ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"823"> Vitruve nous assûre que la chaux faite avec des cailloux qui se rencontrent sur les montagnes, dans les rivieres, les torrens & ravins, est très - propre à la maçonnerie; & que celle qui est faite avec des pierres spongieuses & dures, & que l'on trouve dans les campagnes, sont meilleures pour les enduits & crépis. Le même auteur ajoute que plus une pierre est poreuse, plus la chaux qui en est faite est tendre; plus elle est humide, plus la chaux est tenace; plus elle est terreuse, plus la chaux est dure; & plus elle a de feu, plus la chaux est fragile.

Philibert Delorme conseille de faire la chaux avec les mêmes pierres avec lequelles on bâtit, parce que, dit - il, les sels volatils dont la chaux est dépourvue après sa cuisson, lui sont plus facilement rendus par des pierres qui en contiennent de semblables.

De la maniere à faire cuire la chaux. On se sert pour cuire la chaux de bois ou de charbon de terre, mais ce dernier est préférable, & vaut beaucoup mieux; parce que non - seulement il rend la chaux beaucoup plus grasse & plus onctueuse, mais elle est bien plutôt cuite. La meilleure chaux, selon cet auteur, est blanche, grasse, sonore, point éventée; en la mouillant, rend une fumée abondante; & lorsqu'on la détrempe, elle se lie fortement au rabot, fig. 117. On peut encore juger de sa bonté après la cuisson, si en mêlant un peu de pulvérisé avec de l'eau que l'on bat un certain tems, on s'apperçoit qu'elle s'unit comme de la colle.

Il est bon de savoir que plus la chaux est vive, plus elle foisonne en l'éteignant, plus elle est grasse & onctueuse, & plus elle porte de sable.

Si la qualité de la pierre peut contribuer beaucoup à la bonté de la chaux, aussi la maniere de l'éteindre avant que de l'unir avec le sable ou le ciment, peut réparer les vices de la pierre, qui ne se rencontre pas également bonne par - tout où l'on veut bâtir.

De la maniere d'éteindre la chaux. L'usage ordinaire d'éteindre la chaux en France, est d'avoir deux bassins A & B, fig. 30 & 31. L'un A tout - à - fait hors de terre, & à environ deux piés & demi d'élévation, est destiné à éteindre la chaux: l'autre B creusé dans la terre à environ six piés plus ou moins de profondeur, est destiné à la recevoir lorsqu'elle est éteinte. Le premier sert à retenir les corps étrangers, qui auroient pû se recontrer dans la chaux vive, & à ne laisser passer dans le second que ce qui doit y être reçu. Pour cet effet, on a soin de pratiquer non - seulement dans le passage C qui communique de l'un à l'autre, une grille pour retenir toutes les parties grossieres, mais encore de tenir le fond de ce bassin plus élevé du côté du passage C; afin que ces corps étrangers demeurent dans l'endroit le plus bas, & ne puissent couler dans le second bassin. Ces précautions une fois prises, on nettoyera bien le premier qu'on fermera hermétiquement dans sa circonférence, & que l'on emplira d'eau & de chaux en même tems. Il faut prendre garde de mettre trop ou trop peu d'eau; car le trop la noye & en diminue la force, & le trop peu la brûle, dissout ses parties & la réduit en cendre: ceci fait, on la tourmentera à force de bras avec le rabot (fig. 117.) pendant quelque tems, & à diverses reprises; après quoi on la laissera couler d'elle - même dans le second bassin, en ouvrant la communication C de l'un à l'autre, & la tourmentant toujours jusqu'à ce que le bassin A soit vuidé. Ensuite on refermera le passage C, & on recommencera l'opération jusqu'à ce que le second bassin soit plein.

La chaux ainsi éteinte, on la laissera refroidir quelques jours, après lesquels on pourra l'employer. Quelques - uns prétendent que c'est - là le moment de l'employer, parce que ses sels n'ayant pas eu le tems de s'évaporer, elle en est par conséquent meilleure.

Mais si on vouloit la conserver, il faudroit avoir soin de la couvrir de bon sable, d'environ un pié ou deux d'épaisseur. Alors elle pourroit se garder deux ou trois ans sans perdre sa qualité.

Il arrive quelquefois que l'on trouve dans la chaux éteinte des parties dures & pierreuses, qu'on appelle biscuits ou recuits, qui ne sont d'aucun usage, & qui pour cela sont mis à part pour en tenir compte au marchand. Ces biscuits ne sont autre chose que des pierres qui ont été mal cuites, le feu n'ayant pas été entretenu également dans le fourneau; c'est pour cela que Vitruve & Palladio prétendent que la chaux qui a demeuré deux ou trois ans dans le bassin, est beaucoup meilleure; & leur raison est que s'il se rencontre des morceaux qui ayent été moins cuits que les autres, ils ont eu le tems de s'éteindre & de se détremper comme les autres. Mais Palladio en excepte celle de Padoue, qu'il faut, dit - il, employer aussi - tôt après sa fusion: car si on la garde, elle se brûle & se consomme de maniere qu'elle devient entierement inutile.

La maniere que les anciens pratiquoient pour éteindre la chaux, étoit de faire usage seulement d'un bassin creusé dans la terre, comme seroit celui B de la figure 30, qu'ils remplissoient de chaux, & qu'ils couvroient ensuite de sable, jusqu'à deux piés d'épaisseur: ils l'aspergeoient ensuite d'eau, & l'entretenoient toujours abreuvée, de maniere que la chaux qui étoit dessous pouvoit se dissoudre sans se brûler; ce qui auroit très - bien pû arriver, sans cette précaution. La chaux ainsi éteinte, ils la laissoient, comme nous l'avons dit, deux ou trois ans dans la terre, avant que de l'employer; & au bout de ce tems cette matiere devenoit très - blanche, & se convertissoit en une masse à - peu - près comme de la glaise, mais si grasse & si glutineuse, qu'on n'en pouvoit tirer le rabot qu'avec beaucoup de peine, & faisoit un mortier d'un excellent usage pour les enduits ou pour les ouvrages en stucs. Si pendant l'espace de ce tems on s'appercevoit que le sable se fendoit dans sa superficie, & ouvroit un passage à la fumée, on avoit soin aussi - tôt de refermer les fentes avec d'autre sable.

Les endroits qui fournissent le plus communément de la chaux à Paris & aux environs, sont Boulogne, Senlis, Corbeil, Melun, la Chaussée près Marly, & quelques autres. Celle de Boulogne qui est faite d'une pierre un peu jaunâtre, est excellente & la meilleure. On employe à Mets & aux environs une chaux excellente qui ne se fuse point. Des gens qui n'en connoissoient pas la qualité, s'aviserent d'en fuser dans des trous bien couverts de sable. L'année suivante, ils la trouverent si dure, qu'il fallut la casser avec des coins de fer, & l'employer comme du moilon. Pour bien éteindre cette chaux, dit M. Belidor, il la faut couvrir de tout le sable qui doit entrer dans le mortier, l'asperger ensuite d'eau à différente reprise. Cette chaux s'éteint ainsi sans qu'il sorte de fumée au dehors, & fait de si bon mortier, que dans ce pays - là toutes les caves en sont faites sans aucun autre mélange que de gros gravier de riviere, & se change en un mastic si dur, que lorsqu'il a fait corps, les meilleurs outils ne peuvent l'entamer.

Comme il n'est point douteux que ce ne peut être que l'abondance des sels que contiennent de certaines pierres, qui les rendent plus propres que d'autres à faire de bonne chaux; il est donc possible par ce moyen d'en faire d'excellente dans les pays où elle a coutume d'être mauvaise, comme on le va voir. [p. 824]

Il faut d'abord commencer, comme nous l'avons dit ci - dessus, par avoir deux bassins A & B, fig. 31; l'un A plus élevé que l'autre, mais tous deux bien pavés, & revêtus de maçonnerie bien enduite dans leur circontérence. On remplira ensuite le bassin supérieur A de chaux que l'on éteindra, & que l'on fera couler dans l'autre B comme à l'ordinaire. Lorsque tout y sera passé, on jettera dessus autant d'eau qu'on en a employé pour l'éteindre, qu'on broyera bien avec le rabot, & qu'on laissera ensuite reposer pendant vingt quatre heures, ce qui lui donnera le tems de se rasseoir, après lequel on la trouvera couverte d'une quantité d'eau verdâtre qui contiendra presque tous ses sels, & qu'on aura soin de mettre dans des tonneaux; puis on ôtera la chaux qui se trouvera au fond du bassin B, & qui ne sera plus bonne à rien: ensuite on éteindra de la nouvelle chaux dans le bassin supérieur A, & au lieu de se servir d'eau ordinaire, on prendra celle que l'on avoit versée dans les tonneaux, & on fera couler à l'ordinaire la chaux dans l'autre bassin B. Cette préparation la rend sans doute beaucoup meilleure, puisqu'elle contient alors deux fois plus de sel qu'auparavant. S'il s'agissoit d'un ouvrage de quelqu'importance fait dans l'eau, on pourroit la rendre encore meilleure, en recommençant l'opération une seconde fois, & une troisieme s'il étoit nécessaire. Mais la chaux qui resteroit dans le bassin B cette seconde & cette troisieme fois, ne seroit pas si dépourvue de sels, qu'elle ne pût encore servir dans les fondations, dans le massif des gros murs, ou à quelqu'autre ouvrage de peu d'importance. A la vérité il en coûtera pour cela beaucoup plus de tems & de peine; mais il ne doit point être question d'économie lorsqu'il s'agit de certains ouvrages qui ont besoin d'être faits avec beaucoup de précaution. Ainsi, comme dit M. Belidor, faut - il que parce que l'on est dans un pays où les matériaux sont mauvais, on ne puisse jamais faire de bonne maçonnerie, puisque l'art peut corriger la nature par une infinité de moyens?

Il faut encore remarquer que toutes les eaux ne sont pas propres à éteindre la chaux; celles de riviere & de source sont les plus convenables: celle de puits peut cependant être d'un bon usage, mais il ne faut pas s'en servir sans l'avoir laissé séjourner pendant quelque tems à l'air, pour lui ôter sa premiere fraîcheur qui ne manqueroit pas sans cela de resserrer les pores de la chaux, & de lui ôter son activité. Il faut sur - tout éviter de se servir d'eau bourbeuse & croupie, étant composée d'une infinité de corps étrangers capables de diminuer beaucoup les qualités de la chaux. Quelques uns prétendent que l'eau de la mer n'est pas propre à éteindre la chaux, ou l'est très - peu, parce qu'étant salée, le mortier fait de cette chaux seroit difficile à sécher. D'autres au contraire prétendent qu'elle contribue à faire de bonne chaux, pourvû que cette derniere soit forte & grasse, parce que les sels dont elle est composée, quoique de différente nature, concourent à la coagulation du mortier; au lieu qu'étant foible, ses sels détruisent ceux de la chaux comme leur étant inférieurs.

De la chaux selon ses façons. On appelle chaux vive celle qui bout dans le bassin lorsqu'on la détrempe.

Chaux éteinte ou fusée, celle qui est détrempée, & que l'on conserve dans le bassin. On appelle encore chaux fusée, celle qui n'ayant point été éteinte, est restée trop long - tems exposée à l'air, & dont les sels & les esprits se sont évaporés, & qui par conséquent n'est plus d'aucun usage.

Lait de chaux, ou laitance, celle qui a été détrempée claire, qui ressemble à du lait, & qui sert à blanchir les murs & plafonds.

La chaux se vend à Paris, au muid contenant douze septiers, le septier deux mines, & la mine deux minots, dont chacun contient un pié cube. On la mesure encore par futailles, dont chacune contient quatre piés cubes: il en faut douze pour un muid, dont six sont mesurés combles, & les autres rases.

Du sable. Le sable, du latin sabulum, est une matiere qui differe des pierres & des cailloux; c'est une espece de gravier de différente grosseur, âpre, raboteux & sonore. Il est encore diafane ou opaque, selon ses différentes qualités, les sels dont il est formé, & les différens terreins où il se trouve: il y en a de quatre especes; celui de terrein ou de cave, celui de riviere, celui de ravin, & celui de mer. Le sable de cave est ainsi appellé, parce qu'il se tire de la fouille des terres, lorsque l'on construit des fondations de bâtiment. Sa couleur est d'un brun noir. Jean Martin, dans sa traduction de Vitruve, l'appelle sable de fossé. Philibert de Lorme l'appelle sable de terrain. Perault n'a point voulu lui donner ce nom, de peur qu'on ne l'eût confondu avec terreux, qui est le plus mauvais dont on puisse jamais se servir. Les ouvriers l'appellent sable de cave, qui est l'arena di cava des Italiens. Ce sable est très bon lorsqu'il a été séché quelque tems à l'air. Vitruve prétend qu'il est meilleur pour les enduits & crépis des murailles & des plafonds, lorsqu'on l'emploie nouvellement tiré de la terre; car si on le garde, le soleil & la lune l'alterent, la pluie le dissout, & le convertit en terre. Il ajoute encore qu'il vaut beaucoup mieux pour la maçonnerie que pour les enduits, parce qu'il est si gras & se seche si promptement, que le mortier se gerse; c'est pourquoi, dit Palladio, on l'emploie préférablement dans les murs & les voutes continues.

Ce sable se divise en deux especes; l'une que l'on nomme sable mâle, & l'autre sable femelle. Le premier est d'une couleur foncée & égale dans son même lit; l'autre est plus pâle & inégale.

Le sable de riviere est jaune, rouge, ou blanc, & se tire du fond des rivieres ou des fleuves, avec des dragues, fig. 119. faites pour cet usage; ce qu'on appelle draguer. Celui qui est près du rivage est plus aisé à tirer; mais n'est pas le meilleur, étant sujet à être mêlé & couvert de vase, espece de limon qui s'attache dessus dans le tems des grandes eaux & des débordemens. Alberti & Scamozzi prétendent qu'il est très - bon lorsque l'on a ôté cette superficie, qui n'est qu'une croute de mauvaise terre. Ce sable est le plus estimé pour faire de bon mortier, ayant été battu par l'eau, & se trouvant parlà dégorgé de toutes les parties terrestres dont il tire son origine: il est facile de comprendre que plus il est graveleux, pourvû qu'il ne le soit pas trop, plus il est propre par ses cavités & la vertu de la chaux à s'agraffer dans la pierre, ou au moilon à qui le mortier sert de liaison. Mais si au contraire, on ne choisit pas un sable dépouillé de toutes ses parties terreuses, qu'il soit plus doux & plus humide, il est capable par - là de diminuer & d'émousser les esprits de la chaux, & empêcher le mortier fait de ce sable de s'incorporer aux pierres qu'il doit unir ensemble, & rendre indissolubles.

Le sable de riviere est un gravier, qui selon Scammozzi & Alberti, n'a que le dessus de bon, le dessous étant des petits cailloux trop gros pour pouvoir s'incorporer avec la chaux & faire une bonne liaison. Cependant on ne laisse pas que de s'en servir dans la construction des fondemens, gros murs, &c. après avoir été passé à la claye. (m)

Le sable de mer, est une espece de sablon fin, que l'on prend sur les bords de la mer & aux envi<->

(m) Une claie est une espece de grille d'osier, qui sert à tamiser le sable.

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