ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"216"> noms bisarres; mais pourquoi tâchent - ils de jetter un ridicule sur ces pouls? C'est qu'ils ne peuvent pas en démontrer la fausseté, & qu'ils ne peuvent cependant pas les admettre, parce qu'ils ne s'accordent pas avec leur regle, qu'ils sont inexplicables dans leur théorie, & qu'ils choquent, embarrassent & arrêtent la marche de leurs calculs, qui exigent nécessairement une certaine uniformité: des pouls décrits par Galien, ils n'ont conservé que ceux qu'ils ont cru se plier commodément à leur système, dont les explications leur ont paru assez naturelles, & qui d'ailleurs pouvoient se calculer aisément. Tels sont les pouls forts & foibles, fréquens & rares, grands & petits, durs & mols, égaux & inégaux, & l'intermittent. Ces différences sont fort simples, faciles à observer, & paroissent au premier coup d'oeil assez significatives. Dans les idées qu'ils attachent à ces pouls, ils ne different de Galien que dans ce qui regarde le pouls rare & fréquent, par lesquels ils pensent exprimer, non - seulement les pouls où les pulsations se succedent avec beaucoup ou peu de promptitude, mais encore ceux où les pulsations s'élevent & s'abaissent vîte ou lentement, de façon qu'ils confondent assez ordinairement la vîtesse & la fréquence, la rareté & la lenteur, croyant que l'une ne sauroit exister sans l'autre. « La vîtesse des pulsations, dit Sylvius de le Boe, peut aisément se concevoir, mais elle ne sauroit s'observer. L'espace de tems, ajoute Bellini, que l'artere emploie pour s'élever dans l'état naturel, est si court, qu'il n'est pas possible qu'on puisse le distinguer au tact; il sera encore moins sensible dans l'état contre - natre - nature.» (de pulsib. pag. 65.) Frédéric Hofman, & quelques autres, ont cru que le pouls fort n'étoit pas bien différent du vîte; mais cette idée n'est pas juste & n'est pas suivie.

2°. Causes du pouls. Tous les Méchaniciens s'accordent à regarder le mouvement ou la circulation du sang, comme la vraie & premiere cause du pouls; mais ils ne parlent que du pouls ou battement des arteres. Celui du coeur, qu'on appelle plus communément le mouvement du coeur, est produit par d'autres causes. Voyez Coeur, Circulation, Diastole, Sytole . Ils supposent donc le coeur deja mis en jeu par un autre mobile, se contractant & se dilatant alternativement, tantôt envoyant le sang dans les arteres, & tantôt le recevant des veines; cela posé, voici comme ils raisonnent: le sang poussé avec plus ou moins d'impétuosité par la contraction des ventricules dans les arteres, y trouve nécessairement de la résistance; son mouvement devenant moindre, & étant empêché, suivant l'axe de l'artere, doit augmenter par les côtés, semblable à une riviere qui déborde, s'étend sur le rivage, & frappe les corps qu'elle rencontre sur les côtés, lorsqu'elle trouve quelque obstacle qui empêche la liberté de son cours. Le sang poussé dans les arteres, éprouve de la résistance de la part de celui qui précede, dont la vîtesse diminue toujours à mesure qu'il s'éloigne du coeur, à cause de la division des arteres, de la multiplication des branches qui fait augmenter les surfaces dans une plus grande proportion que les capacités, & rend par - là les frottemens beaucoup plus considérables. Qu'on se représente deux ou plusieurs cylindres d'argile molle, mus suivant la même direction, avec une vîtesse inégale, de façon que le second en ait plus que l'autre, lorsque ces deux cylindres s'atteindront, il y aura un choc qui sera à leurs extrémités voisines, un applatissement plus ou moins considérable suivant la force du choc; le diametre augmentera, leur circonférence sera plus grande, & il se formera une espece de bourlet. Si ces deux cylindres étoient contenus dans un étui souple & flexible, ils se dilateroient dans cette partie, & formeroient un renflement. Appliquons maintenant cela au sang, poussé à différentes reprises dans les arteres; concevons - en deux jets envoyés par deux contractions différentes, le premier aura parcouru une certaine portion d'artere dans le tems que le second commence à y entrer; mais sa vîtesse diminuant, il sera bien - tôt atteint par le second, auquel il opposera de la résistance. Il y aura un choc dont la force sera mesurée par le quarré de l'excès de vîtesse du second jet sur le premier; par conséquent reflux vers les parois de l'artere, qui étant molles & dilatables, seront poussées en dehors, & feront le mouvement de diastole. On peut imaginer la même chose, le même méchanisme dans toutes les portions de l'artere, & on aura l'idée de la dilatation de l'artere, premiere partie & la plus sensible du pouls. Mais en même tems que les jets postérieurs choquent ceux qui les précedent, ils leur communiquent une partie de leur vîtesse, par conséquent les degrés sont moins inégaux, & ils doivent nécessairement diminuer, & se rapprocher davantage, à mesure que le sang fait du chemin, & qu'il parvient aux petites artérioles; enfin les vîtesses doivent être égales. Alors plus de résistance, plus de choc, plus de reflux vers les côtés, & plus de dilatation. Il me paroît qu'on pourroit tirer de - là une explication assez satisfaisante dans ce système de la diminution dans la force & la grandeur du pouls, dans les petits rameaux artériels, & enfin du défaut total dans les arteres capillaires & dans les veines; phénomene qui avoit jusqu'à présent paru inexplicable par les mauvaises raisons qu'on en a données. Voyez Arteres.

Lorsque les parois de l'artere ont été distendues à un certain point par l'effort du sang, cette cause venant à cesser avec la contraction du coeur qui fait place à sa dilatation, leur élasticité qui avoit augmenté par la tension, a son effet; le sang s'écoule pour remplacer les vuides que fait celui qui se décharge des veines & des oreilletes dans les ventricules dilatés. Les parois ni repoussés, ni même soutenus, obéissent à son effort; ils se rapprochent mutuellement, & paroissent s'enfoncer sous le doigt qui tâte: c'est ce qu'on appelle contraction ou systole. Voyez ce mot. Une nouvelle contraction du coeur donne naissance à une seconde dilatation des arteres, que suit bien - tôt après une autre contraction, pendant que le coeur se dilate de nouveau. Cette suite de dilatations & de contractions n'est autre chose que le pouls.

La même cause qui produit le pouls, le fait varier; les changemens qui arrivent dans les contractions des ventricules, & en particulier du ventricule gauche, se manifestent par les dilatations des arteres. Le sang peut entrer plus ou moins abondamment dans les arteres, y être poussé fréquemment ou rarement, avec plus ou moins de force. Les contractions du coeur peuvent être uniformes ou variables, tantôt plus vives, tantôt plus foibles, plus lentes ou plus rapides, séparées par des intervalles égaux ou inégaux. D'ailleurs le tissu des arteres peut être plus ou moins dense, plus lâche, ou plus ferme; les obstacles qui se présentent aux extrémités capillaires, ou dans le coeur, peuvent varier: enfin le sang peut être en plus ou moins grande quantité, plus ou moins aqueux, &c. Toutes ces causes peuvent apporter de grands changemens dans la grandeur la force, la vîtesse, l'uniformité, l'égalité, la dureté & la plénitude du pouls.

Les causes des contractions du coeur sont l'abord du sang & l'influx des esprits animaux dans les ventricules; à quoi Bellini ajoute fort inutilement & mal - à - propos l'entrée du sang dans les arteres coronaires. Si la quantité & la qualité du sang & des esprits animaux sont légitimes, les contractions du [p. 217] coeur seront grandes & fortes; la dilatation des arteres y répondra; pour que le pouls soit grand il faut que la souplesse des parois artérielles & la liberté de la circulation y concourent. Le pouls peut être fort avec la dureté; il suppose aussi toujours une résistance plus considérable, une certaine gêne dans les extrémités des arteres; alors l'excès de vîtesse du second jet sur le premier est plus grand, le choc plus fort, le reflux & l'effort sur les parois plus sensible, & le pouls plus véhément. La quantité & la qualité du sang étant altérées, les esprits animaux vitiés rendront les contractions du coeur plus petites & plus foibles, & feront sur le pouls les mêmes altérations. La dureté de l'artere suffit pour en empêcher la grandeur; & le mouvement suivant l'axe trop libre, le rend foible, comme il arrive dans les hémorrhagies & dans ceux qui ont le sang dissous & privé, comme dit Hoffman, de la substance spiritueuse, expansive, élastique, qui lui donne du ton, & qui sert à élever les parois de l'artere avec vigueur. La fréquence du pouls est produite par la vîtesse de la circulation qui suppose un influx plus rapide du fluide nerveux dans le tissu des ventricules, & le retour plus prompt du sang dans leurs cavités. 1°. Le fluide nerveux sera sollicité & comme appellé plus abondamment & plus vîte par un sang bouillant, enflammé, âcre, qui irritera les parois sensibles des ventricules. 2°. Le sang abordera plus promptement au coeur, si les extrémités artérielles sont obstruées; parce qu'alors il prendra pour y retourner un chemin plus court, se détournant de ces arteres pour passer par les collatérales, dont le diametre est plus grand; il arrivera pour lors que ces arteres libres seront obligées de transmettre une plus grande quantité de sang qu'auparavant, & dans le même tems; il faudra donc pour subvenir à cette augmentation de masse, que sa vîtesse augmente, comme il arrive aux fleuves qui coulent avec plus de rapidité lorsque leur lit est resserré. Cette explication de la fréquence du pouls, toute absurde qu'elle est, & contraire aux lois les plus simples de la méchanique, forme la base de la fameuse théorie des fiévres & de l'inflammation. Voyez Fiévre & Inflammation. C'est un des dogmes les plus importans de l'aveugle machinisme. Les causes opposées, savoir un sang tranquille, froid, épais, rapide, peu de sensibilité dans le coeur & les vaisseaux, produisent le pouls lent ou rare; car les Méchaniciens regardent ces deux noms comme synonymes; c'est ce qu'on observe chez les vieillards, chez les jeunes chlorotiques, &c. La dureté du pouls est l'effet de la sécheresse de l'artere, ou de sa construction: la premiere cause a lieu dans certaines convalescences, dans la vieillesse & dans ceux qui ont fait un long & immodéré usage du vin & des liqueurs ardentes aromatiques; le resserrement est produit par une inflammation considérable, une douleur vive, ou une affection spasmodique; la mollesse suppose la privation de ces causes, l'excès de sérosité, l'inaction des nerfs, & une espece d'apathie. Lorsqu'elle est poussée à un certain point, le pouls est appellé lâche; il a pour cause la foiblesse & le relâchement des organes qui poussent le sang ou la petite quantité de ce fluide.

Le pouls égal dont les pulsations se succedent avec une force, une grandeur, & une vîtesse semblables, se soutient dans cet état tant que la marche des esprits est uniforme dans les nerfs, & le cours du sang libre dans le coeur & les vaisseaux. Dès que l'action des nerfs & des organes de la circulation est troublée, le pouls devient inégal, & quelquefois manque tout - à - fait, ce qui dépend de la force des obstacles qui s'opposent au mouvement du sang; ils peuvent se trouver dans le coeur & au commencement des arteres ou des veines, comme les polypes, des concrétions, des ossifications, des tumeurs, des anévrismes, qui bouchent ou dilatent trop les passages du sang, troublent l'uniformité de son cours, dérangent, empêchent, & interrompent même les contractions du coeur, les affections du cerveau, le vertige, l'incube, l'apoplexie; celles de la poitrine, les pleurésies, les asthmes, les vomiques, &c. suspendent quelquefois l'action du coeur & le cours du sang, & rendent le pouls intermittent. Les nerfs seuls agités dans diverses parties, produisent les mêmes effets: l'intermission du pouls est fréquente dans les hypochondriaques & dans les affections hystériques. Les autres especes de pouls ne sont formées que par ces différences augmentées, diminuées, & diversement combinées; Hoffman prétend que tous ces caracteres de pouls vermiculaires, caprisans, vibratils, myures, &c. dépendent d'un état convulsif des parois de l'artere, & que le pouls intermittent est produit par l'inégalité d'un flux des esprits animaux & du mouvement du sang, & par le désordre qui se trouve alors dans la combinaison de ses principes. Il n'y a presque pas un auteur qui n'ait un sentiment différent sur la formation de ce pouls, qui n'ajoute ou qui ne retranche quelqu'absurdité des explications des autres. Bellini tranche la difficulté, & n'en parle pas; il nie la plûpart des irrégularités admises par les anciens. Dans le dicrote il peut y avoir, dit - il, beaucoup de supercherie; on n'a qu'à faire appliquer inégalement les doigts sur l'artere, & on sentira deux coups au lieu d'un; cependant il peut arriver que ce double coup se fasse sentir, qu'il soit réel. Lorsque les extrémités artérielles sont fortement obstruées, alors le sang obligé de refluer éleve l'artere deux fois de suite, & fait par là le dicrotisme.

A ces causes, les Méchaniciens ajoutent avec les galénistes, celles qui sont extérieures ou accidentelles, comme les passions, l'âge, le tempérament, le climat, le chaud & le froid, le boire & le manger, le sommeil, l'exercice, les médicamens, &c. Ils se sont contentés de remarquer que ces causes altéroient & faisoient varier le pouls; peu soucieux d'observer la nature de ces changemens & de nous en instruire. Hoffman nous avertit seulement, après Sydenham, que l'usage des martiaux, des remedes actifs, des sudorifiques, des huiles essentielles, animoit le pouls, & en augmentoit la force & la vîtesse, que les anodins, les nitreux, l'opium, les mélanges de nitre & de camphre produisoient des effets contraires. Il avertit aussi fort judicieusement de bien consulter le pouls avant d'ordonner aucun remede, parce qu'on doit s'abstenir des purgatifs forts, émétiques, de même que des préparations de pavot, qui risqueroient de procurer un sommeil éternel, si le pouls est petit, foible, & languissant; des cordiaux, des analeptiques, des spiritueux volatils, si le pouls est fort vîte & fréquent, &c. Il n'est personne qui ne sente combien pourroit être funeste l'inopportunité de ces remedes.

3°. Présages tirés du pouls. Le pouls étant l'effet immédiat de la circulation du sang, il doit aussi en être le signe le plus assuré, & en marquer exactement toutes les variations; d'où il doit nécessairement devenir le signe le plus universel & le plus lumineux de tous les dérangemens de l'économie animale: car il est si incontestable que c'est de la circulation du sang, assure Frédéric Hoffman, & avec lui tous les circulateurs ou méchaniciens, « que dépendent la vie & la santé; que c'est par elle que toute la machine humaine est gouvernée; qu'on peut la regarder comme cette nature bonne & prévoyante mere, qui conserve la santé, & qui guérit les maladies. Ainsi plus le pouls est modéré & régulier, plus la nature tend directement & victorieusement à son but: plus au contraire il s'éloigne de cet état

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