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On a attribué autrefois beaucoup de puissance à la lune sur les corps terrestres, & plusieurs personnes sont encore dans cette opinion, que les Philosophes regardent comme chimérique. Cependant si on examine la chose avec attention, il ne doit point paroître impossible que la lune ne puisse avoir beaucoup d'influence sur l'air que nous respirons & les différens effets que nous observons. Il est certain que le soleil & la lune sur - tout, agissent sur l'Océan, & en causent le flux & le reflux. Or si l'action de ces astres est si sensible sur la masse des eaux, pourquoi ne le sera - t - elle pas sur l'atmosphere qui les couvre? Pourquoi ne causera - t - elle pas dans cette atmosphere des mouvemens & des altérations sensibles? Il est vrai que le vulgaire tombe dans beaucoup d'erreurs à ce sujet, & nous ne prétendons point adopter tous les préjugés sur la nouvelle lune, sur les effets de la lune, tant en croissant ou en décours, sur les remedes qu'il faut faire quand la lune est dans certains signes du zodiaque; mais nous croyons pouvoir dire que plusieurs vents, par exemple, & les effets qui en résultent, peuvent être attribués très - vraissemblablement à l'action de la lune; que par son action sur l'air que nous respirons, elle peut changer la disposition de nos corps, & occasionner des maladies: il est vrai que comme les dérangemens qui arrivent dans l'atmosphere ont encore une infinité d'autres causes dont la loi ne paroît point reglée, les effets particuliers de la lune se trouvant mélés & combinés avec une infinité d'autres, sont par cette raison très - difficiles à connoître & à distinguer; mais cela n'empêche pas qu'ils ne soient réels, & dignes de l'observation des Philosophes. Le docteur Mead, célebre medecin anglois, a fait un livre qui a pour titre, de imperio solis ac lunoe n corpore humano, de l'empire du soleil & de la lune sur les corps humains.
Jusqu'ici nous n'avons presque fait que traduire l'article lune tel qu'il se trouve à peu - près dans l'encyclopédie angloise, & nous y avons joint quelques remarques tirées de différens auteurs, entr'autres des institutions astronomiques de M. le Monnier. Il s'agit à présent d'entrer dans le détail de ce que les savans de notre siecle ont ajouté à la théorie de M. Newton.
Ce qu'on a lû jusqu'ici dans cet article contient
les phénomenes du mouvement de la lune, tels à
peu près que les observations les ont fait connoître
successivement aux Astronomes, & tels que M. Newton a tenté de les expliquer: nous disons a tenté, car
quelque estimable que soit l'essai de théorie que ce
grand homme nous a donné sur ce sujet, on a dû
voir, par ce qui précede, que cet essai laisse encore
beaucoup à desirer; la raison en est que M. Newton
n'avoit point résolu le problème fondamental, nécessaire
pour trouver les différentes irrégularités de
la lune; ce problème consiste à déterminer au moins
par approximation, l'équation de l'orbite que la
lune décrit autour de la terre; c'est une branche du
problème fameux connu sous le nom du problème des
trois corps. Voyez
La lune est attirée vers la terre en raison inverse
du quarré de la distance, suivant la loi générale de
la gravitation (voyez
M. Euler est le premier qui ait imaginé de donner
aux tables de la lune une nouvelle forme différente
de celle de M. Newton; au lieu de faire varier l'équation
du centre, il regarde l'excentricité comme
constante, & il ajoute à l'équation du centre une
autre équation qu'on peut appeller évection (voyez
M. Clairaut & moi avons aussi publié des tables de la lune suivant notre théorie; celles de M. Clairaut, qui sont moins exactes que celles de M. Mayer, ont encore l'inconvénient de demander beaucoup [p. 736]
Ces nouvelles tables sont dressées en partie sur les calculs que j'ai faits par théorie, en partie sur la comparaison que j'ai faite de mes premieres tables avec celles de Messieurs le Monnier & Mayer, qui ont été comparées jusqu'ici à un plus grand nombre d'observations que les autres, & qui ont l'avantage de s'en écarter peu, & d'être d'ailleurs les plus expéditives pour le calcul, & les plus familieres aux Astronomes. La raison qui m'a déterminé à ne pas dresser mes tables uniquement d'après la théorie, c'est l'épreuve que j'ai faite par mes propres calculs, & par ceux des autres, de la plûpart des coefficiens des équations lunaires, dont on ne peut, ce me semble, assurer qu'aucun soit exact à une minute près, & peut - être davantage. Cet inconvénient vient 1°. de ce que le nombre de petits termes & de petites quantités qui entrent dans chacun de ces coefficiens est si grand, qu'on n'est jamais assuré de n'en avoir point omis qui puisse produire d'effet sensible. 2°. De ce que plusieurs des series qui expriment les coefficiens sont assez peu convergentes. 3°. Enfin de ce qu'il y a des termes qui étant très - petits dans la différencielle, peuvent devenir très - grands, ou au moins beaucoup plus grands par l'intégration. On peut voir les preuves de tout cela dans mes recherches sur le système du monde, premiere & troisieme parties, & dans un écrit inséré à la fin de la seconde édition de mon traité de dynamique, en réponse à quelques objections qui m'avoient été faites sur ce sujet.
Une des preuves les plus frappantes de ce que j'avance
ici sur l'incertitude des coefficiens des équations lunaires, c'est l'erreur où nous avons été longtems
Messieurs Euler, Clairaut & moi, sur le mouvement
de l'apogée de la lune. Nous nous étions
bornés tous trois à calculer d'abord le premier terme
de la serie qui exprime ce mouvement, nous
avons trouvé que ce terme ne donnoit que la moitié
du mouvement réel de l'apogée, parce que nous supposions
tacitement que le reste de la serie pouvoit se
négliger par rapport au premier terme; de - là M.
Clairaut avoit conclu que la gravitation n'étoit pas
la raison inverse du quarré des distances, mais
qu'elle suivoit quelqu'autre loi; en quoi il faut
avouer que sa conclusion a été trop précipitée, puisque
quand même le mouvement de l'apogée trouvé
par la théorie ne seroit que la moitié de ce qu'il est
réellement, on pourroit sans changer la loi d'attraction
& y substituer une loi bisarre, attribuer cet effet
comme je l'avois imaginé, à quelque cause particuliere
différente de la gravitation, comme à la
force magnétique, dont M. Newton fait mention
expressément. On peut voir dans les mém. de l'acad.
des Sciences de 1745, la dispute de Messieurs Clairaut & de Buffon sur ce sujet. On peut aussi consulsulter
l'article
Une autre remarque qui m'est entierement dûe, & que je communiquai à M. Clairaut au mois de Juin 1748, c'est le calcul des termes, qui dans l'équation de l'orbite lunaire ont pour argument la distance du soleil à l'apogée de la lune. M. Clairaut croyoit alors, faute d'avoir calculé tous les termes essentiels qui entrent dans cette équation, qu'elle montoit à environ 35 ou 40 minutes; ce qui, comme M. Clairaut le croyoit alors, renversoit entierement la théorie & le système neutonien; je lui fis voir que cette équation étoit beaucoup moindre, & de deux à trois minutes seulement; ce qui rétablissoit la théorie dans tous ses droits.
Je ne dois pas oublier d'ajouter 1°. que ma méthode
pour déterminer le mouvement de l'apogée,
est très - élégante & très - simple, n'ayant besoin d'aucune
intégration, & ne demandant que la simple
inspection des coefficiens du second terme de l'équation
différencielle. 2°. que j'ai démontré le premier
par une méthode rigoureuse, ce que personne n'avoit
encore fait, & n'a même fait jusqu'ici, que l'équation
de l'orbite lunaire ne devoit point contenir
d'arcs de cercle; si on ajoute à cela la maniere simple
& facile dont je parviens à l'équation differentielle
de l'orbite lunaire, sans avoir besoin pour
cela, comme d'autres géometres, de transformations
& d'intégrations multipliées; & le détail que
j'ai donné ci - dessus de mes travaux & de ceux des
autres géometres, on conviendra, ce me semble,
que j'ai eu plus de part à la théorie de la lune que
certains mathématiciens n'avoient voulu le faire
croire. Je ne dois pas non plus passer sous silence la
maniere élégante dont M. Euler integre l'équation
de l'orbite lunaire; méthode plus simple & plus facile
que celle de M. Clairaut & que la mienne; &
cette observation jointe à ce que j'ai dit plus haut
des travaux de ce grand géometre, par rapport à la
lune, suffira pour faire voir qu'il a aussi travaillé très utilement
à cette théorie, quoiqu'on ait aussi cherché
à le mettre à l'écart autant qu'on l'a pû. L'En<pb->
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