RECHERCHE | Accueil | Mises en garde | Documentation | ATILF | ARTFL | Courriel |
"743">
Lunettes (Page 9:743)
Je sai bien que les Grecs & les Romains avoient des ouvriers qui faisoient des yeux de verre, de crystal, d'or, d'argent, de pierres précieuses pour les statues, principalement pour celles des dieux. On voit encore des têtes de leurs divinités, dont les yeux sont creusés: telles sont celles d'un Jupiter Ammon, d'une Bacchante, d'une idole d'Egypte, dont on a des figures. Pline parle d'un lion en marbre, dont les yeux étoient des émeraudes; ceux de la Minerve du temple de Vulcain à Athènes, qui, selon Pausanias, brilloient d'un verd de mer, n'étoient sans doute autre chose que des yeux de béril. M. Buonarotti avoit dans son cabinet quelques petites statues de bronze avec des yeux d'argent. On nommoit faber ocularius, l'ouvrier qui faisoit ces sortes d'ouvrages; & ce terme se trouve dans les marbres sépulchraux; mais il ne signifioit qu'un faiseur d'yeux postiches ou artificiels, & nullement un faiseur de lunettes, telles que celles dont nous faisons usage.
Il seroit bien étonnant si les anciens les eussent connues, que l'histoire n'en eût jamais parlé à propos de vieillards & de vûe courte. Il seroit encore plus surprenant, que les Poëtes de la Grece & de Rome, ne se fussent jamais permis à ce sujet aucun de ces traits de satyre ou de plaisanterie, qu'ils ne se sont pas refusé à tant d'autres égards. Comment Pline qui ne laisse rien échapper, auroit - il obmis cette découverte dans son ouvrage, & particulierement dans le livre VII. ch. lvj. qui traite des inventeurs des choses? Comment les medecins grecs & romains, qui indiquent mille moyens pour soulager la vûe, ne disent ils pas un mot de celui des lunettes? Enfin, comment leur usage qui est fondé sur les besoins de l'humanité, auroit - il pû cesser? Comment l'art de faire un instrument d'optique si simple, & qui ne demande ni talent, ni génie, se seroit - il perdu dans la suite des tems? Concluons donc, que les lunettes sont une invention des modernes, & que les anciens ont ignoré ce beau secret d'aider & de soulager la vûe.
C'est sur la fin du xiij. siecle, entre l'an 1280 &
1300, que les lunettes furent trouvées; Redi témoigne
avoir eu dans sa bibliotheque un écrit d'un Scandro Dipopozzo, composé en 1298, dans lequel il
dit:
Maria Manni dans ses opuscules scientifiques, tome IV. & dans son petit livre intitulé de gl'occhiali del naso, qui parut en 1738, prétend que l'histoire de cette||découverte est dûe à Salvino de gl'armati, florentin, & il le prouve par son épitaphe. Il est vrai que Redi, dans sa lettre à Charles Dati, imprimée à Florence en 1678, in - 4°. avoit donné Alexandre Spina dominicain, pour l'auteur de cette découverte; mais il paroît par d'autres remarques du même Redi, qu'Alexandre Spina avoit seulement imité par son génie ces sortes de verres trouvés avant lui. En effet, dans la bibliotheque des peres de l'Oratoire de Pise, on garde un manuscrit d'une ancienne chronique latine en parchemin, où est marquée la mort du frere Alexandre Spina à l'an 1313, avec cet éloge: quoecumque vidit aut audivit facta, scivit, & facere ocularia ab aliquo primò facta, & communicare nolente, ipse fecit, & communicavit. Alexandre Spina n'est donc point l'inventeur des lunettes; il en imita parfaitement l'invention, & tant d'autres avec lui y réussirent, qu'en peu d'années cet art fut tellement répandu par - tout, qu'on n'employoit plus que des lunettes pour aider la vûe. De - là vient que Bernard Gordon, qui écrivoit en 1300 son ouvrage intitulé, lilium Medicinoe, y déclare dans l'éloge d'un certain collyre pour les yeux, qu'il a la propriété de faire lire aux vieillards les plus petits caracteres, sans le secours des lunettes. (D. J.)
Lunette d'approche (Page 9:743)
C'est en vain qu'on allegue pour reculer cette date, que dom Mabillon déclare dans son voyage d'Italie, qu'il avoit vû dans un monastere de son ordre, les oeuvres de Comestor écrites au treizieme siecle, ayant au frontispice le portrait de Ptolomée, qui contemple les astres avec un tube à quatre tuyaux; mais dom Mabillon ne dit point que le tube fût garni de verres. On ne se servoit de tube dans ce tems là, que pour diriger la vûe, ou la rendre plus nette, en séparant par ce moyen les objets qu'on regardoit, des autres dont la proximité auroit empêché de voir ceux - là bien distinctement.
Il est vrai que les principes sur lesquels se font les lunettes d'approche ou les télescopes, n'ont pas été ignorés des anciens géometres; & c'est peut - être faute d'y avoir réfléchi, qu'on a été si long - tems sans découvrir cette merveilleuse machine. Semblable à beaucoup d'autres, elle est demeurée cachée dans ses principes, ou dans la majesté de la nature, pour me servir des termes de Pline, jusqu'à ce que le hasard l'ait mise en lumiere. Voici donc comme M. de la Hire rapporte dans les mémoires de l'acad. des Sciences, l'histoire de la découverte des lunettes d'approche; & le récit qu'il en fait est d'après le plus grand nombre des histcriens du pays.
Le fils d'un ouvrier d'Alcmaer, nommé Jacques Métius, ou plutôt Jakob Metzu, qui faisoit dans cette ville de la Nord - Hollande, des lunettes à porter sur le nez, tenoit d'une main un verre convexe, comme sont ceux dont se servent les presbytes ou vieillards, & de l'autre main un verre concave, qui sert pour ceux qui ont la vûe courte. Le jeune homme ayant mis par amusement ou par hasard le verre concave proche de son oeil, & ayant un peu éloigné le convexe qu'il tenoit au devant de l'autre main, il s'apperçut qu'il voyoit au - travers de ces deux verres quelques objets éloignés beaucoup plus grands, [p. 744]
Elle se divulgua promptement dans toute l'Europe, & elle fut faite selon toute apparence en 1609; car Galilée publiant en 1610 ses observations astronomiques avec les lunettes d'approche, reconnoît dans son Nuncius sydereus, qu'il y avoit neuf mois qu'il étoit instruit de cette découverte.
Une chose assez étonnante, c'est comment ce célebre astronome, avec une lunette qu'il avoit faite lui - même sur le modele de celles de Hollande, mais très - longue, put reconnoître le mouvement des satellites de Jupiter. La lunette d'approche de Galilée avoit environ cinq piés de longueur; or plus ces sortes de lunettes sont longues, plus l'espace qu'elles font appercevoir est petit.
Quoiqu'il en soit, Képler mit tant d'application à sonder la cause des prodiges que les lunettes d'approche découvroient aux yeux, que malgré ses travaux aux tables rudolphines, il trouva le tems de composer son beau traité de Dioptrique, & de le donner en 1611, un an après le Nuncius sydereus de Galilée.
Descartes parut ensuite sur les rangs, & publia en 1637 son ouvrage de Dioptrique, dans lequel il faut convenir qu'il a poussé fort loin sa théorie sur la vision, & sur la figure que doivent avoir les lentilles des lunettes d'approche; mais il s'est trompé dans les espérances qu'il fondoit sur la construction d'une grande lunette, avec un verre convexe pour objectif, & un concave pour oculaire. Une lunette de cette espece, ne feroit voir qu'un espace presque insensi ble de l'objet. M. Descartes ne songea point à l'avantage qu'il retireroit de la combinaison d'un verre convexe pour oculaire; cependant sans cela, ni les grandes lunettes, ni les petites, n'auroient été d'aucun usage pour faire des découvertes dans le ciel, & pour l'observation des angles. Képler l'avoit dit, en parlant de la combinaison des verres lenticulaires: duobus convexis, majora & distincta proestare visibilia, sed everso situ. Mais Descartes, tout occupé de ses propres idées, songeoit rarement à lire les ouvrages des autres. C'est donc à l'année 1611, qui est la date de la Dioptrique de Képler, qu'on doit fixer l'époque de la lunette à deux verres convexes.
L'ouvrage qui a pour titre, oculus Elioe & Enoch, par le P. Reita capucin allemand, où l'on traite de cette espece de lunette, n'a paru que long - tems après. Il est pourtant vrai, que ce pere après avoir parlé de la lunette à deux verres convexes, a imaginé de mettre au - devant de cette lunette une seconde petite lunette, composée pareillement de deux verres convexes; cette seconde lunette renverse le renversement de la premiere, & fait paroître les objets dans leur position naturelle, ce qui est fort commode en plusieurs occasions; mais cette invention est d'une très - petite utilité pour les astres, en comparaison de la clarté & de la distinction, qui sont bien plus grandes avec deux seuls verres, qu'avec quatre, à cause de l'épaisseur des quatre verres, & des huit superficies, qui n'ont toûjours que trop d'inégalités & de défauts.
Cependant on a été fort long - tems sans employer les lunettes à deux verres convexes: ce ne fut qu'en 1659, que M. Huyghens inventeur du micrometre, les mit au foyer de l'objectif, pour voir distinctement les plus petits objets. Il trouva par ce moyen le secret de mesurer les diametres des planetes, après avoir connu par l'expérience du passage d'une étoile
C'est ainsi que depuis Métius & Galilée, on a combiné les avantages qu'on pourroit retirer des lentilles qui composent les lunettes d'approche. On sait que tout ce que nous avons de plus curieux dans les sciences & dans les arts, n'a pas été trouvé d'abord dans l'état où nous le voyons aujourd'hui: mais les beaux génies qui ont une profonde connoissance de la Méchanique & de la Géométrie, ont profité des premieres ébauches, souvent produites par le hasard, & les ont portées dans la suite au point de perfection dont elles étoient susceptibles. (D. J.)
Lunettes (Page 9:744)
Les lunettes sont ordinairement fortifiées d'un parapet le long de leurs faces; leur terreplein est au niveau de la campagne; elles se placent communément vis - à - vis les angles rentrans du chemin couvert.
Pour construire une lunette A au delà d'un avantfossé,
soit,
La lunette a un fossé de 8 ou 10 toises de largeur, mené parallelement à ses faces, un parapet de 3 toises d'épaisseur, & de 7 ou 8 de hauteur. On éleve la banquette de ces ouvrages de maniere que le parapet n'ait que 4 piés & demi de hauteur au dessus. La pente de la partie supérieure ou de la plongée du parapet, se dirige au bord de la contrescarpe du fossé de la lunette.
On arrondit la gorge de la lunette par un arc décrit de l'angle lentrant h du glacis pris pour centre, & de l'intervalle h e. La partie du glacis de la place vis - à - vis la lunette s'arrondit aussi en décrivant du point h & de l'intervalle h i un second arc parallele au premier.
Au - dela de l'avant - fossé on décrit un avant - chemin couvert qui l'enveloppe entierement & qui enveloppe aussi les lunettes. Elémens de fortificat.
Lunettes (Page 9:744)
Lunettes (Page 9:744)
Lunette (Page 9:744)
Lunette (Page 9:744)
Next page
The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.