ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"905"> tirées de la droite raison & de l'équité naturelle que les bons suivent volontairement, & auxquelles la force contraint les méchans de se soumettre du - moins en apparence. Entre les lois, les unes tendent au bien général de la société; les autres ont pour but le bien des particuliers. La connoissance des premieres est ce qu'on entend par la seience du droit public. La science du droit privé a pour objet la connoissance des secondes.

Les Grecs donnoient le nom de police à la premiere branche: leur POLITEIA s'étendoit donc à toutes lesformes différentes de gouvernement: on pouvoit même dire en ce sens la police du monde, monarchique ici, aristocratique ailleurs, &c. & c'étoit l'art de procurer à tous les habitans de la terre une vie commode & tranquille. En restreignant ce terme à un seul état, à une seule société, la police étoit l'art de procurer les mêmes avantages à un royaume, à une ville, &c.

Le terme police ne se prend guere parmi nous que dans ce dernier sens. Cette partie du gouvernement est consiée à un magistrat qu'on appelie lieutenant de police. C'est lui qui est particulierement chargé de l'exécution des lois publiées pour procurer aux habitans d'une ville, de la capitale par exemple, une vie commode & tranquille, malgré les efforts de l'erreur & les inquiétudes de l'amour propre & des passions. Voyez l'article suivant.

On voit évidemment que la police a dû varier chez les différens peuples. Quoique son objet fût le même par - tout, la commodité & la tranquillité de la vie; c'est le génie des peuples, la nature des lieux qu'ils habitoient, les conjonctures dans lesquels ils se trouvoient, &c. qui ont décidé des moyens propres à obtenir ces avantages.

Les Hebreux, les premiers peuples de la terre, ont été les premiers policés. Qu'on ouvre les livres de Moise, on y verra des lois contre l'idolâtrie, le blaspheme, l'impureté; des ordonnances sur la sanctification du jour du repos & des jours de fêtes; les devoirs réciproques des peres, des meres, des enfans, des maitres & des serviteurs fixés, des lecrets somptuaires en faveur de la modestie & de la frugalité; le luxe, l'intempérance, la débauche. les prostitutions, &c. proscrites: en un mot, un corps de lois qui tendent à entretenir le bon ord e dans les étàts ecclésiastiques, civils & militaires; à conserver la religion & les moeurs; à faire fleurir le commerce & les arts; à procurer la santé & la sûreté; à entretenir les édifices; à substenter les paùvres; & à favoriser l'hospitalité.

Chez les Grecs, la police avoit pour objet la conservation, la bonté, & les agrémens de la vie. Ils entendirent par la conservation de la vie ce qui concerne la naissance, la santé & les vivres. Ils travailloient à augmenter le nombre des citoyens, à les avoir sains, un air salubre, des eaux pures, de bons alimens, des remedes bien conditionnés, & des médecins habiles & honnêtes gens.

Les Romains, en 312, envoyerent des ambassadeurs en Grece chercher les lois & la sagesse. De - là vient que leur police suivit à - peu - pres la même division que celle des Athéniens.

Les Francois & la plûpart des habitans actuels de l'Europe ont puisé leur police chez les anciens. Avec cette différence, qu'ils ont donné à la religion une attention beaucoup plus étendue. Les jeux & les spectacles étoient chez les Grecs & les Romains une partie importante de la police: son but étoit d'en augmenter la fréquence & la somptuosité; chez nous elle ne tend qu'à en corriger les abus & à en empêcher le tumulte.

Les objets particuliers de la police parmi nous sont la religion, les moeurs, la sante, les vivres, la sûreté, la tranquillité, la voirie, les Sciences & arts libé<cb-> raux; le commerce, les manufactures & arts méchaniques, les domestiques, manoeuvres & pauvres.

Nous venons de voir quels étoient les objets de la police chez les différens peuples, passons aux moyens dont ils ont usé pour la faire.

L'an 2904 du monde, Menès partagea l'Egypte en trois parties, chaque partie en dix provinces ou dynasties, & chaque dynastie en trois préfectures. Chaque préfecture fut composée de dix juges, tous choisis entre les prêtres; c'étoit la noblesse du pays. On appelloit de la sentence d'une préfecture à celle d'un nomos, ou de la jurisdiction ou parlement d'une des trois grandes parties.

Hermès Trismegiste, secrétaire de Menès, divisa les Egyptiens en trois classes; le roi, les prêtres, & le peuple: & le peuple en trois conditions; le soldat, le laboureur, & l'artisan. Les nobles ou les prêtres pouvoient seuls entrer au nombre des ministres de la justice & des officiers du roi. Il falloit qu'ils eussent au - moins vingt ans, & des moeurs irréprochables. Les enfans étoient tenus de suivre la profession de leurs peres. Le reste de la police des Egyptiens étoit renfermée dans les lois suivantes. Premiere loi, les parjures seront punis de mort. Seconde loi, si l'on tue ou maltraite un homme en votre présence, vous le secourrez si vous pouvez, à peine de mort: sinon, vous dénoncerez le malfaiteur. Troisieme loi, l'accusateur calomnieux subira la peine du talion. Quatrieme loi, chacun ira chez le magistrat déclarer son nom, sa profession: celui qui vivra d'un mauvais commerce, ou fera une fausse déclaration, sera puni de mort. Cinquieme loi, si un maître tue son serviteur, il mourra; la peine devant se régler, non sur la condition de l'homme, mais sur la nature de l'action. Sixieme loi, le pere ou la mere qui tuera son entant, sera condamné à en tenir entre ses bras le cadavre pendant troisjours & trois nuits. Septieme loi, le parricide sera percé dans tous les membres de roseaux pointus, couché nud sur un tas d'épines, & brûlé vif. Huitieme loi, le supplice de la femme enceinte sera différé jusqu'apres son accouchement: en agir autrement, ce seroit punir deux innocens, le pere & l'enfant. Neuvieme loi, la lâcheté & la désobéissance du soldat seront punies à l'ordinaire: cette punition consistoit à être exposé trois jours de suite en habit de femme, rayé du nombre des citoyens, & renvoyé à la culture des terres. Dixieme loi, celui qui révélera à l'ennemi les secrets de l'état, aura la langue coupée. Onzieme loi, quiconque altérera la monnoie, ou en fabriquera de fausse, aura les poings coupés. Douzieme loi, l'amputation du membre viril sera la punition du viol. treizieme loi, l'homme adultere sera battu de verges, & la femme aura le nez coupé. Quatorzieme loi, celui qui niera une dette dont il n'y aura point de titre écrit, sera pris à son serment. Quinzieme loi, s'il y a titre écrit, le débiteur payera; mais le créancier ne pourra faire excéder les intérêts au double du principal. Seizieme loi, le débiteur insolvable ne sera point contraint par corps: la société partageroit la peine qu'il mérite. Dix - septieme loi, quiconque embrassera la profession de voleur, ira se faire inscrire chez le chef des voleurs qui tiendra registre des choses volées & qui les restituera à ceux qui les réclameront, en retenant un quart pour son droit & celui de ses compagnons. Le vol ne pouvant être aboli, il vaut mieux en faire un état, & conserver une partie que de perdre le tout.

Nous avons rapporté ces regles de la police des Egyptiens, parce qu'elles sont en petit nombre, & qu'elles peuvent donner une idée de la justice de ces peuples. Il ne sera pas possible d'entrer dans le même détail sur la police des Hébreux. Mais nous aurons ici ce qui nous manque d'un autre côté; je veux dire une [p. 906] connoissance assez exacte des ministres à qui l'exécutiondes lois fut confiée.

Moise, sur les avis de Jéthro son beau - pere, reconnoissant, malgré l'étendue de ses lumieres & sa capacité, son insuffisance pour l'exercice entier de la police, confia une partie de son autorité à un certain nombre d'hommes craignant Dieu, ennemis du mensonge & de l'avarice; partagea le peuple en tribus de 1000 familles chacune, chaque tribu en départemens de 100 familles, chaque département en quartiers de 50, & chaque quartier en portions de 10; & créa un officier intendant d'une tribu entiere, avec d'autres employés subalternes pour les départemens & leurs divisions. Cet intendant s'appella sara alaphem, ou préfet, ouintendant de tribu; ses subalternes, sara meot, préfet de 100 familles; sara hhanilschein, préfet de 50 familles; sara hazatoth, préfet de 10 familles.

Il forma de plus un conseil de soixante - dix personnes, appellées, de leur âge & de leur autorité, zekemni, seniores & magistri populi. Ce conseil étoit nommé le sanhedrin. Le grand - prêtre y présidoit. On y connoissoit de toutes les matieres de religion. Il veilloit à l'observation des lois. Il jugeoit seul des crimes capitaux; & on y portoit appel des jurisdictions inférieures.

Au - dessous du sanhedrin, il y avoit deux autres conseils où les matieres civiles & criminelles étoient portées en premiere instance: ces tribunaux subalternes étoient composés chacun de sept juges entre lesquels il y avoit toujours deux lévites.

Tel fut le gouvernement & la police du peuple dans le desert: mais lorsque les Hébreux furent fixés, l'état des sare changea; ils ne veillerent plus sur des familles, mais sur des quartiers ou portions de ville, & s'appellerent sare pelakim, le kireiah.

Jérusalem qui servit de modele à toutes les autres villes de la Judée, fut distribuée en quatre régions appellées pelek bethacaram, ou le quartier de la maison de la vigne; pelek bethsur, le quartier de la maison de force; pelek malpha, le quartier de la guérite; pelek ceila, le quartier de la division. Il y eut pour chaque quartier deux officiers chargés du soin de la police & du bien public; l'un supérieur qui avoit l'intendance de tout le quartier, on l'appelloit sare pelek, préfet du quartier. Le sarahhtsi pelek, l'officier subalterne, n'avoit inspection que sur une portion du quartier. C'étoit à - peu - près comme le commissaire ancien & les nouveaux commissaires parminous; & leurs fonctions étoient, à ce qu'il paroît, entierement les mêmes. Voilà en général ce qui concerne la police & le gouvernement des Hébreux.

Police des Grecs dans Athènes. Ce fut aussi chez les Grecs la maxime de partager l'autorité de la magistrature entre plusieurs personnes. Les Athéniens formoient un sénat annuel de cinq cens de leurs principaux citoyens. Chacun présidoit à son tour, & les autres membres de cette assemblée servoient de conseil au président.

Ces cinq cens juges se distribuoient en dix classes qu'on appelloit prytanes; & l'année étant lunaire & se partageant aussi chez eux en dix parties, chaque prytane gouvernoit & faisoit la police pendant 35 jours; les quatre jours restans étoient distribués entre les quatre premiers prytanes qui avoient commencé l'année.

Entre les cinquante juges qui étoient de mois, on en élisoit dix toutes les semaines qu'on nommoit présidens, proeres; & entre ces dix on en tiroit sept au sort, qui partageoient entr'eux les jours de la semaine; celui qui étoit de jour s'appelloit l'archai. Voilà pour la police de la ville.

Voicipour l'administration de la république. Entre les dix prytanes ils en prenoient une pour ces fonc<cb-> tions. Les neuf autres leur fournissoient chacune un magistrat, qu'on appelloit archonte. De ces neuf archontes, trois étoient employés à rendre au peuple la justice pendant le mois: l'un avoit en partage les affaires ordinaires & civiles, avec la police de la ville; on le nommoit poliarque, préfet ou gouverneur de la ville: l'autre, les affaires de religion, & s'appelloit basileus, le roi: le troisieme, les affaires étrangeres & militaires, d'où il tiroit le nom de polemarque ou commandant des armées. Les six autres archontes formoient les conseils du poliarque, du roi & du polemarque. Ils examinoient en corps les nouvelles lois, & ils en faisoient au peuple le rapport; ce quiles fit nommer du nom générique de thesmotetes.

Tous ces officiers étoient amovibles & annuels. Mais il y avoit un tribunal toujours composé des mêmes personnes, c'étoit l'aréopage. C'étoit une assemblée formée de citoyens qui avoient passé par l'une des trois grandes magistratures, & toutes les autres jurisdictions leur étoient subordonnées. Mais ce n'étoient pas là les seuls officiers ni du gouvernement ni de la police; les Grecs avoient conçu qu'il n'étoit guere possible d'obvier aux inconvéniens qu'à force de subdivisions; aussi avoient - ils leurs dsismates ou exploratores, leurs panepiscopes ou inspectores omnium rerum, leurs chorepiscopes ou inspectores regionum urbis. Les Lacédémoniens comprenoient tous ces officiers sous le nom commun de nomophulaques, dépositaires & gardiens de l'exécution des lois.

Les autres villes de la Grece étoient pareillement divisées en quartiers, les petites en deux, les moyennes en trois, & les grandes en quatre. On appelloit les premieres dipolis, les secondes tripolis, & les troisiemes tetrapolis. Dans Athènes, chaque quartier avoit son sophroniste, & dans Lacédémone, son armosin, ou inspecteur de la religion & des moeurs; un gunaiconome, ou inspecteur de la décence & des habits des femmes; un opsinome, ou inspecteur des festins; un astunome, ou inspecteur de la tranquillité & commodité publique; un agoranome, ou inspecteur des vivres, marchés & commerce; un métronome, ou inspecteur des poids & mesures. Tels furent les officiers & l'ordre de la police des Grecs.

Les Romains eurent la leur, mais qui ne fut pas toujours la même: voyons ce qu'elle fut sous les rois & ce qu'elle devint sous les consuls & les empereurs. Les Romains renfermés dans une petite ville qui n'avoit que mille maisons & douze cens pas de circuit, n'avoient pas besoin d'un grand nombre d'officiers de police; leur fondateur suffisoit, & dans son absence un vice - gérent, qu'il nommoit sous le titre de préfet, proefectus urbis.

Il n'y avoit que les matieres criminelles qui fussent exceptées de la jurisdiction du souverain ou du prefet de la ville; les rois qui se réserverent la distribution des graces, renvoyoient au peuple la punition des crimes; alors le peuple s'assembloit ou nommoit des rapporteurs.

Il n'y avoit encore d'autre juge de police que le souverain & son préfet, car le sénateur n'étoit qu'un citoyen du premier des trois ordres, dans lesquels Romulus avoit divisé le peuple romain; mais la ville s'agrandissant, & le peuple devenant nombreux, on ne tarda pas à sentir la nécessité d'en créer d'autres. On institua donc deux officiers pour la recherche des crimes, sous le nom de qusteurs; voilà tout ce qui se fit sous les rois, soit jalousie de leur part, soit peu de besoin d'un plus grand partage de l'autorité.

Tarquin fut chassé & on lui substitua deux consuls. Les consuls tinrent la place du souverain, & créerent, à son exemple, un préfet de la ville, en cas d'absence. Les choses demeurerent cent seize ans dans cet état; mais le peuple las de ne donner aucun magistrat à

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.