ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"517"> verie. C'est qu'advenant lui - même, & prêchant avant la main, cette sienne subjection, la contention de son ame se soulageoit, sur ce qu'apportant ce mal comme attendu, son obligation en amoindrissoit & lui en penoit moins. Quand il a eu loi, à son choix (sa pensée desbrouillée & desbandée, son corps se trouvant en son Deu) de le faire lors premierement tenter, saisir & surprendre à la connoissance d'autrui, il s'est guéri tout net..... Ce malheur n'est à craindre qu'aux entreprises où notre ame se trouve outre mesure tendue de desir & de respect; & notamment où les commodités se rencontrent impourvues & pressantes. On n'a pas moyen de se ravoir de ce trouble. J'en sais à qui il a servi d'apporter le corps même, demi rassasié d'ailleurs, pour endormir l'ardeur de cette fureur, & qui par l'aage se trouve moins impuissant de ce qu'il est moins puissant: & tel autre à qui il a servi aussi qu'un ami l'ait asseuré d'être fourni d'une contre - batterie d'enchantements certains à le préserver. Il vaut mieux que je die comment ce fut ».

« Un comte de très - bon lieu, de qui j'étois fort privé, se mariant avec une belle dame qui avoit été poursuivie de tel qui assistoit à la fete, mettoit en grande peine ses amis, & nommément une vieille dame sa parente qui présidoit à ces nopces, & les faisoit chez elle, craintive de ces sorcelleries, ce qu'elle me fit entendre. Je la priai s'en reposer sur moi; j'avois de fortune en mes coffres certaine petite piece d'or plate, où étoient gravées quelques figures célestes contre le coup de soleil, & pour ôter la douleur de tête la logeant à point sur la cousture du test; & pour l'y tenir, elle étoit cousue à un ruban propre à rattacher sous le menton: rêverie germaine à celle dont nous parlons.... J'advisai d'en tirer quelque usage, & dis au comte qu'il pourroit courre fortune comme les autres, y ayant là des hommes pour lui en vouloir prêter une; mais que hardiment il s'allast coucher. Que je lui ferois un tour d'ami, & n'épargnerois à son besoin un miracle qui étoit en ma puissance: pourveu que sur son honneur, il me promist de le tenir très - fidelement secret. Seulement comme sur la nuit on iroit lui porter le réveillon, s'il lui étoit mal allé, il me fist un tel signe. Il avoit eu l'ame & les oreilles si battues, qu'il se trouva lié du trouble de son imagination, & me fit son signe à l'heure susdite. Je lui dis à l'oreille qu'il se levât sous couleur de nous chasser, & prinst en se jouant la robe de nuit que j'avois sur moi (nous étions de taille fort voisine) & s'en vestit tant qu'il auroit exécuté mon ordonnance qui fut, quand nous serions sortis, qu'il se retirât à tomber de l'eau, dist trois fois telles paroles & fist tels mouvemens. Qu'à chacune de ces trois fois, il ceignist le ruban que je lui mettois en main, & couchast bien soigneusement la médaille qui y étoit attachée sur ses roignons, la figure en telle posture. Cela fait, ayant à la derniere fois bien estreint ce ruban, pour qu'il ne se peust ni desnouer, ni mouvoir de sa place, qu'en toute assurance, il s'en retournast à son prix faict, & n'oubliast de rejetter ma robe sur son lit, en maniere qu'elle les abriast tous deux. Ces singeries sont le principal de l'effet: notre pensée ne se pouvant démesler, que moyens si étranges ne viennent de quelqu'abstruse science. Leur inaité leur donne poids & révérence. Somme, il fut certain que mes caracteres se trouverent plus vénériens que solaires, & plus en action qu'en prohibition. Ce fut une humeur prompte & curieuse qui me convia à tel effet, éloigné de ma nature, &c». Essais de Montaigne, liv. I. chap. xx. édit. de M. Coste, pag. 81. & suiv.

Voilà un homme lié du trouble de son imagination, & guéri par un tour d'imagination. Tous les raisonnemens de Montaigne & les faits dont il les appuie se réduisent donc à prouver que la ligature n'est quelquefois qu'un effet de l'imagination blessée; & c'est ce que personne ne conteste: mais qu'il n'y entre jamais du maléfice, c'est ce qu'on ne pourroit en conclure qu'en péchant contre cette regle fondamentale du raisonnement, que quelques faits particuliers ne concluent rien pour le général, parce qu'il est en ce genre des faits dont on ne peut rendre raison par le pouvoir de l'imagination, tel qu'est l'impuissance à l'égard de toutes personnes, à l'exclusion de celle qui a fait la ligature pour jouir seule de son amant ou de son mari, & celle qui survient tout - à - coup la premiere nuit d'un mariage à un homme qui a donné auparavant toutes les preuves imaginables de virilité, surtout quand cette impuissance est ou durable ou perpétuelle.

Ligature (Page 9:517)

Ligature, terme de Chirurgie, fascia, bande de drap écarlate, coupée à droit fil suivant la longueur de sa chaîne, large d'un travers de pouce ou environ, longue d'une aune, qui sert à serrer suffisamment le bras, la jambe ou le col pour faciliter l'opération de la saignée.

La ligature, en comprimant les vaisseaux, interrompt le cours du sang, fait gonfler les veines qu'on veut ouvrir, les assujettit & les rend plus sensibles à la vue & au toucher.

La maniere d'appliquer la ligature pour les saignées du bras ou du pié, est de la prendre par le milieu avec les deux mains, de façon que le côté intérieur soit sur les quatre doigts de chaque main, & que les pouces soient appuyés sur le supérieur. On pose ensuite la ligature environ quatre travers de doigt au - dessus de l'endroit où l'on se propose d'ouvrir la veine; puis glissant les deux chefs de la ligature à la partie opposée, on les croise en passant le chef inteme du côté externe, & ainsi de l'autre, afin de les conduire tous deux à la partie extérieure du bras où on les arrête par un noeud en boucle.

Cette méthode de mettre la ligature, quoique pratiquée presque généralement, est sujette à deux défauts assez considérables; le premier, c'est qu'en croisant les deux chefs de la ligature sous le bras, on les fronce de maniere qu'on ne serre point uniment; le second, c'est qu'en fronçant ainsi la ligature on pince le malade. Les personnes sensibles & délicates souffrent souvent plus de la ligature que de la saignée. Il est très - facile de remédier à ces inconvéniens; on conduira les deux chefs de la ligature en ligne droite, & au lieu de les croiser à la partie opposée de l'endroit où l'on doit saigner, on fera un renversé avec l'un des chefs, qui par ce moyen sera conduit fort également sur le premier tour, jusqu'à la partie extérieure du membre où il sera arrêté avec l'autre chef par un noeud coulant en forme de boucle.

Les chirurgiens phlébotomistes trouvent que dans la saignée du pié, lorsque les vaisseaux sont petits, on parvient plus facilement à les faire gonfler en mettant la ligature au - dessous du genou sur le gras de la jambe. Cette ligature n'empêcheroit pas qu'on n'en fît une seconde près du lieu où l'on doit piquer pour assujettir les vaisseaux roulans. Dans cette même circonstance, on se trouve très - bien dans les saignées du bras de mettre une seconde ligature au - dessous de l'endroit où l'on saignera.

Pour saigner la veine jugulaire, on met vers les clavicules sur la veine qu'on doit ouvrir une compresse épaisse: on fait ensuite avec une ligature ordinaire, mais étroite, deux circulaires autour du col, de sorte qu'elle contienne la compresse: on la serre un peu & on la noue par la nuque par deux [p. 518] noeuds; l'un simple & l'autre à rosette. On engage antérieurement, vis - à - vis de la trachée artere, un ruban ou une autre ligature dont les bouts seront tirés par un aide ou par le malade, s'il est en état de le faire. Par ce moyen la ligature circulaire ne comprime pas la trachée artere, & fait gonfler les veines jugulaires externes, & sur - tout celle sur laquelle est la compresse; on applique le pouce de la main gauche sur cette compresse, & le doigt index au - dessus sur le vaisseau, afin de l'assujettir & de tendre la peau. On pique la veine jugulaire au - dessus de la ligature, à raison du cours du sang qui revient de la partie supérieure vers l'inférieure, à la différence des saignées du bras & du pié où l'on ouvre la veine au - dessous de la ligature, parce que le sang suit une direction opposée, & remonte en retournant des extrémités au centre.

L'académie royale de Chirurgie a donné son approbation à une machine qui lui a été présentée pour la saignée de la jugulaire. C'est une espece de carcan qui a du mouvement par une charniere qui répond à la nuque; antérieurement les deux portions de cercle sont unies par une crémailliée, au moyen de laquelle on serre plus ou moins. La compression se fait déterminément sur l'une des veines jugulaires, par le moyen d'une petite pelote qu'on assujettit par le moyen d'un ruban sur la partie concave d'une des branches du collier. Voyez le second tome des Mém. de l'acad. de Chirurgie.

Le mot Ligature, ligatio, vinctura, se dit aussi d'une opération de Chirurgie, par laquelle on lie avec un ruban de fil ciré une artere ou une veine considérable, pour arrêter ou prévenir l'hémorrhagie. Voyez Hémorrhagie, Anevrisme, Amputation . On fait avec un fil ciré la ligature du cordon ombilical aux enfans nouveaux - nés. On se sert avec succès de la ligature pour faire tomber les tumeurs qui ont un pédicule, les excroissances sarcomateuses de la matrice & du vagin. Voyez Polype.

J'ai donné dans le second tome des mémoires de l'académie royale de Chirurgie, l'histoire des variations de la méthode de lier les vaisseaux après l'amputation; les accidens qui pourroient résulter de la ligature des vaisseaux avoient été prévus par Gourmelen, antagoniste d'Antoine Paré. Il n'est pas possible, disoit - il, que des parties tendineuses, nerveuses & aponévrotiques, liées & étranglées par une ligature, n'excitent des inflammations, des convulsions, & ne causent promptement la mort. Cette imputation, quelque grave qu'elle soit, n'est que trop véritable; mais Paré n'a pas encouru les reproches qu'on ne pouvoit faire à la méthode qu'il pratiquoit. Il ne se servoit pas d'aiguilles, du moins le plus communément; ainsi il ne risquoit pas alors de lier & d'étrangler des parties nerveuses & tendineuses. Il saisissoit l'extrémité des vaisseaux avec de petites pinces, & quand il les avoit amenées hors des chairs, il en faisoit la ligature avec un fil double, de la même façon que nous lions le cordon ombilical. Si l'hémorrhagie survenoit, & qu'on ne pût se servir du bec de corbin, il avoit recours à l'aiguille: elle avoit quatre pouces de long, & voici comment il s'en servoit. Ayant bien considéré le trajet du vaisseau, il piquoit sur la peau, un pouce plus haut que la plaie, il enfonçoit l'aiguille à - travers les chairs, un demi - doigt à côté du vaisseau, & la faisoit sortir un peu plus bas que son orifice. Il repassoit sous le vaisseau par le dedans de la plaie, afin de le comprendre avec quelque peu de chairs dans l'anse du fil, & faisoit sortir l'aiguille à un travers de doigt de la premiere ponction faite sur les tégumens. Il mettoit entre ces deux points une compresse assez épaisse, sur laquelle il lioit les deux extrémités du fil, dont l'anse passoit dessous le vaisseau. Paré assure positivement que jamais on n'a manqué d'arrêter le sang, en suivant cette méthode. Guillemeau en a fait l'éloge, & a fait graver une figure qui représente la disposition des deux points d'aiguille. Dionis en fait mention: & de toutes les manieres de faire la ligature, c'étoit celle qu'il démontroit par préférence dans ses leçons au jardin royal: il la pratiquoit avec deux aiguilles. Les chirurgiens des armées faisoient la ligature sans percer la peau, comme nous l'avons décrite au mot amputation. M. Monro, célebre professeur d'Anatomie à Edimbourg, a écrit sur cette matiere, & conseille de ne prendre que fort peu de chairs avec le vaisseau. Il assure que les accidens ne viennent que pour avoir compris dans le fil qui servit à faire la ligature, plus de parties qu'il ne falloit; & qu'il n'y a aucune crainte quand on se sert de fils applatis & rangés en forme de rubans, que la ligature coupe le vaisseau. Des chirurgiens modernes prescrivent dans les traités d'opérations qu'ils ont donnés au public, de prendre beaucoup de chair; mais ce sont des opérations mal concertées.

Nous avons parlé au mot hémorragie de différens moyens d'arrêter le sang, & nous avons vu que la compression méthodique étoit préférable en beaucoup de cas à la ligature: l'artere intercostale a paru l'exiger nécessairement. M. Gerard, chirurgien de Paris distingué, si l'on en croit ses contemporains, par une dextérité singuliere, a imaginé le moyen de faire la ligature des arteres intercostales, lorsqu'elles seront ouvertes dans quelque endroit favorable. Après avoir reconnu ce lieu, on aggrandit la plaie; on prend une aiguille courbe capable d'embrasser la côte, & enfilée d'un fil ciré, au milieu duquel on a noué un bourdonnet. On la porte dans la poitrine, à côté où l'artere est blessée, & du côté de son origine. On embrasse la côte avec l'aiguille, dont on fait sortir la pointe au - dessus de ladite côte, & on retire l'aiguille en achevant de lui faire décrire le demi - cercle de bas en haut. On tire le fil jusqu'à ce que le bourdonnet se trouve sur l'artere. On applique sur le côté qui est embrassé par le fil, une compresse un peu épaisse, sur laquelle on noue le fil, en le serrant suffisamment pour comprimer le vaisseau qui se trouve pris entre le bourdonnet & la côte.

M. Goulard, chirurgien de Montpellier, a imaginé depuis une aiguille particuliere pour cette opération: nous en avons donné la description au mot aiguille. Aprés l'avoir fait passer par - dessous la côte, & percer les muscles au - dessus, on dégage un des brins de fil; on retire ensuite l'aiguille de la même maniere qu'on l'avoit fait entrer: on fait la ligature comme on vient de le dire. Cette aiguille grossit l'arsenal de la Chirurgie, sans enrichir l'art. L'usage des aiguilles a paru fort douloureux; les plaies faites à la plevre & aux muscles intercostaux, sont capables d'attirer une inflammation dangereuse à cette membrane. La compression, si elle étoit praticable avec succès, meriteroit la préférence. M. Lottari, professeur d'Anatomie à Turin, a présenté à l'académie royale de Chirurgie un instrument pour arrêter le sang de l'artere intercostale: il est gravé dans le second tome des mémoires de cette compagnie. C'est une plaque d'acier poli, & coudée par une de ses extrémités pour former un point de compression sur l'ouverture de l'artere intercostale. On matelasse cet endroit avec une compresse: l'autre extrémité de la plaque est contenu par le bandage.

Une sagacité peu commune, jointe à des lumieres supérieures, a fait imaginer à M. Quesnay un moyen bien simple, par lequel en suppléant à la plaque de M. Lottari, il sauva la vie à un soldat qui perdoit son sang par une artere intercostale ouverte. Il prit un jetton d'ivoire, rendu plus étroit par deux sections

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