ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"758"> que les prépositions sont des mots qui désignent des rapports généraux avec abstraction de tout terme antécédent & conséquent. De - là la nécessité de donner à la préposition un complément qui en fixe le sens, qui par lui - même est vague & indéfini; c'est le terme conséquent du rapport, envisagé vaguement dans la préposition. De - là encore le besoin de joindre la préposition avec son complément à un adjectif, ou à un verbe, ou à un nom appellatif, dont le sens général se trouve modifié & restraint par l'idée accessoire de ce rapport; l'adjectif, le verbe, ou le nom appellatif, en est le terme antécédent, l'utilité de la Métaphysique, courageux sans témérité, aimer avec fureur; chacune de ces phrases exprime un rapport complet; on y voit l'antécédent, l'utilité, courageux, aimer; le conséquent, la métaphysique, témérité, fureur; & l'exposant, de, sans, avec.

2°. Par rapport aux adverbes, c'est une observation importante, que l'on trouve dans une langue plusieurs adverbes qui n'ont dans une autre langue aucun équivalent sous la même forme, mais qui s'y rendent par une préposition avec un complement qui énonce la même idée qui constitue la signification individuelle de l'adverbe; eminus, de loin; cominùs, de près; utrinque, des deux côtés, &c. on peut même regarder souvent comme synonymes dans une même langue les deux expressions, par l'adverbe & par la préposition avec son complement; prudenter, prudemment, ou cum prudentiâ, avec prudence. Cette remarque, qui se présente d'elle - même dans bien des cas, a excité l'attention des meilleurs grammairiens, & l'auteur de la Gramm. gen. part. II. ch. xij. dit que la plûpart des adverbes ne sont que pour signifier en un seul mot, ce qu'on ne pourroit marquer que par une préposition & un nom; sur quoi, M. Duclos remarque que la plûpart ne dit pas assez, que tout mot qui peut être rendu par une préposition & un nom est un adverbe, & que tout adverbe peut s'y rappeller; M. du Marsais avoit établi le même principe, article Adverbe.

Les adverbes ne différent donc des prépositions, qu'en ce que celles - ci expriment des rapports avec abstraction de tout terme antécédent & conséquent, au lieu que les adverbes renferment dans leur signification le terme conséquent du rapport. Les adverbes sont donc des mots qui expriment des rapports généraux, déterminés par la désignation du terme conséquent.

De - là la distinction des adverbes, en adverbes de tems, de lieu, d'ordre, de quantité, de cause, de maniere, selon que l'idée individuelle du terme conséquent qui y est enfermé a rapport au tems, au lieu, à l'ordre, à la quantité, à la cause, à la maniere.

De - là vient encore, contre le sentiment de Sanctius & de Scioppius, que quelques adverbes peuvent avoir ce qu'on appelle communément un régime, lorsque l'idée du terme conséquent peut se rendre par un nom appellatif ou par un adjectif, dont la signification, trop générale dans l'occurrence ou essentiellement relative, exige l'addition d'un nom qui la détermine ou qui la complette; ainsi dans ubi terrarum, tunc temporis, on peut dire que terrarum & temporis sont les complémens déterminatifs des adverbes ubi & tunc, puisqu'ils déterminent en effet les noms généraux renfermés dans la signification de ces adverbes; ubi terrarum, c'est - à - dire, en prenant l'équivalent de l'adverbe, in quo loco terrarum; tunc temporis, c'est - à - dire, in hoc puncto ou spatio temporis; & l'on voit qu'il n'y a point là de rédondance ou de pléonasme, comme le dit Scioppius dans sa Gramm. philosoph. (de syntaxi adverbii.) Il prétend encore que dans naturoe convenienter vivere, le datif naturoe est régi par le verbe vivere, de la même maniere que quand Plaute à dit (Poen.), vivere sibi & oemicis: mais il est clair que les deux exemples sont bien différens; & si l'on rend l'adverbe convenienter par son équivalent ad modum convenientem, tout le monde verra bien que le datif naturoe est le complément relatif de l'adjectif convenientem.

Ne nous contentons pas d'observer la différence des prépositions & des adverbes; voyons encore ce qu'il y a de commun entre ces deux especes: l'une & l'autre énonce un rapport général, c'est l'idée générique fondamentale des deux; l'une & l'autre fait abstraction du terme cntécédent, parce que le même rapport pouvant se trouver dans différens êtres, on peut l'appliquer sans changement à tous les sujets qui se présenteront dans l'occasion. Cette abstraction du terme antécédent ne suppose donc point que dans aucun discours le rapport sera envisage de la sorte; si cela avoit lieu, ce seroit alors un être abstrait qui seroit désigné par un nom abstmctif: l'abstraction dont il s'agit ici, n'est qu'un moyen d'appliquer le rapport à tel terme antécédent qui se trouvera nécessaire aux vûes de l'énonciation.

Ceci nous conduit donc à un principe essentiel; c'est que tout adverbe, ainsi que toute phrase qui renferme une préposition avec son complément, sont des expressions qui se rapportent essentiellement à un mot antécédent dans l'ordre analytique, & qu'elles ajoutent à la signification de ce mot, une idée de relation qui en fait envisager le sens tout autrement qu'il ne se présente dans le mot seul: aimer tendrement ou avec tendresse, c'est autre chose qu'aimer tout simplement. Si l'on envisage donc la préposition & l'adverbe sous ce point de vûe commun, on peut dire que ce sont des mots supplétifs, puisqu'ils servent également à suppléer les idees accessoires qui ne se trouvent point comprises dans la signification des mots auxquels onles rapporte, & qu'ils ne peuvent servir qu'à cette sin.

A l'occasion de cette application nécessaire de l'adverbe à un mot antécédent; j'observerai que l'etymologie du nom adverbe, telte que la donne Sanetius (Minerv. III. 13.), n'est bonne qu'autant que le nom latin verbum sera pris dans son sens propre pour signifier mot, & non pas verbe, parce que l'adverbe supplée aussi souvent à la signification des adjectifs, & même à celle d'autres adverbes, qu'à celle des verbes: adverbium, dit ce grammairien, videtur dici quasi ad verbum, quia verbis velut adjectivum adhoeret. La grammaire générale, part. Il. ch. xij. & tous ceux qui l'ont adoptée, ont souscrit à la même erreur.

3°. Plusieurs conjonctions semblent au premier aspect ne servir qu'à lier un mot avec un autre: mais si l'on y prend garde de près, on verra qu'en esset elles servent à lier les propositions partielles qui constituent un même discours. Cela est sensible à l'égard de celles qui amenent des propositions incidentes, comme proeceptum Apollinis monet ut se quisque noscat: (Tuscul. I. 22.) Ce principe n'est pas moins évident à l'égard des autres, quand toutes les parties des deux propositions liées sont différentes entr'elles; par exemple, Moise prioie et Josué combattoit. Il ne peut donc y avoir de doute que dans le cas où divers attributs sont énoncés du même sujet, ou le même attribut de différens sujets; par exemple, Ciceron etoit orateur et philosophe, lupus & agnus venerant. Mais il est aisé de ramener à la loi commune les conjonctions de ces exemples: le premier se réduit aux deux propositions liées, Ciceron étoit orateur et Ciceron étoit philosophe, lesquelle ont un même sujet; le second veut dire pareillement, lupus veneras et agnus venerat, les deux mots attributifs venerat étant compris dans le pluriel venerant.

Qu'il me soit permis d'établir ici quelques principes, dont je ne ferois que m'appuyer s'ils avoient été établis à l'article Conjonction. [p. 759]

Le premier, c'est qu'on ne doit pas regarder comme une conjonction, même en y ajoutant l'épithete de composée, une phrase qui renferme plusieurs mots, comme l'ont fait tous les Grammairiens, excepté M. l'abbé Girard. En effet une conjonction est une sorte de mot, & chacun de ceux qui entrent dans l'une de ces phrases que l'on traite de conjonctions, doit être rapporté à sa classe. Ainsion n'a pas dû regarder comme des conjonctions, les phrases si ce n'est, c'est - à - dire, pourvu que, parce que, à condition que, au surplus, c'est pourquoi, par conséquent, &c.

En adoptant ce principe, M. l'abbè Girard est tombé dans une autre méprise: il a écrit de suite les mots élémentaires de plusieurs de ces phrases, comme si chacune n'étoit qu'un seul mot; & l'on trouve dans son système des conjonctions, de plus, dailleurs, pourvuque, amoins, bienque, nonplus, tandisque, parce - que, dautantque, parconséquent, entantque, aureste, dureste; ce qui est contraire à l'usage de notre orthographe, & conséquemment aux véritables idées des choses. On doit écrite de plus, d'ailleurs, pourvu que, à moins, bien que, non plus, tandis que, parce que, d'autant que, par conséquent, en tant que, au resie, du reste.

Un second principe qu'il ne faut plus que rappeller, c'est que tout mot qui peut être rendu par une préposition avec son complément est un adverbe: d'où il suit qu'aucun mot de cette espece ne doit entrer dans le système des conjonctions; en quoi peche celui de M. l'abbé Girard, copié par M. du Marsais.

Cette conséquence est évidente d'abord pour toutes les phrases où notre orthographe montre distinctement une préposition & son complément, comme à moins, au reste, d'ailleurs, de plus, du reste, par conséquent. L'auteur des vrais principes s'expliene ainsi lui - même: « Par conséquent n'est mis au rang des conjonctions qu'autant qu'on l'éerit de suite sans en faire deux mots; aurrement chacun doit être rapporté à sa classe: & alors par sera une préposition, conséquent un adjectif pris substantivement; ces deux mots ne changent point de nature, quoiqu'employés pour énoncer le membre - conjonctif de la phrase ». (tom. II. pag. 284.) Mais il est constant qu'une préposition avec son complément est l'équivalent d'un adverbe, & que tout mot qui est l'équivalent d'une préposition avec son complément est un adverbe; d'où il suit que quand on écriroit de saite par conséquent, il n'en seroit pas moins adverbe, parce que l'étymologie y retrouveroit toujours les mêmes élémens, & la Logique le même sens.

C'est par la même raison que l'on doit regarder comme de simples adverbes, les mots suivans réputés communément conjonctions.

Cependant, néanmoins, pourtant, toutefois, sont adverbes; l'abréviateur de Richelet le dit expressément des deux derniers, qu'il explique par les premiers, quoiqu'à l'article néanmoins il désigne ce mot comme conjonction. Lorsque cependant est relatifau tems, c'est un adverbe qui veut dire pendant ce tems; & quand il est synonyme de néanmoins, pourtant, toutefois, il signifie, comme les trois autres, malgré ou nonobstant cela, avec les différences délicates que l'on peut voir dans les synonymes de l'abbé Girard.

Enfin c'est évidemment enfin, c'est - à - dire pour fin, pour article final, finalement, adverbe.

C'est la même chose d'afin, au lieu de quoi l'on disoit anciennement à celle fin, qui subsiste encore dans les patois de plusieurs provinces, & qui en est la vraie interprétation.

Jusque, regardé par Vaugelas (Rem. 514.) comme une préposition, & par l'abbé Girard, comme une conjonction, est effectivement un adverbe, qui signifie à - peu - près sans discontinuation, sans exception, &c. Le latin usque, qui en est le correspon<cb-> dant & le radical, se trouve pareillement employé à - peu - pres dans le sens de jugiter, assiduè, indesinenter, continuè; & ce dernier veutdire in spatio (temporis aut loci) continuo; ce qui est remarquable, parce que notre jusque s'emploie également avec rela'ion au tems & au lieu.

Pourvu signifie sous la condition; & c'est ainsi que l'explique l'abréviateur de Richeler; c'est donc un adverbe.

Quant fignifie relativement, par rapport.

Surtout vient de sur tout, c'est - à - dire principalement: il est si évidemment adverbe, qu'il est surprenant qu'on se soit avisé d'en faire une conjonction.

Tantôt répété veut dire, la premiere tois, dans un tems, & la seconde fois, dans un autre tems: tantot caressante & tantot dédaigneuse, c'est - à - dire caressante dans un tems & dédaigneuse dans un autre. Les Latins répetent dans le même sens l'adverbe nunc, qui ne devient pas pour cela conjonction.

Remarquez que dans tous les mots que nous venons de voir, nous n'avons rien trouvé de conjonctif qui puisse autoriser les Grammairiens à les regarder comme conjonctions. Il n'en est pas de même de quelques autres mots, qui étant analysés, renferment en effet la valeur d'une préposition avec son complément, & de plus un mot simple qui ne peut servir qu'à lier.

Par exemple, ainsi, aussi, donc, partant signifient & par cette raison, & pour cette cause, & par conséquent, & par résultat: ce sont des adverbes, si vous voulez, mais qui indiquent encore une liaison: & comme l'expression déterminée du complément d'un rapport, fait qu'un mot, sous cet aspect, n'est plus une préposition, quoiqu'il la renferme encore, mais un adverbe; l'exprestion de la liaison ajoutée à la signification de l'adverbe doit faire pareillement regarder le mot comme conjonction, & non comme adverbe, quoiqu'il renferme encore l'adverbe.

C'est la même chose de lorsque, quand, qui veulent dire dans le tems que; quoique, qui signifie malgré la raison, ou la cause, ou le motif que; puisque, qui veut dire par la raison supposée ou posée que (posite quod, qui en est peut - être l'origine, plutôt que postquam assigné comme tel par Ménage); si, c'est - à - dire sous la condition que, &c.

La facilité avec laquelle on a confondu les adverbes & les conjoactions, semble indiquer d'abord que ces deux sortes de mots ont quelque chose de commun dans leur nature; & ce que nous venons de remarquer en dernier lieu met la chose hors de doute, en nous apprenant que toute la signification de l'adverbe est dans la conjonction, qui y ajoute de plus l'idée de liaison entre des propositions. Concluons donc que les conjonctions sont des mots qui désignent entre les propositions, une liaison fondée sur les rapports qu'elles ont entre elles.

De - là la distinction des conjonctions en copulatives, adversatives, disjonctives, explicatives, périodiques, hypothétiques, conclusives, causatives, transitives & déterminatives, selon la différence des rapports qui fondent la liaison des propositions.

Les conjonctions copulatives, &, ni, (& en latin &, ac, atque, que, nec, neque), désignent entre des propositions sernblables, une liaison d'unité, fondée sur leur similitude.

Les conjonctions adversatives mais, quoique, (& en lan sed, at, quamvis, etsi, &c.), désignent entre des propositions opposées à quelques égards, une liaison d'unité, fondée sur leur compatibilité intrin seque.

Les conjonctions disjonctives ou, soi, (ve, vel, aut, seu, sive,) désignent entre des propositions incompatibles, une liaison de choix, fondée sur leur incompatibilité même.

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