ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"829"> pieces de bois bien équarries, que l'on enfonce assez avant dans la terre, & qui servent à recevoir des cordeaux bien tendus, pour marquer l'épaisseur des murs, & la hauteur des assises. On aura soin de les entretenir par des especes d'entretoises, non - seulement pour les rendre plus fermes, mais afin qu'ils puissent aussi entretenir les cordeaux à demeure tels qu'on les a placés, selon les cotes du plan.

Il ne sera pas inutile encore, lorsque les fondations seront hors de terre, de recommencer les opérations d'alignement, afin que les dernieres puissent servir de preuves aux premieres, & par - là s'assurer de ne s'être pas trompé.

Des fondemens en général. Les fondemens exigent beaucoup d'attention pour parvenir à leur donner une solidité convenable. C'est ordinairement de - là que dépend tout le succès de la construction: car, dit Palladio, les fondemens étant la base & le pié du bâtiment, ils sont difficiles à réparer; & lorsqu'ils se détruisent, le reste du mur ne peut plus subsister. Avant que de fonder, il faut considérer si le terrein est solide: s'il ne l'est pas, il faudra peut - être fouiller un peu dans le sable ou dans la glaise, & suppléer ensuite au défaut de la nature par le secours de l'art. Mais, dit Vitruve, il faut fouiller autant qu'il est nécessaire jusqu'au bon terrein, afin de soutenir la pesanteur des murs, bâtir ensuite le plus solidement qu'il sera possible, & avec la pierre la plus dure; mais avec plus de largeur qu'au rezde chaussée. Si ces murs ont des voutes sous terre, il leur faudra donner encore plus d'épaisseur.

Il faut avoir soin, dit encore Palladio, que le plan de la tranchée soit de niveau, que le milieu du mur soit au milieu de la fondation, & bien perpendiculaire; & observer cette méthode jusqu'au faîte du bâtiment; lorsqu'il y a des caves ou souterreins, qu'il n'y ait aucune partie de mur ou colonne qui porte à faux; que le plein porte toûjours sur le plein, & jamais sur le vuide; & cela afin que le bâtiment puisse tasser bien également. Cependant, dit - il, si on vouloit les faire à plomb, ce ne pourroit être que d'un côté, & dans l'intérieur du bâtiment, étant entretenues par les murs de refend & par les planchers.

L'empattement d'un mur que Vitruve appelle steréobatte, doit, selon lui, avoir la moitié de son épaisseur. Palladio donne aux murs de fondation le double de leur épaisseur supérieure; & lorsqu'il n'y a point de cave, la sixieme partie de leur hauteur: Scamozzi leur donne le quart au plus, & le sixieme au moins; quoiqu'aux fondations des tours, il leur ait donné trois fois l'épaisseur des murs supérieurs. Philibert de Lorme, qui semble être fondé sur le sentiment de Vitruve, leur donne aussi la moitié; les Mansards aux Invalides & à Maisons, leur ont donné la moitié; Bruaut à l'hôtel de Belle - Isle, leur a donné les deux tiers. En général, l'épaisseur des fondemens doit se regler, comme dit Palladio, sur leur profondeur, la hauteur des murs, la qualité du terrein, & celle des matériaux que l'on y employe; c'est pourquoi n'étant pas possible d'en regler au juste l'épaisseur, c'est, ajoute cet auteur, à un habile architecte qu'il convient d'en juger.

Lorsque l'on veut, dit - il ailleurs, ménager la dépense des excavations & des fondemens, on pratique des piles A, fig. 32. & 33. que l'on pose sur le bon fond B, & sur lesquelles on bande des arcs C; il faut faire attention alors de faire celles des extrémités plus fortes que celles du milieu, parce que tous ces arcs C, appuyés les uns contre les autres, tendent à pousser les plus éloignés; & c'est ce que Philibert de Lorme a pratiqué au château de Saint - Maur, lorsqu'en fouillant pour poser les fondations de ce château, il trouva des terres rapportées de plus de quarante piés de profondeur. Il se contenta alors de faire des fouilles d'un diametre convenable à l'épaisseur des murs, & fit élever sur le bon terrein des piles éloignées les unes des autres d'environ douze piés, sur lesquelles il fit bander des arcs en plein ceintre, & ensuite bâtir dessus comme à l'ordinaire.

Léon Baptiste Alberti, Scamozzi, & plusieurs autres, proposent de fonder de cette maniere dans les édifices où il y a beaucoup de colonnes, afin d'éviter la dépense des fondemens & des fouilles au - dessous des entrecolonnemens; mais ils conseillent en même tems de renverser les arcs C, fig. 33. de maniere que leurs extrados soient posées sur le terrein, ou sur d'autres arcs bandés en sens contraire, parce que, disent - ils, le terrein où l'on fonde pouvant se trouver d'inégale consistence, il est à craindre que dans la suite quelque pile venant à s'affaisser, ne causât une rupture considérable aux arcades, & par conséquent aux murs élevés dessus. Ainsi par ce moyen, si une des piles devient moins assurée que les autres, elle se trouve alors arcboutée par des arcades voisines, qui ne peuvent céder étant appuyées sur les terres qui sont dessous.

Il faut encore observer, dit Palladio, de donner de l'air aux fondations des bâtimens par des ouvertures qui se communiquent, d'en fortifier tous les angles, d'éviter de placer trop près d'eux des portes & des croisées, étant autant de vuides qui en diminuent la solidité.

Il arrive souvent, dit M. Belidor, que lorsque l'on vient à fonder, on rencontre des sources qui nuisent souvent beaucoup aux travaux. Quelques-uns prétendent les éteindre en jettant dessus de la chaux vive mélée de cendre; d'autres remplissent, disent - ils, de vif - argent les trous par où elles sortent; afin que son poids les oblige à prendre un autre cours. Ces expédiens étant fort douteux, il vaut beaucoup mieux prendre le parti de faire un puits au - delà de la tranchée, & d'y conduire les eaux par des rigolles de bois ou de brique couvertes de pierres plates, & les élever ensuite avec des machines: par ce moyen on pourra travailler à sec. Néanmoins pour empêcher que les sources ne nuisent dans la saite aux fondemens, il est bon de pratiquer dans la maçonnerie des especes de petits aqueducs, qui leur donnent un libre cours.

Des fondemens sur un bon terrein. Lorsque l'on veut fonder sur un terrein solide, il ne se trouve pas alors beaucoup de difficultés à surmonter; on commence d'abord par préparer le terrein, comme nous l'avons vû précédemment, en faisant des tranchées de la profondeur & de la largeur que l'on veut faire les fondations. On passe ensuite dessus une assise de gros libages, ou quartier de pierres plates à bain de mortier; quoique beaucoup de gens les posent à sec, ne garnissant de mortier que leurs joints. Sur cette premiere assise, on en éleve d'autres en liaison à carreau & boutisse alternativement. Le milieu du mur se remplit de moilon mélé de mortier: lorsque ce moilon est brut, on en garnit les interstices avec d'autres plus perits que l'on enfonce bien avant dans les joints, & avec lesquels on arrase les lits. On continue de même pour les autres assises, observant de conduire l'ouvrage toûjours de niveau dans toute sa longueur; & des retraites, on talude en diminuant jusqu'à l'épaisseur du mur au rez - dechaussée.

Quoique le bon terrein se trouve le plus souvent dans les lieux élevés, il arrive cependant qu'il s'en trouve d'excellens dans les lieux aquatiques & profonds, & sur lesquels on peut fonder solidement, & avec confiance; tel que ceux de gravier, de marne, de glaise, & quelquefois même sur le sable [p. 830] bouillant, en s'y conduisant cependant avec beaucoup de prudence & d'adresse.

Des fondemens sur le roc. Quoique les fondemens sur le roc paroissent les plus faciles à faire par la solidité du fonds, il n'en faut pas pour cela prendre moins de précautions. C'est, dit Vitruve, de tous les fondemens les plus solides; parce qu'ils sont déja fondés par le roc même. Ceux qui se font sur le tuf & la seareute (p), ne le sont pas moins, dit Palladio, parce que ces terreins sont naturellement sondés eux - mêmes.

Avant que de commencer à fonder sur le roc A, fig. 34. & 35. il faut avec le secours de la sonde, fig. 155. s'assurer de sa solidité; & s'il ne se trouvoit dessous aucune cavité, qui par le peu d'épaisseur qu'elle laisseroit au roc, ne permettroit pas d'élever dessus un poids considérable de maçonnerie, alors il faudroit placer dans ces cavités des piliers de distances à autres, & bander des arcs pour soutenir le fardeau que l'on veut élever, & par - là éviter ce qui est arrivé en bâtissant le Val - de - Grace, où lorsqu'on eut trouvé le roc, on crut y asseoir solidement les fondations; mais le poids fit fléchir le ciel d'une carriere qui anciennement avoit été fouillée dans cet endroit; de sorte que l'on fut obligé de percer ce roc, & d'établir par - dessous oeuvre dans la carriere des piliers pour soutenir l'édifice.

Il est arrivé une chose à - peu - près semblable à Abbeville, lorsque l'on eut élevé les fondemens de la manufacture de Vanrobais. Ce fait est rapporté par M. Briseux, dans son traité des maisons de campagne, & par M. Blondel, dans son Architecture françoise. Ce bâtiment étant fondé dans sa totalité, il s'enfonça également d'environ six piés en terre: ce fait parut surprenant, & donna occasion de chercher le sujet d'un événement si subit & si général. L'on découvrit enfin, que le même jour on avoit achevé de percer un puits aux environs, & que cette ouverture ayant donné de l'air aux sources, avoit donné lieu au bâtiment de s'affaisser. Alors on se détermina à le combler; ce que l'on ne put faire malgré la quantité de matériaux que l'on y jetta; de maniere que l'on fut obligé d'y enfoncer un rouet de charpente de la largeur du puits, & qui n'étoit point percé à jour. Lorsqu'il fut descendu jusqu'au fond, on jetta dessus de nouveaux matériaux jusqu'à ce qu'il fût comblé: mais en le remplissant, on s'apperçut qu'il y en étoit entré une bien plus grande quantité qu'il ne sembloit pouvoir en contenir. Cependant lorsque cette opération fut finie, on continua le bâtiment avec succès, & il subsiste encore aujourd'hui.

Jean - Baptiste Alberti, & Philibert de Lorme, rapportent qu'ils se sont trouvés en pareil cas dans d'autres circonstances.

Lorsque l'on sera assuré de la solidité du roc A, fig. 34. & que l'on voudra bâtir dessus, il faudra y pratiquer des assises C, par ressauts en montant ou descendant, selon la forme du roc, leur donnant le plus d'assiette qu'il est possible. Si le roc est trop uni, & qu'il soit à craindre que le mortier ne puisse pas s'agraffer, & faire bonne liaison, on aura soin d'en piquer les lits avec le têtu, fig. 87. ainsi que celui des pierres qu'on posera dessus; afin que cet agent entrant en plus grande quantité dans ces cavités, puisse consolider cette nouvelle construction.

Lorsque l'on y adossera de la maçonnerie B, fig. 35. on pourra réduire les murs à une moindre épaisseur, en pratiquant toûjours des arrachemens piqués dans leurs lits, pour recevoir les harpes C des pierres.

Lorsque la surface du roc est très - inégale, on

(p) La seareute est une espece de pierre très - suffisante pour supporter de grands bâtimens, tant dans l'eau que dehors.
peut s'éviter la peine de le tailler, en employant toutes les menues pierres qui embarrassent l'attelier, & qui avec le mortier remplissent très - bien les inégalités du roc. Cette construction étoit très - estimée des anciens, & souvent préférée dans la plûpart des bâtimens. M. Belidor en fait beaucoup de cas, & prétend que lorsqu'elle s'est une fois endurcie, elle forme une masse plus solide & plus dure que le marbre; & que par conséquent elle ne peut jamais s'affaisser, malgré les poids inégaux dont elle peut être chargée, ou les parties de terreins plus ou moins solides sur lesquels elle est posée.

Ces sortes de fondemens sont appellés pierrées, & se font de cette maniere.

Après avoir creusé le roc A, fig. 36. d'environ sept à huit pouces, on borde les allignemens des deux côtés B & C, de l'épaisseur des fondemens, avec des cloisons de charpente, en sorte qu'elles composent des coffres dont les bords supérieurs B & C, doivent être posés le plus horisontalement qu'il est possible; les bords inférieurs D, suivant les inégalités du roc. On amasse ensuite une grande quantité de menues pierres, en y mélant si l'on veut les décombres du roc, lorsqu'ils sont de bonne qualité, que l'on corroie avec du mortier, & dont on fait plusieurs tas. Le lendemain ou le surlendemain au plus, les uns le posent immédiatement sur le roc, & en remplissent les coffres sans interruption dans toute leur étendue; tandis que les autres le battent également par tout avec la damoiselle, fig. 147. à mesure que la maçonnerie s'éleve; mais sur - tout dans le commencement, afin que le mortier & les pierres s'insinuent plus facilement dans les sinuosités du roc. Lorsqu'elle est suffisamment seche, & qu'elle a déja une certaine solidité, on détache les cloisons pour s'en servir ailleurs. Cependant lorsque l'on est obligé de faire des ressauts en montant ou en descendant, on soutient la maçonnerie par les côtés avec d'autres cloisons E; & de cette maniere, on surmonte le roc jusqu'à environ trois ou quatre piés de hauteur, selon le besoin; ensuite on pose d'autres fondemens à assises égales, sur lesquels on éleve des murs à l'ordinaire.

Lorsque le roc est fort escarpé A, fig. 37, & que l'on veut éviter les remblais derriere les fondemens B, on se contente quelquefois d'établir une seule cloison sur le devant C, pour soutenir la maçonnerie D, & on remplit ensuite cet intervalle de pierrée comme auparavant.

La hauteur des fondemens étant etablie, & arrasée convenablement dans toute l'étendue que l'on a embrassée; on continue la même chose en prolongeant, observant toujours de faire obliques les extrémités de la maçonnerie déja faite, jetter de l'eau dessus, & bien battre la nouvelle, afin de les mieux lier ensemble. Une pareille maçonnerie faite avec de bonne chaux, dit M. Bélidor, est la plus excellente & la plus commode que l'on puisse faire.

Lorsque l'on est dans un pays où la pierre dure est rare, on peut, ajoûte le même auteur, faire les soubassemens des gros murs de cette maniere, avec de bonne chaux s'il est possible, qui, à la vérité renchérit l'ouvrage par la quantité qu'il en faut; mais l'économie, dit - il encore, ne doit pas avoir lieu lorsqu'il s'agit d'un ouvrage de quelque importance. Cependant, tout bien considéré, cette maçonnerie coute moins qu'en pierre de taille; ses paremens ne sont pas agréables à la vûe à cause de leurs inégalités; mais il est facile d'y remédier, comme nous allons le voir.

Avant que de construire on fait de deux especes de mortier; l'un mêlé de gravier, & l'autre, comme nous l'avons dit, de menues pierres. Si on se trouvoit dans un pays où il y eût de deux especes de

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