'écuyer; c'est pourquoi l'on observe encore de ne point prendre la qualité de maître avec celle d'écuyer: les hommes d'armes mêmes ou gendarmes, qui étoient constamment alors tous nobles ou réputés tels, étoient qualifiés de maîtres; on disoit tant de maîtres pour dire tant de nobles ou cavaliers. Dans la suite les gens de robe & autres officiers qui joüissoient du privilége de noblesse, prirent les mêmes titres que la noblesse d'épée; il y eut des présidens du parlement qui furent faits chevaliers ès lois, & depuis ce tems tous les présidens ont pris les qualités de messire & de chevalier.

Les conseillers de cour souveraine & autre officiers qui joüissent de la noblesse, ont pareillement pris le titre d'écuyer; il y en a même beaucoup qui prennent aussi les qualités de messire & de chevalier, qui n'appartiennent néanmoins régulierement qu'à ceux qui les ont par la naissance, ou à l'office desquels ces qualités ont été expressément attribuées.

L'article 25. de l'édit de 1600. défend à toutes personnes de prendre le titre d'écuyer & de s'inscrire au corps de la noblesse, s'ils ne sont issus d'un ayeul & d'un pere qui ayent fait profession des armes ou servi le public en quelques charges honorables, de celles qui par les lois & les moeurs du royaume peuvent donner commencement de noblesse à la postérité, sans avoir jamais fait aucun acte vil ni dérogeant à ladite qualité, & qu'eux aussi en se rendant imitateurs de leurs vertus, les ayent suivis en cette loüable façon de vivre, à peine d'être dégradés avec deshonneur du titre qu'ils avoient osé indûment usurper,

La déclaration du mois de Janvier 1624 a encore poussé les choses plus loin, car l'art. 2. défend à toutes personnes de prendre ladite qualité d'écuyer & de porter armoiries timbrées, à peine de deux mille livres d'amende, s'ils ne sont de maison & extraction noble: il est enjoint aux procureurs généraux & à leurs substituts de faire toutes poursuites nécessaires contre les usurpateurs des titre & qualité de noble.

La déclaration du 30 Mai 1702 ordonna une recherche de ceux qui auroient usurpé indûment les titres de chevalier & d'écuyer; on a ordonné de tems en tems de semblables recherches.

Il n'est pas permis non plus aux écuyers ou nobles de prendre des titres plus relevés, qui ne leur appartiennent pas; ainsi par arrêt du 13 Août 1663, rapporté au journal des audiences, faisant droit sur les conclusions du procureur général, il fut défendu à tous gentils - hommes de prendre la qualité de messire & de chevalier, si non en vertu de bons & de légitimes titres, & à ceux qui ne sont point gentilshommes, de prendre la qualité d'écuyers ni de timbrer leur armes, le tout à peine de quinze cents livres d'amende.

Malgré tant de sages réglemens, il ne laisse pas d'y avoir beaucoup d'abus tant de la part de ceux qui étant nobles, au lieu de se contenter du titre d'écuyer, usurpent ceux de messire & de chevalier.

Ce n'est pas un acte de dérogeance d'avoir omis de prendre la qualité d'écuyer dans quelques actes.

Mais si celui qui veut prouver sa noblesse n'a pas de titres constitutifs de ce droit, & que la plûpart des actes qu'il rapporte ne sassent pas mention de la qualité d'écuyer, prise par lui ni par ses auteurs, en ce cas on le présume roturier; parce que les nobles sont ordinairement assez jaloux de cette qualité pour ne la pas négliger.

Il y a certains emplois dans le service militaire & quelques charges qui donnent le titre d'écuyer, sans attribuer à celui qui le porte une noblesse héréditaire & transmissible, mais seulement personnelle; c'est ainsi que la déclaration de 1651, & l'arrêt du grand-conseil, dit que les gardes du corps du roi peuvent se qualifier écuyer. Les commissaires & controlleurs des guerres & quelques autres officiers prennent aussi de même le titre d'écuyer. (A)

Voyez le glossaire de Ducange au mot scutarius, celui de Lauriere au mot écuyer, le traité de la noblesse par de la Roque, le code des tailles. (A)

Ecuyer, Grand - Ecuyer de France (Page 5:387)

Ecuyer, Grand - Ecuyer de France, (Hist. mod.) Le sur - intendant des écuries de nos premiers rois étoit nommé comte ou préfet de l'étable; il veilloit sur tous les officiers de l'écurie; il portoit l'épée du roi dans les grandes occasions, ce qui le faisoit nommer le protospataire: en son absence il y avoit un officier qui remplissoit ses fonctions, que l'on nommoit spataire. Lorsque le commandement absolu des armées fut donné au connétable & aux maréchaux de France, le spataire, qui sous eux étoit maître de l'écurie, en eut toute la sur - intendance. Il y avoit sous Philippe - le - Bel, en 1294, un Roger surnommé l'écuyer à cause de son emploi, qui étoit qualifié de maître de l'écurie du roi; titre qui a passé à ses successeurs. En 1316 Guillaume Pisdoë fut créé premier écuyer du corps, & maître de l'écurie du roi. On connoissoit dès - lors quatre écuyers du roi: deux devoient être toûjours par - tout où étoit la cour; l'un pour le corps, c'est le premier écuyer; l'autre pour le tynel, c'est - à - dire pour le commun, qui se qualifioit aussi de maître de l'écurie du roi; avec cette différence pourtant, que ceux du tynel dépendoient des maîtres de l'hôtel, & ne pouvoient s'éloigner sans leur congé; au lieu que celui du corps ne prenoit congé que du roi. Le titre qu'avoit porté Guillaume Pisdoë, fut donné à ses successeurs jusqu'à Philippe de Geresmes, qui par lettres - patentes du 19 Septembre 1399, fut créé écuyer du corps, & grand - maître de

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.