ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS
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voyez cet art. & ceux qui travaillent à la derniere
sont les Marbriers, voyez cet article.
L'art de marqueterie est selon quelques - uns fort ancien: l'on croit que son origine qui étoit fort peu
de chose dans sen commencement, vient d'Orient,
& que les Romains l'emporterent en Occident avec
une partie des dépouilles qu'ils tirerent de l'Asie.
Anciennement on divisoit la marqueterie en trois
classes. La premiere qu'on appelloit MEGALOGRAFIK
étoit la plus essimée; on y voyoit des figures des
dieux & des hommes. La seconde représentoit des
oiseaux & autres ammaux de toute espece; & la
troisieme, des fleurs, des fruits, des arbres, paysages,
& autres choses de fantaisie. Ces deux dernieres
étoient appellées indisséremment RW=DOGRAFIA. Cet
art n'a pas laissé que de se perfectionner en Italie
vers le quinzieme siecle; mais depuis le milieu du
dix septieme, il a acquis en France toute la perfection
que l'on peut desirer. Jean de Veronne, contemporain
de Raphael & assez habile peintre de son tems,
fut le premier qui imagina de teindre les bois avec
des teintures & des huiles cuites qui les pénétroient.
Avant lui, la marqueterie n'étoit, pour ainsi dire,
autre chose que du blanc & du noir; mais il ne la
poussa que jusqu'à représentér des vûes perspectives
qui n'ont pas besoin d'une si grande variété de
couleurs. Ses successeurs enchérirent sur la maniere
de teindre les bois, non - seulement par le secret
qu'ils trouverent de les brûler plus ou moins sans
les consumer, ce qui servit à imiter les ombres,
mais encore par la quantité des bois de différentes
couleurs vives & naturelles que leur fournit l'Amérique, ou de ceux qui croissent en France dont
jusqu'alors on n'avoit point fait usage.
Ces nouvelles découvertes ont procuré à cet art
les moyens de faire d'excellens ouvrages de pieces
de rapport, qui imitent la peinture au point que
plusieurs les regardant comme de vrais tableaux,
lui ont donné le nom de peinture en bois, peinture &
sculpture en mosaique. La manufacture des Gobelins,
établie sous le regne de Louis XIV. & encouragée
par ses libéralités, nous a fourni les plus habiles ébénistes qui ont paru depuis plusieurs années, du
nombre desquels le fameux Boule le plus distingué,
est celui dont il nous reste quantité de si beaux
ouvrages: aussi est - ce à lui seul, pour ainsi dire,
que nous devons la perfection de cet art, mais depuis
ce tems - là la longueur de ces sortes d'ouvrages
les a fait abandonner.
On divise la marqueterie en trois parties. La premirre,
est la connoissance des bois propres à cet
art; la seconde, l'art de les assembler & de les joindre
ensemble par plaques & compartimens, mélés
quelquefois de bandes de différens métaux sur de la
menuiserie ordinaire; & la troisieme, la connoissance
des ouvrages qui ont rapport à cet art.
Des bois propres à la marqueterie. Presque toutes
les sortes des bois sont propres à la marqueterie, les
uns sont tendres & les autres fermes. Les premiers
se vendent à la piece, & les seconds à la livre à cause
de leur rareté.
Les bois tendres qu'on appelle ordinairement bois
françois, ne sont pas les meilleurs ni les plus beaux,
mais aussi sont - ils les plus faciles à travailler, raison
pour laquelle on en fait les fonds des ouvrages
(a). Ceux que l'on emploie le plus souvent à
cet usage sont le sapin, le chataignier, le tilleul, le
frêne, le hêtre, & quelques autres très - legers; les
bois de noyer blanc & brun, de charme, de cormier,
de buis, de poirier, de pommier, d'alizier, de merizier,
d'acacia, de psalm, & quantité d'autres,
s'emploient refendus avec les bois des Indes aux
(a) Les fonds des ouvrages de marqueterie sont les ouvrages
mêmes non plaques.
compartimens de placage; mais il faut avoir grand
soin d'employer cette sorte de bois bien secs; car
comme ils se tourmentent beaucoup, lorsqu'ils ne
sont pas parfaitement secs, quels mauvais effets ne
feroient - ils pas, si, lorsqu'etant plaqués, ils venoient
à se tourmenter?
Les bois fermes, appellés bois des Indes parce que
la plûpart viennent de ces pays, sont d'une infinité
d'especes plus rares & plus précieuses les unes que
les autres; leurs pores sont fort serrés, ce qui les
rend très - fermes & capables d'être refendus très minces.
Plusieurs les appellent tous indifféremment
bois d'ébene, quoique l'ebene proprement dit soit
presque seul de couleur noire, les autres ayant
chacune leur nom particulier. On en comprend
néanmoins, sous ce nom, de noir, de rouge, de
vert, de violet, de jaune, & d'une infinité d'autres
couleurs nuancées de ces dernieres.
L'ébene noir est de deux especes; l'une qui vient
de Portugal, est parsemée de taches blanches; l'autre
qui vient de l'île Maurice, est plus noire & beaucoup
plus belle.
Le grenadil est une espece d'ébene que quelques-uns
appellent ébene rouge, parce que son fruit est
de cette couleur; mais le bois est d'un brun foncé
tirant sur le noir veiné de blanc; ceux qui sont
vraiment rouges sont le bois rose, & après lui le
mayenbeau, le chacaranda, le bois de la Chine qui
est veiné de neir, & quelques autres; le bois de
fer approche beaucoup du rouge, mais plus encore
du brun.
Les ébenes verts sont le calembour, le gaïac,
& autres; mais cette derniere espece beaucoup plus
foncée, dure & pesante, est mêlée de petites taches
brillantes.
Les ébenes violets sont l'amarante; l'ébene palissante,
celui qu'on appelle violette, & autres;
mais le premier est le plus beau, les autres approchant
beaucoup de la couleur brune.
Les ébenes jaunes sont le clairembourg, dont la
couleur approche beaucoup de celle de l'or, le cédre,
différens acajous & l'olivier, dont la couleur
tire sur le blanc.
Il est encore une infinité d'autres ébenes de différentes
couleurs nuancées plus ou moins de ces dernieres.
Des assemblages. On entend par assemblages de
marqueterie, non - seulement l'art de réunir & de joindre
ensemble plusieurs morceaux de bois pour ne
faire qu'un corps, mais encore celui de les couvrir
par compartimens de pieces de rapport. Les uns se
font quarrément à queue d'aronde, en onglet, en
fausse coupe, &c. comme on peut le voir dans la
Menuiserie où ces assemblages sont traités fort amplement.
Les autres se font avec des petites pieces
de bois refendues très - minces, découpées de différente
maniere selon le dessein des compartimens,
& collées ensuite les unes contre les autres.
Cette derniere sorte d'assemblage en laquelle consiste
principalement l'art de marqueterie, se fait de deux
manieres: l'une est lorsque l'on joint ensemble des
bois, ivoires ou écailles de différente couleur; l'autre
lorsque l'on joint ces mêmes bois, ivoires ou écailles avec des compartimens ou filets d'étain, de
cuivre, & autres.
La premiere se divise en deux especes: l'une
lorsque les bois divisés par compartimens, représentent
simplement des cadres, des panneaux, &
quelquefois des fleurs d'une même couleur; l'autre,
lorsqu'indépendamment des cadres & des panneaux
d'une ou plusieurs couleurs, ces derniers représentent
des fleurs, des fruits, & même des figures
qui imitent les tableaux. L'une & l'autre consistent
premierement à teindre une partie des bois que
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l'on veut employer & qui ont besoin de l'être,
pour leur donner des couleurs qu'ils n'ont pas naturellement;
les uns en les brûlant leur donnent une
couleur noirâtre qui imite les ombres; les autres
les mettent pour cet esset dans du sable extrèmement
chaussé au feu; d'autres se servent d'eau - dechaux & de sublimé; d'autres encore d'huile de
soufre: cependant chaque ouvrier a sa maniere &
les drogues particulieres pour la teinte de ses bois,
dont il fait un grand mystere. Deuxiemement, à reduire
en feuilles d'environ une ligne d'épaisseur
tous les bois que l'on veut employer dans un placage.
Troisiemement, ce qui est le plus difficile &
qui demande le plus de patience & d'attention, à
contourner ces feuilles avec la scie, fig. 75. suivant
la partie du dessein qu'elles doivent occuper en les
serrant dans différens étaux, fig. 65, 66, & 67,
que l'on appelle aussi ane. Cela se fait en pratiquant
d'abord sur l'ouvrage même un placage de bois de
la couleur du fond du desiein. On y trace ensuite
le dessein dont on supprime les parties qui doivent
recevoir des bois d'une autre couleur que l'on ajuste
alors à force, pour les faire joindre parfaitement.
Quatriemement enfin, à les plaquer les unes contre
les autres avec de la colle sorte, en se servant des
marteaux à plaquer, fig. 78 & 79.
La seconde maniere avec compartimens d'étain,
de cuivre, ou autres métaux, est de deux sortes:
l'une A fig. 61, 62, & 63, est celle dont le bois
forme les fleurs & autres ornemens auxquels l'étain
ou le cuivre sert de fond. L'auire B, est au contraire
celle dont le cuivre ou l'étain sont les fleurs
& autres ornemens auxquels le bois, l'écaille ou
l'ivoire sert de fond; l'une & l'autre s'ajustent de la
même maniere que celle en bois, mais ne se peut
coller comme le bois avec de la colle forte, qui ne
prend point sur les métaux, mais bien avec du
mastic.
Des ouvrages de marqueterie. La marqueterie étoit
fort en usage chez les anciens. La plus grande richesse
de leurs appartemens ne consistoit qu'en meubles
de cette espece; ils ne se conrentoient pas d'en
faire des meubles, ils en faisoient des lamlbris, des
parquets, des plafonds; ils en revétissoient leurs
pieces de curiosité; ils en faisoient même des vases
& des bijoux de toute espece, qu'ils considéroient
comme autant d'ornemens agréables à la vûe. Mais
depuis que les porcelaines & les émaux les plus précieux
ont succédé à toutes ces choses, la marqueterie a beaucoup diminué de son luxe. Néanmoins on
voit encore dans les appartemens des châteaux de
Saint - Cloud & de Meudon, des cabinets de curiosité,
& dans beaucoup de maisons d'importance,
quantité de meubles & bijoux revêtus de ces sortes
d'ouviages.
De tous les meubles faits de marqueterie, ceux dont
on fait le plus d'usage sont les commodes, fig. 1. 2.
3. 4. 5. & 6. d'une infinité de formes & grandeurs.
Ce meuble se place ordinairement dans les grandes
pieces entre deux croisées, adossé aux trumeaux, &
est composé de plusieurstiroirs A, fig. 1. 3. & 5, plus
grands ou plus petits les uns que les autres, selon
l'usage que l'on en veut saire, divisés extérieurement
de cadres & de panneaux de bois de placage de différentes
couleurs: ces commodes sont surmontées
de tables de marqueterie, sig. 2. 4. & 6, subdivisées
par compartimens de différens desseins, & plus ordinairement
de tables de marbre, beaucoup moins sujettes
aux taches.
Après les commodes sont les armoires, fig. 7, à
l'usage des lingeries, ou bas d'armoires, fig. 8. & 9,
à l'usage des anti chambres, salles à manger, &c. on
les fait, comme tous les autres meubles, en noyer
simplement, fig. 7, avec portes A quarrées ou cein<cb->
trées par le haut, & pilastres B, subdivisés de panneaux
A & B, & de cadres C, ou par compartimens
de placage, fig. 8, avec portes A & pilastres B, ornés
de bases & corniches. La fig. 9 est la table de ce
même bas d'armoire, qui pour la même raison des
commodes est aussi le plus souvent en marbre.
La fig. 10 est l'élévation d'un chassis d'écran, dont
la fig. 11 est le plan, composé de deux traverses A,
de deux montans B, appuyés sur deux piés C; le
tout quelquefois en bois de noyer orné de moulure,
& quelquefois en bois couvert de marqueterie.
La fig. 12 est l'élévation, & la fig. 13 le plan d'une
table dite table de nuit, que l'on place ordinairement
près des lits pendant la nuit. Cette table est compesée
d'une tablette inférieure A, d'une supérieure B,
souvent en marbre, pour placer une lumiere, un
livre, & autres semblabies commodités pendant la
nuit, montées ensemble sur quatre piés C. Ce meuble
est, comme les autres, quelquefois en noyer, &
quelquefois en marqueterie.
La fig. 14 est l'élévat on, & la fig. 15 le plan d'une
petite table appellée chisoniere, dont se servent ordinairement
les femmes pour le dépôt de leurs ouvrages
ou chiffons, d'où elle tire son nom. Cette table,
montée sur quatre piés A, est composée de
plasieurs tiroirs B, divises de cadres & de panneaux,
dont le supérieur B contient ordinairement une éc><->
toire. Le desses C de cette table, fig. 15, est quelquefois
couvert d'un maroquin.
La fig. 16 est l'élévation extérieure d'une bibliotheque
à l'usage des cabinets, avec portes de treillage
A, base B, & corniches C, ornées de différens
compartimens de marqueterie en bois.
La fig. 17 est aussi une bibliotheque servant aux
mêmes usages que la précédente, mais différente,
en ce qu'elle forme une espece de lambris de hauteur
& d'appui, ornée de pilasires, ayant aussi des
portes de treillage A, base B, & corniches C, couverte
par compartimens de marqueterie en bois.
La fig. 18 est l'élévation, & la fig. 19 le plan d'un
secrétaire meublé, assez commun dans les cabinets,
composé de plusieurs tiroirs exterieurs A grands ou
petits, de plusieurs autres intérieurs B, avec tablettes
C en forme de serre - papier, & une espece de
cave D servant de coffre sort; les tiroits B, tablettes
C & coffre D, se trouvent enfermes surement
par une table E, garnie intérieurement de maroquin,
qui étant couverte, sert à écrire, dessiner, &c. L'extérieur & l'intérieur sont plaqués de marqueterie en
bois, monté le tout ensemble sur quatre piés F.
La fig. 20 est un secrétaire en forme d'armoire,
aussi à l'usage des cabinets, dont l'intérieur de la
partie supérieure A est garni, comme le précédent,
de petits tiroirs & tablettes en forme de serre - papier,
enfermés par une table garnie intérieurement de
maroquin, servant à écrire; & la partie inférieure
B s'ouvrant en deux parties, forme intérieurement
une armoire contenant des tablettes, tiroirs & coffre
fort. L'extérieur de ce meuble couronné d'une table
de marqueterie ou de marbre, est décoré de cadres
de différens compartimens de marqueterie en
bois, & de panneaux représentant des fleurs & des
fruits.
La fig. 21 est l'élévation, & la fig. 22 le plan d'une
espece de table appellée bureau, aussi à l'usage des
cabinets, composée de deux ou trois tiroirs A, surmontés
d'une table B, ordinairement garnie de maroquin,
le tout ensemble monté sur quatre piés C.
La fig. 23 est l'élévation, & la fig. 24 le plan
d'un bureau beaucoup plus riche & plus commode
que le précédent, décoré de chaque côté de pilastres
A, avec cadres & panneaux de marqueterie, & entre - pilastres BC pour placer des tiroirs B & aimoires
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