ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"756"> porte sur la différence spécifique des noms, c'est - à - dire sur la nature des êtres déterminés qu'ils expriment.

Cette préférence universelle des terminaisons génériques sur les terminaisons personnelles pour les adjectifs, ne semble - telle pas insinuer que l'idée particuliere qui fixe la signification de l'adjectif, doit être rapportée à la nature des êtres?

L'indétermination de l'être présenté à l'esprit par l'adjectif seul, nous indique une seconde propriété générale de cette idée caractérisique; c'est qu'elle peut être rapportée à plusieurs natures: ceci se confirme encore par la mobilité des terminaisons de l'adjectif, sejon le genre du nom auquel on l'applique; la diversité des genres suppose celle des natures, du - moins des natures individuelles.

L'unité d'objet qui résulte toujours de l'union de l'adjectif avec le nom, démontre que l'idée particuliere qui constitue la signification individuelle de chaque adjectif, est vraiment une idée partielle de la nature totale de cet objet unique exprimé par le concours des deux parties d'oraison. Quand je dis, par exemple, loi, je présente à l'esprit un objet unique déterminé: j'en présente un autre également unique & déterminé, quand je dis loi évangélique: un autre quand je dis nos lois. L'idée de loi se trouve pourtant toujours dans ces trois expremons, mais c'est une idée totale dans le premier exemple, & dans les deux autres ce n'est plus qu'une idée partielle qui concourt à former l'idée totale, avec l'autre idée partielle qui constitue la signification propre ou de l'adjectif évangélique dans le second exemple, ou de l'adjectif nos dans le troisieme. Ce qui convient proprement à nos lois ne peut convenir ni à la loi évangé ique ni à la loi en général; de même ce qui convient proprement à la loi évangélique, ne peut convemr ni à nos lois ni à la loi en général: c'est que ce sont des idées totales toutes disferentes; mais ce qui est vrai de la loi en général, est vrai en particulier de la loi évangélique & de nos lois, parce que les idées ajoutées à celle de loi ne détruisent pas celle de loi, qui est toujours la même en soi.

Il resuite done de ces observations que les adjectifs sont des mots qui présentent à l'esprit des êtres indétermines, désignés seulement par une idée precise qui peut s'adapter à plusieurs natures.

Dans l'exposition synthétique des principes de Grammaire, telle qu'on doit la faire à ceux qu'on enseigne, cette potion des adjectifs sera l'origine & la source de toutes les métamorphoses auxquelles les usages des langues ont assujetti cette espece de mots, puisqu'elle en est ici le résultat analytique: non - seulement elle expliquera les variations des nombres, des genres & des cas, & la nécessiré d'appliquer un adjectif à un nom pour en tirer un service réel, mais elle montrera encore le fondement de la division des adjectifs en adjectifs physiques & en adjectifs métaphysiques, & de la transmutation des uns en noms & des autres en pronoms.

Les adjectifs physiques sont ceux qui désignent les êtres indéterminés par une idée précise qui, étant ajoutée à celle de quelque nature déterminée, constitue avec elle une idée totale toute différente, dont la compréhension est augmentée, tels sont les adjectifs pieux, rond, semblable; car quand on dit un homme pieux, un vase rond, des figures semblables, on exprime des idées totales qui renferment dans leur compréhension plus d'attributs que celles que l'on exprime quand on dit simplement un homme, un vase, des figures. C'est que l'idée précise de la signification individuelle de cette sorte d'adjectifs, est une idée partielle de la nature totale: d'où il suit que si l'on ne veut envisager les êtres dans le discours que comme revêtus de cet attribut exprimé nette<cb-> ment par l'adjectif, il arrive souvent que l'adjectif est employé comme un nom, parce que l'attribut qui y est précis constitue alors toute la nature de l'esjet que l'on a en vûe. C'est ainsi que nous disons le bon, le trai, l'honnéte, l'utile, les François, les Romains, les Afticains, &c.

Les adjectiss métaphysiques sont ceux qui désignent les êtres indéterminés par une idée précise qui, etant ajoutée à celle de quelque nature déterminée, constitue avec elle une idée totale, dont la compréhension est toujours la même, mais dont l'étendue est restreinte: tels sont les adjectifs le, ce, plusieurs; car quand on dit le roi, ce livre, plusiturs chev ux, on exprime des idées totales qui renferment encore dans leur compréhension les mêmes attributs que celles que l'on exprime quand on dit simplement loi, livre, cheval, quoique l'etendue en soit plus restrainte, parce que l'idée précise de la signification individuelle de cette sorte d'adjectifs, n'est que l'idée d'un point de vûe qui assigne seulement une quotité particuliere d'individus. De - là vient que si l'on ne veut envisager dans le discours les êtres dont on parle que comme considérés sous ce point de vûe exprimé nettement par l'adjectif, il arrive souvent que l'adjectif est employé comme pronom, parce que le point de vûe qui y est précis est alors la relation unique qui determine l'être dont on parle: c'est ainsi que nous disons, j'approuve ce que vou, avez fait.

Peut - être qu'il auroit été aussi bien de faire de ces deux especes d'adjectifs deux parties d'oraison direrentes, qu'il a été bien de distinguer a nsi les noms & les pronoms: la possibilité de changer les adjectifs physiques en noms & les adjectifs métaphysiques en pronoms, indique de part & d'autre les mêmes differences; & la distinction esfective que l'on a faice de l'article, qui n'est qu'un adjectif métaphysique, anroit pu & dû s'étendre à toute la classe sous ce même nom. Voyez Adjectif & Article.

6°. Les tems sont des formes exclusivement propres au verbe, & qui expriment les différens rapports d'existence aux diverses époques que l'on peut envisager dans la durée. Il paroît par les usages de toures les langues qui ont admis des tems, que c'est une espece de variation exclusivement propre au verbe, puisqu'il n'y a que le verbe qui en soit revêtu, & que les autres especes de mots n'en paroissent pas susceptibles; mais il est constant aussi qu'il n'y a pas une seule partie de la conjugaison du verbe qui n'exprime d'une manjere ou d'une autre quelqu'un de ces rapports d'existence à une époque (Voyez Tems), quoique quelques grammairiens célebres, comme Sanctius, aient cru & affirme le contraire, faute d'avoir bien apptofondi la nature des tems. Cette forme tient done à l'essence propre du verbe, à l'idée différencielle & spécisique de sa nature; cette idée fondamentale est celle de l'existence, puisque comme le dit M. de Gamaches, dissert. I. de son astronomie physique, le tems est la succession même attachée à l'existence de la créature, & qu'en esst l'existence successive des êtres est la seule mesure du tems qui soit à notre portée, comme le tems devient à son tour la mesure de l'existence successive.

Cette idée de l'existence est d'ailleurs le seule qui puisse fonder la propriété qu'a le verbe, d'entrer nécessairement dans toutes les propositions qui sont les parties intégrantes de nos discours. Les propositions sont les images extérieures & sensibles de nos jugemens intérieurs; & un jugement est la perception de l'existence d'un objet dans notre esprit sous tel ou tel attribut. Voyez l'introd. à la Philosoph. par s'Gravesande, liv. II. ch. vij; & la rech. de la Vérité, liv. I. ch. j. ij. ces deux philosophes peuvent aisé<pb-> [p. 757] ment se concilier sur ce point. Pour être l'image fidéle du jugement, une proposition doit donc énoncer exactement ce qui se passe alors dans l'esprit, & montrer sensiblement un sujet, un attribut, & l'existence intellectuelle du sujet sous cet attribut.

7°. Les modes sont les diverses formes qui indiquent les differentes relations des tems du verbe à l'ordre analytique ou aux vûes logiques de l'énonciation. Voyez Mode. On a comparé les modes du verbe aux cas du nom: je vais le faire aussi, mais sous un autre aspect. Tous les tems expriment un rapport d'existence à une époque; c'est là l'idée commune de tous les tems, ils sont synonymes à cet égard; & voici ce qui en différencie la signification: les présens expriment la simultanéité à l'egard de l'époque, les prétérits expriment l'antériorité, les futurs la postériorité; les tems mdéfinis ont rapport à une époque indéterminée, & les définis à une époque determinée; parmi ceux - ci, les actuels ont rapport à une époque co - incidente avec l'acte de la parole, les antérieurs à une époque précédente, les postérieurs à une époque subséquente, &c. ce sont là comme les nuances qui distinguent des mots synonymes quant à l'idée principale; ce sont des vûes métaphysiques; en voici de grammaticales. Les noms latins anima, animus, mens, spiritus, synonymes par l'idée principale qui fonde leur signification commune, mais différens par les idées accessoires comme par les sons, reçoivent des terminaisons analogues que l'on appelle cas; mais chacun les forme à sa manière, & la déchnaison en est différente; anima est de la premiere, animus est de la seconde, mens de la troisieme, sptritus de la quatrieme. Il en est de même des tems du verbe, synonymes par l'idée fondamentale qui leur est commune, mais differens par les idées accessoires; chacun d'eux reçoit pareillement des terminaisons analogues que l'on nomme modes, mais chacun les forme à sa maniere; amo, amem, amare, amans, sont les différens modes du présent indéfini; amavi, amaverim, amavisse, sont ceux du prétérit; &c. ensorte que les différentes formes d'un même tems, selon la diversité des modes, sont comme les différentes formes d'un même nom, selon la diversité des cas; & les différens tems d'un même mode, sont comme différens noms synonymes au même cas; les cas & les modes sont également relarifs aux vûes de l'énonciation.

Mais la différence des cas dans les noms n'empêche pas qu'ils ne gardent toujours la même signification pécifique; ce sont toujours des mots qui présentent à l'esprit des êtres déterminés par l'idée de leur nature. La différence des modes ne doit donc pas plus altérer la signification spécifique des verbes. Or nous avens vû que les formes temporelles portent sur l'idée fondamentale de l'existence d'un sujet sous un attribut; voilà donc la notion que l'analyse nous donne des verbes: les verbes sont des mots qui présentent à l'esprit des êtres indéterminés, désignés seulement par l'idée de l'existence sous un attribut.

De - là la premiere division du verbe, en substantif ou abstrait, & en adjectif ou concret, selon qu'il énonce l'existence sous un attribut quelconque & indéterminé, ou sous un attribut précis & déterminé.

De - là la sous - division du verbe adjectif ou concret, en actif, passif ou neutre, selon que l'attribut déterminé de la signification du verbe est une action du sujet ou une impression produite dans le sujet sans concours de sa part, ou un attribut qui n'est ni action, ni passion, mais un simple état du sujet.

De - là enfin, toutes les autres propriétés qui servent de fondement à toutes les parties de la conjugaison du verbe, lesquelles, selon une remarque générale que j'ai déja faite plus haut, doivent dans l'ordre synthétique, découler de cette notion du verbe, puisque cette notion en est le résulrat analytique. Voyez Veree.

II. Des mots indéclinables. La déclinabilité dont on vient de faire l'examen, est une suite & une preuve de la possibilité qu'il y a d'envisager sous différens aspects, l'idée objective de la signification des mots déclinables. L'indéclinabilité des autres especes de mots est donc pareillement une suite & une preuve de l'immutabilité de l'aspect sous lequel on y envisage l'idée objective de leur signification. Les idées des êtres, réels ou abstraits qui peuvent être les objets de nos pensées, sont aussi ceux de la signification des mots déclinables; c'est pourquoi les aspects en sont variables: les idées objectives de la signification des mots indéclinabies sont donc d'une toute autre espece, puisque l'aspect en est immuable; c'est tout ce que nous pouvons conclure de l'opposition des deux classes générales de mots: & pour parvenir à des notions plus précises de chacune des especes indéclinables, qui sont les prépositions, les adverbes, & les conjonctions; il faut les puiser dans l'examen analytique des différens usages de ces mots.

1°. Les prépositions dans toutes les langues, exigent à leur suite un complément, sans lequel elles ne presentent à l'esprit qu'un sens vague & incomplet; ainsi les prépositions françoises avec, dans, pour, ne présentent un sens complet & clair, qu'au moyen des complémens; avec le roi, dans la ville, pour sortir: c'est la même chose des prépositions latines, cùm, in, ad, il faut les completter; cùm rege, in urbe, ad exeundum.

Une seconde observation essentielle sur l'usage des prépositions, c'est que dans les langues dont les noms ne se déclinent point, on désigne par des prépositions la plûpart des rapports dont les cas sont aillears les signes: manus Dei, c'est en françois, la main de Dieu; dixit Deo, c'est il a dit à Dieu.

Cette derniere observation nous indique que les prépositions désignent des rapports: l'application que l'on peut faire des mêmes prépositions à une infinité de circonstances différentes, démontre que les rapports qu'elles désignent font abstraction de toute application, & que les termes en sont indétermines. Qu'on me permette un langage étranger sans doute à la grammaire, mais qui peut convenir à la Philosophie, parce qu'elle s'accommode de droit de sout ce qui peut mettre la vérité en évidence: les calculateurs disent que 3 est à 6, comme 5 est à 10, comme 8 est à 16, comme 25 est à 50, &c. que veulent - ils dire? que le rapport de 3 à 6 est le même que le rapport de 5 à 10, que le rapport de 8 à 16, que le rapport de 25 à 50; mais ce rapport n'est aucun des nombres dont il s'agit ici; & on le considere avec abstraction de tout terme, quand on dit que 1/2 en est l'exposant. C'est la même chose d'une préposition; c'est, pour ainsi dire, l'exposant d'un rapport considéré d'une maniere abstraite & générale, & indépendamment de tout terme antécédent & de tout terme conséquent. Aussi disons - nous avec la même préposition, la main de Dieu, la colere de ce prince, les désirs de l'ame; & de même contraire à la paix, utile à la nation, agréable à mon pere, &c. les Grammairiens disent que les trois premieres phrases sont analogues entr'elles, & qu'il en est de même des trois dernieres; c'est le langage des Mathématiciens, qui disent que les nombres 3 & 6, 5 & 10 sont proportionnels; car analogie & proportion, c'est la même chose, selon la remarque même de Quintilien: Analogia proecipuè, quam, proximè ex groeco transferentes in latinum, proportionem vocaverunt. liv. I.

Nous pouvons donc conclure de ces observations

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