ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"831"> chaux, la meilleure serviroit pour celui de gravier, & l'autre pour celui des menues pierres. On commence par jetter un lit de mortier fin dans le fond du coffre, s'agrafsant mieux que l'autre sur le roc; ensuite d'une quantité d'ouvriers employés à cela, les uns jettent le mortier fin de part & d'autre sur les bords intérieurs du coffre qui soutiennent les paremens; d'autres remplissent le milieu de pierrée, tandis que d'autres encore le battent. Si cette opération est faite avec soin, le mortier fin se liant avec celui du milieu, formera un parement uni qui, en se durcissant, deviendra avec le tems plus dur que la pierre, & sera le même effet: on pourra même quelque tems après, si on juge à propos, y figurer des joints.

Il est cependant beaucoup mieux, disent quelques-uns, d'employer la pierre, ou le libage, s'il est possible, sur - tout pour les murs de face, de refend ou de pignons; & faire, si l'on veut, les remplissages en moilon à bain de mortier, lorsque le roc est d'inégale hauteur dans toute l'étendue du bâtiment.

On peut encore par économie, ou autrement, lorsque les fondations ont beaucoup de hauteur, pratiquer des arcades B, fig. 38, dont une retombée pose quelquefois d'un côté sur le roc A, & de l'autre sur un piédroit ou massif C, posé sur un bon terrein battu & affermi, ou sur lequel on a placé des plate - formes. Mais alors il faut que ces pierres qui composent ce massif, soient posées sans mortier, & que leurs surfaces ayent été frottées les unes sur les autres avec l'eau & le grais, jusqu'à ce qu'elles se touchent dans toutes leurs parties; & cela jusqu'à la hauteur D du roc; & si on emploie le mortier pour les joindre ensemble, il faut lui donner le tems nécessaire pour sécher; afin que d'un côté ce massif ne soit pas sujet à tasser, tandis que du côté du roc il ne tassera pas. Il ne faut pas cependant négliger de remplir de mortier les joints que forment les extrémités des pierres ensemble, & avec le roc, parce qu'ils ne sont pas sujets au tassement, & que c'est la seule liaison qui puisse les entretenir.

Des fondemens sur la glaise. Quoique la glaise ait l'avantage de retenir les sources au - dessus & au - dessous d'elle, de sorte qu'on n'en est point incommodé pendant la bâtisse, cependant elle est sujette à de très - grands inconvéniens. Il faut éviter, autant qu'il est possible, de fonder dessus, & prendre le parti de l'enlever, à moins que son banc ne se trouvât d'une épaisseur si considérable, qu'il ne fût pas possible de l'enlever sans beaucoup de dépense; & qu'il ne se trouvât dessous un terrein encore plus mauvais, qui obligeroit d'employer des pieux d'une longueur trop considérable pour atteindre le bon fonds; alors il faut tourmenter la glaise le moins qu'il est possible, raison pour laquelle on ne peut se servir de pilotis; (q) l'expérience ayant appris qu'en enfonçant un pilot, fig. 43, à une des extrémités de la fondation, où l'on se croyoit assuré d'avoir trouvé le bon fonds, on s'appercevoit qu'en en enfonçant un autre à l'autre extrémité, le premier s'élançoit en l'air avec violence. La glaise étant très - visqueuse, & n'ayant pas la force d'agraffer les parties du pilot, le défichoit à mesure qu'on l'enfonçoit; ce qui fait qu'on prend le parti de creuser le moins qu'il est possible, & de nivcau dans l'épaisseur de la glaise, on y pose ensuite un grillage de charpente A, fig. 39, d'un pié ou deux plus large que les fondemens, pour lui donner plus d'empatement, assemblé avec des longrines B, & des traversines C, de neuf ou dix pouces de grosseur, qui se croisent, & qui laissent des intervalles ou cellules que l'on remplit ensuite de brique, de moilon ou de cailloux à bain de mortier, sur lequel on pose des madriers bien attachés dessus avec

(q) Pilotis est un assemblage de pilots fichés près à - près dans la terre.
des chevilles de fer à tête perdues; ensuite on éleve la maçonnerie à assises égales dans toute l'étendue du bâtiment, afin que le terrain s'affaisse également partout.

Lorsqu'il s'agit d'un bâtiment de peu d'importance, on se contente quelquefois de poser les premieres assises sur un terrain ferme, & lié par des racines & des herbes qui en occupent la totalité, & qui se trouvent ordinairement de trois ou quatre piés d'épaisseur posés sur la glaise.

Des fondemens sur le sable. Le sable se divise en deux especes; l'une qu'on appelle sable ferme, est sans difficulté le meilleur, & celui sur lequel on peut fonder solidement & avec facilité; l'autre qu'on appelle sable bouillant, est celui sur lequel on ne peut fonder sans prendre les précautions suivantes.

On commence d'abord par tracer les alignemens sur le terrain, amasser près de l'endroit où l'on veut bâtir, les matériaux nécessaires à la construction, & ne fouiller de terre que pour ce que l'on peut faire de maçonnerie pendant un jour; poser ensuite sur le fond, le plus diligemment qu'il est possible, une assise de gros libages, ou de pierres plates, sur laquelle on en pose une autre en liaison, & à joint recouvert avec de bon mortier; sur cette derniere on en pose une troisieme de la même maniere, & ainsi de suite, le plus promptement que l'on peut, afin d'empêcher les sources d'inonder le travail, comme cela arrive ordinairement. Si l'on voyoit quelquefois les premieres assises flotter & paroître ne pas prendre une bonne consistance, il ne faudroit pas s'épouvanter, ni craindre pour la solidité de la maçonnerie, mais au contraire continuer sans s'inquiéter de ce qui arrivera; & quelque tems après on s'appercevra que la maçonnerie s'affermira comme si elle avoit été placée sur un terrein bien solide. On peut ensuite élever les murs, sans craindre jamais que les fondemens s'affaissent davantage. Il faut sur tout faire attention de ne pas creuser autour de la maçonnerie, de peur de donner de l'air à quelques sources, & d'y attirer l'eau, qui pourroit faire beaucoup de tort aux fondemens. Cette maniere de fonder est d'un grand usage en Flandre, principalement pour les fortifications.

Il se trouve à Bethune, à Arras, & en quelques autres endroits aux environs, un terrein tourbeux, qu'il est nécessaire de connoître pour y fonder solidement. Dès que l'on creuse un peu dans ce terrein, il en sort une quantité d'eau si prodigieuse, qu'il est impossible d'y fonder sans qu'il en coute beaucoup pour les épuisemens. Après avoir employé une infinité de moyens, on a enfin trouvé que le plus court & le meilleur étoit de creuser le moins qu'il est possible, & de poser hardiment les fondations, employant les meilleurs matériaux que l'on peut trouver. Cette maçonnerie ainsi faite, s'affermit de plus en plus, sans être sujette à aucun danger. Lorsque l'on se trouve dans de semblables terreins que l'on ne connoît pas, il faut les sonder un peu eloignés de l'endroit où l'on veut bâtir, afin que si l'on venoit à sonder trop avant, & qu'il en sortît une source d'eau, elle ne pût incommoder pendant les ouvrages. Si quelquefois on employoit la maçonnerie de pierrée, dit M. Belidor, ce devroit être principalement dans ce cas; car étant d'une prompte exécution, & toutes ses parties faisant une bonne liaison, sur - tout lorsqu'elle est faite avec de la pozzolanne, de la cendrée de Tournay, ou de la terrasse de Hollande, elle fait un massif, ou une espece de banc, qui ayant reçu deux piés ou deux piés & demi d'épaisseur, est si solide, que l'on peut fonder dessus avec confiance. Cependant, lorsque l'on est obligé d'en faire usage, il faut donner plus d'empatement à la fondation, afin que comprenant plus de [p. 832] terrein, elle en ait aussi plus de solidité.

On peut encore fonder d'une maniere différente de ces dernieres, & qu'on appelle par coffre, fig. 40: on l'emploie dans les terreins peu solides, & où il est nécessaire de se garantir des éboulemens & des sources. On commence d'abord par faire une tranchée A, d'environ quatre ou cinq piés de long, & qui ait de largeur l'épaisseur des murs. On applique sur le bord des terres, pour les soutenir, des madriers B, d'environ deux pouces d'épaisseur, soutenus à leur tour de distance en distance par des pieces de bois C en travers, qui servent d'étrésillons. Ces coffres étant faits, on les remplit de bonne maçonnerie, & on ôte les étrésillons C, à mesure que les madriers B se trouvent appuyés par la maçonnerie; ensuite on en fait d'autres semblables à côté, dont l'abondance plus ou moins grande des sources, doit déterminer les dimensions, pour n'en être pas incommodé. Cependant s'il arrivoit, comme cela se peut, que les sources eussent assez de force pour pousser sans qu'on pût les en empêcher, malgré toutes les précautions que l'on auroit pu prendre, il faut selon quelques - uns, avoir recours à de la chaux vive, & sortant du four, que l'on jette promptement dessus, avec du moilon ou libage, mêlé ensuite de mortier, & par ce moyen on bouche la source, & on l'oblige de prendre un autre cours, sans quoi on se trouveroit inondé de toutes parts, & on ne pourroit alors fonder sans épuisement. Lorsque l'on a fait trois ou quatre coffres, & que la maçonnerie des premiers est un peu ferme, on peut ôter les madriers qui servoient à la soutenir, pour s'en servir ailleurs; mais si on ne pouvoit les retirer sans donner jour à quelques sources, il seroit mieux alors de les abandonner.

Lorsque l'on veut fonder dans l'eau, & qu'on ne peut faire des épuisemens, comme dans de grands lacs, bras de mer, &c. si c'est dans le fond de la mer, on profite du tems que la marée est basse, pour unir le terrain, planter les repaires, & faire les alignemens nécessaires. On doit comprendre pour cela non - seulement le terrain de la grandeur du bâtiment, mais encore beaucoup au - delà, afin qu'il y ait autour des murailles, une berme assez grande pour en assurer davantage le pié; on emplit ensuite une certaine quantité de bateaux, des matériaux nécessaires, & ayant choisi le tems le plus commode, on commence par jetter un lit de cailloux, de pierres, ou de moilons, tels qu'ils sortent de la carriere, sur lesquels on fait un autre lit de chaux, mêlé de pozzolanne, de cendrée de Tournay, ou de terrasse de Hollande. Il faut avoir soin de placer les plus grosses pierres sur les bords, & leur donner un talud de deux fois leur hauteur; ensuite on fait un second lit de moilon ou de cailloux que l'on couvre encore de chaux & de pozzolanne comme auparavant, & alternativement un lit de l'un & un lit de l'autre. Par la propriété de ces différentes poudres, il se forme aussi - tôt un mastic, qui rend cette maçonnerie indissoluble, & aussi solide que si elle avoit été faite avec beaucoup de précaution; car quoique la grandeur des eaux & les crues de la mer empêchent qu'on ne puisse travailler de suite, cependant on peut continuer par reprises, sans que cela fasse aucun tort aux ouvrages. Lorsque l'on aura élevé cette maçonnerie au - dessus des eaux, ou au rez - de - chaussée, on peut la laisser pendant quelques années à l'épreuve des inconvéniens de la mer, en la chargeant de tous les matériaux nécessaires à la construction de l'édifice, afin qu'en lui donnant tout le poids qu'elle pourra jamais porter, elle s'affaisse également & suffisamment par - tout. Lorsqu'au bout d'un tems on s'apperçoit qu'il n'est arrivé aucun accident considérable à ce massif, on peut placer un grillage de charpente, comme nous l'avons déja vu fig. 39, & bâtir ensuite dessus avec solidité, sans craindre de faire une mauvaise construction. Il seroit encore mieux, si l'on pouvoit, de battre des pilots autour de la maçonnerie, & former un bon empatement, qui garantiroit le pié des dégradations qui pourroient arriver dans la suite.

On peut encore fonder dans l'eau d'une autre maniere (fig. 41.), en se servant de caissons A, qui ne sont autre chose qu'un assemblage de charpente & madriers bien calfatés, dans l'intérieur desquels l'eau ne sauroit entrer, & dont la hauteur est proportionnée à la profondeur de l'eau où ils doivent être posés, en observant de les faire un peu plus hauts, afin que les ouvriers ne soient point incommodés des eaux. On commence par les placer & les arranger d'alignement dans l'endroit où l'on veut fonder; on les attache avec des cables qui passent dans des anneaux de fer attachés dessus; quand ils sont ainsi préparés, on les remplit de bonne maçonnerie. A mesure que les ouvrages avancent, leur propre poids les fait enfoncer jusqu'au fond de l'eau; & lorsque la profondeur est considérable, on augmente leur hauteur avec des hausses, à mesure qu'elles approchent du fond: cette maniere est très - en usage, d'une grande utilité, & très - solide.

Des fondemens sur pilotis. Il arrive quelquefois qu'un terrein ne se trouvant pas assez bon pour fonder solidement, & que voulant creuser davantage, on le trouve au contraire encore plus mauvais: alors il est mieux de creuser le moins que l'on pourra, & poser dessus un grillage de charpente A, fig. 42, assemblé comme nous l'avons vu précédemment, sur lequel on pose quelquefois aussi un plancher de madriers, mais ce plancher B ne paroissant pas toujours nécessaire, on se contente quelquefois d'élever la maçonnerie sur ce grillage, observant d'en faire les paremens en pierre jusqu'au rez - de - chaussée, & plus haut, si l'ouvrage étoit de quelque importance. Il est bon de faire regner autour des fondations sur le bord des grillages des heurtoirs C ou especes de pilots, enfoncés dans la terre au refus du mouton (fig. 153.), pour empêcher le pié de la fondation de glisser, principalement lorsqu'il est posé sur un plancher de madriers; & par - là prévenir ce qui est arrivé un jour à Bergue Saint - Vinox, où le terrein s'étant trouvé très - mauvais, une partie considérable du revêtement de la face d'une demi - lune s'est détachée & a glissé tout d'une piece jusque dans le milieu du fossé.

Mais lorsqu'il s'agit de donner encore plus de solidité au terrein, on enfonce diagonalement dans chacun des intervalles du grillage, un ou deux pilots D de remplage ou de compression sur toute l'étendue des fondations; & sur les bords du grillage, des pilots de cordage ou de garde E près - à - près, le long desquels on pose des palplanches pour empêcher le courant des eaux, s'il s'en trouvoit, de dégrader la maçonnerie. Palladio recommande expressément, lorsque l'on enfonce des pilots, de les frapper à petits coups redoublés, parce que, dit - il, en les chassant avec violence, ils pourroient ébranler le fond. On acheve ensuite de remplir de charbon, comme dit Vitruve, ou, ce qui vaut encore mieux, de cailloux ou de moilons à bain de mortier, les vuides que la tête des pilots a laissés: on arrase bien le tout, & on éleve dessus les fondemens.

Pour connoître la longueur des pilots, que Vitruve conseille de faire en bois d'aune, d'olivier ou de chêne, & que Palladio recommande sur - tout de faire en chêne, il faut observer, avant que de piloter, jusqu'à quelle profondeur le terrein fait une assez grande résistance, & s'oppose fortement à la pointe d'un pilot que l'on enfonce exprès. Ainsi sachant de

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