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On dit qu'on a vû des baleines qui avoient jusqu'à deux cents piés de longueur. Quelqu'énorme que cet animal soit par lui - même, je crois qu'on auroit voulu l'aggrandir encore davantage par l'amour du merveilleux. On prétend à la Chine qu'on y a vû des baleines longues de neuf cents soixantè piés; d'autres ont comparé ces grands poissons à des écueils, à des îles flottantes, &c. Quoi qu'il en soit de ces relations, on assûre que les premieres baleines qu'on a pêchées dans le Nord, étoient beaucoup plus grandes que celles qu'on y trouve à présent; sans doute parce qu'elles étoient plus vieilles. On ne sait pas quelle est la durée de la vie de ces animaux; il y a apparence qu'ils vivent très - long - tems.
L'estomac de la baleine est d'une grande étendue; cependant on n'y a pas vû des choses d'un grand volume. Rondelet dit qu'on n'y trouve que de la boue, de l'eau, de l'algue puante, & qu'on en a tiré quelquefois des morceaux d'ambre. Il soupçonnoit que la baleine n'avaloit point de poissons, parce qu'on n'en avoit pas vû dans son estomac: mais Willugby fait mention d'une baleine qui avoit avalé plus de quarante merlus, dont quelques - uns étoient encore tout frais dans son estomac; d'autres disent que ces grands poissons vivent en partie d'insectes de mer, qui sont en assez grand nombre dans les mers du Nord pour les nourrir, & qu'on a trouvé dans leur estomac dix ou douze poignées d'araignées noires, des anchois, & d'autres petits poissons blancs, mais jamais de gros. Les baleines mangent une très - grande quantité de harengs.
On dit que ces poissons s'élevent perpendiculairement sur leur queue pour s'accoupler; que le mâle & la femelle s'approchent l'un de l'autre dans cette situation; qu'ils s'embrassent avec leurs nageoires, & qu'ils restent accouplés pendant une demi-heure ou une heure. On prétend qu'ils vivent en société dans la suite, & qu'ils ne se quittent jamais. La femelle met bas dans l'automne. On assûre qu'il n'y a qu'un baleinon par chaque portée; mais il est aussi gros qu'un taureau; d'autres disent qu'il y en a quelquefois deux; la mere l'alaite en le tenant avec ses nageoires, dont elle se sert aussi pour le conduire & pour le défendre.
M. Anderson est entré dans un détail très - satisfaisant sur les différentes elpeces de baleines, dans son Histoire naturelle d'Islande & du Groenland, &c. Selon cet auteur, la véritable baleine de Groenland, pour laquelle se font les expéditions de la pêche, a des barbes & le dos uni. C'est celle que Ray distingue par cette phrase: baloena vulgaris edentula, dorso non pinnato. La grosseur énorme de ce poisson fait qu'il n'approche guere des côtes d'Islande, & le retient dans des abysmes inaccessibles vers Spitzberg, & sous le pol du Nord. Il a jusqu'à soixante ou soixante & dix piés de longueur. La tête seule fait un tiers de cette masse. Les nageoires des côtes ont depuis cinq jusqu'à huit piés de long; la gueule est horisontale, un peu recourbée vers le haut aux deux extrémités: elle forme à peu - près deux demi - lunes; elle a trois ou quatre brasses de largeur; ses coups sont très violens, sur - tout lorsque ce poisson est couché sur le côté: c'est par le moyen de sa queue que la baleine se porte en avant; & on est étonné de voir avec quelle vîtesse cette masse énoime se meut dans la mer. Les nageoires ne lui servent que pour aller de côté. L'épiderme de ce poisson n'est pas plus épais
M. Anderson décrit plusieurs autres especes de
baleines, qu'il appelle le nord - caper, le gibbar, le pols
son de Jupiter, le pslock - sisch, & le knoten ou knobbelfisch; & il rapporte aussi au genre des baleines la licorne de mer ou nerwal, le cachalot, le marsouin - souffleur ou tunin, le dauphin, & l'épée de mer. Voyez
* Péche de la baleine. De toutes les pêches qui se font dans l'Océan & dans la Méditerranée, la plus difficile sans contredit & la plus périlleuse est la pêche des baleines. Les Basques, & sur - tout ceux qui habi<pb-> [p. 34]
Les Basques qui ont encouragé les autres peuples à la pêche des baleines, l'ont comme abandonnée: elle leur étoit devenue presque dommageable, parce qu'ayant préféré le détroit de Davis aux côtes de Groenland, ils ont trouvé le détroit, les trois dernieres années qu'ils y ont été, très - dépourvû de baleines.
Les Basques auparavant envoyoient à la pêche dans les tems favorables, environ trente navires de deux cents cinquante tonneaux, armés de cinquante hommes tous d'élite, avec quelques mousses ou demi - hommes. On mettoit dans chacun de ces bâtimens, des vivres pour six mois, consistans en biscuit, vin, cidre, eau, légumes & sardines salées. On y embarquoit encore cinq à six chaloupes, qui ne devoient prendre la mer que dans le lieu de la pêche, avec trois funins de cent vingt brasses chacun, au bout desquels étoit saisie & liée par une bonne épissure, la harpoire faite de fin brin de chanvre, & plus mince que le funin. A la harpoire tient le harpon de fer dont le bout est triangulaire & de la figure d'une fleche, & qui a trois piés de long, avec un manche de bois de six piés, lequel se sépare du harpon quand on a percé la baleine, afin qu'il ne puisse ressortir d'aucune maniere. Celui qui le lance se met à l'avant de la chaloupe, & court de grands risques, parce que la baleine, après avoir été blessée, donne de furieux coups de queue & de nageoires, qui tuent souvent le harponneur, & renversent la chaloupe.
On embarquoit enfin dans chaque bâtiment destiné à la pêche, trente lances ou dards de fer de quatre piés, avec des manches de bois d'environ le double de longueur; quatre cents bariques tant vuides que pleines de vivres; deux cents autres en bottes; une chaudiere de cuivre contenant douze bariques & pesant huit quintaux; dix mille briques de toutes especes pour construire le fourncau, & vingt - cinq bariques d'une terre grasse & préparée pour le même nsage.
Quand le bâtiment est arrivé dans le lieu où se fait le passage des baleines, on commence par y bâtir le fourneau destiné à fondre la graisse & à la convertir en huile; ce qui demande de l'attention. Le bâtiment se tient toûjours à la voile, & on suspend à ses côtés les chaloupes armées de leurs avirons. Un matelot attentif est en vedette au - haut du mât de hune; & dès qu'il apperçoit une baleine, il crie en langue Basque balia, balia; l'équipage se disperse aussi - tôt dans les chaloupes, & court la rame à la main après la baleine apperçue. Quand on l'a harponnée (l'adresse consiste à le faire dans l'endroit le plus sensible) elle prend
Quand elle est morte & qu'elle va par malheur au fond avant que d'être amarrée au côté du bâtiment, on coupe les funins pour empêcher qu'elle n'entraîne les chaloupes avec elle. Cette manoeuvre est absolument nécessaire, quoiqu'on perde sans retour la baleine avec tout ce qui y est attaché. Pour prévenir de pareils accidens, on la suspend par des funins dès qu'on s'apperçoit qu'elle est morte, & on la conduit à un des côtés du bâtiment auquel on l'attache avec de grosses chaînes de fer pour la tenir sur l'eau. Aussitôt les charpentiers se mettent dessus avec des bottes qui ont des crampons de fer aux semelles, crainte de glisser; & de plus ils tiennent au bâtiment par une corde qui les lie par le milieu du corps. Ils tirent leurs couteaux qui sont à manche de bois & faits exprès; & à mesure qu'ils enlevent le lard de la baleine suspendue, on le porte dans le bâtiment, & on le réduit en petits morceaux qu'on met dans la chaudiere, afin qu'ils soient plus promptement fondus. Deux hommes les remuent sans cesse avec de longues pelles de fer qui hâtent leur dissolution. Le premier feu est de bois; on se sert ensuite du lard même qui a rendu la plus grande partie de son huile, & qui fait un feu très - ardent. Après qu'on a tourné & retourné la baleine pour en ôter tout le lard, on en retire les barbes ou fanons cachés dans la gueule, & qui ne sont pas au - dehors comme plusieurs Naturalistes se l'imaginent.
L'équipage de chaque bâtiment a la moitié du produit de l'huile; & le capitaine, le pilote & les charpentiers ont encore par - dessus les autres une gratification sur le produit des barbes ou fanons. Les Hollandois ne se sont pas encore hasardés à fondre dans leurs navires le lard des baleines qu'ils prennent, & cela à cause des accidens du feu, qu'ils appréhendent avec juste raison. Ils le transportent avec eux en bariques pour le fondre dans leur pays, en quoi les Basques se montrent beaucoup plus hardis: mais cette hardiesse est récompensée par le profit qu'ils font, & qui est communément triple de celui des Hollandois, trois bariques ne produisant au plus fondues, qu'une barique d'huile. Voyez le recueil de différens traités de Physique, par M. Deslandes.
C'est à un bourgeois de Cibourre, nommé François Soupite, que l'on doit la maniere de fondre & de cuire les graisses dans les vaisseaux, même à flot & en pleine mer. Il donna le dessein d'un fourneau de brique qui se bâtit sur le second pont: on met sur ce fourneau la chaudiere, & l'on tient auprès des tonneaux d'eau pour garantir du feu.
Voici maintenant la maniere dont les Hollandois fondent le lard de baleine, qu'ils apportent par petits morceaux dans des bariques. Une baleine donne aujourd'hui quarante bariques: celles qu'on prenoit autrefois en donnoient jusqu'à soixante à quatre - vingts.
On voit, fig. premiere des planches qui suivent celles
de notre histoire naturelle, une coupe verticale
des bacs, de la chaudiere & du fourneau à fondre le
lard. On place les tonneaux A A pleins de lard qui a
fermenté, sur le bord du bac B; on vuide ces tonneaux
dans ce bac; on y remue le lard afin de le délayer,
& de le disposer à se fondre. On met le feu au
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