ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"807"> du plâtre dans les ouvrages hors de terre. C'est - là, selon Vitruve, une très - bonne maniere de bâtir, parce que, selon lui, plus il y a de mortier, plus les pierres en sont abreuvées, & plus les murs sont solides quands ils sont secs. Mais il faut remarquer aussi que plus il y a de mortier, plus le bâtiment est sujet à tasser à mesure qu'il se seche; trop heureux s'il tasse également, ce qui est douteux. Cependant on ne laisse pas que de bâtir souvent de cette maniere en Italie, où la pozzolane est d'un grand secours pour cette construction.

Des murs en général. La qualité du terrein, les différens pays où l'on se trouve, les matériaux que l'on a, & d'autres circonstances que l'on ne sauroit prévoir, doivent décider de la maniere que l'on doit bâtir: celle où l'on emploie la pierre est sans doute la meilleure; mais comme il y a des endroits où elle est fort chere, d'autres où elle est très - rare, & d'autres encore où il ne s'en trouve point du tout, on est obligé alors d'employer ce que l'on trouve, en observant cependant de pratiquer dans l'épaisseur des murs, sous les retombées des voûtes, sous les poutres, dans les angles des bâtimens & dans les endroits qui ont besoin de solidité, des chaînes de pierre ou de grais si on en peut avoir, ou d'avoir recours à d'autres moyens pour donner aux murs une fermeté suffisante.

Il faut observer plusieurs choses en bâtissant: premierement, que les premieres assises au rez - de - chaussée soient en pierre dure, même jusqu'à une certaine hauteur, si l'édifice est très - élevé: secondement, que celles qui sont sur un même rang d'assises soient de même qualité, afin que le poids supérieur, chargeant également dans toute la surface, trouve aussi une résistance égale sur la partie inférieure: troisiemement, que toutes les pierres, moilons, briques & autres matériaux, soient bien unis ensemble & posés bien de niveau. Quatriemement, lorsqu'on emploie le plâtre, de laisser une distance entre les arrachemens A, fig. 16. & 17, & les chaînes des pierres B, afin de procurer à la maçonnerie le moyen de faire son effet, le plâtre étant sujet à se renfler & à pousser les premiers jours qu'il est employé; & lors du ravalement général, on remplit ces interstices. Cinquiemement enfin, lorsque l'on craint que les murs ayant beaucoup de charge, soit par leur très - grande hauteur, soit par la multiplicité des planchers, des voûtes &c. qu'ils portent, ne deviennent trop foibles & n'en affaissent la partie inférieure, de faire ce qu'on a fait au Louvre, qui est de pratiquer dans leur épaisseur (fig. 16. & 17.) des arcades ou décharges C, appuyées sur des chaînes de pierre ou jambes sous poutres B, qui en soutiennent la pesanteur. Les anciens, au lieu d'arcades, se servoient de longues pieces de bois d'olivier (fig. 17.) qu'ils posoient sur toute la longueur des murs, ce bois ayant seul la vertu de s'unir avec le mortier ou le plâtre sans se pourrir.

Des murs de face & de refend. Lorsque l'on construit des murs de face, il est beaucoup mieux de faire en sorte que toutes les assises soient d'une égale hauteur, ce qui s'appelle bâtir à assise égale; que les joints des paremens soient le plus serrés qu'il est possible. C'est à quoi les anciens apportoient beaucoup d'attention; car, comme nous l'avons vu, ils appareilloient leurs pierres & les posoient les unes sur les autres sans mortier, avec une si grande justesse, que les joints devenoient presqu'imperceptibles, & que leur propre poids suffisoit seul pour les rendre fermes. Quelques - uns croient qu'ils laissoient sur tous les paremens de leurs pierres environ un pouce de plus, qu'ils retondoient lors du ravalement total, ce qui paroît destitué de toute vraissemblance, par la description des anciens ouvrages dont l'His<cb-> toire fait mention. D'ailleurs l'appareil étant une partie très essentielle dans la construction. il est dangereux de laisser des joints trop larges, non - seulement parce qu'ils sont désagréables à la vûe, mais encore parce qu'ils contribuent beaucoup au défaut de solidité, soit parce qu'en liant des pierres tendres ensemble, il se fait d'autant plus de cellules dans leurs pores, que le mortier dont on se sert est d'une nature plus dure; soit parce que le bâtiment est sujet à tasser davantage, & par conséquent à s'ébranler; soit encore parce qu'en employant du plâtre, qui est d'une consistance beaucoup plus molle & pour cette raison plûtôt pulvérisée par le poids de l'édifice, les arrêtes des pierres s'éclatent à mesure qu'elles viennent à se toucher. C'est pour cela que dans les bâtimens de peu d'importance, où il s'agit d'aller vîte, on les calle avec des lattes D, fig. 18, entre lesquelles on fait couler du mortier, & on les jointoie, ainsi qu'on peut le remarquer dans presque tous les édifices modernes. Dans ceux qui méritent quelqu'attention, on se sert au contraire de lames de plomb E, fig. 19, ainsi qu'on l'a pratiqué au péristile du Louvre, aux châteaux de Clagny, de Maisons & autres.

Quoique l'épaisseur des murs de face doive différer selon leur hauteur, cependant on leur donne communément deux piés d'épaisseur, sur dix toises de hauteur, ayant soin de leur donner six lignes par toise de talut ou de retraite en dehors A, fig. 20, & de les faire à plomb par le dedans B. Si on observe aussi des retraites en dedans B, fig. 21, il faut faire en sorte que l'axe C D du mur se trouve dans le milieu des fondemens.

La hauteur de ces murs n'est pas la seule raison qui doit déterminer leur épaisseur; les différens poids qu'ils ont à porter doivent y entrer pour beaucoup, tels que celui des planchers, des combles, la poussée des arcades, des portes & des croisées; les scellemens des poutres, des solives, sablieres, corbeaux, &c. raison pour laquelle on doit donner des épaisseurs différentes aux murs de même espece.

Les angles d'un bâtiment doivent être non - seulement élevés en pierre dure, comme nous l'avons vû, mais aussi doivent avoir une plus grande épaisseur, à cause de la poussée des voûtes, des planchers, des croupes & des combles; irrégularité qui se corrige aisément à l'extérieur par des avant - corps qui font partie de l'ordonnance du bâtiment, & dans l'intérieur par des revétissemens de lambris.

L'épaisseur des murs de refend doit aussi différer selon la longueur & la grosseur des pieces de bois qu'ils doivent porter, sur - tout lorsqu'ils séparent des grandes pieces d'appartement, lorsqu'ils servent de cage à des escaliers, où les voûtes & le mouvement continuel des rampes exigent une épaisseur relative à leurs poussées, ou enfin lorsqu'ils contiennent dans leur épaisseur plusieurs tuyaux de cheminées qui montent de fond, seulement séparés par des languettes de trois ou quatre pouces d'épaisseur.

Tous ces murs se payent à la toise superficielle, selon leur épaisseur.

Les murs en pierre dure se payent depuis 3 liv. jusqu'à 4 liv. le pouce d'épaisseur. Lorsqu'il n'y a qu'un parement, il se paye depuis 12 liv. jusqu'à 16 livres; lorsqu'il y en a deux, le premier se paye depuis 12 jusqu'à 16 livres, & le second depuis 10 livres jusqu'à 12 livres.

Les murs en pierre tendre se payent depuis 2 liv. 10 sols jusqu'à 3 liv. 10 sols le pouce d'épaisseur. Lorsqu'il n'y a qu'un parement, il se paye depuis 3 liv. 10 sols jusqu'à 4 liv. 10 sols. Lorsqu'il y en a deux, le premier se paye depuis 3 liv. 10 sols jusqu'à [p. 808] 4 liv. 10 sols; & le second depuis 3 liv. jusqu'à 3 liv. 10 sols.

Les murs en moilon blanc se payent depuis 18 sols jusqu'à 22 sols le pouce; & chaque parement, qui est un enduit de plâtre ou de chaux, se paye depuis 1 liv. 10 sols jusqu'à 1 liv. 16 sols.

Tous ces prix different selon le lieu où l'on bâtit, selon les qualités des matériaux que l'on emploie, & selon les bonnes ou mauvaises façons des ouvrages; c'est pourquoi on fait toujours des devis & marchés avant que de mettre la main à l'oeuvre.

Des murs de terrasse. Les murs de terrasse different des précédens en ce que non - seulement ils n'ont qu'un parement, mais encore parce qu'ils sont faits pour retenir les terres contre lesquels ils sont appuyés. On en fait de deux manieres: les uns (fig. 22.) ont beaucoup d'épaisseur, & coutent beaucoup; les autres (fig. 23.), fortifiés par des éperons ou contreforts E, coutent beaucoup moins. Vitruve dit que ces murs doivent être d'autant plus solides que les terres poussent davantage dans l'hiver que dans d'autres tems; parce qu'alors elles sont humectées des pluies, des neiges & autres intempéries de cette saison: c'est pourquoi il ne se contente pas seulement de placer d'un côté des contreforts A (fig. 24. & 25.), mais il en met encore d'autres en - dedans, disposes diagonalement en forme de scie B (fig. 24.), ou en portion de cercle C (fig. 25.), étant par - là moins sujets à la poussée des terres.

Il faut observer de les élever perpendiculairement du côté des terres, & inclinés de l'autre. Si cependant on jugeoit à - propos de les faire perpendiculaires à l'extérieur, il faudroit alors leur donner plus d'épaisseur, & placer en - dedans les contreforts que l'on auroit dû mettre en - dehors.

Quelques - uns donnent à leur sommet la sixieme partie de leur hauteur, & de talut la septieme partie: d'autres ne donnent à ce talut que la huitieme partie. Vitruve dit que l'épaisseur de ces murs doit être relative à la poussée des terres, & que les contreforts que l'on y ajoute sont faits pour le fortifier & l'empêcher de se détruire; il donne à ces contreforts, pour épaisseur, pour saillie, & pour intervalle de l'un à l'autre, l'épaisseur du mur, c'est - à - dire qu'ils doivent être quarrés par leur sommet, & la distance de l'un à l'autre aussi quarrée; leur empatement, ajoute - t - il, doit avoir la hauteur du mur.

Lorsque l'on veut construire un mur de terrasse, on commence d'abord par l'élever jusqu'au rez - dechaussée, en lui donnant une épaisseur & un talut convenables à la poussée des terres qu'il doit soutenir: pendant ce tems - là, on fait plusieurs tas des terres qui doivent servir à remplir le fossé, selon leurs qualités: ensuite on en fait apporter près du mur & à quelques piés de largeur, environ un pié d'épaisseur, en commençant par celles qui ont le plus de poussée, réservant pour le haut celles qui en ont moins. Précaution qu'il faut nécessairement prendre, & sans laquelle il arriveroit que d'un côté le mur ne se trouveroit pas assez fort pour retenir la poussée des terres, tandis que de l'autre il se trouveroit plus fort qu'il ne seroit nécessaire. Ces terres ainsi apportées, on en fait un lit de même qualité que l'on pose bien de niveau, & que l'on incline du côté du terrein pour les empêcher de s'ébouler, & que l'on affermit ensuite en les battant, & les arrosant à mesure: car si on remettoit à les battre après la construction du mur, non - seulement elles en seroient moins fermes, parce qu'on ne pourroit battre que la superficie, mais encore il seroit à craindre qu'on n'ébranlât la solidité du mur. Ce lit fait, on en recommence un autre, & ainsi de suite, jusqu'à ce que l'on soit arrivé au rez - de - chaussée.

De la pierre en général. De tous les matériaux compris sous le nom de maçonnerie, la pierre tient aujourd'hui le premier rang; c'est pourquoi nous expliquerons ses différentes especes, ses qualités, ses défauts, ses façons & ses usages; après avoir dit un mot des carrieres dont on la tire, & cité les auteurs qui ont écrit de l'art de les réunir ensemble, pour parvenir à une construction solide, soit en enseignant les développemens de leur coupe, de leurs joints & de leurs lits relativement à la pratique, soit en démontrant géométriquement la rencontre des lignes, la nature des courbes, les sections des solides, & les connoissances qui demandent une étude particuliere.

On distingue deux choses également intéressantes dans la coupe des pierres, l'ouvrage & le raisonnement, dit Vitruve; l'un convient à l'artisan, & l'autre à l'artiste. Nous pouvons regarder Philibert Delorme, en 1567, comme le premier auteur qui ait traité méthodiquement de cet art. En 1642, Mathurin Jousse y ajouta quelques découvertes, qu'il intitula, le secret de l'Architecture. Un an après, le P. Deraut sit paroître un ouvrage encore plus profond sur cet art, mais plus relatif aux besoins de l'ouvrier. La même année, Abraham Bosse mit au jour le système de Desargue. En 1728, M. de la Rue renouvella le traité du P. Deraut, le commenta, & y fit plusieurs augmentations curieuses; ensorte que l'on peut regarder son ouvrage comme le résultat de tous ceux qui l'avoient précédé sur l'art du trait. Enfin, en 1737, M. Fraizier, ingénieur en chef des fortifications de Sa Majesté, en a démontré la théorie d'une maniere capable d'illustrer cette partie de l'Architecture, & la mémoire de ce savant.

Il faut savoir qu'avant que la géométrie & la méchanique fussent devenues la base de l'art du trait pour la coupe des pierres, on ne pouvoit s'assurer précisément de l'équilibre & de l'effort de la poussée des voutes, non plus que de la résistence des piés droits, des murs, des contreforts, &c. de maniere que l'on rencontroit lors de l'exécution des difficultés que l'on n'avoit pu prévoir, & qu'on ne pouvoit résoudre qu'en démollissant ou retondant en place les parties défectueuses jusqu'à ce que l'oeil fût moins mécontent; d'où il résultoit que ces ouvrages coutoient souvent beaucoup, & duroient peu, sans satisfaire les hommes intelligens. C'est donc à la théorie qu'on est maintenant redevable de la légércté qu'on donne aux voutes de différentes especes, ainsi qu'aux voussures, aux trompes, &c. & de ce qu'on est parvenu insensiblement à abandonner la maniere de bâtir des derniers siecles, trop difficile par l'immensité des poids qu'il falloit transporter & d'un travail beaucoup plus lent. C'est même ce qui a donné lieu à ne plus employer la méthode des anciens, qui étoit de faire des colonnes & des architraves d'un seul morceau, & de préférer l'assemblage de plusieurs pierres bien plus faciles à mettre en oeuvre. C'est par le secours de cette théorie que l'on est parvenu à soutenir des plate - bandes, & à donner à l'architecture ce caractere de vraissemblance & de légéreté inconnue à nos prédécesseurs. Il est vrai que les architectes gothiques ont poussé très - loin la témérité dans la coupe des pierres, n'ayant, pour ainsi dire, d'autre but dans leurs ouvrages que de s'attirer de l'admiration. Malgré nos découvertes, nous sommes devenus plus modérés; & bien - loin de vouloir imiter leur trop grande hardiesse, nous ne nous servons de la facilité de l'art du trait que pour des cas indispensables relatifs à l'économie, ou à la sujétion qu'exige certain genre de construction: les préceptes n'enseignant pas une singularité présomptueuse, & la vraissemblance de<pb->

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