ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"733"> 6e grandeur restent toujours visibles. Kepler a observé deux fois ce phénomene en 1581 & 1583; & Hévelius en 1620; Riccioli, d'autres jésuites de Boulogne, & beaucoup d'autres personnes dans la Hollande observerent la même chose le 14 Avril 1642, quoique cependant la lune fût restée toujours visible à Venise & à Vienne. Le 23 Décembre 1703, il y eut une autre disparition totale, la lune parut d'abord à Arles d'un brun jaunâtre, & à Avignon elle parut rougeâtre & transparente, comme si le soleil avoit brillé au - travers; à Marseille un des côtés parut rougeâtre, & l'autre fort obscur; & à la fin, elle disparut entierement, quoique par un tems serein. Il est évident dans ce phénomene que ces couleurs qui paroissoient différentes dans un même tems, n'appartenoient pas à la lune, mais qu'elles provenoient de quelque matiere qui l'entouroit & qui se trouvoit différemment disposée pour donner passage à des rayons de telle ou telle couleur.

3°. L'oeil nud ou armé d'un télescope, voit dans la face de la lune des parties plus obscures que d'autres, qu'on appelle maculoe ou taches. A travers le télescope, les bornes de la lumiere paroissent dentelées & inégales, composées d'arcs dissemblables, convexes & concaves. On observe aussi des parties lucides, dispersées ou semées parmi de plus obscures, & on voit des parties illuminées par - delà les limites de l'illumination: d'autres intermédiaires, restant toujours dans l'obscurité & auprès des taches, ou même dans les taches: on voit souvent de ces petites taches lumineuses. Outre les taches qu'avoient observées les anciens, il en est d'autres variables, invisibles à l'oeil nud, qu'on nomme taches nouvelles, qui sont toujours opposées au soleil, & qui se trouvent par cette raison dans les parties qui sont le plutôt éclairées dans le croissant, & qui perdent dans le décours leur lumiere plus tard que les autres intermédiaires, tournant autour de la lune, & paroissant quelquefois plus grandes & quelquefois plus petites. Voyez Taches.

Or, comme toutes les parties de la surface de la lune sont également illuminées par le soleil, puisqu'elles en sont également éloignées; il s'ensuit delà que s'il y en a qui paroissent plus brillantes, & d'autres plus obscures, c'est qu'il en est qui réfléchissent les rayons du soleil plus abondamment que d'autres, & par conséquent qu'elles sont de différente nature: les parties qui sont le plutôt éclairées par le soleil, sont nécessairement plus élevées que les autres, c'est - à - dire qu'elles sont au - dessus du reste de la surface de la lune. Les nouvelles taches répondent parfaitement aux ombres des corps terrestres.

4°. Hévelius rapporte qu'il a souvent trouvé dans un tems très - serein, lors même que l'on pouvoit voir les étoiles de la 6e & de la 7e grandeur, qu'à la même hauteur & à la même élongation de la terre, & avec le même télescope qui étoit excellent, la lune & ses taches n'étoient pas toujours également lumineuses, claires & visibles, mais qu'elles étoient plus brillantes, plus pures & plus distinctes dans un tems que dans un autre. Or, par les circonstances de cette observation, il est évident qu'il ne faut point chercher la raison de ce phénomene, ni dans notre air, ni dans la lune, ni dans l'oeil du spectateur, mais dans quelqu'autre chose qui environne le corps de la lune.

5°. Cassini a souvent observé que Saturne, Jupiter & les étoiles fixes, lorsqu'elles se cachoient derriere la lune, paroissoient près de son limbe, soit éclairé, soit obscur, changer leur figure circulaire en ovale; & dans d'autres occultations, il n'a point trouvé du tout d'altération; il arrive de même que le soleil & la lune se levant & se couchant dans un ho<cb-> rison vaporeux ne paroissent plus circulaires, mais elliptiques.

Or, comme nous savons par une expérience certaine que la figure circulaire du soleil & de la lune ne se changent en elliptique qu'à cause de la réfractionque les rayons de ces astres souffrent dans l'atmosphere, il est donc permis d'en conclure que dans les tems où la figure presque circulaire des étoiles est changée par la lune, cet astre est alors entouré d'une matiere dense qui réfracte les rayons que les étoiles envoient; & que si dans d'autres tems on n'observe point ce changement de figure, cette même matiere ne se trouve plus autour de la lune. Voyez Atmosphere.

6°. La lune est donc un corps opaque, couvert de montagnes & de vallées. Riccioli a mesuré la hauteur d'une de ces montagnes, & a trouvé qu'elle avoit 9 milles ou environ, 3 lieues de haut. Il y a de plus dans la lune de grands espaces, dont la surface est unie & égale, & qui réfléchissent en même tems moins de lumiere que les autres. Or, comme la surface des corps fluides est naturellement unie, & que ces corps entant que transparens transmettent une grande partie de la lumiere, & n'en réfléchissent que fort peu, plusieurs astronomes ont conclu de - là que les taches de la lune sont des corps fluides transparens, & que lorsqu'elles sont fort étendues, ce sont des mers. Il y a donc dans la lune des montagnes, des vallées & des mers. De plus, les parties lumineuses des taches doivent être par la même raison des îles & des péninsules. Et puisque dans les taches & près de leur limbe on remarque certaines parties plus hautes que d'autres, il faut donc qu'il y ait dans les mers de la lune des rochers & des promontoires.

Il faut avouer cependant que d'autres astronomes ont prétendu qu'il n'y avoit point de mers dans la lune; car si on regarde, disent - ils, avec un bon télescope les grandes taches que l'on prend pour des mers, on y remarque une infinité de cavernes ou de cavités très - profondes, ce qui s'apperçoit principalement par le moyen des oinbres qui sont jettées au - dedans lorsque la lune croît, ou lorsqu'elle est en décours. Or c'est, ajoutent - ils, ce qui ne paroît guere convenir à des mers d'une vaste étendue. Ainsi ils croient que ces régions de la lune ne sont point des mers, mais qu'elles sont d'une matiere moins dure & moins blanche que les autres contrées des pays montueux.

7°. La lune est entourée, selon plusieurs astronomes, d'un atmosphere pesant & élastique, dans lequel les vapeurs & les exhalaisons s'élevent pour retomber ensuite en forme de rosée ou de pluie.

Dans une éclipse totale de soleil, on voit la lune couronnée d'un anneau lumineux parallele à sa circonférence.

Selon ces astronomes, on en a trop d'observations pour en douter. Dans la grande éclipse de 1715, on vit l'anneau à Londres, & par - tout ailleurs; Kepler a observé qu'on a vu la même chose à Naples & à Anvers dans une éclipse de 1605; & Wolf l'a observé aussi à Leipsick dans une de 1706, décrite fort au - long dans les acta eruditorum, avec cette circonstance remarquable que la partie la plus voisine de la lune étoit visiblement plus brillante que celle qui en étoit plus éloignée, ce qui est confirmé par les observations des astronomes françois dans les mémoires de l'Académie de l'année 1706.

Il faut donc, concluent - ils, qu'il y ait autour de la lune quelque fluide dont la figure corresponde à celle de cet astre, & qui tout - à - la - fois réfléchisse & brise les rayons du soleil; il faut aussi que ce fluide soit plus dense près du corps de la lune, & plus rare au - dessus; or comme l'air qui environne notre terre [p. 734] est un fluide de cette espece, on peut conclure de - là que la lune doit avoir son air; & puisque la différente densité de notre air dépend de sa différente gravité & élasticité, il faut donc aussi attribuer la différente densité de l'air lunaire à la même cause. Nous avons de plus observé que l'air lunaire n'est pas toujours également transparent, qu'il change quelquefois les figures sphériques des étoiles en ovales, & que dans quelques - unes des éclipses totales dont nous avons parlé, on a apperçu immédiatement avant l'immersion un tremblement dans le limbe de la lune avec une apparence d'une fumée claire & légere qui se tenoit suspendue au - dessus durant l'immersion, & qui s'est fait fort remarquer en particulier en Angleterre; & comme ces mêmes phénomenes s'observent aussi dans notre air quand il est plein de vapeur, il est donc presque sûr que lorsqu'on les observe dans l'atmosphere de la lune, cette atmosphere doit être alors pleine de vapeurs & d'exhalaisons: enfin puisque dans d'autres tems l'air de la lune est clair & transparent, & qu'il ne produit aucun de ces phénomenes, il s'ensuit aussi que les vapeurs ont été alors précipitées sur la lune, & qu'il faut par conséquent qu'il soit tombé sur cet astre de la rosée, de la pluie ou de la neige.

Cependant d'autres astronomes prétendent que quand des étoiles s'approchent de la lune, elles ne paroissent souffrir aucune réfraction, ce qui prouveroit que la lune n'a point d'atmosphere, du - moins telle que notre terre. Ils ajoutent qu'il y a beaucoup d'apparence que sur la lune il n'y a jamais de nuages, ni de pluies. Car s'il s'y trouvoit des nuages, on les verroit, disent - ils, se répandre indifféremment sur toutes les régions du disque apparent, en sorte que ces mêmes régions nous seroient souvent cachées: or c'est ce qu'on n'a point observé. Il faut donc que le ciel de la lune soit parfaitement serein. Cependant les nuages pourroient se trouver dans la partie de l'atmosphere qui n'est point éclairée du soleil: car la chaleur qui est très - grande dans la partie éclairée, l'unique hémisphere qu'il nous est permis d'appercevoir, cette chaleur, dis - je, excitée par les rayons du soleil qui éclairent sans discontinuer ces régions de la lune pendant près de quinze fois 24 heures, suffit, ce semble, pour raréfier l'atmosphere de la lune. De plus, au sujet de cette atmosphere, M. le Monnier dit avoir remarqué en 1736 & 1738, que l'étoile Aldebaran s'avançoit en plein jour un peu sur le disque éclairé de la lune, où cette même étoile disparut ensuite après avoir entamé très - sensiblement le disque, & cela vers le diametre horisontal de la lune.

8°. La lune est donc à tous égards un corps semblable à la terre, & qui paroît propre aux mêmes fins; en effet, nous avons fait voir qu'elle est dense, opaque, qu'elle a des montagnes & des vallées; selon plusieurs auteurs, elle a des mers avec des îles, des péninsules, des rochers & des promontoires, une atmosphere changeant où les vapeurs & les exhalaisons peuvent s'élever pour y retomber ensuite; enfin elle a un jour & une nuit, un soleil pour éclairer l'un, & une lune pour éclairer l'autre, un été & un hiver, &c.

On peut encore conclure de - là par analogie une infinité d'autres propriétés dans la lune. Les changemens auxquels son atmosphere est sujette, doivent produire des vents & d'autres météores, &, suivant les différentes saisons de l'année, des pluies, des brouillards, de la gelée, de la neige, &c. Les inégalités de la surface de la lune doivent produire de leur côté des lacs, des rivieres, des sources, &c.

Or comme nous savons que la nature ne produit rien en vain, que les pluies & les rosées tombent sur notre terre pour faire végéter les plantes, & que les plantes prennent racine, croissent & produisent des semences pour nourrir des animaux; comme nous savons d'ailleurs que la nature est uniforme & constante dans ses procédés, que les mêmes choses servent aux mêmes fins: pourquoi ne conclurions-nous donc pas qu'il y a des plantes & des animaux dans la lune? A quoi bon sans cela cet appareil de provisions qui paroît si bien leur être destiné? Ces preuves recevront une nouvelle force, quand nous ferons voir que notre terre est elle - même une planete, & que si on la voyoit des autres planetes, elle paroîtroit dans l'une semblable à la lune, dans d'autres à Vénus, dans d'autres à Jupiter, &c. En effet, cette ressemblance, soit optique, soit physique, entre les différentes planetes, fournit une présomption bien forte qu'il s'y trouve les mêmes choses. Voyez Terre & Planete.

Moyen de mesurer la hauteur des montagnes de la lune. Soit E D, fig. 19. le diametre de la lune, E C D le terme de la lumiere & de l'ombre, & A le sommet d'une montagne situé dans la partie obscure, lequel commence à être éclairé; observez avec un télescope le rapport que A E, c'est à - dire la distance du point A à la ligne où la lumiere commence, aura avec le diametre E D, & vous aurez par - là deux côtés d'un triangle rectangle, savoir A E, C E, dont les quarrés étant ajoutés ensemble, donneront le quarré du 3e, voyez Hypothénuse; vous soustrairez de ce 3e côté le rayon C E, & il restera A B hauteur de la montagne. Riccioli a distingué les différentes parties de la lune par les noms des plus célebres savans, & c'est par ces noms qu'on les marque toujours dans les observations des éclipses de lune, &c. Voyez en la figure, Pl. astron. fig. 20.

Parmi les autres observateurs qui ont tâché de représenter la figure de la lune, telle qu'on l'apperçoit avec des lunettes ordinaires, on compte principalement Langrenus, Hevelius & Grimaldi. Ils ont surtout représenté dans leur sénélographie, ou description de la lune, les plus belles taches. Hevelius qui appréhendoit les guerres civiles qui se seroient élevées entre les Philosophes modernes, si on donnoit leurs noms aux taches de la lune, au lieu de leur distribuer tout ce domaine, comme il se l'étoit proposé, jugea à propos d'y appliquer des noms de notre Géographie. Il est vrai que ces taches ne ressemblent guere, tant par rapport à leurs situations qu'à leurs figures, aux mers & aux continens de notre terre, dont ils portent le nom; cependant on a recommandé jusqu'ici aux Astronomes, ces noms géographiques, qui ne sauroient leur devenir trop familiers, principalement à ceux qui veulent étudier dans Ptolomée la Géographie ancienne.

M. le Monnier prétend que de toutes les figures de la lune qui ont été publiées jusqu'ici, celles qui ont été gravées en 1635 par le fameux D. Mellan, par ordre de Peirese, sur les observations de Gassendi, & qui consiste en trois phases (dont l'une représente la pleine lune, & les deux autres le premier quartier & le décours), sont sans contredit les meilleures & les plus ressemblantes. Quoiqu'il n'y ait pas plus de vingt ans qu'elles sont devenues plubliques, ces mêmes phases sont néanmoins des plus anciennes, puisqu'elles ont précédé celles d'Hevelius & de Riccioli, qui sont celles qu'on a le plus imitées, & dont les Astronomes ont le plus fait d'usage jusqu'à ce jour.

M. le Monnier a donné dans ses institutions astronomiques, pag. 140, trois différentes figures ou phases de la lune. La premiere est celle qu'Hevelius a publiée en 1645, avec les termes de la plus grande & de la plus petite libration; la seconde a été publiée pour la premiere fois dans les mém. de l'académie royale des Sciences, pour l'année 1692; les termes de la plus grande & de la plus petite libra<pb->

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.