ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"212"> faculté, la dureté ou la mollesse des arteres; les autres différences pouvant être produites par différences causes, ne sauroient déterminer au juste quelle est la véritable, alors on combine plusieurs caracteres ensemble; & pour éviter encore plus sûrement l'erreur, on y joint l'examen des autres signes anamnestiques. Par exemple, la grandeur du pouls peut être augmentée par la faculté forte, l'artere molle, & l'usage pressant; on peut encore ajouter à ces causes celles qui sont accidentelles extérieures, telles que le boire, le manger, les bains & les médicamens chauds, les passions d'ame vive, &c. ainsi la grandeur du pouls est un signe générique, & par conséquent équivoque de ces différentes causes; mais elle désigne la faculté forte, si elle est jointe à la véhémence; l'artere molle, si elle est accompagnée de mollesse dans le pouls; & l'usage, si aucun de ces caracteres ne s'y rencontrent avec elle, & si la vîtesse & la fréquence augmentent; ce sera aussi un signe que la distension ne répond point à l'usage; on connoîtra l'action des causes extérieures en général en tâtant le pouls à diverses reprises, parce que les impressions qu'elles font sur le pouls ne sont pas durables; la grandeur du pouls, occasionnée par le boire & le manger, est parmi celles - ci la plus constante, elle est jointe à la véhémence, celle qui est un effet de la colere n'en differe que par la durée, elle est très - passagere, cette cause d'ailleurs se manifeste dans les yeux menaçans, rouges & en feu, de même que sur le visage; mais si le malade retient sa colere & veut l'empêcher de paroître, le pouls alors devient inégal & embarrassé, tel qu'il est dans la contrainte & la perpléxité; après les bains chauds, le pouls est grand & mol, les vaisseaux & l'habitude du corps souples & humides; après un remede échauffant, la grandeur du pouls augmente, & les environs de l'artere sont d'une chaleur brûlante; ce signe est, suivant Galien, très - important à saisir, & d'une grande ressource vis - à - vis des malades qui trompent les médecins, & qui prennent des remedes à leur insu & contre leur avis. Mais pour mieux s'assûrer de la vérité du fait, Galien dit qu'il faut, en tâtant le pouls, faire jurer au malade qu'il n'a rien pris, il hésitera d'abord, & son pouls deviendra sur le champ inégal, marquant la crainte & l'indécision, & décélant par - là le secret qu'il vouloit cacher. Si cette regle est bien juste, on pourroit souvent arracher à des malades des secrets qu'ils n'osent avouer. Galien raconte s'en être servi avec succès vis - à - vis d'un malade qui prétendoit prouver l'ignorance des Médecins; & pour mieux tromper Galien qui s'étoit déja apperçu d'une semblable tricherie, il prit des remedes en bols; Galien s'en apperçut au pouls, il interrogea le malade qui soutint opiniâtrément le contrairire, & fit venir, pour le certifier, tous ses domestiques, gagés pour ne le pas contredire. Galien alors lui prit le bras en lui tâtant le pouls, & lui proposa en même tems de jurer pour le convaincre; le malade balança, fit des difficultés, le pouls devint très - inégal, & Galien l'assûra avec plus d'opiniâtreté qu'il avoit pris quelques remedes, le malade fut obligé d'en convenir. J'ai fait, il n'y a pas long - tems, une observation assez analogue: une fille me demandoit quelques secours pour une suppression de regles qui duroit depuis quatre mois; après différentes questions, je lui demandai s'il ne pouvoit pas y avoir quelque sujet de craindre qu'elle fût enceinte, elle me protesta vivement le contraire; cependant il y avoit quelques signes douteux; je voulus essayer, pour m'éclaircir mieux ssur un fait aussi important & aussi obscur, le conseil de Galien; je lui tâtai le pouls que je trouvai assez régulier, & je lui dis que je ne la pourrois croire que sur son serment, que si elle juroit n'être pas enceinte, je lui ferois les remedes les plus convenables; dans l'instant elle changea de couleur, & son pouls manqua presque entierement; je n'hésitai point alors de lui dire que j'étois convaincu qu'elle étoit enceinte, & que je me garderois bien de lui ordonner le moindre remede: elle fut obligée ainsi de m'avouer ce qui qui en étoit.

Tout le monde sait l'histoire d'Erasistrate à l'occasion de Seleucus, dont il connut, par le moyen du pouls, la passion pour sa belle - mere, que ce prince déguisoit cependant avec une extrème attention; Erasistrate observa que son pouls étoit plus agité, plus ému, irrégulier toutes les fois que sa belle - mere s'offroit à ses yeux, ou même qu'on lui en parloit. Ce trait d'histoire a fourni le sujet d'une petite comédie, sous le titre du médecin d'amour.

On peut faire sur la dureté, la vîtesse, la fréquence & la quantité de distension du pouls le même raisonnement, ces caracteres désignent des causes différentes; mais en combinant plusieurs caracteres, & ayant aussi recours à la valeur des autres signes, on peut, dans le systeme de Galien, deviner assez juste la cause qui doit être accusée. On doit sur - tout se rappeller ce qui a été dit sur les causes du pouls. Voyez aussi Galen. de caus. puls. l. IV. & de proeragit. expuls. l. I.

La distension de l'artere & sa contraction ayant des usages différens, doivent aussi avoir différentes significations; l'usage de la contraction étant d'expulser l'excrément fuligineux provenu de l'adustion du sang, il s'ensuit que lorsqu'on la trouvera vîte, grande, &c. on pourra présumer qu'il y a beaucoup d'excrément; c'est pour cela qu'on l'observe telle, dans les fievres putrides, dans les dartres rongeantes dans les enfans, dans ceux qui mangent de mauvais alimens, &c. mais il faut être bien exercé à tâter le pouls pour sentir cette contraction; ceux, dit Galien, qui, par défaut d'habitude, ne peuvent pas l'appercevoir, traitent, ce qu'on en dit, de verbiage inutile, inanem loquacitalem; la distension servant à rafraîchir le sang dénotera lorsqu'elle augmentera en grandeur, en vitesse, en fréquence, l'excès de la chaleur; les variétés & les inégalités qui se trouveront dans l'une & l'autre, signifieront ou la surabondance de chaleur, ou l'accumulation d'excrémens fuligineux, suivant que la distension ou la contraction prédominera. Hérophile s'étoit beaucoup étendu sur cette proportion ou sur le sythme, mais Galien se plaint de ce qu'il a plutôt donné des observations qu'une méthode rationelle, comme si les faits, quels qu'ils soient, n'étoient pas infiniment préférables à tous les plus beaux raisonnemens, ils sont la véritable richesse du philosophe - médecin, & le plus sur guide pour le praticien: mais Galien, raisonneur impitoyable & intéressé par - là même à penser autrement, lui reproche de n'avoir débité là - dessus que des absurdités, des erreurs & des confusions.

Les pouls inégaux indiquent toujours une foiblesse de la faculté absolue ou relative; absolue, si le pouls est en même tems foible & petit; relative, s'il est grand & fort, alors la quantité des humeurs, la compression des arteres, leurs obstructions sont annoncées; celui qui marque, suivant lui, le plus de foiblesse, c'est le pouls qui manque tout - à - fait, savoir l'intermittent; c'est aussi un des signes les plus fâcheux, il est plus à craindre que les pouls les plus irréguliers, mais continus. Pour le prouver, Galien n'a pas recours à des observations, mais à une comparaison qu'il fait du pouls régulier à la santé, du pouls irrégulier à la maladie, & enfin du pouls intermittent à la mort: il remarque cependant que les vieillards, les enfans & les femmes sont moins en danger avec ce pouls que les jeunes gens. Le pouls rare ne differe de l'intermittent que par le degré, aussi n'est - il guere moins funeste que lui. Le pouls intermittent, dans une seule pulsation, est encore [p. 213] plus mauvais que l'autre, parce qu'il dénote une extrème foiblesse, ou des obstacles assez grands pour empêcher le mouvement des arteres dans chaque pulsation; au lieu que dans l'intermittent pris collectivement, les obstacles n'interceptent qu'une quatrieme pulsation, par exemple, ou une vingtieme, &c. Les pouls intercurrens & fréquens, opposés aux intermittens & aux rares, sont regardés comme plus dangereux par Archigene, parce que le fréquent accompagne ou précede ordinairement les syncopes, & l'intercurrent se rencontre dans certaines péripneumonies & autres fievres de mauvais caractere. Galien croit au contraire qu'ils sont plus favorables; l'intermittent & l'intercurrent ont cela de commun, dit - il, qu'ils sont produits par une faculté chargée & fatiguée par des obstacles; mais celui - ci montre que la faculté est forte, résiste & combat; souvent il précede la crise; celui - là au contraire indique que la faculté est opprimée & vaincue par les obstacles; il avoue que toutes les extrémités, excepté la véhémence, sont vicieuses & d'un mauvais augure, mais il prétend que le très - rare est plus fâcheux que le très fréquent. Voici comment il établit le degré de danger que chaque pouls égal fait craindre; d'abord il met comme le plus dangereux le pouls très - languissant, 2° le très - lent, 3° le très - rare, 4° le très - petit, 5° le très - mol, 6° le très - dur, 7° le très - fréquent, 8° le très - vîte, 9° le très - grand.

Les pouls dicrotes, caprisans, vibrés, indiquent l'intempérie des arteres ou du coeur, qui est, comme nous l'avons dit, la principale cause du dicrotisme, quelquefois aussi la différente température des humeurs dans différentes portions d'artere, il arrive alors qu'il y a collection d'excrémens fuligineux & beaucoup de chaleur; la premiere cause exige l'augmentation des contractions, l'autre la vîtesse & la grandeur des distensions, de façon que ces deux mouvemens se combattent & tâchent, s'il est permis de s'exprimer ainsi, d'empiéter l'un sur l'autre; à peine la distension est - elle commencée, que la contraction veut se faire, elle interrompt la distension; mais si la chaleur est très - forte, elle obligera la distension de recommencer, & de - là les deux coups dans l'espace de tems où il devroit n'y en avoir qu'un. Le pouls vibré est pour l'ordinaire très - critique.

Le pouls ondulant indique la mollesse des arteres & la faculté médiocrement forte, il est alors rare, lent & grand, si en même tems il devient haut & fort, & sur - tout si, suivant la remarque de Struthius, un des commentateurs de Galien, il y a plusieurs pulsations élevées & grandes, il annonce une sueur critique. Ce pouls s'observe dans les maladies humides, pituiteuses, dans les léthargies, les fievres quotidienes halitueuses, dans l'anasarque qui n'est pas produit par le skirrhe; il dénote d'autant plus sûrement la sueur critique, qu'il est plus mol, plus fort & plus égal, & que les autres signes de coction concourent. Le pouls vermiculaire désigne la foiblesse de la faculté & la mollesse de l'artere, il procede & accompagne les mauvaises sueurs, les fleurs blanches, & les grandes évacuations sanguines & séreuses; ce que Galien dit sur ce pouls mérite une extrème attention.

Les pouls décurtés, miures, inégaux manquans, réciproques manquans, innuens & circumnuens, indiquent la cause qui les produit, savoir la foiblesse de la faculté: quelque médecins ont prétendu trouver dans une espece de pouls miure renversé, dans lequel la premiere pulsation est la plus petite, & les suivantes vont toujours en augmentant, beaucoup de signification. Galien croit qu'il ne dépend que de la formation naturelle de l'artere; il y a aussi un pouls auquel on avoit fait attention, & que Galien croit ne dépendre que de la durété de l'artere, c'est le pouls qu'on pourroit appeller triangulaire, parce que la pulsation a en s'élevant la forme d'un triangle dont la pointe va frapper le doigt.

Les pouls bien réglés sont en général préférables aux irréguliers, cependant ceux - ci ne laissent pas d'avoir de grands avantages, ils annoncent dans les maladies une terminaison en bien ou en mal. Si le pouls est irrégulier, & en même tems fort & qu'il y ait eu des signes de coction précédens, c'est un signe de crise prochaine; dans ce cas l'ordre constant qui dénote une tranquillité infructueuse & nuisible, est moins avantageux que l'irrégularité.

Pour déterminer par le pouls quelles sont les parties affectées, & quelle est l'espece d'affection, Galien entre dans le détail des différentes maladies ou intempéries qui en sont la base, & parcourt successivement toutes les parties du corps: les seules intempéries du coeur & des arteres, dit - il, peuvent changer l'état du pouls, & les autres parties ne l'alterent que par leur action sur le coeur & les arteres, qui est en raison de leur voisinagedu coeur de la grosseur des vaisseaux qu'ils reçoivent de la dureté & de la sensibilité des nerfs qui entrent dans leur composition

Les intempéries sont simples ou composées, voyez ce mot, les simples au nombre de quatre sont la chaleur, le froid, la sécheresse & l'humidité; de la combinaison de ces quatre, il en résulte quatre autres composées qu'on appelle plus communément tempérament, voyez ce mot; savoir le chaud & le sec, le chaud & l'humide, le froid & le sec, le froid & l'humide, &c. On peut voir par ce que nous avons dit plus haut, quels sont les pouls propres à chaque intempérie & rempérament; mais il peut arriver que le coeur soit chaud, par exemple, & les arteres froides; si l'excès de part & d'autre est égal, le pouls est modéré; mais si on applique la main sur le coeur & sur une artere, on sentira de la différence dans la grandeur, la vîtesse & la fréquence des pulsations. Cette différence sera quelquefois sensible d'une portion d'artere à l'autre, c'est ce qui s'observe dans les fievres lypiries, malignes, pestilentielles, &c. Ce pouls est dans ce cas un très mauvais signe, mais qui trompe les inexpérimentés. Les fievres qui sont des affections du coeur font varier le pouls, suivant leur nature, & sont indiquées par ses différens caracteres. Galien en distingue trois especes, la diaire, l'hectique & la putride. Il assure que dans la diaire, le pouls est toujours plus grand, plus vîte & plus fréquent; les hectiques ont le pouls encore plus vîte; il en est de même des putrides. Galien dit qu'une fréquente expérience lui a appris que le signe le plus infaillible de ces fievres étoit la vîtesse des contractions au commencement de l'accès, ce signe est sensible à ceux qui ont le tact fin & exercé. Le pouls des inflammations est toujours dur.

Lorsque les poumons sont affectés, ils communiquent promptement leur altération au coeur, & ne tardent pas à faire impression sur le pouls; leur intempérie chaude le fait grand, vîte & fréquent; l'humide les fait mous, &c. Il en est de même des autres visceres, lorsque les parties membraneuses tendues, comme la plevre, le diaphragme, la vessie seront affectées, le pouls sera toujours plus dur. On peut, dans le système de Galien, se faire une idée en suivant la regle établie plus haut, de tous les pouls qui accompagneront l'affection des différentes parties du corps; il ne faut pas oublier que l'idée qu'on s'en formera ne sera jamais qu'une idée plus ou moins éloignée de la réalité; mais si l'affection se trouve dans des parties dénuées de vaisseaux, elles exciteront des symptomes nerveux, des convulsions; il faut que les vaisseaux soient attaqués pour produire la fievre.

Galien regarde le pouls comme un signe très - im<pb->

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