Dictionnaires d'autrefois
Dictionnaires des 17ème, 18ème, 19ème et 20ème siècles

RECHERCHE Accueil Documentation ARTFL ATILF Courriel

Jean-François Féraud: Dictionaire critique de la langue française (Marseille, Mossy 1787-1788)

GARDE (Page B317a)

GARDE, s. f. et m. GARDER, v. act. [2e e muet au 1er, é fer. au 2d.] Garde est fém. quand il exprime l'action de garder, et une femme qui garde et soigne un malade; il est masc. quand il signifie celui qui garde, et surtout ceux qui sont préposés à la garde du Roi. "Un garde du corps, un garde du Roi. Cependant l'usage le fait fém. en deux ocasions; les gardes Françaises et les gardes Ecossaises. En parlant distributivement, on dit, un Soldat, deux Soldats aux gardes, et non pas deux gardes Françaises, une garde Française. = Il est aussi fém. quand il est collectif, pour signifier des gens de guerre, qui font la garde. "Assoir, poser la garde. Relever, renforcer, doubler la garde, etc.
   REM. 1°. Garde se combine avec plusieurs verbes. — N'avoir garde régit de, et l'Infinitif. Ordinairement il signifie ne pas ôser: "Il n'a garde d'y revenir. Quelquefois pourtant il veut dire, ne pas pouvoir. "Ils n'avaient garde de le reconoître au milieu des flots. Télém. "Le Cardinal Infant n'avait garde de comander alors dans les Pays-bas, puisqu'il étoit mort à Bruxelles au mois de Mai. D'Avr. — L'Acad. fait observer que cette expression n'est que du style familier. = Se doner garde ou de garde de, se dit à peu près dans le même sens. La Touche admet l'un et l'aûtre: on ne se sert plus que du 2d. Les Français se donèrent bien de garde d'acuser l'Église Romaine. BOSS. — Leibnitz ajoute, à la préposition de, la négative ne. "Il se devait doner de garde de ne rien faire que ce qui lui seroit ordoné. Retranchez ne. C'est comme ceux qui disent je crains de ne faire, ou, je vous défends de ne pas faire. = Prendre garde régit à des noms, et à ou de des verbes. "Prenez garde à vous, à ce que vous faites. "Je prendrai garde une aûtrefois à ne pas me laisser surprendre: "Prenez garde de tomber. Ce dernier régime est le plus usité. On peut employer l'aûtre, sous la direction de l'oreille et du goût. * Se prendre garde de est un gasconisme. Montagne, qui était gascon, parlant des chiens, qui conduisent les aveugles: Je me suis pris garde, dit-il, comme ils s'arrêtent à certaines portes, etc. En Provence, plusieurs disent comme Montagne: je ne me suis pas pris garde de lui; il ne s'en est pas pris garde, pour dire, je ne l'ai pas apperçu; il n'y a pas fait atention. = Prendre garde, régit aussi le Subjonctif précédé de que et de ne. "Je l'avais souvent averti de prendre garde que ses débauches ne lui attirassent quelque grand malheur. — Il est à remarquer que ce régime du Subjonctif, s'emploie quand le Verbe régi ne se raporte pas au sujet (au Nominatif) du v. prendre garde, et l'Infinitif quand il s'y raporte. "Prenez garde que cet enfant ne tombe: prenez garde de tomber. — Il faut observer aussi que la particule ne est indispensable dans le 1er régime. * Prenez garde que persone vous séduise. Nouv. Test. Dites: ne vous séduise. — L'Acad. ne met point d'exemple de ce régime: c'est un oubli. = De garde, espèce d'Adjectif; facile à garder, à conserver. "Ces fruits sont ou ne sont pas de garde, de bonne garde: "Olives, figues sèches et aûtres nourritûres de garde. Pluche. "Les filles sont de difficile garde: il faut veiller soigneûsement à leur conduite. — On dit, dans un aûtre sens, qu'un homme est de bonne garde, pour dire, qu'il garde long-tems ce qu'il possède; et qu'un chien est de bonne garde, pour dire, qu' il garde, qu'il avertit bien. = En garde, adv. Être, ou se mettre, ou se tenir en garde, contre... se défier de... "À~ moins que d'être toujours en garde contre les discours de ces Messieurs, on prend insensiblement leurs sentimens. Sév. * M. Linguet dit se tenir de garde, et je crois qu'il est le premier à l'avoir dit: "Ces Spartiates se tiennent de garde contre cette molesse des Sibarites. — On dit, se tenir en garde et se doner de garde avec des sens et des régimes diférens. "La jeunesse doit se doner de garde de hanter des libertins. = Doner ou avoir en garde; le 1er régit l'Acusatif et le Datif; le 2d n'a que le 1er régime. "Il m'a doné sa bourse en garde: je l'ai eûe long-tems en garde.
   REM. 2°. Il y a grande diférence entre Capitaine des gardes, et Capitaine aux gardes: le 1er se dit d'un des quatre Capitaine des Gardes du Corps; le 2d, d'un Capitaine du Régiment des Gardes Françaises.
   REM. 3°. Garde entre dans la composition de plusieurs mots, mais il ne suit pas le genre du mot auquel il est joint. Garde-boutique, garde-chasse, garde-côte, garde-nape sont masculins, ainsi que garde-bois, garde-fou, garde-magasin. = On dit, dans le Dict. Gram. qu'il en est un de deux genres, garde-robe: on se trompe, il est toujours fém. aussi bien que garde-noble et garde-bourgeoise. Ceux-ci sont des termes de Pratique. = Il est à remarquer que dans ces composés, garde est indéclinable, et que le signe du pluriel ne doit afecter que le mot, qui lui est joint. On doit dire au pluriel, garde-côtes et non pas gardes-côtes, comme écrit M. Linguet ou son Imprimeur. Et ainsi garde-boutique, et non pas gardes-boutiques, comme on le lit dans la Marchande de modes, Th. d'éduc. Là, garde est un verbe: il ne doit donc point être décliné: mais dans gardes Françaises, gardes Suisses, garde, est un nom, c'est pourquoi on le décline. Et de plus, ce n'est pas un nom composé; et il ne doit point y avoir de tiret entre ces deux mots, comme on en met un dans les premiers. Voy. Pluriel, n°. 1°. Voy. aussi Prête et Porte.


ARTFL Project, The University of Chicago.
Copyright © 2001 All rights reserved.
PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.