ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"825"> tons, qui n'est pas si bon que les autres. Ce sable joint à la chaux, dit Vitruve, est très - long à sécher. Les murs qui en sont faits ne peuvent pas soutenir un grand poids, à moins qu'on ne les bâtisse à différente reprise. Il ne peut encore servir pour les enduits & crépis, parce qu'il suinte toujours par le sel qui se dissout, & qui fait tout fondre. Alberti prétend qu'au pays de Salerne, le sable du rivage de la met est aussi bon que celui de cave, pourvû qu'il ne soit point pris du côté du midi. On trouve encore, dit M. Bélidor, une espece de sablon excellent dans les marais, qui se connoit lorsqu'en marchant dessus, on s'apperçoit qu'il en sort de l'eau; ce qui lui a fait donner le nom de sable bouillant.

En général, le meilleur sable est celui qui est net, & point terreux; ce qui se connoit de plusieurs manieres. La premiere, lorsqu'en le frottant dans les mains, on sent une rudesse qui fait du bruit, & qu'il n'en reste aucune partie terreuse dans les doigts. La seconde lorsqu'après en avoir jetté un peu dans un vase plein d'eau claire & l'avoir brouillé; si l'eau en est peu troublée, c'est une marque de sa bonté. On le connoit encore, lorsqu'apres en avoir étendu sur de l'étosse blanche, ou sur du linge, on s'apperçoit qu'après l'avoir secoué, il ne reste aucune partie terreuse attachée dessus.

Du ciment. Le ciment n'est autre chose, dit Vitruve, que de la brique ou de la tuile concassée; mais cette derniere est plus dure & préférable. A son défaut, on se sert de la premiere, qui étant moins cuite, plus tendre & plus terreuse, est beaucoup moins capable de résister au fardeau.

Le ciment ayant retenu après sa cuisson la causticité des sels de la glaise, dont il tire son origine, est bien plus propre à faire de bon mortier, que le sable. Sa dureté le rend aussi capable de résister aux plus grands sardeaux, ayant reçu différentes formes par sa pulvérisation. La multiplicité de ses angles fait qu'il peut mieux s'encastrer dans les inégalités des pierres qu'il doit lier, étant joint avec la chaux dont il soatient l'action par ses sels, & qui l'ayant environné, lui communique les siens; de façon que les uns & les autres s'animant par leur onctuosité mutuelle, s'insinuent dans les pores de la pierre, & s'y incorporent si intimement, qu'ils cooperent de concert à recueillir, & à exciter les sels des différens minéraux auxquels ils sont joints: de maniere qu'un mortier fait de l'un & de l'autre est capable, même dans l'eau, de rendre la construction immuable.

De la pozzolane, & des différentes poudres qui servent aux mêmes usages. La pozzolane, qui tire son nom de la ville de Pouzzole, en Italie, si fameuse par ses grottes & ses eaux minerales, se trouve dans le territoire de cette ville. au pays de Baye, & aux environs du Mont - Vésuve; c'est une espece de poudre rougeâtre, admirable par sa vertu. Lorsqu'on la mêle avec la chaux, elle joint si fortement les pierres ensemble, fait corps, & s'endurcit tellement au fond même de la mer, qu'il est impossible de les désunir. Ceux qui en ont cherché la raison, dit Vitruve, ont remarqué que dans ces montagnes & dans tous ces environs; il s'y trouve une quantité de fontaiues bouillantes, qu'on a cru ne pouvoir venir que d'un feu souterrain, de soufre, de bitume & d'alun, & que la vapeur de ce feu traversant les veines de la terre, la rend non - seulement plus légere, mais encore lui donne une aridité capable d'attirer l'humidité. C'est pourquoi, lorsque l'on joint par le moyen de l'eau, ces trois choses qui sont engendrées par le feu, elles s'endurcissent si promptement & font un corps si ferme, que rien ne peut le rompre, ni dissoudre.

La comparaison qu'en donne M. Bélidor, est que la tuile étant une composition de terre, qui n'a de vertu pour agir avec la chaux, qu'après sa cuisson & apres avoir été concassée & reduise en poudre: de même aussi la terre bitumineuse qui se trouve aux environs de Naples, étant brûlée par les feux souterrains, les petites parties qui en résultent & que l'on peut considérer comme une cendre, composent la poudre de pozzolane, qui doit par conséquent participer des propriétés du ciment. D'ailleurs la nature du terrein & les effets du feu peuvent y avoir aussi beaucoup de part.

Vitruve remarque que dans la Toscane & sur le territoire du Mont Appenin, il n'y a presque point de sable de cave; qu'en Achaie vers la mer Adriatique, il ne s'en trouve point du tout: & qu'en Asie au - delà de la mer, on n'en a jamais entendu parler. De sorte que dans les lieux où il y a de ces fontaines bouillantes, il est très - rare qu'il ne s'y fasse de cette poudre, d'une maniere ou d'une autre; car dans les endroits où il n'y a que des montagnes & des rochers, le feu ne laisse pas que de les pénétrer, d'en consumer le plus tendre, & de n'y laisser que l'âpreté. C'est pour cette raison, que la terre brûlée aux environs de Naples, se change en cette poudre. Celle de Toscane se change en une autre à - peu - près semblable, que Vitruve appelle carbunculus, & l'une & l'autre sont excellentes pour la mâçonnerie; mais la premiere est préférée pour les ouvrages qui se font dans l'eau, & l'autre plus tendre que le tuf, & plus dure que le sable ordinaire, est reservée pour les édifices hors de l'eau.

On voit aux environs de Cologne, & près du bas - Rhin, en Allemagne, une espece de poudre grise, que l'on nomme terrasse de Hollande, faite d'une terre qui se cuit comme le plâtre, que l'on écrase & que l'on réduit en poudre avec des meules de moulin. Il est assez rare qu'elle soit pure & point falsisiée; mais quand on en peut avoir, elle est excellente pour les ouvrages qui sont dans l'eau; résiste également à l'humidité, à la sécheresse, & à toutes les rigueurs des différentes saisons: elle unit si fortement les pierres ensemble, qu'on l'emploie en France & aux Pays - bas, pour la construction des édifices aquatiques, au défaut de pozzolane, par la difficulté que l'on a d'en avoir à juste prix.

On se sert encore dans le même pays au lieu de terrasse de Hollande, d'une poudre nommée cendrée de Tournay, que l'on trouve aux environs de cette ville. Cette poudre n'est autre chose qu'un composé de petites parcelles d'une pierre bleue, & très - dure, qui tombe lorsqu'on la fait cuire, & qui fait d'excellente chaux. Ces petites parcelles en tombant sous la grille du fourneau, se mêlent avec la cendre du charbon de terre, & ce mélange compose la cendrée de Tournay, que les marchands débitent telle qu'elle sort du fourneau.

On fait assez souvent usage d'une poudre artificielle, que l'on nomme ciment de fontainier ou ciment perpétuel, composé de pots & de vases de grais cassés & pillés, de morceaux de machefer provenant du charbon de terre brûlé dans les forges, aussi réduit en poudre, mêlé d'une pareille quantité de ciment, de pierre de meule de moulin & de chaux, dont on compose un mortier excellent, qui résiste parfaitement dans l'eau.

On amasse encore quelquefois des cailloux ou gallets, que l'on trouve dans les campagnes ou sur le bord des rivieres, que l'on fait rougir, & que l'on réduit ensuite en poudre; ce qui fait une espece de terrasse de Hollande, très - bonne pour la construction.

Du mortier. Le mortier, du latin mortarium, qui, selon Vitruve, signifie plutôt le bassin où on le fait, [p. 826] que le mortier même, est l'union de la chaux avec le sable, le ciment ou autres poudres; c'est de cet alliage que dépend toute la bonté de la construction. Il ne suffit pas de faire de bonne chaux, de la bien éteindre, & de la mêler avec de bon sable, il faut encore proportionner la quantité de l'un & de l'autre à leurs qualités, les bien broyer ensemble, lorsqu'on est sur le point de les employer; & s'il se peut n'y point mettre de nouvelle eau, parce qu'elle surcharge & amortit les esprits de la chaux. Perault, dans ses commentaires sur Vitruve, croit que plus la chaux a été corroyée avec le rabot, plus elle devient dure.

La principale qualité du mortier étant de lier les pierres les unes avec les autres, & de se durcir quelque tems après pour ne plus faire qu'un corps solide; cette propriété venant plutôt de la chaux que des autres matériaux, il sera bon de savoir pourquoi la pierre, qui dans le four a perdu sa dureté, la reprend étant mêlée avec l'eau & le sable.

Le sentiment des Chimistes étant que la dureté des corps vient des sels qui y sont répandus, & qui servent à lier leurs parties; de sorte que selon eux, la destruction des corps les plus durs, qui se fait à la longueur des tems, vient de la perte continuelle de leurs sels, qui s'évaporent par la transpiration, & que s'il arrive que l'on rende à un corps les sels qu'il a perdus, il reprend son ancienne dureté par la jonction de ses parties:

Lorsque le feu échauffe & brûle la pierre, il emporte avec lui la plus grande partie de ses sels volatils & sulfurés qui lioient toutes ses parties; ce qui la rend plus poreuse & plus légere. Cette chaux cuite & bien éteinte, étant mêlée avec le sable, il se fait dans ce mélange une fermentation causée par les parties salines & sulfurées qui restent encore dans la chaux, & qui faisant sortir du sable une grande quantité de sels volatils, se mêlent avec la chaux, & en remplissent les pores; & c'est la plus ou meins grande quantité des sels qui se rencontrent dans de certains sables, qui fait la différence de leurs qualités. De - là vient que plus la chaux & le sable sont broyés ensemble, plus le mortier s'endurcit quand il est employé, parce que les frottemens réitérés font sortir du sable une plus grande quantité de sels. C'est pour cela que le mortier employé aussitôt, n'est pas si bon qu'au bout de quelques jours, parce qu'il faut donner le tems aux sels volatils du sable de passer dans la chaux, afin de faire une union indissoluble; l'expérience fait encore voir que le mortier qui a demeuré longtems sans être employé, & par conséquent dont les sels se sont évaporés, se desseche, ne fait plus bonne liaison, & n'est plus qu'une matiere seche & sans onctuosité; ce qui n'arrive pas étant employé à propos, faisant sortir de la pierre d'autres sels, qui passent dans les pores de la chaux, lorsqu'elle - même s'insinue dans ceux de la pierre; car quoiqu'il semble qu'il n'y ait plus de fermentation dans le mortier lorsqu'on l'emploie, elle ne laisse pas cependant que de subsister encore fort longtems après son emploi, par l'expérience que l'on a d'en voir qui acquierent de plus en plus de la dureté par les sels volatils qui passent de la pierre dans le mortier, & par la transpiration que sa chaleur y entretient; ce que l'on remarque tous les jours dans la démolition des anciens édifices, où l'on a quelquefois moins de peine à rompre les pierres qu'à les désunir, sur - tout lorsque ce sont des pierres spongieuses, dans lesquels le mortier s'est mieux insinué.

Plusieurs pensent que la chaux a la vertu de brûler certains corps, puisqu'elle les détruit. Il faut se garder de croire que ce soit par sa chaleur: cela vient plutôt de l'évaporation des sels qui lioient leurs parties ensemble, occasionnée par la chaux, & qui sont passés en elle, & qui n'étant plus entretenus se détruisent, & causent aussi une destruction dans ces corps.

La dose du sable avec la chaux est ordinairement de moitié; mais lorsque le mortier est bon, on y peut mettre trois cinquiemes de sable sur deux de chaux, & quelquefois deux tiers de sable sur un de chaux, selon qu'elle foisonne plus ou moins; car lorsqu'elle est bien grasse & faite de bons cailloux, on y peut mettre jusqu'à trois quarts de sable sur un de chaux; mais cela est extraordinaire, car il est fort rare de trouver de la chaux qui puisse porter tant de sable. Vitruve prétend que le meilleur mortier est celui où il y a trois parties de sable de cave, ou deux de sable de riviere ou de mer, contre une de chaux, qui, ajoute - t - il, sera encore meilleur, si à ce dernier on ajoute une partie de tuileau pilé, qui n'est autre chose que du ciment.

Le mortier fait de chaux & de ciment se fait de la même maniere que le dernier; les doses sont les mêmes plus ou moins, selon que la chaux foisonne. On fait quelquefois aussi un mortier composé de ciment & de sable, à l'usage des bâtimens de quelque importance.

Le mortier fait avec de la pozzolane se fait aussi à peu - près comme celui de sable. Il est, comme nous l'avons dit ci - devant, excellent pour les édifices aquatiques.

Le mortier fait de chaux & de terrasse de Hollande se fait en choisissant d'abord de la meilleure chaux non éteinte, & autant que l'on peut en employer pendant une semaine; on en étend un pié d'épaisseur dans une espece de bassin, que l'on arrose pour l'éteindre; ensuite on le couvre d'un autre lit de terrasse de Hollande, aussi d'environ un pié d'épaisseur; cette préparation faite, on la laisse reposer pendant deux ou trois jours, afin de donner à la chaux le tems de s'éteindre, après quoi on la brouille & on la mêle bien ensemble avec des houes (fig. 118.), & des rabots (fig. 117.), & on en fait un tas qu'on laisse reposer pendant deux jours, après quoi on en remue de nouveau ce que l'on veut en employer dans l'espace d'un jour ou deux, la mouillant de tems en tems jusqu'à ce qu'on s'apperçoive que le mortier ne perd point de sa qualité.

En plusieurs provinces le mortier ordinaire se prépare ainsi, cette maniere ne pouvant que contribuer beaucoup à sa bonté.

Comme l'expérience fait voir que la pierre dure fait toujours de bonne chaux, & qu'un mortier de cette chaux mêlé avec de - la poudre provenant du charbon ou mache fer que l'on tire des forges, est une excellente liaison pour les ouvrages qui sont dans l'eau; il n'est pas étonnant que la cendrée de Tournay soit aussi excellente pour cet usage, participant en même tems de la qualité de ces deux matieres; car il n'est pas douteux que les parties de charbon qui se trouvent mêlées avec la cendrée, ne contribuent beaucoup à l'endurcir dans l'eau.

Pour faire de bon mortier avec la cendrée de Tournay, il faut d'abord bien nettoyer le fond d'un bassin B fig. 31, qu'on appelle batterie, qui doit être pavé de pierres plates & unies, & construit de la même maniere dans sa circonférence, dans lequel on jettera cette cendrée. On éteindra ensuite dans un autre bassin A, à côté de la chaux, avec une quantité d'eau suffisante pour la bien dissoudre, après quoi on la laissera couler dans le bassin B, où est la cendrée, à travers une claie C, faite de fil d'archal; tout ce qui ne pourra passer au travers de cette claie sera rebuté. Enfin on battra le tout ensemble dans cette batterie pendant dix à douze jours consécutifs, & à différente reprise, avec une damoiselle, fig. 147, espece de cylindre de bois serré par - dessous, du

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