ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"930"> morbus, c'est en général l'état de l'animal vivant, qui ne jouit pas de la santé; c'est la vie physique dans un état d'imperfection.

Mais pour déterminer avec plus de précision la signification de ce terme, qui d'ailleurs est mieux entendu ou mieux senti de tout le monde qu'il n'est aisé d'en donner une définition bien claire & bien exacte, il convient d'établir ce que c'est que la vie, ce que c'est que la santé.

Quiconque paroît être en santé, est censé posséder toutes les conditions requises pour jouir actuellement, non - seulement de la vie, mais encore de l'état de vie dans la perfection plus ou moins complette, dont elle est susceptible.

Mais comme la vie, par elle - même, consiste essentiellement dans l'exercice continuel des fonctions particulieres, sans lesquelles l'animal seroit dans un état de mort décidé; il suffit donc que l'exercice de ses fonctions subsiste, ou du moins qu'il ne soit suspendu que de maniere à pouvoir encore être rétabli pour qu'on puisse dire que la vie existe: toutes les autres fonctions peuvent cesser ou être suspendues, ou être abolies sans qu'elle cesse.

Ainsi la vie est proprement cette disposition de l'économie animale, dans laquelle subsiste le mouvement des organes nécessaires pour la circulation du sang & pour la respiration, ou même seulement le mouvement du coeur, quelque imparfaitement qu'il se fasse.

La mort est la cessation entiere & constante de ce mouvement, par conséquent de toutes les fonctions du corps animal; la santé ou la vie saine qui est l'état absolument opposé, consiste donc dans la disposition de toutes ses parties, telle qu'elle soit propre à l'exécution de toutes les fonctions dont il est susceptible, relativement à toutes ses facultés & à l'âge, au sexe, au tempérament de l'individu: ensorte que toutes ces fonctions soient actuellement en exercice, les unes ou les autres, selon les différens besoins de l'économie animale, non toutes ensemble, ce qui seroit un desordre dans cette économie, parce qu'elle exige à l'égard de la plûpart d'entre elles, la succession d'exercice des unes par rapport aux autres; mais il suffit qu'il y ait faculté toujours subsistante, par laquelle elles puissent, lorsqu'il est nécessaire, être mises en action sans aucun empêchement considérable. V. Vie, Santé, Mort

La maladie peut être regardée comme un état moyen entre la vie & la mort: dans le premier de ces deux états, il y a toujours quelqu'une des fonctions qui subsiste, quelque imparfait que puisse en être l'exercice; au - moins la principale des fonctions auxquelles est attachée la vie, ce qui distingue toujours l'état de maladie de l'état de mort, tant que cet exercice est sensible ou qu'il reste susceptible de le devenir.

Mais comme celui de toutes les différentes fonctions ne se fait pas sans empêchement dans la maladie; qu'il est plus ou moins considérablement altéré par excès ou par défaut, & qu'il cesse même de pouvoir se faire à l'égard de quelqu'une ou de plusieurs ensemble, c'est ce qui distingue l'état de maladie de celui de santé.

On peut, par conséquent, définir la maladie une disposition vicieuse, un empêchement du corps ou de quelqu'un de ses organes, qui cause une lésion plus ou moins sensible, dans l'exercice d'une ou de plusieurs fonctions de la vie saine, ou même qui en fait cesser absolument quelqu'une, toutes même, excepté le mouvement du coeur.

Comme le corps humain n'est sujet à la maladie que parce qu'il est susceptible de plusieurs changemens qui alterent l'état de santé; quelques auteurs ont défini la maladie, un changement de l'état natu<cb-> rel en un état contre nature: mais cette définition n'est, à proprement parler, qu'une explication du nom, & ne rend point raison de ce en quoi consir e ce changement, d'autant que l'on ne peut en avoir une idée distincte, que l'on ne soit d'accord sur ce que l'on entend par le terme de nature & contre nature, sur la signification desquels on convient très peu, parmi les Médecins: ainsi cette définition est tout au - moins obscure, & n'établit aucune idée distincte de la maladie.

Il en est ainsi de plusieurs définitions rapportées par les anciens, telles que celle de Galien; savoir, que la maladie est une affection, une disposition, une constitution contre nature. On ne tire pas plus de lumieres de quelques autres proposées par des modernes; telles sont celles qui présentent la maladie, comme un effort, une tendance vers la mort, un concours de symptomes; tandis qu'il est bien reconnu qu'il y a des maladies salutaires, & que l'expérience apprend qu'un seul symptome peut faire une maladie. Voyez Mort, Symptome, Nature

La définition que donne Sydenham n'est pas non plus sans défaut; elle consiste à établir que la maladie est un effort salutaire de la nature, un mouvement extraordinaire qu'elle opere pour emporter les obstacles qui se forment à l'exercice des fonctions, pour séparer, pour porter hors du corps ce qui nuit à l'économie animale.

Cette idée de la maladie peche d'abord par la mention qu'elle fait de la nature sur laquelle on n'est pas encore bien convenu: ensuite elle suppose toujours un excès de mouvement dans l'état de maladie, tandis qu'il dépend souvent d'un défaut de mouvement, d'une diminution ou cessation d'action dans les parties affectées: ainsi la définition ne renferme pas tout ce qui en doit faire l'objet. D'ailleurs, en admettant que les efforts extraordinaires de la nature constituent la maladie, on ne peut pas toujours les regarder comme salutaires, puisqu'ils sont souvent plus nuisibles par eux - mêmes que la cause morbifique qu'ils attaquent; que souvent même ils sont cause de la mort ou du changement d'une maladie en une autre, qui est d'une nature plus funeste. Ainsi la définition de Sydenham ne peut convenir qu'à certaines circonstances que l'on observe dans la plûpart des maladies, sur - tout dans celles qui sont aiguës; telles sont la coction, la crise. Voyez Effort, Coction, Crise, Exspectation

Le célebre Hoffman, après avoir établi de bonnes raisons pour rejetter les définitions de la maladie les plus connues, se détermine à en donner une très - détaillée, qu'il croit, comme cela se pratique, préférable à toute autre. Selon lui, la maladie doit être regardée comme un changement considérable, un trouble sensible dans la proportion & l'ordre des mouvemens qui doivent se faire dans les parties solides & fluides du corps humain, lorsqu'ils sont trop accélérés ou retardés dans quelques - unes de ses parties ou dans toutes; ce qui est suivi d'une lésion importante, dans les sécrétions, dans les excrétions, & dans les autres fonctions qui composent l'économie animale; ensorte que ce desordre tende ou à opérer une guérison, ou à causer la mort, ou à établir la disposition à une maladie différente & souvent plus pernicieuse à l'économie animale.

Mais cette définition est plûtôt une exposition raisonnée de ce en quoi consiste la maladie, de ses causes & de ses effets qu'une idée simple de sa nature, qui doit être présentée en peu de mots. Mais cette exposition paroît très - conforme à la physique du corps humain, & n'a rien de contraire à ce qui vient d'être ci - devant établi, que toute lésion de fonction considérable & plus ou moins constante, présente l'idée de la maladie, qui la distingue suffisamment de [p. 931] ce que l'on doit entendre par affection, qui n'est qu'une indisposition légere de peu de durée ou peu importante, que les Grecs appellent PA/QOS2, passio. Telle est une petite douleur instantanée, ou que l'on supporte sans en être presque incommodé; une déjection de la nature de la diarrhée, mais qui ne se répéte pas souvent & qui est sans conséquence, une verrue, une tache sur la peau, une égratignure ou toute autre plaie peu considérable, qui ne cause aucune lésion essentielle de fonction. On peut éprouver souvent de pareilles indispositions sans être jamais malade.

L'homme ne jouit cependant jamais d'une santé parfaite, à cause des différentes choses dont il a besoin de faire usage, ou qui l'affectent inévitablement, comme les alimens, l'air & ses différentes influences, &c. mais il n'est pas aussi disposé qu'on pourroit se l'imaginer à ce qui peut causer des troubles dans l'économie animale, qui tendent à rompre l'équilibre nécessaire entre les solides & les fluides du corps humain, à augmenter ou à diminuer essentiellement l'irritabilité & la sensibilité, qui, dans la proportion convenable, déterminent & reglent l'action, le jeu de tous les organes, puisqu'il est des gens qui passent leur vie sans aucune maladie proprement dite. Voyez Equilibre, Irritabilité, Sensibilité, Santé, Physiologie .

Ainsi, connoître la nature de la maladie, c'est savoir qu'il existe un défaut dans l'exercice des fonctions, & quel est l'empêchement présent, ou quelles sont les conditions qui manquent; d'où s'ensuit que telle ou telle fonction ne peut pas avoir lieu convenablement. Par conséquent, pour avoir une connoissance suffisante de ce qu'il y a de défectueux dans la fonction lésée, il faut connoitre parfaitement toutes les fonctions dont l'exercice peut se faire dans quelque partie que ce soit & les conditions requises pour cet exercice. Il faut donc aussi avoir une connoissance parfaite, autant que les sens le comportent, de la structure des parties qui sont les instrumens des fonctions quelconques. Car, comme dit Boerhaave (comm. in instit. med. pathol. §. 698.), il faut, par exemple, le concours & l'intégrité de mille conditions physiques pour que la vision se fasse bien, que toutes les fonctions de l'oeil puissent s'exercer convenablement, ayez une connoissance parfaite de toutes ces conditions, par conséquent de la disposition qui les établit, & vous saurez parfaitement en quoi consiste la fonction de la vision & toutes ses circonstances. Mais si de ces mille conditions il en manque une seule, vous comprendrez d'abord que cette fonction ne peut plus se faire entierement, & qu'il y a un défaut par rapport à cette millieme partie lésée, pendant que les autres 999 conditions physiques connues, avec les effets qui s'ensuivent restent telles qu'il faut, pour que les fonctions des parties nécessaires à la vision puissent être continuées.

La connoissance de la maladie dépend donc de la connoissance des actions, dont le vice est une maladie: il ne suffit pas d'en savoir le nom, il faut en connoître la cause prochaine: il est aisé de s'appercevoir qu'une personne est aveugle pour peu qu'on la considere; mais que s'ensuit - il de - là pour sa guérison si elle est possible? Il faut, à cet égard, savoir ce qui l'a privée de la vue, si la cause est externe ou interne, examiner si le vice est dans les enveloppes des organes de l'oeil, ou s'il est dans les humeurs & les corps naturellement transparens qui sont renfermés dans ces enveloppes, ou si c'est dans les nerfs de cette partie. Vous pourrez procurer la guérison de la maladie, si par hasard les conditions qui manquent pour l'exercice de la fonction vous sont connues: mais vous serez absolument aveugle vous<cb-> même sur le choix des moyens de guérir la cécité dont il s'agit, si le vice qui constitue la maladie se trouve dans le manque de la condition requise qui est l'unique que vous ignorez entre mille. Si au contraire vous connoissez toutes les causes qui constituent la fonction dans son état de perfection, vous ne pouvez manquer d'avoir l'idée de la maladie qui se présente à traiter.

La Pathologie, qui a pour objet la considération des maladies en général, & de tout ce qui est contraire à l'économie animale dans l'état de santé, est la partie théorique de l'art dans laquelle on trouve l'exposition de tout ce qui a rapport à la nature de la maladie, à ses différences, à ses causes & à ses effets, voyez Pathologie; ce qui vient d'être dit pouvant suffire pour connoitre ce qu'on entend par maladie proprement dite, il suffit d'ébaucher l'idée que l'on doit avoir de ce qui la produit.

On appelle cause de la maladie, dans les écoles, tout ce qui peut, de quelque maniere que ce soit, changer, altérer l'état sain des solides & des fluides du corps humain, conséquemment donner lieu à la lésion des fonctions, & disposer le corps à ce dérangement, soit par des moyens directs, immédiats, prochains, soit par des moyens indirects, éloignés, en établissant un empêchement à l'exercice des fonctions, ou en portant atteinte aux conditions nécessaires pour cet exercice.

On distingue plusieurs sortes de causes morbifiques, dont la recherche fait l'objet de la partie de la Pathologie, qu'on appelle aithiologie. Il suffit de dire ici en général, comme il a déja été pressenti, que tout ce qui peut porter atteinte, de quelque maniere que ce soit, à l'équilibre nécessaire entre les parties solides & fluides dans l'économie animale, & à l'irritabilité, à la sensibilité des organes qui en sont susceptibles, renferme l'idée de toutes les différentes causes des maladies que l'on peut adapter à tous les différens systèmes à cet égard, pour expliquer ce que l'on y a trouvé de plus occulte jusqu'à présent, par exemple les qualités, les intempéries des galénistes, le resserrement & le relâchement des méthodistes, les vices de la circulation des hydrauliques, l'excès ou le défaut d'irritation & d'action des organiquesméchaniciens, le principe actif, la nature des autocratiques, des sthaaliens, &c. Voyez Pathologie, Aithiologie, Irritabilité, Sensibilité, Galénisme , &c.

Toute dépravation, dans l'économie animale, qui survient à quelque lésion de fonctions déja établie, est ce qu'on appelle symptome, qui est une addition à la maladie de laquelle il provient comme de sa cause physique. Dans la pleurésie, par exemple, la respiration génée est une addition à l'inflammation de la plêvre, c'est un effet qui en provient, quoique l'inflammation n'affecte pas toute la poitrine: le symptome est une maladie même, entant qu'il est une nouvelle lésion de fonction: mais c'est toujours une dépendance de la lésion qui a existé la premiere, d'où il découle comme de son principe.

La considération de tout ce qui concerne en général les symptomes de la maladie, leur nature, leur différence, est l'objet de la troisieme partie de la Pathologie, qu'on appelle dans les écoles symptomatologie. Voyez Pathologie, Symptomatologif.

Ce sont les différens symptomes qui font toute la différence des maladies qui ne se manifestent que par leur existence sensible, par leur concours plus ou moins considérable. C'est pour déterminer le caractere propre à chaque genre de maladies, d'où on puisse dériver les especes, & fixer en quelque sorte leur variété infinie, que quelques auteurs sentant que la science des Medecins sera en défaut tant qu'il

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