ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"192"> un petit feu de charbon bien allumé, mais qui ne jette point de flamme; écumez tout ce qui vient au - dessus & qui nage sur le soufre: immédiatement après ôtez - le du feu & passez - le dans un linge double, sans rien presser ni précipiter, & vous aurez du soufre bien purifié, puisque toute la matiere hétérogene sera restée dans le linge.

A l'égard du charbon, qui est le troisieme ingrédient, il faut le choisir gros, clair, exempt de noeuds, bien brûlé & cassant.

Il y a trois sortes de poudre, savoir de la poudre à canon, de la poudre à fusil, & de la poudre à pistolet; & il y a deux especes de chacune de ces sortes de poudre, savoir de la forte & de la foible; mais toutes ces différences ne viennent que des différentes proportions des trois ingrédiens.

Voici ces proportions. Pour la forte poudre à canon on prend ordinairement 100 livres de salpêtre, 25 livres de soufre & autant de charbon: & pour la foible 100 liv. de salpêtre, 20 livres de souffre, & 24 livres de charbon. Pour la forte poudre à fusil 100 livres de salpêtre, 18 de soufre, & 20 de charbon: pour la foible 100 livres de salpêtre, 15 de soufre & 18 de charbon. Pour la forte poudre à pistolet 100 livres de salpêtre, 12 de soufre, & 15 de charbon: & pour la foible 100 livres de salpêtre, 10 de soufre, & 18 de charbon.

D'autres auteurs prescrivent d'autres proportions. Semienowitz veut que pour la poudre à mortier on prenne 100 livres de salpêtre, 15 de soufre, & autant de charbon. Pour la poudre à gros canon 100 livres de salpêtre, 15 de soufre, & 18 de charbon. Pour la poudre à fusil & à pistolet 100 livres de salpetre, 8 de soufre, & 10 de charbon.

Miethius veut que sur une livre de salpêtre on mette 3 onces de charbon, & 2 onces ou 2 onces & un quart de soufre, & il assure qu'il n'est pas possible de faire de la poudre à canon meilleure que celle - ci. Il ajoute que c'est sans aucun fondement que l'on a introduit la coûtume de faire de la poudre plus foible pour les mortiers que pour les canons, & que c'est pour multiplier les frais sans nécessité, puisqu'au lieu de 24 livres de poudre commune qu'il faut pour charger un gros mortier, & par conséquent 240 liv. pour dix charges, il fait voir par son calcul que 180 livres de poudre forte produiront le même effet.

A l'égard du détail de l'opération, il faut réduire d'abord en poudre très - fine, tous les ingrédiens, les humecter ensuite avec de l'eau claire ou du vinaigre, ou de l'esprit - de - vin, ou avec de l'eau & de l'esprit - de - vin mêlés ensemble, ou avec de l'urine dont on se sert ordinairement, les bien battre pendant vingt - quatre heures pour le moins, & les réduire en grains. Pour cet effet on prend un crible, avec un fond de parchemin épais & plein de petits trous ronds, on mouille la premiere masse de poudre pilée avec 20 onces d'esprit de vinaigre, de vin, 13 d'esprit de nitre, 2 d'esprit de sel ammoniaque, & une de camphre, dissous dans de l'esprit - de - vin; on mêle toutes ces choses ensemble, ou bien on prend 40 onces d'eau - de - vie & une de camphre que l'on mêle & que l'on dissout pour faire le même effet. Après qu'on a formé toute la composition en grosses boules comme des oeufs, on les met dans le crible avec une boule de bois que l'on agite dans le crible, afin qu'elle brise les boules de poudre; celle - ci en passant ainsi par les petits trous, se forme en petits grains proportionnés à ces trous.

Quand on veut faire une grande quantité de poudre, on se sert de moulins, avec lesquels on fait plus d'ouvrage dans un jour, qu'un homme n'en pourroit faire en cent. Voyez Moulin.

On peut faire la poudre à canon de différentes couleurs, mais la noire est la meilleure.

Pour faire de la poudre blanche, prenez 10 livres de salpêtre, une de souffre, & deux de scieure de sureau, ou du même bois réduit en poudre; mêlez le tout ensemble, & faites l'opération de la maniere qu'il est dit ci - dessus; ou bien mêlez deux livres de scieure de bois, avec dix livres de nitre & une livre & demie de souffre, seché & réduit en poudre fine, ou bien encore du bois pourri, seché & pulvérisé, avec deux livres trois onces de sel de tartre, faites en de la poudre, & enfermez - là pour la garentir de l'air.

Il faut observer aussi, qu'en faisant de la poudre à pistolet, si vous la voulez forte, il faut la remuer plusieurs fois pendant qu'elle est dans le mortier, la mouiller avec de l'eau distillée d'écorce d'orange & de citron, & la battre pendant vingt heures.

La poudre grenue a plus de force que celle qui est en poussiere; parce que l'air se trouve comprimé dans chacun de ses grains, & les gros grains font plus d'effet que les petits; c'est pourquoi les grains de poudre à canon sont toujours plus gros que ceux des autres poudres, & en chargeant une piece d'artillerie, il ne faut point briser les grains.

Il y a trois manieres d'éprouver la bonté de la poudre. 1°. A la vue; car si elle est trop noire, c'est une marque qu'elle a été trop mouillée, ou qu'on y a mis trop de charbon; de même si on la frotte sur du papier blanc, elle le noircit plus que la bonne poudre; mais si elle est d'une espece de couleur d'azur tirant un peu sur le rouge, c'est un signe qu'elle est bonne. 2°. Au tact; car si en la pressant entre les extrémités des doigts, les grains se brisent aisément, & retournent en poussiere douce, c'est un signe qu'il y a trop de charbon; ou si en la pressant avec les doitgs sur une planche dure & unie, on trouve des grains plus durs les uns que les autres qui impriment dans les doigts une espece de dentelure, c'est un signe que le soufre n'a point été mêlé comme il faut avec le nitre, & que par conséquent la poudre ne vaut rien. 3°. Par le feu; car si l'on met des petits tas de poudre sur du papier blanc, à la distance de trois pouces ou davantage les uns des autres, & qu'en mettant le feu à un de ces tas, il se consume tout seul avec promptitude, & presqu'imperceptiblement, sans mettre le feu aux autres, mais en donnant un petit coup, & en faisant monter en l'air une petite fumée blanche, en forme de cercle, c'est un signe que la poudre est bonne; si elle laisse des taches noires sur le papier, c'est qu'elle a trop de charbon, on que le charbon n'est point assez brûlé; si elle y fait des taches de graisse, c'est que le soufre ou le nitre n'ont point été assez bien purifiés; si l'on met deux ou trois grains sur un papier, à un pouce de distance les uns des autres, & qu'en mettant le feu à l'un ils prennent tous à - la - fois, sans laisser derriere eux d'autre marque qu'une petite fumée blanche, & sans endommager le papier, c'est encore un signe que la poudre est bonne: il en est de même en mettant le feu à quelques grains de poudre dans la main d'une personne, ils ne brûlent point la peau; mais si l'on remarque des taches noires, c'est une marque que la poudre fait son effet en bas, qu'elle n'est point assez forte, & qu'elle manque de nitre.

Pour racommoder la poudre gâtée, les marchands ont coutume de l'étendre sur une voile de navire, de la mêler avec une quantité égale de bonne poudre, de la bien remuer avec une pelle, de la faire sécher au soleil, de la remettre dans des barrils, & de la garder dans un lieu propre & sec.

D'autres racommodent la poudre, quand elle est fort mauvaise, en la mouillant avec du vinaigre, de l'eau, de l'urine & de l'eau - de - vie, en la pilant bien fin, en la tamisant, & en ajoutant à chaque livre de poudre une once & demie ou deux onces de salpêtre fondu suivant le point auquel elle est gâtée; ensuite [p. 193] il faut mouiller & mêler ces ingrédiens, de maniere que dans la composition il ne paroisse aucune différence. Pour cet effet on coupe la masse & on l'examine, & si elle est bien uniforme, on la met en grain comme il est dit ci - dessus.

Au cas que la poudre soit absolument gâtée, tout ce qu'on peut faire, c'est d'en extraire le salpêtre avec de l'eau, en la faisant bouillir, filtrer, évaporer & crystalliser à l'ordinaire, & en la mêlant de nouveau avec du souffre & du charbon. Chambers.

Outre les observations qu'on vient de voir, qui servent à décider de la bonté de la poudre, on s'est servi de différentes machines propres à cet effet, appellées éprouvettes. Voyez Eprouvette. Comme ces instrumens ne servoient qu'à comparer les poudres les unes avec les autres, sans faire juger de leur force particuliere, on en a quitté l'usage, & l'on se sert aujourd'hui pour éprouver la poudre, d'un petit mortier qui porte un boulet de fonte de 60 livres, lorsque trois onces de poudre mises dans ce mortier, qui est toujours pointé à 45 degrés, chassent le boulet à 50 toises, c'est la vraie force de la poudre de guerre, à 45 toises, c'est celle de la poudre défectueuse que l'on a raccommodée. Mémoires d'Artillerie de S. Remy, troisieme édition. Voyez ce mortier & les autres especes d'éprouvettes, Pl. II. de fortification.

Cette derniere maniere d'éprouver la poudre paroit la moins fautive & la plus exacte; cependant ses effets sont fort variables, mêmes avec la même poudre: car il arrive que la même quantité de poudre dans la même épreuve porte quelquefois à 55 toises, & ensuite à 30. Cette distance du jet varie aussi suivant les degrés de chaud ou de froid, de condensation & raréfaction de l'air. M. Belidor avoit fait cette observation dans ses expériences aux écoles d'artillerie de la Fere. Les épreuves des poudres faites à Essonne au mois de Juin 1744, ont donné la même chose, c'est - à - dire, que ces épreuves qui furent commencées à sept heures du matin, & qui durerent jusqu'à midi, donnerent des distances qui allerent toujours en diminuant; ce qui est conforme aux épreuves de M. Belidor, qui avoit remarqué que les portées des pieces sont plus longues le matin où l'air est frais, que vers le milieu du jour où il est plus chaud.

Pour connoître la force ou l'extension de la poudre, « on a fait, dit M. Dulacq (théorie nouvelle sur le méchanisme & l'artillerie), plusieurs expériences en mettant de la poudre au centre de plusieurs circonférences concentriques, à - l'entour desquelles on a rangé de la poudre. On a vu que la poudre s'enflammoit circulairement, puisque toute une circonférence prenoit feu à - la - fois. On a vu aussi par l'éloignement des circonférences qui s'enflammoient l'une & l'autre, l'etendue de la dilatation de la poudre. Conséquemment à ces expériences & à quelques autres à - peu - près semblables, faites avec toutes les précautions nécessaires pour bien s'en assurer, on a fixé le volume du fluide (ou celui qui forme la poudre entierement enflammée) environ à 4000 fois le volume de la poudre en grains. Ensorte que si l'on prend quelque quantité de poudre que l'on voudra, la flamme de cette poudre formera un volume 4000 fois plus grand », c'est - à - dire, qu'une sphere de poudre étant enflammée librement au milieu de l'air, formeroit une autre sphere dont le diametre seroit seize fois plus grand; car on sait que les spheres sont entr'elles comme les cubes des diametres, & par conséquent les diametres, comme les racines cubes des spheres, c'est - à - dire, dans cet exemple, comme la racine cube de 1, qui est 1, est à la racine cube de 4000, qui est àpeu - près 16.

« Pour m'assurer, dit le même M. Dulacq, de l'extension de la poudre enflammée, j'ai fait mettre sur une grande table de noyer bien polie, dans une chambre bien fermée, un grain de poudre seul, & ensuite prenant huit fois le diametre de ce grain de poudre, j'ai rangé plusieurs autres grains seuls de cette poudre à cette distance, & donnant le feu à un seul de ces grains de poudre, la flamme s'étant étendue seize fois plus loin, a toujours communiqué le feu d'un grain à l'autre.

J'ai ensuite pris environ une demi - amorce, & ayant pris huit fois le diametre de cette masse de poudre, que j'ai mis le plus régulierement qu'il m'a été possible sur la table, j'en ai rangé plusieurs autres de la même maniere à cette distance; le feu d'une de ces amorces a toujours communiqué le feu d'amorce en amorce à toutes les autres. J'ai fait les mêmes épreuves en augmentant les quantités de la poudre, & les éloignant de leurs diametres, la chose m'a toujours réussi de même.

Pour voir si la poudre s'étendoit circulairement étant sur un plan.... j'ai tracé un quarré dont les côtés étoient divisés également en un nombre égal de parties, ce qui formoit dans ce grand quarré plusieurs petits quarrés, dont chaque côté étoit huit fois celui de l'axe de la poudre, qui étoit régulierement, & en égale quantité répandue sur chacun de leurs angles; le feu d'un de ces tas de poudre a toujours successivement communiqué de l'un à l'autre, à ceux qui étoient dans chaque angle des petits quarrés, ce qui prouve que toutes les extensions étoient égales, &c.

Pour m'assurer si cette extension ne pouvoit point excéder huit fois le diametre d'un tas à l'autre, j'ai recommencé mes expériences. Au - lieu de ranger les tas à des distances égales, jai rangé le deuxieme tas de poudre à huit diametres; le troisieme à neuf, le quatrieme à dix, le cinquieme à onze, en augmentant toujours d'un diametre chaque fois, j'ai trouvé qu'ils alloient quelquefois jusqu'à dix diametres; mais jamais ils ne l'ont pu surpasser. Si cela arrivoit toujours ainsi dans toutes les poudres, on voit que le globe enflammé seroit environ 8000 fois plus grand que le globe de poudre, puisque son axe seroit vingt fois plus grand. Ce plus ou moins d'extension dépend de la bonne ou mauvaise qualité de la poudre, de la nature de l'air qui environne la poudre, & du soufre & du salpêtre plus ou moins rafiné dont elle est composée ».

Toutes ces observations se rapportent assez à celles de M. Bigot de Moragues, officier d'artillerie dans la marine, d'un mérite distingué; il dit dans son essai sur la poudre, qu'il en a trouvé qui augmentoit 5600 fois son volume étant enflammée, & d'autre qui ne l'augmentoit que 4000 fois; mémoires d'artillerie de Saint Remy, troisieme édition. M. Belidor a aussi donné une théorie sur la poudre; on la trouve dans son bombardier françois, & dans l'édition des mémoires qu'on vient de citer. (Q)

Poudre (Page 13:193)

Poudre, (Artifice.) la poudre à canon s'emploie dans l'artifice ou grainée pour faire crever avec bruit le cartouche qui la renferme, ou réduite en poudre, qu'on nomme poussier, dont l'effet est de fuser lorsqu'il est comprimé dans un cartouche.

On en forme aussi une pâte (en la détrempant avec de l'eau) que l'on emploie à différens usages, & particulierement pour faire de l'amorce & de l'étoupille.

Pour la réduire en poussier, on la broie sur une table avec une mollette de bois, & on la passe au tamis de soie le plus fin; on met à - part ce qui n'a pu passer pour s'en servir à faire les chasses des pots - à - feu; c'est ce qu'on nomme relien: cette poudre à moitié écrasée est plus propre à cet usage que la poudre entiere, dont

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