ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"735"> tion n'y sont point marqués, mais seulement la libration moyenne, c'est - à - dire les termes entre la plus grande & la plus petite. La troisieme table que donne M. le Monnier est celle des PP. Grimaldi & Riccioli, avec la plus grande & la plus petite libration. Ces trois figures du disque de la lune sont assez différentes entr'elles.

On a attribué autrefois beaucoup de puissance à la lune sur les corps terrestres, & plusieurs personnes sont encore dans cette opinion, que les Philosophes regardent comme chimérique. Cependant si on examine la chose avec attention, il ne doit point paroître impossible que la lune ne puisse avoir beaucoup d'influence sur l'air que nous respirons & les différens effets que nous observons. Il est certain que le soleil & la lune sur - tout, agissent sur l'Océan, & en causent le flux & le reflux. Or si l'action de ces astres est si sensible sur la masse des eaux, pourquoi ne le sera - t - elle pas sur l'atmosphere qui les couvre? Pourquoi ne causera - t - elle pas dans cette atmosphere des mouvemens & des altérations sensibles? Il est vrai que le vulgaire tombe dans beaucoup d'erreurs à ce sujet, & nous ne prétendons point adopter tous les préjugés sur la nouvelle lune, sur les effets de la lune, tant en croissant ou en décours, sur les remedes qu'il faut faire quand la lune est dans certains signes du zodiaque; mais nous croyons pouvoir dire que plusieurs vents, par exemple, & les effets qui en résultent, peuvent être attribués très - vraissemblablement à l'action de la lune; que par son action sur l'air que nous respirons, elle peut changer la disposition de nos corps, & occasionner des maladies: il est vrai que comme les dérangemens qui arrivent dans l'atmosphere ont encore une infinité d'autres causes dont la loi ne paroît point reglée, les effets particuliers de la lune se trouvant mélés & combinés avec une infinité d'autres, sont par cette raison très - difficiles à connoître & à distinguer; mais cela n'empêche pas qu'ils ne soient réels, & dignes de l'observation des Philosophes. Le docteur Mead, célebre medecin anglois, a fait un livre qui a pour titre, de imperio solis ac lunoe n corpore humano, de l'empire du soleil & de la lune sur les corps humains.

Jusqu'ici nous n'avons presque fait que traduire l'article lune tel qu'il se trouve à peu - près dans l'encyclopédie angloise, & nous y avons joint quelques remarques tirées de différens auteurs, entr'autres des institutions astronomiques de M. le Monnier. Il s'agit à présent d'entrer dans le détail de ce que les savans de notre siecle ont ajouté à la théorie de M. Newton.

Ce qu'on a lû jusqu'ici dans cet article contient les phénomenes du mouvement de la lune, tels à peu près que les observations les ont fait connoître successivement aux Astronomes, & tels que M. Newton a tenté de les expliquer: nous disons a tenté, car quelque estimable que soit l'essai de théorie que ce grand homme nous a donné sur ce sujet, on a dû voir, par ce qui précede, que cet essai laisse encore beaucoup à desirer; la raison en est que M. Newton n'avoit point résolu le problème fondamental, nécessaire pour trouver les différentes irrégularités de la lune; ce problème consiste à déterminer au moins par approximation, l'équation de l'orbite que la lune décrit autour de la terre; c'est une branche du problème fameux connu sous le nom du problème des trois corps. Voyez Problème des trois corps

La lune est attirée vers la terre en raison inverse du quarré de la distance, suivant la loi générale de la gravitation (voyez Gravitation), & en même tems elle est attirée par le soleil; mais comme la terre est aussi attirée par ce dernier astre, & qu'il s'agit ici non du mouvement absolu de la lune, mais de son mouvement par rapport à la terre, il faut transporter à la lune en sens contraire, l'action du soleil sur la terre, ainsi que la force avec laquelle la lune agit sur la terre (voyez les mém. de l'académie de 1745, pag. 365.); & en combinant ces différentes actions avec la force de gravitation de la lune vers la terre, il en résultera deux forces, l'une dirigée vers la terre, l'autre perpendiculaire au rayon vecteur. La force dirigée vers la terre est composée de deux parties, dont l'une est la force d'attraction de la lune vers la terre, & l'autre est très - petite par rapport à celle - là, & dépendante de celle du soleil. Il s'agit donc de trouver l'équation de la courbe, que la lune décrit en vertu de ces forces, & son intégration approchée; or c'est ce que M. Euler, M. Clairaut & moi, avons trouvé en 1747 par différentes méthodes, qui toutes s'accordent quant au résultat. Je donnerai au mot Probleme des trois corps , une idée de la mienne, qui me paroît la plus simple de toutes; mais quelque jugement qu'on en porte, il est certain que les trois méthodes conduisent exactement aux mêmes conclusions. La seule difficulté est dans la longueur peut - être du calcul. On peut en voir la preuve dans les ouvrages que Messieurs Euler, Clairaut & moi, avons publiés sur ce sujet. Celui de M. Euler a pour titre Theoria motûs lunoe; celui de M. Clairaut est la piece qui a remporté le prix à Petersbourg en 1751, & le mien est intitulé Recherches sur différens points importans du systeme du monde.

M. Euler est le premier qui ait imaginé de donner aux tables de la lune une nouvelle forme différente de celle de M. Newton; au lieu de faire varier l'équation du centre, il regarde l'excentricité comme constante, & il ajoute à l'équation du centre une autre équation qu'on peut appeller évection (voyez Evection), & qui fait à peu - près le même effet que la variation supposée par M. Newton a l'excentricité, & au mouvement de l'apogée. M. Euler a publié le premier des tables suivant cette nouvelle fotme, & dans lesquelles il a fait encore quelques autres changemens à la forme des tables de M. Newton; on peut voir sur cela le premier volume de ses opuscules, Berlin 1746: mais ses tables tres - commodes & très expéditives pour le calcul, avoient le défaut de n'être pas assez exactes. M. Mayer, célebre astronome de Gottingue, a perfectionné ces mêmes tables, en suivant la théorie de M. Euler, & en la corrigeant par les observations; du reste il a conservé la forme donnée par M. Euler aux tables de la lune, & il l'a même encore simplifiée; par ce moyen il a formé de nouvelles tables, qui ont paru en 1753, dans le second volume des mém. de l'acad. de Gottingen, & qui ont l'avantage d'être jusqu'ici les plus commodes & les plus exactes que l'on connoisse; aussi l'académie royale des Sciences de Paris les a - t - elle adoptées par préférence à toutes les autres, dans la connoissance des tems pour l'année 1760; cependant malgré toutes les raisons qu'on a de croire les tables de M. Mayer plus exactes que les autres, il est nécessaire, pour n'avoir aucun doute là - dessus, de les comparer à un plus grand nombre d'observations; & j'ai exposé dans la troisieme partie de mes recherches sur le système du monde, les doutes qu'on pourroit encore former sur l'exactitude de ces mêmes tables, ou du - moins les raisons de suspendre son jugement à cet égard, jusqu'à ce qu'on en ait fait une plus longue épreuve.

M. Clairaut & moi avons aussi publié des tables de la lune suivant notre théorie; celles de M. Clairaut, qui sont moins exactes que celles de M. Mayer, ont encore l'inconvénient de demander beaucoup [p. 736] plus de tems pour le calcul, parce qu'elles renferment un très - grand nombre d'équations. On assure que M. Clairaut a depuis ce tems perfectionné & simplifié beaucoup ces mêmes tables, mais il n'a encore rien publié de son travail dans le moment où nous écrivons ceci (le 15 Nov. 1759). Pour moi je me suis presque borné à donner d'après ma théorie, des tables de correction pour celle des institutions aftronomiques; mais j'ai reconnu depuis par la comparaison avec les observations & avec les meilleures tables, que ces tables de correction pourroient être perfectionnées à plusieurs égards; non - seulement je les ai perfectionnées, mais j'ai plus fait, j'ai dressé des tables de la lune entierement nouvelles, dont le calcul est très expéditif, & qui, je crois, répondront assez exactement aux observations. Je n'en dirai pas davantage ici, parce que ces tables auront probablement vû le jour avant que cet article paroisse.

Ces nouvelles tables sont dressées en partie sur les calculs que j'ai faits par théorie, en partie sur la comparaison que j'ai faite de mes premieres tables avec celles de Messieurs le Monnier & Mayer, qui ont été comparées jusqu'ici à un plus grand nombre d'observations que les autres, & qui ont l'avantage de s'en écarter peu, & d'être d'ailleurs les plus expéditives pour le calcul, & les plus familieres aux Astronomes. La raison qui m'a déterminé à ne pas dresser mes tables uniquement d'après la théorie, c'est l'épreuve que j'ai faite par mes propres calculs, & par ceux des autres, de la plûpart des coefficiens des équations lunaires, dont on ne peut, ce me semble, assurer qu'aucun soit exact à une minute près, & peut - être davantage. Cet inconvénient vient 1°. de ce que le nombre de petits termes & de petites quantités qui entrent dans chacun de ces coefficiens est si grand, qu'on n'est jamais assuré de n'en avoir point omis qui puisse produire d'effet sensible. 2°. De ce que plusieurs des series qui expriment les coefficiens sont assez peu convergentes. 3°. Enfin de ce qu'il y a des termes qui étant très - petits dans la différencielle, peuvent devenir très - grands, ou au moins beaucoup plus grands par l'intégration. On peut voir les preuves de tout cela dans mes recherches sur le système du monde, premiere & troisieme parties, & dans un écrit inséré à la fin de la seconde édition de mon traité de dynamique, en réponse à quelques objections qui m'avoient été faites sur ce sujet.

Une des preuves les plus frappantes de ce que j'avance ici sur l'incertitude des coefficiens des équations lunaires, c'est l'erreur où nous avons été longtems Messieurs Euler, Clairaut & moi, sur le mouvement de l'apogée de la lune. Nous nous étions bornés tous trois à calculer d'abord le premier terme de la serie qui exprime ce mouvement, nous avons trouvé que ce terme ne donnoit que la moitié du mouvement réel de l'apogée, parce que nous supposions tacitement que le reste de la serie pouvoit se négliger par rapport au premier terme; de - là M. Clairaut avoit conclu que la gravitation n'étoit pas la raison inverse du quarré des distances, mais qu'elle suivoit quelqu'autre loi; en quoi il faut avouer que sa conclusion a été trop précipitée, puisque quand même le mouvement de l'apogée trouvé par la théorie ne seroit que la moitié de ce qu'il est réellement, on pourroit sans changer la loi d'attraction & y substituer une loi bisarre, attribuer cet effet comme je l'avois imaginé, à quelque cause particuliere différente de la gravitation, comme à la force magnétique, dont M. Newton fait mention expressément. On peut voir dans les mém. de l'acad. des Sciences de 1745, la dispute de Messieurs Clairaut & de Buffon sur ce sujet. On peut aussi consulsulter l'article Attraction, & mes recherches sur le système du monde, premiere partie, art. 173. Quoi qu'il en soit, M. Clairaut s'apperçut le premier de l'erreur commune à nos calculs, & me communiqua la remarque qu'il en avoit faite; on peut en voir le détail dans mes recherches sur le système du monde, art. 107 & suivans. Il m'apprit qu'ayant voulu calculer le second terme de la serie du mouvement de l'apogée, pour connoître à très - peu près ce que le fond de la gravitation donnoit pour le mouvement, il lui étoit venu un second terme qui n'étoit pas fort différent du premier, ce qui rendoit à la gravitation tout son effet pour produire le mouvement entier de l'apogée. Cette remarque, il faut l'avouer, étoit très forte en faveur de la gravitation; cependant il est évident qu'elle ne suffit pas encore pour décider la question; car puisque les deux premiers termes de la serie étoient presque égaux, le troisieme pouvoit l'être encore aux deux premiers; & en ce cas, selon le signe de ce troisieme terme, on auroit trouvé le mouvement de l'apogée beaucoup plus grand ou beaucoup plus court qu'il ne falloit pour la théorie de la gravitation. Il étoit donc absolument nécessaire de calculer ce troisieme terme, & même quelques - uns des suivans, pour s'assurer si la théortie de la gravitation répondoit en effet aux phénomenes; car jusques - là, je le répete, il n'y avoit encore rien de décidé. J'entrepris donc ce calcul, que jusqu'ici aucun autre géometre n'a fait encore. J'en ai donné le résultat dans mes recherches sur le système du monde, au chap. xx. de la premiere partie, & il en résulte que le mouvement de l'apogée trouvé par la théorie, est tel que les observations le donnent. Voilà ce que l'Astronomie doit à M. Clairaut & à moi sur cette importante matiere.

Une autre remarque qui m'est entierement dûe, & que je communiquai à M. Clairaut au mois de Juin 1748, c'est le calcul des termes, qui dans l'équation de l'orbite lunaire ont pour argument la distance du soleil à l'apogée de la lune. M. Clairaut croyoit alors, faute d'avoir calculé tous les termes essentiels qui entrent dans cette équation, qu'elle montoit à environ 35 ou 40 minutes; ce qui, comme M. Clairaut le croyoit alors, renversoit entierement la théorie & le système neutonien; je lui fis voir que cette équation étoit beaucoup moindre, & de deux à trois minutes seulement; ce qui rétablissoit la théorie dans tous ses droits.

Je ne dois pas oublier d'ajouter 1°. que ma méthode pour déterminer le mouvement de l'apogée, est très - élégante & très - simple, n'ayant besoin d'aucune intégration, & ne demandant que la simple inspection des coefficiens du second terme de l'équation différencielle. 2°. que j'ai démontré le premier par une méthode rigoureuse, ce que personne n'avoit encore fait, & n'a même fait jusqu'ici, que l'équation de l'orbite lunaire ne devoit point contenir d'arcs de cercle; si on ajoute à cela la maniere simple & facile dont je parviens à l'équation differentielle de l'orbite lunaire, sans avoir besoin pour cela, comme d'autres géometres, de transformations & d'intégrations multipliées; & le détail que j'ai donné ci - dessus de mes travaux & de ceux des autres géometres, on conviendra, ce me semble, que j'ai eu plus de part à la théorie de la lune que certains mathématiciens n'avoient voulu le faire croire. Je ne dois pas non plus passer sous silence la maniere élégante dont M. Euler integre l'équation de l'orbite lunaire; méthode plus simple & plus facile que celle de M. Clairaut & que la mienne; & cette observation jointe à ce que j'ai dit plus haut des travaux de ce grand géometre, par rapport à la lune, suffira pour faire voir qu'il a aussi travaillé très utilement à cette théorie, quoiqu'on ait aussi cherché à le mettre à l'écart autant qu'on l'a pû. L'En<pb->

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