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Nous avons vu qu'il y a entre les lettres d'une même classe une sorte d'affinité & d'analogie qui laissent souvent entr'elles assez peu de différence: c'est cette affinité qui est le premier fondement & la seule cause raisonnable de ce que l'on appelle l'attraction & la permutation des lettres.
L'attraction est une opération par laquelle l'usage introduit dans un mot une lettre qui n'y étoit point originairement, mais que l'homogénéité d'une autre lettre préexistante semble seule y avoir attirée. C'est ainsi que les verbes latins ambio, ambigo, composés de l'ancienne particule am, équivalente à circùm, & des verbes eo & ago, ont reçu la consonne labiale b, attirée par la consonne m, également labiale: c'est la même chose dans comburo, composé de cùm & d'uro. Notre verbe françois trembler, dérivé de tremere, & nombre, dérivé de numerus, présentent le même méchanisme.
La permutation est une opération par laquelle
dans la formation d'un mot tiré d'un autre mot pris
dans la même langue ou dans une langue étrangere,
on remplace une lettre par une autre. Ainsi du mot
grec
Je l'ai déja dit, & la saine philosophie le dit aussi, rien ne se fait sans cause; & il est très - important dans les recherches étymologiques de bien connoître les fondemens & les causes de ces deux sortes de changemens de lettres, sans quoi il est difficile de débrouiller la génération & les différentes métamorphoses des mots. Or le grand principe qui autorise ou l'attraction ou la permutation des lettres, c'est, comme je l'ai déja insinué, leur homogénéité.
Ainsi, 1°. toutes les voyelles sont commuables
entr'elles pour cette raison d'affinité, qui est si grande
à l'égard des voyelles, que M. le président des Brosses
regarde toutes les voyelles comme une seule, variée
seulement selon les différences de l'état du tuyau
par où sort la voix, & qui, à cause de sa flexibilité,
peut être conduit par dégradation insensible depuis
son plus large diametre & sa plus grande longueur,
jusqu'à son état le plus resserré & le plus raccourci.
C'est ainsi que nous voyons l'a de capio changé en
e dans particeps, en i dans participare, & en u dans
aucupium; que l'a du grec
2°. Par la même raison les consonnes labiales sont
commuables entre elles, voyez
3°. Il en est de même de toutes les consonnes linguales,
mais dans un degré de facilité proportionné
à celui de l'affinité qui est entr'elles; les dentales se
changent ou s'allient plus aisément avec les dentales,
les sifflantes avec les sifflantes, &c. & par la
même raison dans chacune de ces classes, & dans
toute autre où la remarque peut avoir lieu, la foible
& la forte ont le plus de disposition à se mettre l'une
pour l'autre, ou l'une avec l'autre. Voyez les exemples
à l'article
4°. Il arrive encore assez souvent que des consonnes, sans aucuns degrés prochains d'affinité, ne laissent pas de se mettre les unes pour les autres dans les dérivations des mots, sur le seul fondement d'affinité qui résulte de leur nature commune: dans ce cas néanmoins la permutation est déterminée par une cause prochaine, quoiqu'accidentelle; communément c'est que dans la langue qui emprunte, l'organe joint à la prononciation de la lettre changée l'inflexion d'une autre partie organique, & c'est la partie organique de la lettre substituée. Comment avons - nous substitué c à la lettre t, une sifflante à une dentale, dans notre mot place venu de platea? c'est que nous sommes accoutumés à prononcer le t en sifflant comme s dans plusieurs mots, comme action, ambitieux, patient, martial, &c. que d'autre part nous prononçons de même la lettre c devant e, i, ou devant les autres voyelles quand elle est cédillée: or l'axiome dit quoe sunt eadem uni tertio sunt eadem inter se; donc le c & le t peuvent se prendre l'un pour l'autre dans le système usuel de notre langue: l'une & l'autre avec s peuvent aussi être commuables. D'autres vûes autorisées par l'usage contre les principes naturels de la prononciation, donneront ailleurs d'autres permutations éloignées des lois générales.
Pour ce qui concerne l'histoire des lettres & la
génération des alphabets qui ont eu cours ou qui
sont aujourd'hui en usage, on peut consulter le
ch. xx. du liv. I. de la seconde partie de la Géographie
sacrée de Bochart; le livre du P. Herman Hugo, jésuite,
de ratione scribendi apud veteres; Vossius de
arte Grammaticâ, ch. ix. & x. Baudelot de Daireval,
de l'utilité des voyages & de l'avantage que la recherche
des antiquités procure aux Savans; les oeuvres de dom
Bernard de Montfaucon; l'art de vérifier les dates des
faits historiques, par des religieux Benédictins de la
congrégation de S. Maur; le livre IV. de l'introduction à l'histoire des Juifs de Prideaux, par M. Shuckford; nos
Lettres (Page 9:408)
Lettre capitale (Page 9:409)
Lettre grise (Page 9:409)
Lettre tremblée (Page 9:409)
Voyez tom. II. 2. part. aux
Lettres grecques (Page 9:409)
Joseph Scaliger, suivi par Walton, Bochart, & plusieurs autres savans, a tâché de prouver dans ses notes sur la chronique d'Eusebe, que les caracteres grecs tiroient leur origine des lettres phéniciennes ou hébraïques.
Le chevalier Marsham, dans son Canon chronicus egyptiacus, ouvrage excellent par la méthode, la clarté, la briéveté & l'érudition dont il est rempli, rejette le sentiment de Scaliger, & prétend que Cadmus, égyptien de naissance, ne porta pas de Phénicie en Grece les lettres phéniciennes, mais les caracteres épistoliques des Egyptiens, dont Theut ou Thoot, un des hermès des Grecs, étoit l'inventeur, & que de plus les Hébreux mêmes ont tiré leurs lettres des Egyptiens, ainsi que diverses autres choses.
Cette hypothèse a le désavantage de n'être pas étayée par des témoignages positifs de l'antiquité, & par la vûe des caracteres épistoliques des Egyptiens, que nous n'avons plus, au lieu que les caracteres phéniciens ou hébraïques ont passé jusqu'à nous.
Aussi les partisans de Scaliger appuient beaucoup en faveur de son opinion, sur la ressemblance de forme entre les anciennes lettres grecques & les caracteres phéniciens; mais malheureusement cette similitude n'est pas concluante, parce qu'elle est trop foible, trop legere, parce qu'elle ne se rencontre que dans quelques lettres des deux alphabets, & parce qu'enfin Rudbeck ne prouve pas mal que les lettres runiques ont encore plus d'affinité avec les lettres grecques, par le nombre, par l'ordre & par la valeur que les lettres phéniciennes.
Il se pourroit donc bien que les sectateurs de Scaliger & de Marsham fussent également dans l'erreur, & que les Grecs, avant l'arrivée de Cadmus, qui leur fit connoître les caracteres phéniciens ou égyptiens, il n'importe, eussent déja leur propre écriture, leur propre alphabet, composé de seize lettres, & qu'ils enrichirent cet alphabet qu'ils possédoient de quelques autres lettres de celui de Cadmus.
Après tout, quand on examine sans prévention combien le système de l'écriture grecque est différent de celui de l'écriture phénicienne, on a bien de la peine à se persuader qu'il en émane.
1°. Les Grecs exprimoient toutes les voyelles par des caracteres séparés, & les Phéniciens ne les exprimoient point du tout; 2°. les Grecs n'eurent que seize lettres jusqu'au siége de Troie, & les Phéniciens en ont toujours eu vingt - deux; 3°. les Phéniciens écrivoient de droite à gauche, & les Grecs au contraire de gauche à droite. S'ils s'en sont écartés quelques fois, ç'a été par bisarrerie & pour s'accommoder à la forme des monumens sur lesquels on gravoit les inscriptions, ou même sur les monumens élevés par des phéniciens, ou pour des phéniciens de la colonie de Cadmus. Les Thébains eux - mêmes sont revenus à la méthode commune de disposer les caracteres grecs de la gauche à la droite, qui étoit la méthode ordinaire & universelle de la nation.
Ces différences, dont il seroit superflu de rapporter la preuve, étant une fois posées, est il vraissemblable que les Grecs eussent fait de si grands changemens à l'écriture phénicienne, s'ils n'eussent pas déja été accoutumés à une autre maniere d'écrire, & à un autre alphabet auquel apparemment ils ajouterent les caracteres phéniciens de Cadmus? Ils retournerent ceux - ci de la gauche à la droite, donnerent à quelques - uns la force de voyelles, parce qu'ils en avoient dans leur écriture, & rejetterent absolument ceux qui exprimoient des sons dont ils ne se servoient point. (D. J.)
Lettres (Page 9:409)
Si nous les rappellons à notre mémoire, nous verrons que chez les Grecs l'étude des lettres embellissoit celle des sciences, & que l'étude des sciences donnoit aux lettres un nouvel éclat. La Grece a dû tout son lustre à cet assemblage heureux; c'est par - là qu'elle joignit au mérite le plus solide, la plus brillante réputation. Les lettres & les sciences y marcherent toujours d'un pas égal, & se servirent mutuellement d'appui. Quoique les muses présidassent les unes à la Poésie & à l'Histoire, les autres à la Dialectique, à la Géométrie & à l'Astronomie, on les regardoit comme des soeurs inséparables, qui ne formoient qu'un seul choeur. Homere & Hésiode les invoquent toutes dans leurs poëmes, & Pythagore leur sacrifia, sans les séparer, un hécatombe philosophique en reconnoissance de la découverte qu'il fit de l'égalité du quarré de l'hypothénuse dans le triangle - rectangle, avec les quarrés des deux autres côtés.
Sous Auguste, les lettres fleurirent avec les sciences & marcherent de front Rome, déja maîtresse d'Athenes par la force de ses armes, vint à concourir avec elle pour un avantage plus flatteur, celui d'une érudition agréable & d'une science profonde.
Dans le dernier siecle, si glorieux à la France à
cet égard, l'intelligence des langues savantes &
l'étude de la nôtre furent les premiers fruits de la
culture de l'esprit. Pendant que l'éloquence de la
chaire & celle du barreau brilloient avec tant d'é<pb->
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