ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"408"> qui en étoit le signe, afin d'éviter les circonlocutions toujours superflues & très - sujettes à l'équivoque dans la matiere dont il est question. Ainsi, au lieu d'écrire & de dire, par exemple, l'articulation foible produite par la réunion des deux levres, on a dit & écrit le b, & ainsi des autres. Au reste, cette confusion d'idées n'a pas de grands inconvéniens, si même on peut dire qu'elle en ait. Tout le monde entend très - bien que le mot lettres, dans la bouche d'un maître d'écriture, s'entend des signes représentatifs des élémens de la voix; que dans celle d'un fondeur ou d'un imprimeur il signifie les petites pieces de métal qui portent les empreintes de ces signes pour les transmettre sur le papier au moyen d'une encre; & que dans celle d'un grammairien il indique tantôt les signes & tantôt les élémens mêmes de la voix, selon que les circonstances designent qu'il s'agit ou d'orthologie ou d'ortographe. Je ne m'écarterai donc pas du langage ordinaire dans ce qui me reste à dire sur l'attraction & la permutation des lettres: on verra assez que je ne veux parler que des élémens de la voix prononcée, dont les lettres écrites suivent assez communément le sort, parce qu'elles sont les dépositaires de la parole. Hic enim usus est litterarum, ut custodiant voces, & velut depositum reddant legentibus. Quintil. inst. orat. I. jv.

Nous avons vu qu'il y a entre les lettres d'une même classe une sorte d'affinité & d'analogie qui laissent souvent entr'elles assez peu de différence: c'est cette affinité qui est le premier fondement & la seule cause raisonnable de ce que l'on appelle l'attraction & la permutation des lettres.

L'attraction est une opération par laquelle l'usage introduit dans un mot une lettre qui n'y étoit point originairement, mais que l'homogénéité d'une autre lettre préexistante semble seule y avoir attirée. C'est ainsi que les verbes latins ambio, ambigo, composés de l'ancienne particule am, équivalente à circùm, & des verbes eo & ago, ont reçu la consonne labiale b, attirée par la consonne m, également labiale: c'est la même chose dans comburo, composé de cùm & d'uro. Notre verbe françois trembler, dérivé de tremere, & nombre, dérivé de numerus, présentent le même méchanisme.

La permutation est une opération par laquelle dans la formation d'un mot tiré d'un autre mot pris dans la même langue ou dans une langue étrangere, on remplace une lettre par une autre. Ainsi du mot grec PD=S2, les Latins ont fait pes, en changeant D en e, & les Allemands ont fait fuss, en changeant P en f, car leur u répond à l'D des Grecs quant à la prononciation.

Je l'ai déja dit, & la saine philosophie le dit aussi, rien ne se fait sans cause; & il est très - important dans les recherches étymologiques de bien connoître les fondemens & les causes de ces deux sortes de changemens de lettres, sans quoi il est difficile de débrouiller la génération & les différentes métamorphoses des mots. Or le grand principe qui autorise ou l'attraction ou la permutation des lettres, c'est, comme je l'ai déja insinué, leur homogénéité.

Ainsi, 1°. toutes les voyelles sont commuables entr'elles pour cette raison d'affinité, qui est si grande à l'égard des voyelles, que M. le président des Brosses regarde toutes les voyelles comme une seule, variée seulement selon les différences de l'état du tuyau par où sort la voix, & qui, à cause de sa flexibilité, peut être conduit par dégradation insensible depuis son plus large diametre & sa plus grande longueur, jusqu'à son état le plus resserré & le plus raccourci. C'est ainsi que nous voyons l'a de capio changé en e dans particeps, en i dans participare, & en u dans aucupium; que l'a du grec PA/LLW est changé en e dans le latin pello, cet e changé en u dans le supin pulsum, que nous conservons dans impulsion, & que nous changeons en ou dans pousser; que l'i du grec I)/LH est changé en a dans le latin ala, & en ê, que nous écrivons ai, dans le françois aile, &c. Il seroit superflu d'accumuler ici un plus grand nombre d'exemples: on n'a qu'à ouvrir les Dictionnaires étymologiques de Vossius pour le latin, de Ménage pour le françois; de Wachter pour l'allemand, &c. & lire sur - tout le traité de Vossius de litterarum permutatione: on en trouvera de toutes les especes.

2°. Par la même raison les consonnes labiales sont commuables entre elles, voyez Labiales, & l'une peut aisément attirer l'aurre, comme on l'a vu dans la définition que j'ai donnée de l'attraction.

3°. Il en est de même de toutes les consonnes linguales, mais dans un degré de facilité proportionné à celui de l'affinité qui est entr'elles; les dentales se changent ou s'allient plus aisément avec les dentales, les sifflantes avec les sifflantes, &c. & par la même raison dans chacune de ces classes, & dans toute autre où la remarque peut avoir lieu, la foible & la forte ont le plus de disposition à se mettre l'une pour l'autre, ou l'une avec l'autre. Voyez les exemples à l'article Linguale.

4°. Il arrive encore assez souvent que des consonnes, sans aucuns degrés prochains d'affinité, ne laissent pas de se mettre les unes pour les autres dans les dérivations des mots, sur le seul fondement d'affinité qui résulte de leur nature commune: dans ce cas néanmoins la permutation est déterminée par une cause prochaine, quoiqu'accidentelle; communément c'est que dans la langue qui emprunte, l'organe joint à la prononciation de la lettre changée l'inflexion d'une autre partie organique, & c'est la partie organique de la lettre substituée. Comment avons - nous substitué c à la lettre t, une sifflante à une dentale, dans notre mot place venu de platea? c'est que nous sommes accoutumés à prononcer le t en sifflant comme s dans plusieurs mots, comme action, ambitieux, patient, martial, &c. que d'autre part nous prononçons de même la lettre c devant e, i, ou devant les autres voyelles quand elle est cédillée: or l'axiome dit quoe sunt eadem uni tertio sunt eadem inter se; donc le c & le t peuvent se prendre l'un pour l'autre dans le système usuel de notre langue: l'une & l'autre avec s peuvent aussi être commuables. D'autres vûes autorisées par l'usage contre les principes naturels de la prononciation, donneront ailleurs d'autres permutations éloignées des lois générales.

Pour ce qui concerne l'histoire des lettres & la génération des alphabets qui ont eu cours ou qui sont aujourd'hui en usage, on peut consulter le ch. xx. du liv. I. de la seconde partie de la Géographie sacrée de Bochart; le livre du P. Herman Hugo, jésuite, de ratione scribendi apud veteres; Vossius de arte Grammaticâ, ch. ix. & x. Baudelot de Daireval, de l'utilité des voyages & de l'avantage que la recherche des antiquités procure aux Savans; les oeuvres de dom Bernard de Montfaucon; l'art de vérifier les dates des faits historiques, par des religieux Benédictins de la congrégation de S. Maur; le livre IV. de l'introduction à l'histoire des Juifs de Prideaux, par M. Shuckford; nos Pl. d'Alph. anc. & mod. plus riches qu'aucun de ces ouvrages. (B. E. R. M.)

Lettres (Page 9:408)

Lettres, (Imprimerie.) Les Imprimeurs nomment ainsi, & sans acception de corps ou de grandeur, chaque piece mobile & sèparée dont sont assortis les différens caracteres en usage dans l'Imprimerie, mais ils en distinguent de quatre sortes dans chaque corps de caracteres, qui sont les capitales, petites capitales, ou majuscules & minuscules, les lettres du bas de casse & lettres doubles, tels que le si, le fi, le double ssi & le double ffi, & quelqu'au<pb-> [p. 409] tres. Il y a outre ces corps & grandeurs un nombre de lettres pour l'impression des affiches & placards, que l'on nomme, à cause de leur grandeur & de leur usage, grosses & moyennes: elles sont de fonte ou de bois; ces corps n'ont ni petites capitales ni lettres du bas de casse. Voyez nos Pl. d'Imprimerie.

Lettre capitale (Page 9:409)

Lettre capitale, (Ecrit. Imprim.) grande lettre, lettre majuscule. Les anciens manuscrits grecs & latins sont entierement écrits en lettres capitales; & lors de la naissance de l'Imprimerie, on mit au jour quelques livres, tout en capitales. Nous avons un Homere, une Anthologie grecque, un Appollonius imprimés de cette façon: on en doit l'idée à Jean Lascaris, surnommé Rhyndacène, mais on lui doit bien mieux, c'est d'avoir le premier apporté en Occident la plûpart des plus beaux manuscrits grecs que l'on y connoisse. Il finit ses jours à Rome en 1535. (D. J.)

Lettre grise (Page 9:409)

Lettre grise, (Imprimerie.) Les Imprimeurs appellent ainsi des lettres entourées d'ornemens de gravure, soit en bois, soit en taille - douce; elles sont d'usage pour commencer la matiere d'un ouvrage aux pages où il y a une vignette en bois. Voyez Vignette, Voyez Table des Caracteres.

Lettre tremblée (Page 9:409)

Lettre tremblée, (Ecrivain.) est dans l'écriture un caractere qui, quoique sorti d'une main libre & sûre, imite le tremblé naturel, parce que ses traits ont la même attitude que s'ils partoient d'un style foible.

Voyez tom. II. 2. part. aux Planches de notre Ecriture moderne.

Lettres grecques (Page 9:409)

Lettres grecques, (Gramm. orig. des langues.) GRA\MMATATA= E(LLHNW=N, caracteres de l'écriture des anciens grecs.

Joseph Scaliger, suivi par Walton, Bochart, & plusieurs autres savans, a tâché de prouver dans ses notes sur la chronique d'Eusebe, que les caracteres grecs tiroient leur origine des lettres phéniciennes ou hébraïques.

Le chevalier Marsham, dans son Canon chronicus egyptiacus, ouvrage excellent par la méthode, la clarté, la briéveté & l'érudition dont il est rempli, rejette le sentiment de Scaliger, & prétend que Cadmus, égyptien de naissance, ne porta pas de Phénicie en Grece les lettres phéniciennes, mais les caracteres épistoliques des Egyptiens, dont Theut ou Thoot, un des hermès des Grecs, étoit l'inventeur, & que de plus les Hébreux mêmes ont tiré leurs lettres des Egyptiens, ainsi que diverses autres choses.

Cette hypothèse a le désavantage de n'être pas étayée par des témoignages positifs de l'antiquité, & par la vûe des caracteres épistoliques des Egyptiens, que nous n'avons plus, au lieu que les caracteres phéniciens ou hébraïques ont passé jusqu'à nous.

Aussi les partisans de Scaliger appuient beaucoup en faveur de son opinion, sur la ressemblance de forme entre les anciennes lettres grecques & les caracteres phéniciens; mais malheureusement cette similitude n'est pas concluante, parce qu'elle est trop foible, trop legere, parce qu'elle ne se rencontre que dans quelques lettres des deux alphabets, & parce qu'enfin Rudbeck ne prouve pas mal que les lettres runiques ont encore plus d'affinité avec les lettres grecques, par le nombre, par l'ordre & par la valeur que les lettres phéniciennes.

Il se pourroit donc bien que les sectateurs de Scaliger & de Marsham fussent également dans l'erreur, & que les Grecs, avant l'arrivée de Cadmus, qui leur fit connoître les caracteres phéniciens ou égyptiens, il n'importe, eussent déja leur propre écriture, leur propre alphabet, composé de seize lettres, & qu'ils enrichirent cet alphabet qu'ils possédoient de quelques autres lettres de celui de Cadmus.

Après tout, quand on examine sans prévention combien le système de l'écriture grecque est différent de celui de l'écriture phénicienne, on a bien de la peine à se persuader qu'il en émane.

1°. Les Grecs exprimoient toutes les voyelles par des caracteres séparés, & les Phéniciens ne les exprimoient point du tout; 2°. les Grecs n'eurent que seize lettres jusqu'au siége de Troie, & les Phéniciens en ont toujours eu vingt - deux; 3°. les Phéniciens écrivoient de droite à gauche, & les Grecs au contraire de gauche à droite. S'ils s'en sont écartés quelques fois, ç'a été par bisarrerie & pour s'accommoder à la forme des monumens sur lesquels on gravoit les inscriptions, ou même sur les monumens élevés par des phéniciens, ou pour des phéniciens de la colonie de Cadmus. Les Thébains eux - mêmes sont revenus à la méthode commune de disposer les caracteres grecs de la gauche à la droite, qui étoit la méthode ordinaire & universelle de la nation.

Ces différences, dont il seroit superflu de rapporter la preuve, étant une fois posées, est il vraissemblable que les Grecs eussent fait de si grands changemens à l'écriture phénicienne, s'ils n'eussent pas déja été accoutumés à une autre maniere d'écrire, & à un autre alphabet auquel apparemment ils ajouterent les caracteres phéniciens de Cadmus? Ils retournerent ceux - ci de la gauche à la droite, donnerent à quelques - uns la force de voyelles, parce qu'ils en avoient dans leur écriture, & rejetterent absolument ceux qui exprimoient des sons dont ils ne se servoient point. (D. J.)

Lettres (Page 9:409)

Lettres les, (Encyclopédie.) ce mot désigne en général les lumieres que procurent l'étude, & en particulier celle des belles - lettres ou de la littérature. Dans ce dernier sens, on distingue les gens de lettres, qui cultivent seulement l'érudition variée & pleine d'aménités, de ceux qui s'attachent aux sciences abstraites, & à celles d'une utilité plus sensible. Mais on ne peut les acquérir à un degré éminent sans la connoissance des lettres, il en résulte que les lettres & les sciences proprement dites, ont entr'elles l'enchaînement, les liaisons, & les rapports les plus étroits; c'est dans l'Encyclopédie qu'il importe de le démontrer, & je n'en veux pour preuve que l'exemple des siecles d'Athenes & de Rome.

Si nous les rappellons à notre mémoire, nous verrons que chez les Grecs l'étude des lettres embellissoit celle des sciences, & que l'étude des sciences donnoit aux lettres un nouvel éclat. La Grece a dû tout son lustre à cet assemblage heureux; c'est par - là qu'elle joignit au mérite le plus solide, la plus brillante réputation. Les lettres & les sciences y marcherent toujours d'un pas égal, & se servirent mutuellement d'appui. Quoique les muses présidassent les unes à la Poésie & à l'Histoire, les autres à la Dialectique, à la Géométrie & à l'Astronomie, on les regardoit comme des soeurs inséparables, qui ne formoient qu'un seul choeur. Homere & Hésiode les invoquent toutes dans leurs poëmes, & Pythagore leur sacrifia, sans les séparer, un hécatombe philosophique en reconnoissance de la découverte qu'il fit de l'égalité du quarré de l'hypothénuse dans le triangle - rectangle, avec les quarrés des deux autres côtés.

Sous Auguste, les lettres fleurirent avec les sciences & marcherent de front Rome, déja maîtresse d'Athenes par la force de ses armes, vint à concourir avec elle pour un avantage plus flatteur, celui d'une érudition agréable & d'une science profonde.

Dans le dernier siecle, si glorieux à la France à cet égard, l'intelligence des langues savantes & l'étude de la nôtre furent les premiers fruits de la culture de l'esprit. Pendant que l'éloquence de la chaire & celle du barreau brilloient avec tant d'é<pb->

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