ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"202"> ceptible d'une pareille dilatation, se rompe, que les faisceaux charnus qui composent les museles du basventre s'écartent, & donnent ainsi passage à la matrice alors distendue. Cette rupture peut plutôt avoir lieu vers le nombril & aux aînes, parce que ces endroits sont les parties les plus foibles du ventre; ces causes dépendantes de la matrice sont beaucoup aidées par les efforts violens, les vomissemens continuels, des éternumens fréquens, des chûtes, des coups, ou autre cause violente; & enfin par la vanité & l'imprudence de quelques femmes qui, pour paroître de plus belle taille, ou pour cacher leur grossesse, se serrent trop la poitrine & le ventre, & empêchent par - là la matrice de s'étendre également de tous côtés, & la poussent avec plus de force vers les parties inférieures.

Si l'on ne remedie pas tout de suite à cet accident, il peut devenir dangereux; outre qu'il est difforme, incommode, la source d'indigestions, de vomissemens, de vapeurs, &c. l'étranglement peut amener l'inflammation, la gangrene, & obliger de recourir à l'opération incertaine, & toujours très périlleuse du bubonocele; ou enfin, pour tirer l'enfant dans le tems de l'accouchement à l'opération césarienne, dont les risques ne sont pas moins pressans; l'hernie peut aussi être funeste à l'enfant dont elle gêne l'accroissement, & que le mauvais état de la matrice ne peut manquer d'incommoder.

La réduction est le seul remede curatif qu'il convient d'employer lorsque l'hernie est bien décidée; on empêche ensuite par un bandage approprié le retour de l'hernie; il faut aussi que les femmes elles - mêmes y concourent par leur régime: lorsqu'elles ont à craindre pareils accidens, elles ne doivent porter aucun habillement qui leur serre trop le ventre & la poitrine, & sur tout éviter ces corps tissus de baleine, qui ne peuvent préter aucunement, où la vanité a emprisonné leur taille aux dépens même de leur aisance & de leur santé. Il faut aussi qu'elles s'abstiennent de tout exercice vioient, de tout effort subit & considérable, & bien plus, qu'elles gardent tout - à - fait le lit, si leurs affaires le leur permettent. Si, lorsque le terme de l'accouchement est venu, la réduction n'étoit pas faite, & que l'hernie étant totale l'enfant ne pût sortir par les voies ordinaires, il ne faut pas balancer à tenter l'opération césarienne, dont le succès, quand elle est faite à tems, est presque toujours assuré pour l'enfant, quoique'elle soit funeste à la mere, parce que dans ces circonstances, sans cette opération, la mort de la mere est assurée; avec elle, elle n'est que probable. Je crois qu'il seroit à - propos, lorsqu'on est obligé d'en venir à ces extrémités, en même tems qu'on a fait la section des tégumens & de la matrice pour avoir l'enfant, de débrider les parties du péritoine qui forment l'étranglement; par cette double opération, qui ne seroit pas plus cruelle, on pourroit remettre la matrice & guérir l'hernie.

Hydropisie de matrice. Les hydropisies se forment dans la cavité de la matrice, comme dans les autres parties du corps, par l'épanchement & la collection des sérosités qui y sont retenues par le renversement & l'obstruction de l'orisice interne de la matrice, ou qui sont renfermées dans de petites poches particulieres qu'on nomme hydatides. C'est ainsi que Pechlin (obser. 19.) trouva la matrice d'une femme morte enceinte, toute parsemée d'hydatides. Tulpius (obs. 45. lib. IV.) raconte qu'une femme portoit dans les deux cornes de la matrice, plus de neuf livres d'eau très limpide, renfermée dans de semblables vessies. Mauriceau a une observation curieuse touchant une femme à qui il tira une mole très - considérable, qui n'étoit qu'un tissu de petites vésicules remplies d'eau, qui étoient implantées à une masse de chair confu<cb-> se observ. 177. Ces eaux se ramassent quelquefois si abondamment dans la matrice, qu'elles la dilatent, distendent les tégumens du bes - ventre, & en imposent pour une veritable grosiesse. Vesale dit avoir sait l'ouverture d'une femme, dans la matrice de laquelle il y avoit plus de soixante mesutes d'eau, de trois livres chacune. On lit dans Schenckius plusieurs observations sembsables. Il raconte entr'autres qu'on trouva dans une femme la matrice si prodigieusement dilatée par la grande quantité d'eau qu'elle renfermoit, qu'elle auroit pu contenir un enfant de dix ans: ce sont ses termes observ. lib. IV. observ. 6. Fernel nous a laissé l'histoire d'une femme, chez qui l'évacuation menstruelle étoit précédée d'un écoulement abondant de sérosité, au point qu'elle en remplissoit six ou sept grands bassins. Patholog. lib. VI. cap. xv. On peut cependant distinguer l'hydropisie de la matrice d'avec la veritable grossesse. 1°. Par l'état des mamelles qui, chez les femmes enceintes, sont dures, élevées, rebondies & rendent du lait; chez les hydropiques, sont flasques, molles & abattues. 2°. Par la couleur du visage qui, dans celles - ci, est mauvaise, pâle, jaunâtre, livide. 3°. Par l'enflûre du ventre qui, dans l'hydropisie, est uniforme, plus molle & plus arrondie, & ne laisse appercevoir au tact qu'un flottement d'eau sans mouvement sensible qui puisse être attribué à l'enfant; au lieu que dans la grossesse, le ventre se porte plus en pointe vers le devant, & l'on sent après quelques mois remuer l'enfant. On peut ajouter à cela les accidens qui accompagnent l'hydropisie; tels sont la langueur, lassitude, difficulté de respirer, petite quantité d'urine., qui cépose un sédiment rouge & briqueté; & tous ces signes combinés ne devroient, ce semble, laisser aucun lieu dé méconnoître ces maladies. On voit cependant tous les jours des personnes qui esperent & font esperer un enfant à des meres crédules, qui s'imaginent aussi être enceintes parce qu'elles le souhaitent ardemment, & qui ne sont qu'hydropiques; d'autres qui traitent d'hydropiques des femmes réellement enceintes. J'ai connu un médecin qui, donnant dans cette erreut, prescrivoit à une femme grosse des violens hydradogues, dont le succès fut tel que la prétendue hydropique accoucha au huitieme mois d'un enfant qui ne vécut que quelques heures, au grand étonnement de l'inexpérimenté médecin. Il arrive quelquefois aussi que cette hydropisie soit compliquée avec la grossesse; la sérofité se ramasse alors autour des membranes de l'enfant. Mauriceau fait mention d'une femme enceinte qui vuida beaucoup d'eau par la matrice quelques femaines avant d'accoucher; & ce qui demontra que cet écoulement étoit une suite d'hydropisie, & n'etoit pas produit par les eaux de l'enfant, c'est le délai de l'accouchement; & d'ailleurs c'est qu'en accouchant cette femme, il trouva les membranes formées & remplies à l'ordinaire, observ. 9. Le même auteur en rapporte d'autres exemples semblables, liv. I. chap. xxiij. & obs. 29, 60. &c. Cette hydropisie ne se connoît guere que par l'évacuation de ces eaux, ou par l'enflûre prodigieuse du ventre, accompagnée de quelques symptomes d'hydropisie, combinés avec les signes qui caractérisent la grossesse.

L'hydropisie de la matrice peut dépendre des mêmes causes que les collections d'eau dans les autres parties, quelquefois elle n'en est qu'une suite; d'autres fois elle est déterminée par un vice particulier de ce viscere, par les obstructions, les skirrhes, par la suppression des regles, les fleurs blanches, par les tumeurs, l'hydropisie des ovaires, &c. mais il ne suffit pas que la sérosité vienne en plus grande abondance aborder à la matrice; il faut, pour for<pb-> [p. 203] mer l'hydropisie, qu'elle soit retenue dans sa cavité, ou dans des vésicules, ou dans la matrice, son orifice étant fermé par sa propre constriction, par quelque tumeur, par le resserrement voluptueux qui arrive aux femmes dans le moment qu'elles conçoivent; la matrice voulant alors garder exactement la semence qu'elle a pompée avec avidité, se ferme. L'impersoration du vagin de la matrice par un hymen trop fort, peut produire le même effet.

Outre le danger commun à toutes les hydropisies, cette espece a cela de particulier qu'elle est un obstacle à la génération; elle cause la stérilité; si elle ne se forme qu'après la conception, ces eaux gênent pour l'ordinaire l'accroissement de l'enfant, l'affoiblissent; & elles indiquent d'ailleurs un vice dans la matrice, dont l'enfant doit nécessairement se ressentir.

Lorsque l'hydropisie de la matrice n'est point compliquée avec la grossesse, il faut tâcher de relâcher l'orifice interne de la matrice par des bains, des fomentations, des fumigations, des injections; si ces remedes ne suffisent pas, on peut y porter la main ou même les instrumens nécessaires, la seule dilatation de cet orifice suffit pour évacuer les eaux, lorsque l'hydropisie n'est pas enkistée ou vésiculaire. Si l'hymen s'opposoit à leur évacuation, il n'y a qu'à le couper; cette simple opération guérit quelquefois entierement l'hydropisie. Lorsque les eaux se sont écoulées, on peut prévenir un nouvel épanchement, par l'usage des légers adstringens, & surtout des martiaux, qui sont ici spécifiques. Si l'eau est renfermée dans des hydatides, l'ouverture de l'orifice de la matrice est superflue; on ne doit attendre la guérison que d'un repompement qui peut être opéré par la nature, par les purgatifs hydragogues, par les apéritifs, par les diurétiques, &c. qui en même tems dissipent cette sérosité sur - abondante, par les selles ou les urines, &c. Si cette hydropisie se rencontre dans une femme enceinte, elle se termine ordinairement par l'accouchement; ainsi on doit éviter tout remede violent, dans ces circonstances, ne tenter aucune dilatation de la matrice; il faut seulement faire observer un régime exact, dessicatif à la malade: on peut aussi lui faire user de quelqu'apéritif léger, & sur - tout des préparations de fer les moins énergiques, telles que le tartre chalybé, la teinture de mars, &c.

Il y a quelquefois dans la matrice des collections d'air & de sang, qui ressemblent à des hydropisies, & qui en imposent pour la grossesse; on peut les en distinguer par les signes que nous avons détaillés un peu plus haut, en parlant de l'hydropisie. Mais il est bien difficile de s'assurer de la nature de ces collections; on ne les connoît le plus souvent que lorsqu'elles se dissipent; l'air en sortant avec précipitation, fait beaucoup de bruit; il reste quelquefois emprisonné pendant bien des années, chez quelques femmes il sort par intervalles: on en a vû chez qui cette éruption sonore & indécente étoit habituelle & involontaire; elle se faisoit brusquement, sans qu'elles en fussent prévenues par aucune sensation, ce qui les exposoit à des confusions toujours désagréables. Ces femmes sont presque dans le cas de celles dont il est parlé dans la folle allégorie des bijoux indiscrets. J'ai connu une jeune dame attaquée d'un cancer à la matrice, qui rendoit fréquemment des vents par - là. Cette éruption, à ce qu'elle m'a assuré, la soulageoit pendant quelque tems. Ces vents seroient - ils, dans ce cas, produits ou developpés par la putréfaction? Leur origine est dans les autres occasions extrèmement obscure. Lorsque les vents sont renfermés dans la matrice, on n'a pour leur donner issue qu'à en dilater l'orifice; c'est ordinairement la nature qui opere cet effet: on a vû quelquefois les purgatifs forts & les lavemens irritans, donnés dans d'autres vûes, procurer l'expulsion de ces vents; ce pourroit être un motif pour s'en servir dans ce cas. Si l'éruption est habituelle, elle est incurable, ou suit le sort de la maladie qui la produit & l'entretient. Le sang se ramasse dans la matrice, lorsque son orifice ou celui du vagin est fermé; alors le sang menstruel, fourni par les vaisseaux, mais n'étant point évacué, se ramasse. Sa quantité augmente tous les mois; le ventre s'éleve quelquefois au point de faire naître des doutes sur la grossesse: cette méprise est de grande conséquence, parce qu'elle peut flétrir la réputation de filles très - sages, ou laisser des femmes dans une funeste sécurité. Un vice qui donne assez ordinairement lieu à cette maladie, est la membrane de l'hymen qui n'est point percée, & qui est quelquefois double. Un fameux médecin de Montpellier, professeur dans la celébre université de cette ville (M. Fize), me racontoit il y a quelques mois, qu'il avoit été appellé pour examiner une jeune fille qu'on avoit soupçonnée de grossesse, jusqu'à ce qu'elle cût passé le dixieme mois, avecune eslure consides rable du ventre qui augmentoit encore. En visitant cette fille il s'apperçut qu'elle étoit imperforée; il ne douta plus alors que cette tumeur ne fût occasionnée par le sang menstruel retenu: il ordonne en conséquence, au chirurgien présent, de couper cette membrane. Cette section donna issue à une quantité prodigieuse de sang, aussi fluide, rouge & naturel que celui qu'on tire de la veine; & c'est - là le seul secours convenable dans ce cas, quand on est bien assuré de sa réalité. S'il n'y a qu'une simple obstuction, ou resserrement à l'orifice de la matrice, il faut se servir des moyens propres à corriger ces vices, si l'on est assez heureux pour les connoître: le plus souvent la solution de cette maladie, est l'ouvrage de la nature.

Inflammation de la matrice. Cette maladie est peu connue, les médecins modernes en font rarement mention; les anciens s'y sont un peu plus arrêtés. Paul d'Egine en donne une description fort détaillée. lib. III. cap. 64. Les symptomes qui la caractérisent sont, suivant cet auteur, une fievre ardente, une chaleur vive, une douleur aiguë, rapportée à la région de la matrice, aux aînes, aux lombes, à l'hypogastre, suivant que l'inflammation occupe les parties latérales, postérieures ou antérieures de la matrice; à ces symptomes se joignent l'extrème difficulté d'uriner, douleur à la tête, à la base des yeux, aux mamelles, qui s'étend de - là au dos & aux épaules, aux jointures des mains, des doigts, &c. les mouvemens irréguliers du col, nausées, vomissement, hoquet, défaillance, convulsions, délire, &c. la langue est seche, le pouls est petit, serré, tel en un mot, que celui qui est connu sous le nom de pouls inferieur; l'orifice de la matrice paroît dur & resserré; les douleurs de la matrice augmentent par la pression, ou par les mouvemens de la malade.

Les causes les plus ordinaires de cette inflammation, sans parler ici des générales, (voyez Inflammation) sont les coups. les blessures, la suppression des regles, ou des vuidanges dans les nouvelles accouchées, le froid, des passions d'ame vives & subites, quelque corps étranger, comme l'arrierefaix resté après l'accouchement en entier ou en partie dans la matrice, un foetus mort y sejournant trop long - tems, un accouchement laborieux, &c.

L'inflammation de la matrice est une maladie très dangereuse, tous les accidens qui l'accompagnent sont grands; il est rare qu'elle se termine par la résolution, le plus souvent elle dégénere en ulcere, en skirrhe ou en gangrene, terminaisons toutes très<pb->

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.