ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"646"> dans l'état où il y a le plus de lois, il y ait aussi le plus de déréglement.

L'incertitude & l'inefficacité des lois procede de leur multiplicité, de leurs vices dans la composition, dans le style & dans la sanction, du partage des interpretes, de la contradiction des jugemens, &c.

Les lois sont, comme au pillage, entre les mains de ce cortege nombreux de jurisconsultes qui les commentent. La seule vûe de leurs compilations a de quoi terrasser l'esprit le plus infatigable. Leurs gloses & leurs subtilités sont les lacets de la chicane. Toutes les citations, si ce n'est celles de la loi, devroient être interdites au barreau. Ce ne sont que des hommes que l'on montre à d'autres hommes, & c'est par des raisons, & non par des autorités qu'il faut décider les cas douteux.

Il y a des lois rétroactives qui viennent au secours des lois antérieures, & qui en étendent l'effet sur les cas qu'elles n'avoient pas prévus. Il faut très rarement de ces lois à deux fins, qui portent sur le passé & sur l'avenir.

Une loi rétroactive doit confirmer, & non pas réformer celle qui la précede; la réforme cause toujours des mouvemens de trouble, au lieu que les lois en confirmation affermissent l'ordre & la tranquillité.

Dans un état où il n'y a point de lois fondamentales, la succession à l'empire ne sauroit être fixe, puisque le successeur est déclaré par le prince, par ses ministres, ou par une guerre civile; que de desordres & de maux en résultent!

Les lois ont sagement établi des formalités dans l'administration de la justice, parce que ces formalités sont le palladium de la liberté. Mais le nombre des formalités pourroit être si grand, qu'il choqueroit le but des lois mêmes qui les auroient établies: alors les affaires n'auroient point de fin, la propriété des biens resteroit incertaine, on ruineroit les parties à force de les examiner. Il y a des pays en Europe, où les sujets sont dans ce cas - là.

Les princes ont donné de bonnes lois, mais quelquefois si mal - à propos qu'elles n'ont produit que de fâcheux effets. Louis le Débonnaire révolta contre lui les évêques par des lois rigides qu'il leur prescrivit, & qui alloient au - delà du but qu'il devoit se proposer dans la conjoncture des tems.

Pour connoître, pour peindre le génie des nations & des rois, il faut éclairer leur histoire par leurs lois, & leurs lois par leur histoire. Les lois de Charlemagne montrent un prince qui comprend tout par son esprit de prévoyance, unit tout par la force de son génie. Par ses lois, les prétextes pour éluder les devoirs sont ôtés, les négligences corrigées, les abus réformés ou prévenus. Un pere de famille pourroit y apprendre à gouverner sa maison: il ordonnoit qu'on vendît les oeufs des bassecours de son domaine, & les herbes inutiles de son jardin; & l'on sait par l'histoire qu'il avoit distribué à ses peuples toutes les richesses des Lombards, & les immenses trésors de ces Huns qui avoient ravagé l'univers.

Dans toute société, c'est la force ou la loi qui domine. Tantôt la force se couvre de la loi, tantôt la loi s'appuie de la force. De là trois sortes d'injustices, la violence ouverte, celle qui marche à l'ombre de la loi, & celle qui naît de la rigueur de la loi.

Les passions & les préjugés des législateurs passent quelquefois au - travers de leurs lois, & s'y teignent; quelquefois elles y restent & s'y incorporent.

Justinien s'avisa dans un tems de décadence de réformer la jurisprudence des siecles éclairés. Mais c'est des jours de lumieres qu'il convient de corriger les jours de ténebres.

Je finis malgré moi toutes ces réflexions qui portent sur les lois en général, mais je parlerai séparément des lois fondamentales, civiles, criminelles, divines, humaines, morales, naturelles, pénales, politiques, somptuaires, &c. & je tâcherai d'en développer en peu de mots la nature, le caractere, l'esprit & les principes. (D. J.)

Loi (Page 9:646)

Loi, proposition & sanction d'une, (Hist. rom.) c'est un point fort curieux dans l'histoire romaine que l'objet de l'établissement d'une loi. Nous avons donc lieu de penser que le lecteur sera bien - aise d'être instruit des formalités qui se pratiquoient dans cette occasion.

Celui qui avoit dessein, dans Rome, d'établir quelque loi, qu'il savoit être du goût des principaux de la république, la communiquoit au sénat, afin qu'elle acquît un nouveau poids par l'approbation de cet illustre corps. Si au contraire le porteur de la loi étoit attaché aux intérêts du peuple, il tâchoit de lui faire approuver la loi qu'il vouloit établir, sans en parler au sénat. Il étoit cependant obligé d'en faire publiquement la lecture, avant que d'en demander la ratification, afin que chacun en eût connoissance. Après cela, si la loi regardoit les tribus, le tribun faisoit assembler le peuple dans la place; & si elle regardoit les centuries, ce premier magistrat convoquoit l'assemblée des citoyens dans le champ de Mars. Là un crieur public répétoit mot - à - mot la loi qu'un scribe lui lisoit; ensuite, si le tribun le permettoit, le porteur de la loi, un magistrat, & quelquefois même un simple particulier, autorisé par le magistrat, pouvoit haranguer le peuple pour l'engager à recevoir ou à rejetter la loi. Celui qui réussissoit à faire accepter la loi, en étoit appellé l'auteur.

Quand il s'agissoit d'une affaire de conséquence, on portoit une urne ou cassette, dans laquelle on renfermoit les noms des tribus ou des centuries, selon que les unes ou les autres étoient assemblées. On remuoit ensuite doucement la cassette, de peur qu'il n'en tombât quelque nom; & quand ils étoient mêlés, on les tiroit au hazard; pour lors, chaque tribu & chaque centurie prenoit le rang de son billet pour donner son suffrage. On le donna d'abord de vive voix; mais ensuite il fut établi qu'on remettroit à chaque citoyen deux tablettes, dont l'une rejettoit la nouvelle loi en approuvant l'ancienne, & pour cela cette tablette étoit marquée de la lettre A, qui signifioit ancienne; l'autre tablette portoit les deux lettres U. R. c'est - à - dire, soit fait comme vous le demandez, uti rogas.

Pour éloigner toute fraude, on distribuoit ces tablettes avec beaucoup d'attention. On élevoit alors dans la place où se tenoient les assemblées plusieurs petits théâtres; sur les premiers qui étoient les plus élevés, on posoit les cassettes où étoient renfermées les tablettes qu'on délivroit à ceux qui devoient donner leurs suffrages; & sur les derniers étoient d'autres cassettes où l'on remettoit lesdites tablettes qui portoient le suffrage. De - là vint le proverbe, les jeunes gens chassent du théâtre les sexagénaires, parce qu'après cet âge, on n'avoit plus de droit aux charges publiques.

On élevoit autant de théâtres qu'il y avoit de tribus dans les assemblées des tribus; savoir 35, & dans les assemblées de centuries, autant qu'il y avoit de centuries, savoir 193.

Il faut maintenant indiquer la maniere de donner les suffrages. On prenoit les tablettes qui étoient à l'entrée du théâtre, & après l'avoir traversé, on les remettoit dans la cassette qui étoit au bout. D'abord après que chaque centurie avoit remis ses tablettes, les gardes qui avoit marqué les suffrages par des points, les comptoient, afin d'annoncer finalement la [p. 647] pluralité des suffrages de la tribu ou de la centurie pour ou contre la loi proposée. Cette action de compter les tablettes en les marquant avec des points, a fait dire à Cicéron, comptez les points, & à Horace, celui - là a tous les points, c'est - à - dire, réussit, qui sait joindre l'utile à l'agréable: Omne tulit punctum, qui miscuit utile dulci.

La loi qui étoit reçue par le plus grand nombre de suffrages, étoit gravée sur des tables de cuivre; ensuite on la laissoit quelque tems exposée publiquement à la vue du peuple, ou bien on la portoit dans une des chambres du trésor public pour la conserver précieusement (D. J.)

Lois (Page 9:647)

Lois des Barbares, (Code des Barbares) on appelle lois des Barbares, les usages des Francs Saliens, Francs Ripuaires, Bavarois, Allemands, Thuringiens, Frisons, Saxons, Wisigoths, Bourguignons & Lombards.

Tout le monde sait avec quelle sagacité M. de Montesquieu a développé l'esprit, le caractere & les principes de toutes ces lois, je n'en tirerai que quelque généralités.

Les Francs sortis de leur pays, firent rédiger par les sages de leur nation les lois saliques. La tribu des Ripuaires s'étant jointc aux Saliens, conserva ses usages, & Théodoric, roi d'Austrasie, les fit mettre par écrit. Il recueillit de même les usages des Bavarois & des Allemands qui dépendoient de son royaume. Il est vraissemblable que le code des Thuringiens fut donné par le même Théodoric, puisque les Thuringiens étoient aussi ses sujets. La loi des Frisons n'est pas antérieure à Charles Martel & à Pepin qui les soumirent. Charlemagne, qui le premier domina les Saxons, leur donna la loi que nous avous. Les Wisigoths, les Bourguignons & les Lombards ayant fondé des royaumes, firent écrire leurs lois, non pas pour faire suivre leurs usages aux peuples vaincus, mais pour les suivre eux - mêmes.

Il y a dans les lois Saliques & Ripuaires, dans celles des Allemands, des Bavarois, des Thuringiens & des Frisons, une simplicité admirable, une rudesse originale, & un esprit qui n'avoit point été affoibli par un autre esprit. Elles changerent peu, parce que ces peuples, si on en excepte les Francs, resterent dans la Germanie; mais les lois des Bourguignons, des Lombards & des Wisigoths, perdirent beaucoup de leur caractere, parce que ces peuples qui se fixerent dans de nouvelles demeures, perdirent beaucoup du leur.

Les Saxons qui vivoient sous l'empire des Francs, eurent une ame indomptable. On trouve dans leurs lois des duretés du vainqueur, qu'on ne voit point dans les autres codes de lois des Barbares.

Les lois des Wisigoths furent toutes refondues par leurs rois, ou plûtôt par le clergé, dont l'autorité étoit immense. Nous devons à ce code toutes les maximes, tous les principes & toutes les vues du tribunal de l'inquisition d'aujourd'hui; & les moines n'ont fait que copier contre les juifs des lois faites autrefois par les évêques du pays.

Du reste, les lois des Wisigoths sont puériles, gauches, idiotes, pleines de rhétorique, vuides de sens, frivoles dans le fonds, & gigantesques dans le style. Celles de Gondebaud pour les Bourguignons, paroissent assez judicieuses; celles de Rhotaris & des autres princes Lombards, le sont encore plus.

Le caractere particulier des lois des Barbares, est qu'elles furent toutes personnelles, & point attachées à un certain territoire: le Franc étoit jugé par la loi des Francs, l'Allemand par la loi des Allemands, le Bourguignon par la loi des Bourguignons, le Romain par la loi romaine; & bien loin qu'on songeât, dans ces tems - là, à rendre uniforme les lois des peu<cb-> ples conquérans, on ne pensa pas même à se faire législateur du peuple vaincu.

Cependant toutes ces lois personnelles des Barbares, vinrent à disparoître chez les François par des causes générales qui les firent cesser peu - à - peu. Ces lois étoient déja négligées à la fin de la seconde race, & au commencement de la troisieme on n'en entendit presque plus parler. Les fiefs étant devenus héréditaires, & les arriere - fiefs s'étant étendus, il s'introduisit de nouveaux usages, auxquels les lois des Barbares n'étoient plus applicables; on leur substitua des coutumes.

Comme dans l'établissement de la monarchie, on avoit passé des coutumes & des usages à des lois écrites; on revint quelques siecles apres des lois écrites, à des usages & des coutumes non écrites.

La compilation de Justinien ayant ensuite paru, elle fut reçue comme loi dans les parties de la France qui se gouvernoient par le droit romain, & seulement comme raison dans celles qui se gouvernoient par les coutumes; c'est pourquoi l'on rassembla quelques - unes de ces coutumes sous le regne de S. Louis & les regnes suivans; mais sous Charles VII. & ses successeurs, on les rédigea par tout le royaume; alors elles furent écrites, elles devinrent plus connues & prirent le sceau de l'autorité royale. Enfin, on en a formé de nouvelles rédactions plus completes dans des tems qui ne sont pas fort éloignés des nôtres, & dans des tems où l'on ne faisoit pas gloire d'ignorer ce qu'on doit savoir, & de savoir ce qu'on doit ignorer. (D. J.)

Loi (Page 9:647)

Loi, (Jurisprud.) signifie en général un commandement émané d'une autorité supérieure, auquel un inférieur est obligé d'obéir.

Les lois sont de plusieurs sortes, savoir divines ou humaines; on les distingue aussi, la loi naturelle de la loi civile, la loi ancienne de la loi nouvelle. Il y a encore bien d'autres divisions des lois.

La premiere de toutes les lois, est celle de nature, les premiers hommes vivoient selon cette loi naturelle, qui n'est autre chose qu'un rayon de lumiere & un principe de la droite raison que Dieu a donné aux hommes pour se conduire, & qui leur fait appercevoir les regles communes de la justice & de l'équité.

L'ancienne loi ou la loi de Moïse, apellée aussi la vieille loi ou la loi des Juifs, est celle que Dieu donna à son peuple par la bouche de son prophete.

A celle - ci a succédé la loi de grace ou la loi chrétienne, la loi de l'évangile qui nous a été apportée par Jesus - Christ, & qui est la plus parfaite de toutes.

Pour ce qui est des lois humaines, il est probable que les premieres furent les lois domestiques que chaque pere de famille fit pour établir l'ordre dans sa maison; ces lois ne laissoient pas d'être importantes, vu que dans les premiers tems, les familles formoient comme autant de peuples particuliers.

Lorsque les hommes commencerent à se rassembler dans des villes, ces lois privées se trouverent insuffisantes pour contenir une société plus nombreuse, il fallut une autorité plus forte que la puissance paternelle. De l'union de plusieurs villes & pays, il se forma divers états que l'on soumit au gouvernement d'une puissance soit monarchique, ou aristocratique, ou démocratique; dès - lors ceux qui furent revêtus de la puissance souveraine donnerent des lois aux peuples qui leur étoient soumis, & créerent des magistrats pour les faire observer.

Toute loi est censée émanée du souverain ou autres personnes qui sont revêtues de la puissance publique; mais comme ceux qui gouvernent ne peuvent pas tout faire par eux - mêmes, ils chargent ordinairement de la rédaction des lois les plus habiles

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