ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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Quoi qu'il en soit, comme il est naturel d'employer les recompenses & les punitions pour intéresser chacun dans son état à se rendre utile au public, ceux qui se seront distingués pendant quelques années par leur vigilance, leur droiture & leur habileté, pourront être gratifiés d'une sorte d'enseigne, que la police leur accordera comme un témoignage authentique de leur exactitude & de leur probité. Au contraire, si quelqu'un commet des malversations ou des friponneries avérées, il sera condamné à l'amende, & obligé de souffrir pendant quelque tems à sa porte une enseigne de répréhension & d'infamie; pratique beaucoup plus sage que de murer sa boutique.

En un mot, on peut prendre toute sorte de précautions, pour que chacun remplisse les devoirs de son état; mais il faut laisser à tous la liberté de bien faire: & loin de fixer le nombre des sujets qu'il doit y avoir dans les professions utiles, ce qui est absolument déraisonnable, à moins qu'on ne fixe en même tems le nombre des enfans qui doivent naître; il faut procurer des ressources à tous les citoyens, pour employer à propos leurs facultés & leurs talens.

Il est à présumer qu'avec de tels réglemens chacun voudra se piquer d'honneur, & que la police sera mieux observée que jamais, sans qu'il faille recourir à des moyens embarrassans, & qui sont une source de divisions & de procès entre les différens corps des arts & du commerce. Il résulte encore une autre utilité des précautions qu'on a marquées, c'est que l'on connoîtroit aisément les gens sûrs & capables à qui l'on pourroit s'adresser; connoissance qui ne s'acquiert aujourd'hui qu'après bien des épreuves que l'on fait d'ordinaire à ses dépens.

Pour répondre à ce que l'on dit souvent contre la liberté des arts & du commerce; savoir qu'il y auroit trop de monde en chaque profession; il est visible que l'on ne raisonneroit pas de la sorte, si l'on vouloit examiner la chose de près: car enfin la liberté du commerce feroit - elle quitter à chacun son premier état pour en prendre un nouveau? Non, sans doute: chacun demeureroit à sa place, & aucune profession ne seroit surchargée, parce que toutes seroient également libres. A la vérité, bien des gens à présent trop misérables pour aspirer aux maîtrises, se verroient tout - à - coup tirés de servitude, & pourroient travailler pour leur compte, en quoi il y auroit à gagner pour le public.

Mais, dit - on, ne sentez - vous pas qu'une infinité de sujets qui n'ont aucun état fixe, voyant la porte des arts & du négoce ouverte à tout le monde, s'y jetteroient bientôt en foule, & troubleroient ainsi l'harmonie qu'on y voit regner?

Plaisante objection! si l'entrée des arts & du commerce devenoit plus facile & plus libre, trop de gens, dit - on, profiteroient de la franchise. Hé, ne seroit - ce pas le plus grand bien que l'on pût desirer? Si ce n'est qu'on croie peut - être qu'il vaut mieux subsister par quelque industrie vicieuse, ou croupir dans l'oisiveté, que de s'appliquer à quelque honnête travail. En un mot, je ne comprens pas qu'on puisse hésiter pour ouvrir à tous les sujets la carriere du négoce & des arts; puisqu'enfin il n'y a pas à délibérer, & qu'il est plus avantageux d'avoir bien des travailleurs & des commerçans, dût - il s'en trouver quelques - uns de mal - habiles, que de rendre l'oisiveté presque inévitable, & de former ainsi des fainéans, des voleurs & des filous.

Que le sort des hommes est à plaindre! Ils n'ont pas la plûpart en naissant un point où reposer la tête, pas le moindre espace dans l'immensité qui appartienne à leurs parens, & dont il ne faille payer la location. Mais c'étoit trop peu que les riches & les grands eussent envahi les fonds, les terres, les maisons; il falloit encore établir les maîtrises, il falloit interdire aux foibles, aux indéfendus l'usage si naturel de leur industrie & de leurs bras.

L'arrangement que j'indique ici produiroit bientôt dans le royaume un commerce plus vif & plus étendu; les manufacturiers & les autres négocians s'y multiplieroient de toutes parts, & seroient plus en état qu'aujourd'hui de donner leurs marchandises à un prix favorable, sur - tout si, pour complément de réforme, on supprimoit au - moins les trois quarts de nos fêtes, & qu'on rejettât sur la capitation générale le produit des entrées & des sorties qu'on fait payer aux marchandises & denrées, au moins celles qui se perçoivent dans l'intérieur du royaume, & de province à province.

On est quelquefois surpris que certaines nations donnent presque tout à meilleur marché que les François; mais ce n'est point un secret qu'elles ayent privativement à nous. La véritable raison de ce phénomene moral & politique, c'est que le commerce est regardé chez elle comme la principale affaire de l'état, & qu'il y est plus protégé que parmi nous. Une autre raison qui fait beaucoup ici, c'est que leurs douanes sont moins embarrassantes & moins ruineuses pour le commerce, au moins pour tout ce qui est de leur fabrique & de leur cru. D'ailleurs ces peuples commerçans ne connoissent presque point l'exclusif des maîtrises ou des compagnies; ils connoissent encore moins nos fêtes, & c'est en quoi ils ont bien de l'avantage sur nous. Tout cela joint au bas intérêt de leur argent, à beaucoup d'économie & de simplicité dans leur maniere de vivre & de s'habiller, les met en état de vendre à un prix modique, & de conserver chez eux la supériorité du commerce. Rien n'empêche que nous ne profitions de leur exemple, & que nous ne travaillions à les imiter, pour - lors nous irons bientôt de pair avec eux. Rentrons dans notre sujet.

On soutient que la franchise générale des arts & du négoce nuiroit à ceux qui sont déja maîtres, puisque tout homme pourroit alors travailler, fabriquer & vendre.

Sur cela il faut considérer sans prévention, qu'il n'y auroit pas tant de nouveaux maîtres qu'on s'imagine. En effet, il y a mille difficultés pour commencer; on n'a pas d'abord des connoissances & des pratiques, & sur - tout on n'a pas, à point nommé, des fonds suffisans pour se loger commodément, pour s'arranger, risquer, faire des avances, &c. Cependant tout cela est nécessaire, & c'est ce qui rendra ces établissemens toujours trop difficiles; ainsi les anciens maîtres profiteroient encore long - tems de l'avantage qu'ils ont sur tous les nouveaux - venus. Et au pis aller, la nation jouissant dans la suite, & jouissant également de la liberté du commerce, elle se verroit à - peu - près, à cet égard, au point qu'elle étoit il y a quelques siecles, au point que sont encore nos colonies, & la plûpart même des étrangers, à qui la franchise des arts & du négoce procure, comme on sait, l'abondance & les richesses.

Au surplus, on peut concilier les intérêts des anciens & des nouveaux maîtres, sans que personne ait sujet de se plaindre. Voici donc le tempérament que l'on pourroit prendre; c'est que pour laisser aux anciens maîtres le tems de faire valoir leurs droits privatifs, on n'accorderoit la franchise des arts & du commerce qu'à condition de payer pour les maîtrises & réceptions la moitié de ce que l'on débourse aujourd'hui, ce qui continueroit ainsi pendant le cours de vingt ans; après quoi, on ne payeroit plus à perpétuité que le quart de ce qu'il en coûte, c'est - à - dire qu'une maîtrise ou réception qui revient à 1200 liv. seroit modifiée d'abord à 600 [p. 915] liv. & au bout de vingt ans, fixée pour toujours à 300 liv. le tout sans repas & sans autres cérémonies. Les sommes payables par les nouveaux maîtres, pendant l'espace de vingt ans, seroient employées au profit des anciens, tant pour acquitter les dettes de leur communauté, que pour leur capitation particuliere, & cela pour les dédommager d'autant; mais dans la suite, les sommes qui viendroient des nouvelles receptions, & qui seroient payées également par tous les sujets, fils de maîtres & autres, seroient converties en octrois à l'avantage des habitans, & non - dissipées, comme aujourd'hui, en Te Deum, en pains benis, en repas, en frairies, &c.

Au reste, je crois qu'en attendant la franchise dont il s'agit, on pourroit établir dès - à - présent un marché franc dans les grandes villes, marché qui se tiendroit quatre ou cinq fois par an, avec une entiere liberté d'y apporter toutes marchandises non - prohibées; mais avec cette précaution essentielle, de ne point assujettir les marchands à se mettre dans certains bâtimens, certains enclos, où l'étalage & les loyers sont trop chers.

Outre l'inconvénient qu'ont les maîtrises de nuire à la population, comme on l'a montré ci - devant, elles en ont un autre qui n'est guere moins considérable, elles font que le public est beaucoup plus mal servi. Les maîtrises, en effet, pouvant s'obtenir par faveur & par argent, & ne supposant essentiellement ni capacité, ni droiture dans ceux qui les obtiennent; elles sont moins propres à distinguer le mérite, ou à établir la justice & l'ordre parmi les ouvriers & les négocians, qu'à perpétuer dans le commerce l'ignorance & le monopole: en ce qu'elles autorisent de mauvais sujets qui nous font payer ensuite, je ne dis pas seulement les frais de leur réception, mais encore leurs négligences & leurs fautes.

D'ailleurs la plûpart des inaîtres employant nombre d'ouvriers, & n'ayant sur eux qu'une inspection générale & vague, leurs ouvrages sont rarement aussi parfaits qu'ils devroient l'être; suite d'autant plus nécessaire que ces ouvriers subalternes sont payés maigrement, & qu'ils ne sont pas fort intéressés à ménager des pratiques pour les maîtres; ne visant communément qu'a passer la journée, ou bien à expédier beaucoup d'ouvrages, s'ils sont, comme l'on dit, à leurs pieces; au lieu que s'il étoit permis de bien faire à quiconque en a le vouloir, plusieurs de ceux qui travaillent chez les maîtres, travailleroient bientôt pour leur compte; & comme chaque artisan pour lors seroit moins chargé d'ouvrage, & qu'il voudroit s'assûrer des pratiques, il arriveroit infailliblement que tel qui se neglige aujourd'hui en travaillant pour les autres, deviendroit plus soigneux & plus attaché des qu'il travailleroit pour lui même.

Enfin le plus terrible inconvénient des maîtrises, c'est qu'elles sont la caure ordinaire du grand nom bre de fainéans, de bandits, de voleurs, que l'on voit de toutes parts; en ce qu'elles rendent l'entrée des arts & du négoce si difficile & si pénible, que bien des gens, rebutés par ces premieres obstacles, s'éloignent pour toujours des proressions utiles, & ne subsistent ordinairement dans la suite que par la mendicité, la fausse monnoie, la contrebande, par les filouteries, les vols & les autres crimes. En effet, la plûpart des malfaiteurs que l'on condamne aux galeres, ou que l'on punit du dernier supplice, sont originairement de pauvres orphelins, des soldats licenciés, des domestiques hors de place, ou sels autres sujets isolés, qui n'ayant pas ete mis à des métiers solides, & qui trouvant des obstacles perpétuels à tout le bien qu'ils pourroient faire, se voient par - là comme entraînés dans une suite affreuse de crimes & de malheurs.

Combien d'autres gens d'especes différentes, hermites, soufleurs, charlatans, &c. combien d'aspirans à des professions inutiles ou nuisibles, qui n'ont d'autre vocation que la difficulté des arts & du commerce, & dont plusieurs sans bien & sans emploi ne sont que trop souvent réduits à chercher, dans leur désespoir, des ressources qu'ils ne trouvent point par - tout ailleurs?

Qu'on favorise le commerce, l'agriculture & tous les arts nécessaires, qu'on permette à tous les sujets de faire valoir leurs biens & leurs talens, qu'on apprenne des métiers à tous les soldats, qu'on occupe & qu'on instruise les enfans des pauvres, qu'on fasse regner dans les hôpitaux l'ordre, le travail & l'aisance, qu'on reçoive tous ceux qui s'y présenteront, enfin qu'on renferme & qu'on corrige tous les mendians valides, bientôt au lieu de vagabonds & de voleurs si communs de nos jours, on ne verra plus que des hommes laborieux; parce que les peuples trouvant à gagner leur vie, & pouvant éviter la misere par le travail, ne seront jamais réduits à des extrémités fâcheuses ou funestes.

Pauciores alantur otio, reddatur agricolatio, lanificium instauretur, ut sit honestum negotium quo se utiliter exerceat otiosa ista eurba, vel quos hactenùs inopia fures facit, vel qui nunc errones aut otiosi sunt ministri, fures nimirum utrique futuri. Lib. I. Eutopiae. Article de M. Faiguet de Villeneuve.

MAJUMA (Page 9:915)

MAJUMA, (Littérat.) ce mot désigne les jeux ou fêtes que les peuples des côtes de la Palestine célébroient, & que les Grecs & les Romains adopterent dans la suite. Les jurisconsultes ont eu tort de dériver ce mot du mois de Mai; il tire son origine d'une des portes de la ville de Gaza, appellée majuma, du mot phénicien maim, qui signifie les eaux. La fête n'étoit d'abord qu'un divertissement sur l'eau que donnoient les pêcheurs & les bateliers, qui tâchoient, par cent tours d'adresse, de se faire tomber les uns les autres dans l'eau, afin d'amuser les spectateurs. Dans la suite, ce divertissement devint un spectacle régulier, que les magistrats donnoient au peuple dans certains jours. Ces spectacles ayant dégénéré en fêtes licentieuses, parce qu'on faisoit paroître des femmes toutes nues sur le théâtre, les empereurs chrétiens les défendirent, sans pouvoir néanmoins les abolir entiérement, & les peuples du Nord les continuerent. Le maicamp des Francs, célébré en présence de Charlemagne, & le campus roncalioe proche de Plaisance où les rois d'Italie se rendoient avec leurs vassaux, conserverent pendant plusieurs siecles la plus grande partie des usages du majuma. (D. J.)

MAJUME (Page 9:915)

MAJUME, (Mythol.) fête que les Romains célébroient le premier jour de Mai en l'honneur de Maia ou de Flore. L'empereur Claude l'institua, ou plutôt purgea sous son nom l'indécence qui régnoit dans les florales. Mais comme la majume se solemnisoit avec beaucoup de somptuosité, soit en festins, soit en offrandes, au rapport de Julien; elle dégénéra bientôt des regles de son institution, & jamais il ne fut possible d'en arrêter les abus.

Les historiens prétendent que la fête majume duroit sept jours, qu'elle se célébroit originairement à Ostie sur le bord du Tibre & de la mer, & qu'elle se répandit au troisieme siecle dans toutes les provinces de l'empire. Bouche dit dans son histoire de Provence que la fête de la Maïe, qui se fait dans plusieurs villes de cette province, n'est qu'un reste de l'ancienne majume. (D. J.)

Majume (Page 9:915)

Majume, ou Majuma, ou la petite Gaza, (Géog.) c'étoit proprement le port de la ville de Gaze. Il étoit ordinaire aux villes trafiquantes, situées à quelque distance de la mer, d'avoir un port pour le magasinage & le commerce, tel étoit Ma -

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