ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"214"> portant pour le pronostic des maladies; cependant il passe rapidement sur cette partie intéressante, qui fournit peu au raisonnement, & que l'observation seule peut établir & confirmer. Le pronostic roule sur ces trois points principaux; quelle sera l'issue de la maladie, dans quel tems elle aura lieu, & comment, par quelle voie elle se fera. La décision de ces trois questions est fondée sur la connoissance qu'on a de la nature de la maladie & de la force de la faculté, connoissance qu'on peut obtenir par le pouls. Le pouls foible, languissant, petit, inégal indique la foiblesse absolue de la faculté; lorsqu'il est alternativement fort & foible, c'est un signe que la foiblesse n'est que respective; c'est - à - dire que la faculté est forte, mais chargée, alors le pronostic est moins fâcheux: à cette inégalité de force se joignent pour l'ordinaire les inégalités en grandeur, en vîtesse, en fréquence; l'excès des pulsations fortes, grandes, sur les pulsations foibles, petites, &c. marque l'empire de la faculté sur l'abondance des humeurs, & annonce le combat & la victoire, c'est - à - dire une crise favorable; elle est prochaine lorsque les pouls inégaux & petits augmentent en force & en grandeur; lorsque les miures décurtés remontent vîte & considérablement, la crise est toujours plus décisive & plus complette; lorsque les pouls ont été inégaux & irréguliers avant d'être égaux, réglés, grands & forts dans le tems que se fait la crise, le pouls doit être fort & bien élevé; les évacuations qui ne sont pas accompagnées & précédées de ces pouls sont toujours mauvaises. La vîtesse de la contraction est necessaire, dit Galien, parce que contractio excernit, l'excrétion est un effet de la contraction; mais cette vîtesse doit être modérée, sans quoi le pouls seroit mauvais & acritique. On peut distinguer, relativement aux modifications du pouls, deux couloirs généraux pour les évacuations critiques, l'un externe & l'autre intérieur: au premier se rapportent les sueurs & les hémorrhagies; ces excrétions font le pouls plus grand & plus élevé; celles qui se font par les organes internes sont le vomissement & la diarrhée, le pouls qui les annonce & qui les détermine est moins grand & comme rentrant. Outre ces caracteres généraux, chaque excrétion a, suivant lui, un pouls particulier, le pouls ondulant & celui de la sueur; le pouls haut & vibrosus, fort analogue au dicrote, annonce les hémorragies par la matrice, les veines hémorroïdales & par le nez; le pouls ondulant dur est le signe du vomissement. Le pouls devient souvent inégal dans plusieurs crises, & lorsqu'elles se font difficilement, & sur - tout lorsqu'il se prépare quelque évacuation bilieuse: multo vero magis ubi humores biliosi ad ventrem confluant. Synop. cap. lxxx. Avicenne a prétendu que le pouls petit dénotoit les crises par les selles. Lorsque le pouls, après avoir resté inégal dans les maladies pituiteuses, devient tout - à - coup véhément, il pronostique la terminaison de la maladie par un abcès, sur - tout dans un âge, un tempérament, une saison & un climat froid. Au reste, Gallen avertit soigneusement qu'il faut dans la prédiction des crises joindre aux connoissances qu'on tire de l'état du pouls les lumieres que peuvent fournir les autres signes examinés avec attention.

Tel est le systême des anciens sur le pouls; telle est sur - tout la doctrine de Galien adoptée sur sa parole par un grand nombre de médecins illustres jusqu'au quinzieme & même au seizieme siecle, souvent commentée & prétendue prouvée par de longs & obscurs raisonnemens, jamais illustrée par aucune bonne observation. Comme Galien avoit poussé jusqu'au bout les divisions & subdivisions du pouls, aucun de ses sectateurs n'a pu enchérir sur lui. Struthius, un de ses commentateurs, dont l'ouvrage a resté douze cens ans perdu, ajoute seulement une description du pouls de l'amour, que Galien avoit omise de propos délibéré, assurant que l'amour n'avoit point de pouls particulier, & différent de celui d'un esprit agité. Struthius assure qu'il est toujours inégal, anonyme; (c'est ainsi qu'il appelle le pouls dont les inégalités ne sont point déterminées, & n'ont point de nom propre) & irrégulier, & qu'il l'a trouvé ainsi dans une femme mariée qui avoit un amant; toutes les fois qu'on lui en parloit, le pouls prenoit ce caractere; ce qui revient aux pouls des passions, conformément aux observations rapportées plus haut d'Erasistrate & de Galien. Quoique cet auteur soit galéniste décidé, il ne laisse pas de critiquer quelquefois son maître. Son ouvrage mérite d'être lu; il porte ce titre: sphigmicoe artis, à 1200 perditoe & desiderat. libr. V. en 1555. On peut aussi consulter le traité particulier de Francis. Vallerius, Médecin de Philippe le Grand, roi d'Espagne: pulsib. libell. padon. 1591. de Camillus Thesaurus de Corneto: de puls. opus absolutiss. lib. VI. Neapol. 1594. L'excellent ouvrage de Prosper Alpin, de proesagiend. vit. & mort. lib. VII. Patav. 1601, un des derniers qui ait suivi le systême de Galien, & peut - être celui de tous qui l'a le mieux développé. L'extrait qu'en a donné M. le Clerc dans son histoire de la Médecine, est trop abregé & très incomplet. (Hist. de la Médec. liv. III. chap. III. & part. 3.)

Réflexions sur la doctrine de Galien. 1°. Sur les différences. Il est impossible de ne pas s'appercevoir que la plus grande partie des différences que Galien établit, ne soit plutôt le fruit de son imagination & de son calcul que de ses observations; l'esprit de division auquel il s'est laissé aller, l'a sans doute emporté trop loin, il a souvent donné ses idées pour des réalités, dé taillant plutôt ce que le pouls pouvoit être, que ce qu'il étoit en effet. Il ne dit pas j'ai observe un tel pouls, je l'ai vu varier de telle ou telle façon, il blâme au contraire ceux qui, comme Hérophile, n'ont donné que des observations sans ordre, sans méthode & sans raisonnement; mais voici comme il s'énonce: le pouls étant un mouvement, il doit donc varier de la même maniere que les autres especes de mouvement; mais ce mouvement peut se considérer dans un seul pouls, c'est - à - dire, une seule pulsation, ou bien dans plusieurs; de la double variation, de la distinction entre la vitesse & la fréquence, entre l'inegalité d'une seule pulsation, & l'inégalité collective, &c. Le pouls étant composé de deux mouvemens, l'un de systole ou de contraction, & l'autre de diastole ou de distension, doit fournir de nouvelles différences, par rapport à la promptitude avec laquelle ces mouvemens se succéderont, à la maniere dont ils se succéderont, à l'ordre, la proportion qu'ils observeront, à la quantité de distension ou de contraction, &c. Il peut arriver que ces caracteres se combinent ensemble; alors quel nombre prodigieux de différences n'en peut - il pas résulter? Galien a suivi ce détail avec la derniere exactitude, & une extrème subtilité, & a par ce moyen multiplié les caracteres du pouls; de façon, comme il dit lui - même, que la vie de l'homme suffit à peine pour en prendre une entiere connoissance. On conçoit bien la possibilité de toutes ces différences, mais on ne les observe pas; elles éludent le tact le plus fin & le plus habitué; Galien ne dit pas lui - même les avoir apperçues. Cependant il faut bien se garder d'englober dans la même condamnation toutes les différences qu'il a établies; mais comme on est assuré que la plûpart sont arbitraires, on ne doit les admettre que d'après sa propre expérience. Il y a lieu de penser, & il est même certain, que plusieurs pouls décrits par Galien, sont conformes à l'observation. On sait que la haute réputation qu'il avoit à Rome, lui venoit principalement de [p. 215] son habileté dans le prognostic, & de ses connoissances sur le pouls. D'ailleurs les observations postérieures ont confirmé, comme nous le verrons plus bas, une partie de sa doctrine. On peut jusqu'à un certain point, déterminer ce qu'il y a de réel ou d'idéal dans ses descriptions, par ce principe; que les pouls qui ne naissent point de ses divisions, & qui n'entrent qu'avec peine dans ses classes, doivent leur origine à l'observation; tels sont les dicrotes, les caprisans, les miures, les ondulans, les vermiculaires, les formicans, & même les intermittens. 2°. Les pouls simples, soit égaux, soit inégaux, sont aussi observés: quant aux combinaisons & aux subdivisions minutieuses, elles décelent ouvertement l'opération de l'esprit, & le travail du cabinet; on peut sans risque refuser de les croire & les négliger. Les Méchaniciens dont nous parlerons dans un moment, aussi méthodistes que Galien, plus théoriciens & moins observateurs que lui, ont dans la détermination du pouls, suivi une route contraire, admettant ceux qu'ils voyoient découler de leurs principes, & qu'ils pouvoient expliquer, & traitant de chimériques ceux dont ils ne concevoient pas l'origine & la formation; aussi se sont - ils particulierement déchaînés contre cette nomenclature de Galien.

3°. Sur les causes du pouls. La doctrine de Galien sur cette partie, est très - obscure, & paroît absurde & extraordinaire par l'ignorance où nous sommes de sa langue. Chaque âge, chaque pays, & chaque climat même non - seulement a un idiome différent, mais aussi une façon particuliere d'exprimer souvent les mêmes idées, un tour de phrase singulier; & c'est souvent faute d'entendre ce langage que nous condamnons légerement des choses que nous approuvons sous d'autres termes.

La faculté que Galien fait inhérente aux parois des arteres, paroît très - naturelle; elle eût été appellée par les Sthaliens, nature ou ame; élasticité simplement par les Méchaniciens, & irritabilité ou contractilité par d'autres. L'usage que Galien regarde comme une seconde cause de la génération du pouls, est un mot qui exprimeroit à merveille dans le langage des animistes, le motif qui détermine leur ame ouvriere à faire & à varier le pouls suivant le besoin. Quant à son excrément fuligineux né de l'adustion du sang qui choque d'abord les oreilles; lorsqu'on l'examine, on voit que ce n'est autre chose que ce que les modernes appellent matiere de secrétions, superflus de la nourriture, humeurs excrémentitielles, &c. noms aussi vagues & indéterminés. Et il ne s'éloigne pas de la vérité, lorsqu'il dit que l'usage de la contraction étant d'expulser, elle doit augmenter en fréquence, en vîtesse, en grandeur, lorsqu'il s'est accumulé. Les modernes ne disent - ils pas que la même chose arrive, ou qu'il y a fievre, lorsque les excrétions sont supprimées, lorsqu'elles ne se font pas bien, que le sang est altéré, que les extrémités artérielles sont obstruées? &c. Les explications qu'il donne des différens pouls, sont quelquefois assez naturelles; nous ne dissimulerons pas, que pour suivre les divisions qu'il a établies dans le premier livre, il est obligé d'entrer dans des détails aussi minutieux, & d'imaginer des causes qui ne sont pas moins chimériques. Pour ce qui regarde les changemens qui arrivent au pouls par l'action des causes extérieures ou accidentelles, ce sont des choses que l'observation seule peut décider. Nous ne nierons pas que quelques - uns paroissent évidemment une suite de son système, & plutôt imaginés qu'observés. Nous avertirons en même tems que nous avons fait quelques observations qui sont favorables, à ce qu'il avance, nous en avons rapporté une plus haut; c'est en suivant la même route qu'on pourroit vérifier entierement des points aussi importans.

4°. Sur les présages. Ce que nous avons dit sur les différences, & sur les causes du pouls, est aussi appliquable aux présages qu'on doit ou qu'on peut en tirer dans le système de Galien: le même minutieux, le même arbitraire regne ici. On prétend des modifications du pouls données, remonter à la connoissance des causes, ou parvenir à déterminer l'état actuel ou futur de la maladie; & c'est toujours en conséquence des principes établis & censés vrais, & des différences supposées; mais un édifice construit sur des fondemens aussi peu certains, peut - il être solide? Il n'est souvent pas même brillant. Cependant par la raison qu'il y a des différences réelles & des causes assez naturelles, il doit y avoir des présages justes & assurés. Il est certain, par exemple, que le pouls languissant est un effet & un signe nullement équivoque de la foiblesse de la faculté. La dureté du pouls indique bien évidemment la dureté de l'artere, d'où l'on peut remonter assez surement à la connoissance d'une inflammation dans des parties membraneuses tendues, ou de quelque affection spasmodique, &c. La partie du pronostic semble n'être qu'un extrait de l'observation. Galien détaille avec beaucoup de justesse quelques pouls critiques, & dans ces chapitres il ne se permet aucun raisonnement; il ne pense pas à donner l'explication des différences de ces pouls, il ne donne que des faits, que des observations ultérieures ont étendu & confirmé; quelles lumieres n'aurions - nous pas tiré de ces ouvrages, s'il ne se fût jamais écarté de cette route; & même dans ce qu'il a fait, quel champ vaste & fécond n'a - t - il pas ouvert aux observateurs? Mais leur paresse, leur ignorance, ou leur mauvaise foi, l'a laissé inculte & sterile pendant plus de six cens ans. Encore est - ce le hasard, qui après un si long espace de tems, a réveillé l'attention des Médecins?

Doctrine des Méchaniciens sur le pouls. Bellini est un des premiers & des plus célebres auteurs qui ait consideré le pouls méchaniquement. (Laurent. Bellin. de urinâ pulsib. & opuscul. proectic). Hoffman a suivi son système, & a pretendu prouver dans une dissertation particuliere, que le pouls devoit être assujetti aux regles de la méchanique. (De puls. natur. & gemin. different. & usu in proest. tom. VI. vol. iv.) Boerhaave, & tous ses sectateurs, tous les médecins qui ont embrassé la théorie vulgaire, fondée sur la fameuse circulation du sang mal conçue & trop généralisée, & sur les lois insuffisantes de la méchanique inorganique; tous ces médecins, dis - je, qui font encore le parti le plus nombreux, & presque dominant dans les écoles, ont adopté leurs opinions sur le pouls. Ils font peu d'usage de ce signe, l'examinent sans attention, & n'en tirent que peu de connoissances & très - incertaines; mais en revanche ils en font un objet important de leurs dissertations, de leurs disputes & de leurs calculs. Ils le soumettent aux analyses mathématiques, & s'occupent beaucoup plus à en déterminer géométriquement & la force & les causes, qu'à saisir comme il faut ses différences, & en évaluer au juste les significations. Voici à quoi se réduit leur doctrine.

1°. Sur les différences. Ils appellent avec Galien, pouls, le double mouvement de systole & de diastole que l'on apperçoit au coeur, & principalement aux arteres. Ils regardent comme le fruit d'une oisive subtilité, toutes les divisions minutieuses que Galien a détaillées avec tant d'exactitude; ils rejettent aussi hardiment, mais avec moins de raison, les différentes especes de pouls, désignées par les noms des choses avec lesquelles on a cru leur trouver quelque ressemblance, comme les myures, ondulans, discrotes, caprisans, &c. ils se moquent de ces comparaisons inexactes, de ces images grossieres & de ces

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