ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"907"> l'état, fit des efforts pour sortir de cet avilissement. Il demanda des tribuns tirés de son ordre; il étoit le plus fort, & on lui en accorda deux. Les tribuns demanderent des aides, & les édiles furent créés: les tribuns veilloient à la conservation des droits du peuple, & les édiles à celle des édifices.

Cependant les consuls étoient toujours les seuls législateurs de l'état. Le peuple exigea, par la bouche des tribuns, des lois écrites auxquelles il put se conformer. Il fallut encore céder & envoyer en Grece des députés, pour en obtenir de ces peuples policés.

Les députés séjournerent trois ans dans la Grece, & en apporterent un recueil de ce qu'ils avoient observé de plus sage. On en forma dix tables, auxquelles deux autres furent ajoutées dans la suite, & l'on eut la loi des douze tables.

Cependant Rome s'étendoit, & les officiers se multiplioient au point que deux consuls n'y suffisoient plus. On créa donc deux nouvéaux officiers sous le nom de censeurs. L'emploi des censeurs étoit de faire tous les cinq ans le dénombrement du peuple, de veiller aux édifices considérables, au parc, à la propreté des rues, aux réparations des grands chemins, aux aqueducs, au recouvrement des revenus publics, à leur emploi, & à tout ce qui concerne les muis & la discipline des citoyens.

Ce district étoit étendu, & les censeurs se choisirent des édiles comme ils en avoient le droit, sur lesquels ils se déchargerent du soin des rues & du parc. On fut si content de ces ossiciers qu'on ajouta à leur intendance, celle des vivres, des jeux & des spectacles, & leur emploi sut le premier degré aux grandes charges de la république. Ils prirent le titre de curatores urbis, celui d'édiles ne leur convenant plus.

Les édiles étoient tirés de l'ordre plébeien; l'importance de leur charge excita la jalousie des sénateurs, qui profiterent d'une demande du peuple, pour leur ravir une partie de cet avantage. Le peuple demandoit qu'il y eut un consul de l'ordre plébeïen, & les sénateurs en revanche demanderent deux édiles de l'ordre patricien. Le peuple fut étonné de cette démarche du sénat; mais les édiles se trouvant alors dans l'impossibilité de donner au peuple les grands jeux dont la dépense excedoit leurs moyens, la jeune noblesse s'offrit à en faire les frais, à condition de partager la dignité. On accepta cette proposition, & il y eut un consul plébeien & deux ediles patriciens ou curules; ils tenoient ce nom d'un peuit siége d'ivoire qu'ils faisoient porter dans leur char.

L'autorité des consuls se bornoit à la réprimande, ignominia: lorsque la sentence des juges confirmoit cette réprimande, la perte entiere de la réputation, ou l'infamie, infamia. s'ensuivoit.

L'accroissement des affaires occasionna une nouvelle création d'officiers. On sépara les affaires de la république & du gouvernement de celles de la police & de la jurisdiction contentieuse, & il y eut un préteur; ce magistrat rendit la justice, & fit pour les consuls ce que les rois avoient fait par eux - mêmes pendant deux cens quarante ans, & les consuls pendant cent quarante - quatre.

Le preteur devint donc, pour ainsi dire, collegue des consuls, & fut distingué par les mêmes marques de dignité, & eut droit, ainsi que les questeurs, de se donner des aides; les édiles lui furent subordonnés, & n'agirent jamais que par ses ordres & comme ses commis.

Les lois s'accumulerent nécessairement à mesure que le nombre des magistrats différens augmenta. Il fallut du tems pour s'en instruire, & plus de savoir qu'un seul homme n'en pouvoit acquérir: ce fut par cette raison que le préteur créa les centumvirs, de 5 hommes pris dans chacune des trente - cinq tribus. Il avoit recours à ce conseil dans les affaires de droit. Il se nommoit dans celles de fait tels assesseurs qu'il jugeoit à propos: quant aux matieres criminelles, c'étoit l'affaire des questeurs d'en informer le peuple à qui il avoit appartenu de tout tems d'en juger.

Mais l'inconvénient d'assembler le peuple dans toute occasion capitale, donna lieu à la création des questeurs perpétuels, & au renvoi de la plainte des questeurs, pu tribunal du préteur, qui fit par conséquent la police pour le civil & pour le criminel. Les questeurs qui jusqu'alors avoient dépendu du peuple, commencerent donc à être soumis au préteur, qui eut sous lui les édiles & les questeurs.

On donna aux édiles des aides au nombre de dix, sous le nom de décemvirs; ces aides sans titres trouverent de la difficulté dans l'exercice de leurs fonctions, & ils obtinrent celui d'édiles, mais restraints aux incendies, diles incendiorum extinguendorum. Jules César en créa dans la suite deux pour les vivres, diles cereales: il y eut donc seize édiles, deux plébeiens, deux curules, dix incendiorum extinguendorum, & deux cereales; mais tous furent soumis au préteur, ils agirent seulement delegatione & vice proetoris.

Ces officiers firent dans la suite quelques tentatives pour se soustraire à cette jurisdiction & former un corps indépendant; ils réussirent au point de jouir du droit de publier en leur nom collectif, un édit sous le titre d'edictum dilium; mais ce désordre dura peu: ils rentrerent dans leur devoir; & pour les empêcher dorénavant d'en sortir, on écrivit dans les lois que, edicta dilium sunt pars juris prtorii; mais que edicta prtorum habent vim legis.

Ce fut ainsi que l'àutorité du préteur se conserva pleine & entiere jusqu'au tems où des factions se proposant la ruine de la république, & s'appercevant quel obstacle faisoit à leurs desseins la puissance de ce magistrat, se proposerent de l'assoiblir d'abord, puis de l'anéantir entierement en la divisant. Le préteur de Rome avoit un collegue pour les affaires étrangeres, sous le titre de prtor peregrinus. Les mécontens parvinrent à lui faire donner six adjoints pour les affaires criminelles. Ces adjoints furent pris du nombre des préteurs désignés pour les provinces, sous prétexte qu'ils avoient besoin d'instruction. On ajouta encore dans la suite deux préteurs pour les vivres; enfin le partage fut poussé si loin que sous le triumvirat, qui acheva la ruine de la police & du bon ordre, on comptoit jusqu'à soixante - quatre préteurs, qui tous avoient leurs tribunaux; ce fut alors que recommencerent les attentats des édiles, & comme si l'on eût eu peur que ce fût sans succès, on continua d'affoiblir les préteurs en les multipliant.

Tel étoit l'état des choses lorsqu'Auguste parvint à l'empire. Il commença la réforme par la réduction du nombre des préteurs à seize, dont il fixa la compétence aux seules matieres civiles en premiere instance. Il les subordonna à un préfet de la ville, dont la jurisdiction s'étendoit sur Rome & sur son territoire jusqu'à cinquante stades aux environs, ce qui revient à trente - cinq de nos lieues. Il fut le seul magistrat de police, & cette préfecture, qui avoit toutes les prérogatives de notre lieutenance de police, fut un poste si important qu'Auguste en pourvut, pour la premiere fois, son gendre Agrippa, qui eut pour successeurs Mécene, Messala, Corvinus, Statilius Taurus, &c.

Le nouveau magistrat fut chargé de tout ce qui concerne l'utilité publique & la tranquillité des citoyens, des vivres, des ventes, des achats, des poids & mesures, des arts, des spectacles, de l'importation des blés, des greniers publics, des jeux, [p. 908] des bâtimens, du parc, de la réparation des rues & grands chemins, &c.

Auguste attaqua ensuite le corps remuant des édiles; il en retrancha dix, & ôta à la jurisdiction de ceux qui restoient ce qu'ils avoient usurpé sur le dernier préteur, qu'il supprima. Il substitua aux préteurs & aux édiles quatorze curatores urbis, inspecteurs de ville, ou commissaires, qui servirent d'aides au préfet de la ville, adjutores prfecti urbis. Il institua autant de quartiers dans Rome qu'il avoit créé de commissaires; chaque commissaire eut un quartier pour son district.

L'innovation d'Auguste entraîna, sous Constantin, la suppression des édiles. Les quatorze commissaires étoient plébeïens. Ce nombre fut doublé par Alexandre Sévere, qui en chosit quatorze autres dans l'ordre patricien, ce qui fait présumer que Rome fut subdivisée en quatorze autres quartiers.

Les Romains convaincus de la nécessité d'entretenir soigneusement les greniers publics, avoient créé, sous Jules César, deux préteurs & deux édiles, pour veiller à l'achat, au transport, au dépôt, & à la distribution des grains. Auguste supprima ces quatre officiers, & renvoya toute cette intendance au préfet de la ville, à qui il donna pour soulagement un subdélégué, qu'il nomma prfectus annon, le préfet des provisions; cet officier fut tiré de l'ordre des chevaliers.

La sureté de la ville pendant la nuit fut confiée à trois officiers qu'on appelloit triumvirs nocturnes. Ils faisoient leurs rondes, & s'assuroient si les plébeiens chargés du guet étoient à leur devoir. Les édiles succéderent à ces triumvirs nocturnes, & pour cet effet leur nombre fut augmenté de dix, qu'Auguste supprima, comme nous avons dit. Il préféra à ce service celui de mille hommes d'élite dont il fit sept cohortes qui eurent chacune leur tribun. Une cohorte avoit par conséquent la garde de deux quartiers; tous ces tribuns obéissoient à un commandant en chef appellé prefectus vigilum, commandant du guet, cet officier étoit subordonné au préset de la ville. Il ajouta à ces officiers subordonnés au préfet de Rome, un commissaire des canaux & autres ouvrages construits, soit pour la conduite, soit pour la conservation des eaux, un commissaire du canal ou lit du Tibre & des cloaques; quant à la censure, il s'en réserva l'autorité, confiant seulement à un officier qui portoit le titre de magister censûs, le soin de taxer les citoyens & de recouvrer les deniers publies. Il créa un commissaire des grands ouvrages, un commissaire des moindres édifices, un commissaire des statues, un inspecteur des rues & de leur nettoyement, appellé prfectus rerum nitentium.

Pour que les commissaires de quartiers fussent bien instruits, il leur subordonna trois sortes d'officiers, des dénonciateurs, des vicomaires, & des stationnaires. Les dénonciateurs au nombre de dix pour chaque quartier instruisoient les commissaires des désordres; pour savoir ce que c'étoit que les vicomaires, il faut observer que chaque quartier étoit subdivisé en départemens; quatre officiers annuels avoient l'inspection de chaque département. Ils marchoient armés & prêtoient main forte aux commissaires: tel étoit l'emploi des vicomaires. Il y avoit à Rome quatorze quartiers; chaque quartier se subdivisoit en quatre cens vingt - quatre départemens, vici. Il y avoit donc pour maintenir l'ordre & la tranquillité publique & faire la police dans cette étendue, soixante & dix - huit commissaires, vingt - huit dénonciateurs, & mille six cens quatre - vingt - seize vicomaires. Les stationaires occupoient des postes fixés dans la ville, & leur fonction étoit d'appaiser les séditions.

Voilà pour la police de Rome, mais quelle fut celle du reste de l'empire? Les Romains maitres du mon<cb-> de, poserent pour premier principe d'un sûr & solide gouvernement, cette maxime censée, omnes civitates debent sequi consuetudinem urbis Rom. Ils envoyerent donc dans toutes les provinces subjuguées un proconsul; ce magistrat avoit dans la province l'autorité & les fonctions du préfet de Rome, & du consul. Mais c'en étoit trop pour un seul homme; on le soulagea donc par un député du proconsul, legatus proconsulis. Le proconsul faisoit la police & rendoit la justice. Mais dans la suite on jugea à propos, pour l'exactitude de la police, qui demande une présence & une vigilance inmterrompue, de fixer dans chaque ville principale des députés du proconsul, sous le titre de servatores locorum. Auguste ne toucha point à cet établissement, il songea seulement à le perfectionner, en divisant les lieux dont les députés du proconsul étoient les conservateurs, en des départemens plus petits, & en augmentant le nombre de ces officiers.

Les Gaules furent partagées en dix - sept provinces, en trois cens cinq peuples ou cités, & chaque peuple en plusieurs départemens particuliers. Chaque peuple avoit sa capitale, & la capitale du premier peuple d'une province s'appella la métropole de la province. On répandit des juges dans toutes les villes. Le magistrat dont la jurisdiction comprenoit une des dix - sept provinces entieres, s'appella prèsident ou proconsul, selon que la province étoit du partage de l'empereur ou du sénat. Les autres juges n'avoient d'autres titres que celui de juges ordinaires, judices ordinarii, dans les grandes villes; de juges pedanés, judices pedanei, dans les villes moyennes; & de maires des bourgs ou villages, magistri pagorum, dans les plus petits endroits. Les affaires se portoient des maires aux juges ordinaires de la capitale, de la capitale à la métropole, & de la métropole à la primatie, & de la primatie quelquefois à l'empereur. La primatie fut une jurisdiction etablie dans chacune des quatre plus anciennes villes des Gaules, à laquelle la jurisdiction des métropoles étoit subordonnée.

Mais tous ces appels ne pouvoient manquer de jetter les peuples dans de grands frais. Pour obvier à ces inconvéniens, Constantin soumit tous ces tribunaux à celui d'un préfet du prétoire des Gaules, où les affaires étoient décidées en dernier ressort, sans sortir de la province.

Les juges romains conserverent leurs anciens noms jusqu'au tems d'Adrien; ce fut sous le regne de cet empereur qu'ils prirent ceux de dues & de comtes: voici à quelle occasion. Les empereurs commencerent alors à se former un conseil; les membres de ce conseil avoient le titre de comtes, comites. Ils en furent tellement jaloux que, quand ils passerent du conseil de l'empereur à d'autres emplois, ils jugerent à propos de le conserver, ajoutant seulement le nom de la province où ils étoient envoyés; mais il y avoit des provinces de deux sortes; les unes pacifiques, & les autres militaires. Ceux qu'on envoyoit dans les provinces militaires étoient ordinairement les généraux des troupes qui y résidoient; ce qui leur fit prendre le titre de ducs, duces.

Il y avoit peu de chose à reprocher à la police de Rome; mais celle des provinces étoit bien imparfaite. Il étoit trop difficile, pour ne pas dire impossible, à des étrangers de conno ître assez bien le génie des peuples, leurs moeurs, leurs coutûmes, les lieux, une infinité d'autres choses essentielles, qui demandent une expérience consommée, & de ne pas faire un grand nombre de fautes considérables. Aussi cela arriva - t - il; ce qui détermina l'empereur Auguste, ou un autre, car la date de cette innovation n'est pas certaine, à ordonner que les députés des consuls & les conservateurs des lieux feroient tirer du corps même des habitans, un certain nombre d'ai<pb->

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