ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"190"> S'étant sur ce chapitre expliquée aujourd'hui, Ne veut se laisser voir à personne qu'à lui. J'en suis fâché, monsieur; car pour ne vous rien taire, Vous ne sauriez la voir. Le médecin. Il n'est pas nécessaire. Et je puis sans cela la guérir dès ce soir. Géronte. Quoi! vous la guérirez sans la voir? Le médecin. Sans la voir. Cela ne sert de rien. Géronte. L'admirable méthode! Je suis ravi, monsieur, de vous voir si commode; Et sans perdre de tems, puisque votre bonté Veut bien lever pour nous cette difficulté, Je vous vais de son mal, faire un récit sincere, Afin que vous sachiez, Le médecin. Il n'est pas nécessaire. Que je le sache ou non, tout cela m'est égal. Géronte. Quoi, monsieur, sans la voir, & sans savoir son mal, Vous guérirez ma fille? Le médecin. Et cent autres comme elle! J'ai trouvé, pour guérir, une mode nouvelle, Prompte, sûre, agréable, & facile. Géronte. Tant mieux! Crispin. Voici quelque sorcier, Eraste. Ou quelque cerveau creux. Géronte. Puisque vous ne voulez ni la voir, ni l'entendre, Dites - nous que faut - il, monsieur, lui faire prendre? Le médecin. Rien du tout. Géronte. Rien du tout! Quand vous traitez quelqu'un, Quoi! Vous n'ordonnez pas quelque remede? Le médecin. Aucun. Géronte. Ni sans savoir son mal, sans le voir, sans remede, Vous le guérissez? Le médecin. Oui. Géronte. Certes il faut qu'on vous cede: Les autres médecins vont être désolés. Le médecin. Les autres médecins, monsieur, dont vous parlez, Sont gens infatués d'une vieille méthode; Qui n'ont pas le talent d'inventer une mode Pour guérir un malade. Géronte. Allons de grace au fait. Quelle cause produit ce surprenant effet? Que faut - il pour guérir Lucile, qui s'obstine? Le médecin. De ses ongles rognés, ou bien de son urine, Ou même si l'on veut de ses cheveux; après Par l'occulte vertu d'un mixte que je fais, Je prétens la guérir, fut - elle en Amérique? Lisette à part. Je gage que voici le docteur sympathique Dont on a tant parlé. Géronte. Ce secret me surprend! Mais comment se produit un miracle si grand? Comment s'opere - t - il? Voyons, je vous en prie. Le médecin. C'est par cette vertu dite de sympathie: Voici comment. Ce sont des effets merveilleux! De ces ongles rognés, monsieur, de ces cheveux, Ou bien de cette urine, il sort une matiere, Comme de tous nos corps, subtile, singuliere, Que Démocrite appelle en ses doctes écrits, Atomes, petits corps, monsieur, que je m'applique A guérir par l'effort d'un mixte sympathique. Ces petits corps guéris dès ce moment, dès - lors Vont à - travers de l'air chercher les petits corps, Qui sont sortis du corps du malade; de grace Suivez - moi pas à pas; ils pénetrent l'espace Qui les a séparés depuis qu'ils sont dehors, Sans s'arrêter jamais aux autres petits corps, Qui sont sortis du corps de quelqu'autre; de sorte Qu'ayant enfin trouvé dans l'air qui les transporte, Les petits corps pareils à ceux dont nous parlons; Les susdits petits corps, comme des postillons, Guéris par la vertu du mixte sympathique, Leur portent la santé que je leur communique; Et le malade alors reprenant la vigueur, Se sent gaillard, dispos, sans mal, & sans douleur. Crispin. Ainsi ces petits corps qui vont avec vîtesse Emportent par écrit avec eux leur adresse, Et pour connoître ceux qu'ils vont chercher si loin, Sans doute ils sont marqués, monsieur, à quelque coin. Géronte. Maraut, te tairas - tu? mais docteur, écoutez; Ce remede est - il sûr? Le médecin. Sûr! si vous en doutez, Qu'un malade ait la fiévre, & qu'on me donne en main De ses ongles rognés, de ses cheveux; soudain Les mettant dans un arbre avec certains mélanges Mon mixte produira des prodiges étranges; Et par un changement que l'on admirera, L'homme perdra la fiévre, & l'arbre la prendra. Crispin. Ainsi si vous vouliez, vous donneriez les fiévres A toute la forêt d'Orléans. Géronte. Si tes levres... Eraste. Cet homme aux petits corps n'a pas l'esprit trop sain....

Eraste avoit raison; mais les rires du parterre sur le médecin sympathique, & ses battemens de mains à chaque discours du valet, confondirent tout ensemble les vendeurs de poudre, ceux qui en faisoient usage, & les Gérontes qui auroient eu beaucoup de penchant à donner leur confiance à ce remede. Ridiculum acri, &c. Le Chevalier de Jaucourt.

Poudre a canon (Page 13:190)

Poudre a canon, composition qui se fait avec du salpêtre, du soufre, & du charbon mêlés en semble, & mise en grains qui prennent aisément feu, & qui se raréfient ou s'étendent avec beaucoup de violence par le moyen de leur vertu élastique. Voyez Élasticité, Raréfaction, &c.

C'est à cette poudre que nous devons tout l'effet des pieces d'artillerie & de mousqueterie, de sorte que l'art militaire moderne, les fortifications, &c. en dépendent entierement. Voyez Canon, Artillerie, Fortiscation , &c.

L'invention de la poudre est attribuée par Polydore Virgile, à un chimiste, qui ayant mis par hasard une partie de cette composition dans un mortier, & l'ayant couvert d'une pierre, le feu y prit & fit sauter la pierre en l'air avec beaucoup de violence.

Thevet dit que la personne dont on vient de parler étoit un moine de Fribourg, nommé Constantin Anelzen; mais Belleforest & d'autres auteurs soutiennent, avec plus de probabilité, que ce fut un nommé Barlholde Schwartz, qui en allemand signifie [p. 191] le noir: on assure du moins que ce fut le premier qui enseigna l'usage de la poudre aux Vénitiens en 1380, pendant la guerre qu'ils eurent avec les Génois; qu'elle fut employée pour la premiere fois contre Laurent de Médicis, dans un lieu qui s'appelloit autrefois fossa Clodia, aujourd'hui Chioggia, & que toute l'Italie s'en plaignit comme d'une contravention manifeste aux lois de la bonne guerre.

Mais ce qui fait connoître que l'invention de la poudre est beaucoup plus ancienne, c'est que Pierre Mexia dit, dans ses leçons diverses, que les Mores étant assiégés en 1343, par Alphonse XI. roi de Castille, ils tirerent certains mortiers de fer, qui faisoient un bruit semblabie au tonnerre; ce qui est confirmé par dom Pedre, évêque de Léon, qui dans la chronique du roi Alphonse, qui fit la conquête de Tolede, rapporte que dans un combat naval, entre le roi de Tunis & le roi more de Séville, il y a plus de 400 ans, ceux de Tunis avoient certains tonneaux de fer dont ils lançoient des foudres. Ducange ajoute que les registres de la chambre des comptes font mention de poudre à canon dès l'année 1338. Voyez Canon.

En un mot, il paroit que Roger Bacon eut connoissance de la poudre plus de 150 ans avant la naissance de Schwartz. Cet habile religieux en fait la description en termes exprès dans son traité de nullitate magioe, publié à Oxfort en 1216. Vous pouvez, ditil, exciter du tonnerre & des éclairs quand vous voudrez; vous n'avez qu'à prendre du soufre, du nitre, & du charbon, qui séparément ne font aucun effet, mais qui étant mêlés ensemble & renfermés dans quelque chose de creux & de bouché, font plus de bruit & d'éclat qu'un coup de tonnerre.

Maniere de faire la poudre à canon. Il y a plusieurs compositions de la poudre à canon, par rapport aux doses de ces trois ingrédiens; mais elles reviennent à - peu - près au même dans la plûpart des écrivains pyrotechniques.

Le soufre & le salpêtre ayant été purifiés & réduits en poudre, on les met avec de la poussiere de charbon dans un mortier humecté d'eau ou d'esprit - de - vin, ou de quelque chose de semblable: on pile le tout pendant vingt - quatre heures, & l'on a soin de mouiller de tems en tems la masse pour l'empêcher de prendre feu; enfin on passe la poudre au crible, ce qui lui donne la forme de petits grains ou globules que l'on fait sécher pour la derniere façon; car la moindre étincelle que l'on feroit tomber dessus d'un briquet, enflammeroit le tout sur - le - champ, & causeroit un éclat des plus violens.

Il n'est pas difficile de rendre compte de cet effet, car le charbon qui se trouve sur le grain où tombe l'étincelle, prenant du feu comme une amorce, le sel & le nitre se fondent promptement, le charbon s'enflamme, & dans le même instant tous les grains contigus subissent le même sort; on sait d'abord que le salpêtre étant igné, se raréfie à un degré prodigieux. Voyez Salpêtre & Raréfaction.

Newton raisonne sur cette matiere en ces termes: Le charbon & le soufre qui entrent dans la poudre prennent feu aisément & allument le nitre; & l'esprit de nitre étant raréfié par ce moyen se tourne en vapeur & s'échappe avec éclat, à - peu - près de la même maniere que la vapeur de l'eau sort d'un éolipyle; de même le soufre étant volatile, il se change en vapeur & augmente l'éclat. Ajoutez que la vapeur acide du soufre, & en particulier celle qui se distille sous une cloche, en huile de soufre, venant à entrer avec violence dans le corps fixe du nitre, déchaîne l'esprit du nitre, & excite une plus grande fermentation, ce qui augmente encore la chaleur, de sorte que le corps fixe du nitre en se raréfiant, se change aussi en fumée, & rend l'explosion plus promte & plus violente; car si on mêle du sel de tartre avec de la poudre à canon, & que l'on échauffe ce mélange jusqu'à ce qu'il prenne feu, l'explosion sera plus prompte & plus violente que celle de la poudre seule, ce qui ne peut venir que de la vapeur de la poudre qui agit sur le sel de tartre, & raréfie ce sel. Voyez Poudre fulminante.

L'explosion de la poudre à canon naît donc de l'action violente par laquelle tout le mélange étant promptement échauffé, se rarésie, & se change en fumée & en vapeur par la violence de cette action, s'échaussant au point de jetter une lueur; elle paroit aux yeux en forme de sumée. Voyez Feu.

M. de la Hire attribue toute la force & tout l'effet de la poudre au ressort ou élasticité de l'air renfermé dans les différens grains de la poudre, & dans les intervalles ou espaces qui se trouvent entre ces grains: la poudre étant allumée donne du jeu au ressort de toutes ces petites parties d'air & les dilate tout - à - la - fois; c'est - là ce qui fait l'effet, la poudre même ne servant qu'à allumer un feu qui puisse mettre l'air en mouvement, après quoi tout le reste se fait par l'air seul. Voyez Air.

La poudre à canon est une matiere de grande conséquence, tant pour la spéculation que pour la guerre, & pour le commerce, dans lequel il s'en fait un débit incroyable, & elle mérite que nous entrions dans un détai! encore plus particulier sur ce qui la regarde.

Pour faire donc de la bonne poudre, il faut avoir soin que le salpêtre soit bien purifié, & qu'il paroisse comme de beaux morceaux de crystal, autrement il faut le purifier en lui ôtant tout le sel fixe ou commun & les parties terrestres: cela fait, il faut dissoudre dix livres de nitre dans une quantité suffisante d'eau claire; faites reposer, filtrer, & évaporer le tout dans un vaisseau verni jusqu'à ce qu'il soit diminué de moitié, ou jusqu'à ce qu'il paroisse au - dessus une petite peau; pour - lors vous pouvez ôter le vaisseau de dessus le feu & le mettre à la cave. En vingt - quatre heures de tems, les crystaux s'étant formés, il faut les séparer de la liqueur; continuez de même à crystaliser ainsi plusieurs fois la liqueur jusqu'à ce que tout le sel en soit tiré; mettez ensuite ces crystaux dans un chaudron, & le chaudron sur une fournaise où il n'y ait d'abord qu'un feu modéré, que vous augmenterez par degrés jusqu'à ce que le nitre commence à fumer, à s'évaporer, à perdre son humidité, & à devenir d'un beau blanc. Pendant ce tems - là il faut le remuer continuellement avec une cuillere à pot, de peur qu'il ne reprenne sa premiere forme, par ce moyen vous lui ôterez toute sa graisse & ordure. Versez ensuite dans le chaudron assez d'eau pour en couvrir le nitre; & lorsqu'il se trouve dissout & réduit à la consistance d'une liqueur épaisse, il faut le remuer avec la cuillere, sans aucune interruption, jusqu'à ce que toute l'humidité se soit évaporée de nouveau, & que le nitre soit réduit à une forme seche & blanche. Il faut prendre les mêmes précautions pour le soufre, en choisissant celui qui se trouve en gros volume, clair, & d'un beau jaune, qui ne soit point extrèmement dur ni compacte, mais poreux; cependant il ne faut pas qu'il soit trop luisant; si en l'approchant du feu il se consomme entierement & ne laisse après lui que peu ou point de matiere, c'est une marque de sa bonté; de même, si on le presse entre deux plaques de fer assez chaudes pour le faire couler, & qu'en coulant il paroisse jaune, de sorte cependant que la matiere qui reste soit de couleur rougeâtre, on peut conclure qu'il fera de la bonne poudre: mais si le soufre renferme beaucoup de matieres hétérogenes, on peut le purifier de cette maniere: Faites fondre le soufre dans une grande cuillere ou pot de ser sur

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