ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"821"> que, disoit - il, elles se fendent & se détrempent lorsqu'elles sont mouillées à la pluie.

La terrequi est rougeâtre est beaucoup moins estimée pour cet usage, les briques qui en sont faites étant plus sujettes à se feuilleter & à se réduire en poudre à la gelée.

Vitruve prétend qu'il y a trois sortes de terre propres à faire de la brique; la premiere, qui est aussi blanche que de la craie; la seconde, qui est rouge; & la troisieme, qu'il appelle sablon mâle. Au rapport de Pérault, les interpretes de Vitruve n'ont jamais pu décider quel étoit ce sablon mâle dont il parle, & que Pline prétend avoir été employé de son tems pour faire de la brique. Philander pense que c'est une terre solide & sablonneuse; Barbaro dit que c'est un sable de riviere gras que l'on trouve en pelotons, comme l'encens mâle: & Baldus rapporte qu'il a été appellé mâle, parce qu'il étoit moins aride que l'autre sable. Au reste, sans prendre garde scrupuleusement à la couleur, on reconnoîtra qu'une terre est propre à faire de bonnes briques, si après une petite pluie on s'apperçoit qu'en marchant dessus elle s'attache aux piés & s'y amasse en grande quantité, sans pouvoir la détacher facilement, ou si en la paitrissant dans les mains on ne peut la diviser sans peine.

De la maniere de faire la brique. Après avoir choisi un espace de terre convenable, & l'ayant reconnu également bonne par - tout, il faut l'amasser par monceaux & l'exposer à la gelée à plusieurs reprises, ensuite la corroyer avec la houe (fig. 118.) ou le rabot (fig. 117.), & la laisser reposer alternativement jusqu'à quatre ou cinq fois. L'hiver est d'autant plus propre pour cette préparation, que la gelée contribue beaucoup à la bien corroyer.

On y mêle quelquefois de la bourre & du poil de boeuf pour la mieux lier, ainsi que du sablon pour la rendre plus dure & plus capable de resister au fardeau lorsqu'elle est cuite. Cette pâte faite, on la jette par motte dans des moules faits de cadres de bois de la même dimension qu'on veut donner à la brique; & lorsqu'elle est à demi seche, on lui donne avec le couteau la forme que l'on juge à propos.

Le tems le plus propre à la faire sécher, selon Vitruve, est le printems & l'automne, ne pouvant sécher en hiver, & la grande chaleur de l'êté la séchant trop promprement à l'extérieur, ce qui la fait fendre, tandis que l'intérieur reste humide. Il est aussi nécessaire, selon lui, en parlant des briques crues, de les laisser sécher pendant deux ans, parce qu'étant employés nouvellement faites, elles se resserent & se séparent à mesure qu'elles se sechent: d'ailleurs l'enduit qui les retient ne pouvant plus se soutenir, se détache & tombe; & la muraille s'affaissant de part & d'autre inégalement, fait périr l'édifice.

Le même auteur rapporte encore que de son tems dans la ville d'Utique il n'étoit pas permis de se servir de brique pour bâtir qu'elle n'eût été visitée par le magistrat, & qu'on eût été sûr qu'elle avoit séché pendant cinq ans. On se sert encore maintenant de briques crues, mais ce n'est que pour les fours à chaux (fig. 29.), à tuile ou à brique (fig. 27.).

La meilleure brique est celle qui est d'un rouge pâle tirant sur le jaune, d'un grain serré & compacte, & qui lorsqu'on la frappe rend un son clair & net. Il arrive quelquefois que les briques faites de même terre & préparées de même, sont plus ou moins rouges les unes que les autres, lorsqu'elles sont cuites, & par conséquent de différente qualité: ce qui vient des endroits où elles ont été placées dans le four, & où le feu a eu plus ou moins de force pour les cuire. Mais la preuve la plus certaine pour connoître la meilleure, sur - tout pour des édifices de quelque importance, est de l'exposer à l'humidité & à la gelée pendant l'hiver, parce que celles qui y auront résisté sans se feuilleter, & auxquelles il ne sera arrivé aucun inconvénient considérable, pourront être mises en oeuvre en toute sûreté.

Autrefois on se servoit à Rome de trois sortes de briques; la premiere qu'on appelloit didodoron, qui avoit deux palmes en quarré; la seconde, tetradoron, qui en avoit quatre; & la troisieme, pentadoron, qui en avoit cinq: ces deux dernieres manieres ont été long tems employées par les Grecs. On faisoit encore à Rome des demi - briques & des quarts de briques, pour placer dans les angles des murs & les achever. La brique que l'on faisoit autrefois, au rapport de Vitruve, à Calente en Espagne, à Marseille en France, & à Pitence en Asie, nageoit sur l'eau comme la pierre - ponce, parce que la terre dont on la faisoit étoit très - spongieuse, & que ses pores externes étoient tellement serrés lorsqu'elle étoit seche, que l'eau n'y pouvoit entrer, & par conséquent la faisoit surnager. La grandeur des briques dont on se sert à Paris & aux environs, est ordinairement de huit pouces de longueur, sur quatre de largeur & deux d'épaisseur, & se ven d depuis 30 jusqu'à 40 livres le millier.

Il faut éviter de les faire d'une grandeur & d'une épaisseur trop considérable, à moins qu'on ne leur donne pour sécher un tems proportionné à leur grosseur; parce que sans cela la chaleur du feu s'y communique inégalement, & le coeur étant moins atteint que la superficie, elles se gersent & se fendent en cuisant.

La tuile pour les couvertures des bâtimens, le carreau pour le sol des appartemens, les tuyaux de grais pour la conduite des eaux, les boisseaux pour les chausses d'aisance, & généralement toutes les autres poteries de cette espece, se font avec la même terre, se préparent & se cuisent exactement de la même maniere. Ainsi ce que nous avons dit de la brique, peut nous instruire pour tout ce que l'on peut faire en pareille terre.

Du plâtre en général. Le plâtre du grec PLATHS2 propre à être formé, est d'une propriété tres - importante dans le bâtiment. Sa cuisson fait sa vertu principale. C'est sans doute par le feu qu'il acquiert la qualité qu'il a, non - seulement de s'attacher lui même, mais encore d'attacher ensemble les corps solides. Comme la plus essentielle est la promptitude de son action, & qu'il se suffit à lui - même pour faire un corps solide, lorsqu'il a reçu toutes les préparations dont il a besoin, il n'y a point de matiere dont on puisse se servir avec plus d'utilité dans la construction.

De la pierre propre à faire le plâtre. La pierre propre à faire du plâtre se trouve dans le sein de la terre, comme les autres pierres. On n'en trouve des carrieres qu'aux environs de Paris, comme à Montmartre, Belleville, Meudon, & quelques autres endroits. Il y en a de deux especes: l'une dure, & l'autre tendre. La premiere est blanche & remplie de petits grains luisans: la seconde est grisâtre, & sert, comme nous l'avons dit ci - devant, à la construction des bicoques & murs de clôtures dans les campagnes. L'une & l'autre se calcinent au feu, se blanchissent & se réduitent en poudre apres la cuisson. Mais les ouvriers préferent la derniere, étant moins dure à cuir.

De la maniere de faire cuir le plâtre. La maniere de faire cuir le plâtre consiste à donner un degré de chaleur capable de dessecher peu - à - peu l'humidité qu'il renferme, de faire évaporer les parties qui le lient, & de disposer aussi le feu de maniere que la chaleur agisse toujours également sur lui. Il faut encore arranger dans le four les pierres qui doivent être calcinées, ensorte qu'elles soient toutes égale<pb-> [p. 822] ment embrasées par le feu, & prendre garde que le plâtre ne soit trop cuit; car alors il devient aride & sans liaison, & perd la qualité que les ouvriers appellent l'amour du plâtre; la même chose peut arriver encore à celui qui auroit conservé trop d'humidité, pour s'être trouvé pendant la cuisson à une des extrémités du four.

Le plâtre bien cuit se connoît lorsqu'en le maniant on sent une espece d'onctuosité ou graisse, qui s'attache aux doigts; ce qui fait qu'en l'employant il prend promptement, se durcit de même, & fait une bonne liaison; ce qui n'arrive point lorsqu'il a été mal cuit.

Il doit être employé le plutôt qu'il est possible, en sortant du four, si cela se peut: car étant cuit, il devient une espece de chaux, dont les esprits ne peuvent jamais être trop - tôt fixés: du - moins si on ne peut l'employer sur le champ, faut - il le tenir à couvert dans des lieux secs & à l'abri du soleil; car l'humidité en diminue la force, l'air dissipe ses esprits & l'évente, & le soleil l'échauffe & le fait fermenter: ressemblant en quelque sorte, suivant M. Belidor, à une liqueur exquise qui n'a de saveur qu'autant qu'on a eu soin d'empêcher ses esprits de s'évaporer. Cependant lorsque dans un pays où il est cher, on est obligé de le conserver, il faut alors avoir soin de le serrer dans des tonneaux bien fermés de toute part, le placer dans un lieu bien sec, & le garder le moins de tems qu'il est possible.

Si l'on avoit quelque ouvrage de conséquence à faire, & qu'il fallût pour cela du plâtre cuit à propos, il faudroit alors envoyer à la carriere, prendre celui qui se trouve au milieu du four, étant ordinairement plutôt cuit que celui des extrémités. Je dis au milieu du four, parce que les ouvriers ont bien soin de ne jamais le laisser trop cuire, étant de leur intérêt de consommer moins de bois. Sans cette précaution, on est sûr d'avoir toujours de mauvais plâtre: car, après la cuisson, ils le mêlent tout ensemble; & quand il est en poudre, celui des extrémités du four & celui du milieu sont confondus. Ce dernier qui eût été excellent, s'il avoit été employé à part, est altéré par le mélange que l'on en fait, & ne vaut pas à beaucoup près ce qu'il valoit auparavant.

Il faut aussi éviter soigneusement de l'employer pendant l'hiver ou à la fin de l'automne, parce que le froid glaçant l'humidité de l'eau avec laquelle il a été gaché (e), & l'esprit du plâtre étant amorti, il ne peut plus faire corps; & les ouvrages qui en sont faits tombent par éclats, & ne peuvent durer long - tems.

Le plâtre cuit se vend 10 à 11 livres le muid, contenant 36 sacs, ou 72 boisseaux, mesure de Paris, qui valent 24 piés cubes.

Du plâtre selon ses qualités. On appelle plâtre cru la pierre propre à faire le plâtre, qui n'a pas encore été cuite au four, & qui sert quelquefois de moilons après l'avoir exposé long - tems à l'air.

Plâtre blanc, celui qui a été rablé, c'est à - dire dont on a ôté tout le charbon provenant de la cuisson; précaution qu'il faut prendre pour les ouvrages de sujétion.

Plâtre gris, celui qui n'a pas été rablé, étant destiné pour les gros ouvrages de maçonnerie.

Plâtre gras, celui qui, comme nous l'avons dit, étant cuit à - propos, est doux & facile à employer.

Plâtre vert, celui qui ayant été mal cuit, se dissout en l'employant, ne fait pas corps, & est sujet à se gerser, à se fendre & à tomber par morceau à la moindre gelée.

Plâtre mouillé, celui qui ayant été exposé à l'humidité ou à la pluie, a perdu par - là la plus grande

(e) Gâcher du plâtre, c'est se mêler avec de l'eau.
partie de ses esprits, & est de nulle valeur.

Plâtre éventé, celui qui ayant été exposé trop long - tems à l'air, après avoir été pulvérisé, a de la peine à prendre, & fait infailliblement une mauvaise construction.

Du plâtre selon ses façons. On appelle gros plâtre celui qui ayant été concassé grossierement à la carriere, est destiné pour la construction des fondations, ou des gros murs bâtis en moilon ou libage, ou pour hourdir (f) les cloisons, bâtis de charpente, ou tout autre ouvrage de cette espece. On appelle encore de ce nom les gravois criblés ou rebattus, pour les renformis (g), hourdis ou gobetayes (h).

Plâtre au panier, celui qui est passé dans un mancquin d'osier clair (fig. 139.), & qui sert pour les crépis (i), renformis, &c.

Plâtre au sas, celui qui est fin, passé au sas (k), & qui sert pour les enduits (l) des membres d'architecture & de seulpture.

Toutes ces manieres d'employer le plâtre exigent aussi de le gacher serré, clair ou liquide.

On appelle plâtre gaché - serré celui est le moins abreuvé d'eau, & qui sert pour les gres ouvrages, comme enduits, scellement, &c.

Plâtre gaché clair, celui qui est un peu plus abreuvé d'eau, & qui sert à trainer au calibre des membres d'architecture, comme des chambranles, corniches, cimaises, &c.

Plâtre gaché liquide, celui qui est le plus abreuvé d'eau, & qui sert pour couler, caller, ficher & jointoyer les pierres, ainsi que pour les enduits des cloisons, plafonds, &c.

De la chaux en général. La chaux, du latin calx, est une pierre caleinéc, & cuite au four qui se détrempe avec de l'eau, comme le plâtre: mais qui ne pouvant agir seule comme lui pour lier les pierres ensemble, a besoin d'autres agens, tel que le sable, le ciment ou la pozolanne, pour la faire valoir. Si l'on piloit, dit Vitruve, des pierres avant que de les cuir, on ne pourroit en rien faire de bon: mais fi on les cuit assez pour leur faire perdre leur premiere solidité & l'humidité qu'elles contiennent naturellement, elles deviennent poreuses & remplies d'une chaleur intérieure, qui fait qu'en les plongeant dans l'eau avant que cette chaleur soit dissipée, elles acquierent une nouvelle force, & s'échauffent par l'humidité qui, en les refroidissant, pousse la chaleur au - dehors. C'est ce qui fait que quoique de même grosseur, elles pesent un tiers de moins après la cuisson.

De la pierre propre à faire de la chaux. Toutes les pierres sur lesquelles l'eau - forte agit & bouillonne, sont propres à faire de la chaux; mais les plus dures & les plus pesantes sont les meilleures. Le marbre même, lorsqu'on se trouve dans un pays où il est commun, est préférable à toute autre espece de pierre. Les coquilles d'huitres sont encore très - propres pour cet usage: mais en général celle qui est tirée fraîchement d'une carriere humide & à l'ombre, est très bonne. Palladio rapporte que, dans les montagnes de Padoue, il se trouve une espece de pierre écaillée, dont la chaux est excellente pour les ouvrages exposés à l'air, & ceux qui sont dans l'eau, parce qu'elle prend promptement & dure très - long - tems.

(f) Hourdir, est mâconner grossierement avec du mortier ou du plâtre; c'est aussi faire l'aire d'un plancher sur des lattes. (g) Renformis, est la réparation des vieux murs. (h) Gobeter, c'est jetter du plâtre avec la truclle, & le faire entrer avec la main dans les joints des murs. (i) Crepis, plâtre ou mortier employé avec un balai, sans passer la main ni la truelle par - dessus. (k) Sas est une espece de tamis, fig. 140. (l) Enduit, est une couche de plâtre ou de mortier sur un mur de moilon, ou sur une cloison de charpente.

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