ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"138"> voyez cet art. & ceux qui travaillent à la derniere sont les Marbriers, voyez cet article.

L'art de marqueterie est selon quelques - uns fort ancien: l'on croit que son origine qui étoit fort peu de chose dans sen commencement, vient d'Orient, & que les Romains l'emporterent en Occident avec une partie des dépouilles qu'ils tirerent de l'Asie. Anciennement on divisoit la marqueterie en trois classes. La premiere qu'on appelloit MEGALOGRAFIK étoit la plus essimée; on y voyoit des figures des dieux & des hommes. La seconde représentoit des oiseaux & autres ammaux de toute espece; & la troisieme, des fleurs, des fruits, des arbres, paysages, & autres choses de fantaisie. Ces deux dernieres étoient appellées indisséremment RW=DOGRAFIA. Cet art n'a pas laissé que de se perfectionner en Italie vers le quinzieme siecle; mais depuis le milieu du dix septieme, il a acquis en France toute la perfection que l'on peut desirer. Jean de Veronne, contemporain de Raphael & assez habile peintre de son tems, fut le premier qui imagina de teindre les bois avec des teintures & des huiles cuites qui les pénétroient. Avant lui, la marqueterie n'étoit, pour ainsi dire, autre chose que du blanc & du noir; mais il ne la poussa que jusqu'à représentér des vûes perspectives qui n'ont pas besoin d'une si grande variété de couleurs. Ses successeurs enchérirent sur la maniere de teindre les bois, non - seulement par le secret qu'ils trouverent de les brûler plus ou moins sans les consumer, ce qui servit à imiter les ombres, mais encore par la quantité des bois de différentes couleurs vives & naturelles que leur fournit l'Amérique, ou de ceux qui croissent en France dont jusqu'alors on n'avoit point fait usage.

Ces nouvelles découvertes ont procuré à cet art les moyens de faire d'excellens ouvrages de pieces de rapport, qui imitent la peinture au point que plusieurs les regardant comme de vrais tableaux, lui ont donné le nom de peinture en bois, peinture & sculpture en mosaique. La manufacture des Gobelins, établie sous le regne de Louis XIV. & encouragée par ses libéralités, nous a fourni les plus habiles ébénistes qui ont paru depuis plusieurs années, du nombre desquels le fameux Boule le plus distingué, est celui dont il nous reste quantité de si beaux ouvrages: aussi est - ce à lui seul, pour ainsi dire, que nous devons la perfection de cet art, mais depuis ce tems - là la longueur de ces sortes d'ouvrages les a fait abandonner.

On divise la marqueterie en trois parties. La premirre, est la connoissance des bois propres à cet art; la seconde, l'art de les assembler & de les joindre ensemble par plaques & compartimens, mélés quelquefois de bandes de différens métaux sur de la menuiserie ordinaire; & la troisieme, la connoissance des ouvrages qui ont rapport à cet art.

Des bois propres à la marqueterie. Presque toutes les sortes des bois sont propres à la marqueterie, les uns sont tendres & les autres fermes. Les premiers se vendent à la piece, & les seconds à la livre à cause de leur rareté.

Les bois tendres qu'on appelle ordinairement bois françois, ne sont pas les meilleurs ni les plus beaux, mais aussi sont - ils les plus faciles à travailler, raison pour laquelle on en fait les fonds des ouvrages (a). Ceux que l'on emploie le plus souvent à cet usage sont le sapin, le chataignier, le tilleul, le frêne, le hêtre, & quelques autres très - legers; les bois de noyer blanc & brun, de charme, de cormier, de buis, de poirier, de pommier, d'alizier, de merizier, d'acacia, de psalm, & quantité d'autres, s'emploient refendus avec les bois des Indes aux

(a) Les fonds des ouvrages de marqueterie sont les ouvrages mêmes non plaques.
compartimens de placage; mais il faut avoir grand soin d'employer cette sorte de bois bien secs; car comme ils se tourmentent beaucoup, lorsqu'ils ne sont pas parfaitement secs, quels mauvais effets ne feroient - ils pas, si, lorsqu'etant plaqués, ils venoient à se tourmenter?

Les bois fermes, appellés bois des Indes parce que la plûpart viennent de ces pays, sont d'une infinité d'especes plus rares & plus précieuses les unes que les autres; leurs pores sont fort serrés, ce qui les rend très - fermes & capables d'être refendus très minces. Plusieurs les appellent tous indifféremment bois d'ébene, quoique l'ebene proprement dit soit presque seul de couleur noire, les autres ayant chacune leur nom particulier. On en comprend néanmoins, sous ce nom, de noir, de rouge, de vert, de violet, de jaune, & d'une infinité d'autres couleurs nuancées de ces dernieres.

L'ébene noir est de deux especes; l'une qui vient de Portugal, est parsemée de taches blanches; l'autre qui vient de l'île Maurice, est plus noire & beaucoup plus belle.

Le grenadil est une espece d'ébene que quelques-uns appellent ébene rouge, parce que son fruit est de cette couleur; mais le bois est d'un brun foncé tirant sur le noir veiné de blanc; ceux qui sont vraiment rouges sont le bois rose, & après lui le mayenbeau, le chacaranda, le bois de la Chine qui est veiné de neir, & quelques autres; le bois de fer approche beaucoup du rouge, mais plus encore du brun.

Les ébenes verts sont le calembour, le gaïac, & autres; mais cette derniere espece beaucoup plus foncée, dure & pesante, est mêlée de petites taches brillantes.

Les ébenes violets sont l'amarante; l'ébene palissante, celui qu'on appelle violette, & autres; mais le premier est le plus beau, les autres approchant beaucoup de la couleur brune.

Les ébenes jaunes sont le clairembourg, dont la couleur approche beaucoup de celle de l'or, le cédre, différens acajous & l'olivier, dont la couleur tire sur le blanc.

Il est encore une infinité d'autres ébenes de différentes couleurs nuancées plus ou moins de ces dernieres.

Des assemblages. On entend par assemblages de marqueterie, non - seulement l'art de réunir & de joindre ensemble plusieurs morceaux de bois pour ne faire qu'un corps, mais encore celui de les couvrir par compartimens de pieces de rapport. Les uns se font quarrément à queue d'aronde, en onglet, en fausse coupe, &c. comme on peut le voir dans la Menuiserie où ces assemblages sont traités fort amplement. Les autres se font avec des petites pieces de bois refendues très - minces, découpées de différente maniere selon le dessein des compartimens, & collées ensuite les unes contre les autres.

Cette derniere sorte d'assemblage en laquelle consiste principalement l'art de marqueterie, se fait de deux manieres: l'une est lorsque l'on joint ensemble des bois, ivoires ou écailles de différente couleur; l'autre lorsque l'on joint ces mêmes bois, ivoires ou écailles avec des compartimens ou filets d'étain, de cuivre, & autres.

La premiere se divise en deux especes: l'une lorsque les bois divisés par compartimens, représentent simplement des cadres, des panneaux, & quelquefois des fleurs d'une même couleur; l'autre, lorsqu'indépendamment des cadres & des panneaux d'une ou plusieurs couleurs, ces derniers représentent des fleurs, des fruits, & même des figures qui imitent les tableaux. L'une & l'autre consistent premierement à teindre une partie des bois que [p. 139] l'on veut employer & qui ont besoin de l'être, pour leur donner des couleurs qu'ils n'ont pas naturellement; les uns en les brûlant leur donnent une couleur noirâtre qui imite les ombres; les autres les mettent pour cet esset dans du sable extrèmement chaussé au feu; d'autres se servent d'eau - dechaux & de sublimé; d'autres encore d'huile de soufre: cependant chaque ouvrier a sa maniere & les drogues particulieres pour la teinte de ses bois, dont il fait un grand mystere. Deuxiemement, à reduire en feuilles d'environ une ligne d'épaisseur tous les bois que l'on veut employer dans un placage. Troisiemement, ce qui est le plus difficile & qui demande le plus de patience & d'attention, à contourner ces feuilles avec la scie, fig. 75. suivant la partie du dessein qu'elles doivent occuper en les serrant dans différens étaux, fig. 65, 66, & 67, que l'on appelle aussi ane. Cela se fait en pratiquant d'abord sur l'ouvrage même un placage de bois de la couleur du fond du desiein. On y trace ensuite le dessein dont on supprime les parties qui doivent recevoir des bois d'une autre couleur que l'on ajuste alors à force, pour les faire joindre parfaitement. Quatriemement enfin, à les plaquer les unes contre les autres avec de la colle sorte, en se servant des marteaux à plaquer, fig. 78 & 79.

La seconde maniere avec compartimens d'étain, de cuivre, ou autres métaux, est de deux sortes: l'une A fig. 61, 62, & 63, est celle dont le bois forme les fleurs & autres ornemens auxquels l'étain ou le cuivre sert de fond. L'auire B, est au contraire celle dont le cuivre ou l'étain sont les fleurs & autres ornemens auxquels le bois, l'écaille ou l'ivoire sert de fond; l'une & l'autre s'ajustent de la même maniere que celle en bois, mais ne se peut coller comme le bois avec de la colle forte, qui ne prend point sur les métaux, mais bien avec du mastic.

Des ouvrages de marqueterie. La marqueterie étoit fort en usage chez les anciens. La plus grande richesse de leurs appartemens ne consistoit qu'en meubles de cette espece; ils ne se conrentoient pas d'en faire des meubles, ils en faisoient des lamlbris, des parquets, des plafonds; ils en revétissoient leurs pieces de curiosité; ils en faisoient même des vases & des bijoux de toute espece, qu'ils considéroient comme autant d'ornemens agréables à la vûe. Mais depuis que les porcelaines & les émaux les plus précieux ont succédé à toutes ces choses, la marqueterie a beaucoup diminué de son luxe. Néanmoins on voit encore dans les appartemens des châteaux de Saint - Cloud & de Meudon, des cabinets de curiosité, & dans beaucoup de maisons d'importance, quantité de meubles & bijoux revêtus de ces sortes d'ouviages.

De tous les meubles faits de marqueterie, ceux dont on fait le plus d'usage sont les commodes, fig. 1. 2. 3. 4. 5. & 6. d'une infinité de formes & grandeurs. Ce meuble se place ordinairement dans les grandes pieces entre deux croisées, adossé aux trumeaux, & est composé de plusieurstiroirs A, fig. 1. 3. & 5, plus grands ou plus petits les uns que les autres, selon l'usage que l'on en veut saire, divisés extérieurement de cadres & de panneaux de bois de placage de différentes couleurs: ces commodes sont surmontées de tables de marqueterie, sig. 2. 4. & 6, subdivisées par compartimens de différens desseins, & plus ordinairement de tables de marbre, beaucoup moins sujettes aux taches.

Après les commodes sont les armoires, fig. 7, à l'usage des lingeries, ou bas d'armoires, fig. 8. & 9, à l'usage des anti chambres, salles à manger, &c. on les fait, comme tous les autres meubles, en noyer simplement, fig. 7, avec portes A quarrées ou cein<cb-> trées par le haut, & pilastres B, subdivisés de panneaux A & B, & de cadres C, ou par compartimens de placage, fig. 8, avec portes A & pilastres B, ornés de bases & corniches. La fig. 9 est la table de ce même bas d'armoire, qui pour la même raison des commodes est aussi le plus souvent en marbre.

La fig. 10 est l'élévation d'un chassis d'écran, dont la fig. 11 est le plan, composé de deux traverses A, de deux montans B, appuyés sur deux piés C; le tout quelquefois en bois de noyer orné de moulure, & quelquefois en bois couvert de marqueterie.

La fig. 12 est l'élévation, & la fig. 13 le plan d'une table dite table de nuit, que l'on place ordinairement près des lits pendant la nuit. Cette table est compesée d'une tablette inférieure A, d'une supérieure B, souvent en marbre, pour placer une lumiere, un livre, & autres semblabies commodités pendant la nuit, montées ensemble sur quatre piés C. Ce meuble est, comme les autres, quelquefois en noyer, & quelquefois en marqueterie.

La fig. 14 est l'élévat on, & la fig. 15 le plan d'une petite table appellée chisoniere, dont se servent ordinairement les femmes pour le dépôt de leurs ouvrages ou chiffons, d'où elle tire son nom. Cette table, montée sur quatre piés A, est composée de plasieurs tiroirs B, divises de cadres & de panneaux, dont le supérieur B contient ordinairement une éc<-> toire. Le desses C de cette table, fig. 15, est quelquefois couvert d'un maroquin.

La fig. 16 est l'élévation extérieure d'une bibliotheque à l'usage des cabinets, avec portes de treillage A, base B, & corniches C, ornées de différens compartimens de marqueterie en bois.

La fig. 17 est aussi une bibliotheque servant aux mêmes usages que la précédente, mais différente, en ce qu'elle forme une espece de lambris de hauteur & d'appui, ornée de pilasires, ayant aussi des portes de treillage A, base B, & corniches C, couverte par compartimens de marqueterie en bois.

La fig. 18 est l'élévation, & la fig. 19 le plan d'un secrétaire meublé, assez commun dans les cabinets, composé de plusieurs tiroirs exterieurs A grands ou petits, de plusieurs autres intérieurs B, avec tablettes C en forme de serre - papier, & une espece de cave D servant de coffre sort; les tiroits B, tablettes C & coffre D, se trouvent enfermes surement par une table E, garnie intérieurement de maroquin, qui étant couverte, sert à écrire, dessiner, &c. L'extérieur & l'intérieur sont plaqués de marqueterie en bois, monté le tout ensemble sur quatre piés F.

La fig. 20 est un secrétaire en forme d'armoire, aussi à l'usage des cabinets, dont l'intérieur de la partie supérieure A est garni, comme le précédent, de petits tiroirs & tablettes en forme de serre - papier, enfermés par une table garnie intérieurement de maroquin, servant à écrire; & la partie inférieure B s'ouvrant en deux parties, forme intérieurement une armoire contenant des tablettes, tiroirs & coffre fort. L'extérieur de ce meuble couronné d'une table de marqueterie ou de marbre, est décoré de cadres de différens compartimens de marqueterie en bois, & de panneaux représentant des fleurs & des fruits.

La fig. 21 est l'élévation, & la fig. 22 le plan d'une espece de table appellée bureau, aussi à l'usage des cabinets, composée de deux ou trois tiroirs A, surmontés d'une table B, ordinairement garnie de maroquin, le tout ensemble monté sur quatre piés C.

La fig. 23 est l'élévation, & la fig. 24 le plan d'un bureau beaucoup plus riche & plus commode que le précédent, décoré de chaque côté de pilastres A, avec cadres & panneaux de marqueterie, & entre - pilastres BC pour placer des tiroirs B & aimoires

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