ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"394"> veines se distcndent, il s'y forme des varices depuis le genou jusqu'à l'extrénuté des erteils, la peau devient dure, inégale, raboteule, se couvre d'écaillles qui ne se dessechent point, mais qui s'augmentent de façon à grossir prodigieuiement la jambe; dans cet état toutes les fonctions se font à l'ordinaire comme en santé, & le malade est propre à tous les ouvrages qui ne demandent point d'exercice. Quels que soient les rapports de cette maladie avec la lepre, il est certain qu'elle en disfere essentiellement, de même que quelques maladies cutanées dont on voit de tems en tems des exemples, & qui n'ont que quelque ressemblance extérieure avec la lepre sans en avoir la contagion, le caractere distinctif & spécial. Le tems auquel on a cesse d'observer la lepre, est à peu pres l'époque de la premiere invasion de la vérole dans notre monde. Il y a, comme on voit, une espece de compensation, de façon que nous gagnons d'un côté ce que nous perdons de l'autre. On pourroit asiurer qu'il y a à peu près toujours la même somme de maladie, loisque quelqu'une cesse de paroître, nous lui en vovons ordinairement succéder une autre qu'on croit inobservée par les anciens: souvent ce n'est qu'un changement de forme; cette vicissitude & cette succession de maladies a trop peu srappé les médecins observateurs. Les Arabes sont presque les derniers auteurs qui en parlent comme témoins oculaires, & d'après leur propre observation. Les symptomes par lesquels la vérole se manifesta dans les commencemens, avoit beaucoup de rapport à ceux de la lepre. l'oyez Vérole. Et c'est sur ce fondement que pluseurs auteurs ont établi L'antiquité de la vérole, prétendant qu'elle n'étoit autre chose que la lepre des anciens: d'autres tombant aussi vraissemblablement dans l'excès, ont pris le parti absolument contraire, & ont soutenu que la lepre & la vérole etoient deux maladies totalement différentes; il y a tout lieu de penser que les uns & les autres ont trop généralisé leurs prétentions: les premiers n'ont pas assez pesé les différences qu'il y a dans les symptomes, les causes, la curation & la maniere dont la contagion se propage; les seconds ont trop appuyé sur ces differences & sur d'autres encore plus trivoles; ils n'ont pas fait attention que la lepre se communique de même que la vérole par le coit, qu'elle n'assecte point les ages qui n'y sont pas propres; que lorsqu'elle se communique par cette voie, il survient aux parties génitales des accidens partienliers, tels que flux involontaire de semence, ardeur d'urine, pustules, ulceres à la verge, &c. comme Jean Gadderden & Avicenne l'ont exactement remarqué. On pourroit aussi leur faire observer que les maladies de cette espece qui ont une cause particuliere, spécifique, ne paroîtront pas toujours avec les mêmes symptomes; qu'après qu'elles ont duré un certain tems, elles sont plus douces, plus modérées; elles semblent affoiblies & comme usées par la propagation. On pourroit presque comparer ce qui arrive à ces maladies à ce qu'on observe sur un fil d'argent qu'on dore; à mesure qu'on étend ce fil, on l'émincit & on diminue à proportion la quantité d'or qui se trouve dans chaque partie; d'ailleurs il peut arriver dans ce virus diverses combinaisons; il est susceptible de modification, de changement, &c. & ce ne seroit surement pas une opinion dénuée de vraissemblance, que de présumer que le virus vérolique n'est qu'une combinaison particuliere du virus lépreux, & que la vérole n'est qu'une lepre dégenérée, altérée, &c. Voyez Vérole.

La lepre est une maladie particuliere de l'espece de celles qui sont entretenues par un vice spécial du sang ou de quelqu'humeur qu'on appelle virus; elle ne dépend point, ou que tres - peu, de l'action des causes ordinaires. Les anciens avoient fait consister le virus dans une surabondance particuliere d'humeur mélancholique ou de bile noire, différente de celle qui excitoit l'hyppocondriacité, la maladie noire, les fievres quartes, &c. pour nous nous ignorons absolument sa nature, sa maniere d'agir; le méchanisme de l'eruption, qui en est la suite, n'est pas différent de celut des autres maladies éruptives. Voyez au mot petite Vérole, Galf , &c. Tout ce que nous savons de certain, c'est que la lepre est une maladie contagieuse, & que les miasmes qui propagent la contagion, ne sont pas aussi fixes que ceux de la vérole. Avicenne prétend qu'ils sont assez volatils pour infecter l'air, & qu'ainsi la lepre se communique par la simple fréquentation ou voisinage des personnes infectées; cette idée étoit universellement reçue, puisqu'on étoit obligé de séparer de la société & de renfermer ceux qui en étoient attaqués; Moise fit des lois pour ordonner cette séparation, & régler la maniere dont elle devoit se faire, & nous lisons dans les livres sacrés, que sa soeur étant attaquée de cette maladie, fut mise hors du camp pour prévenir les saites funestes de la contagion; on a bâti dans plusieurs pays des hôpitaux, appelles de S. Lazare, dont la fondation etoit de donner à ces malheureux des secours qui leur étoient refusés par des parens ou domestiques justement allarmés pour leur propre santé. Cette maladie ou la disposition à cette maladie se transmet héréditairement des parens aux enfans; elle se communique par le coit, & par le simple coucher; Scultetus raconte que plusieurs personnes ont contracté cette maladie pour avoir mangé de la chair de lépreux. Le même auteur assure que l'usage de la chair humaine même saine, produit le même esset. Porta. mam. chirurg. observ. 100. L'on craignoit aussi beaucoup autrefois, pour la même raison, la viande de cochon, & l'usage immodéré du poisson; & c'est dans le dessein de prevenir les ravages que fait cette affreuse maladie, que le prudent législateur des Juifs leur défendit ces mets. Ces lois s'exécutent, sur tout à l'égard du cochon, encore aujourd'hui tres - rigoureusement chez les malheureux restes de cette nation. Quelques aureurs assurent que des excès fréquens en liqueurs ardentes, aromatiques, en vins sur - tout aigres, en viandes épicées, endurcies par le sel & la fumée, sur tout dans les pays chauds, duposoient beaucoup à cette maladie; c'est à un pareil régime que Willis attribue la lepre commune aux Cornouailliens; mais ces causes ne sont pas constatées, & même si l'on veut parcourir les nations chez lesquelles la lepre étoit comme endémique, il sera facile d'y observer que ce genre de vie, qu'on regarde comme cause de la lepre, n'y étoit point suivi, ou moins que chez d'autres peuples qui en étoient exempts; il y en a qui ont avancé que le coït avec une femme dans le tems qu'elle a ses régles, étoit une des causes les plus ordinaires de la lepre; il n'est personne qui ne sente le ridicule & le faux de cette assertion. On a aussi quelquefois, comme il arrive dans les choses fort obscures, eu recours pour trouver les causes de cette maladie, aux conjonctions particulieres des astres, & à la vengeance immédiate des dieux, à l'ignorance: la superstition, ou même la politique peuvent faire recourir à de semblables causes.

Dans les tems & les pays où la lepre étoit très commune, il n'étoit pas possible de s'y méprendre, l'habitude suffisoit pour la faire distinguer des autres maladies cutanées avec lesquelles elle pouvoit avoir quelque ressemblance; si elle paroissoit de nos jours, quelqu'inaecoutumés que nous soyons à la voir, les descriptions détaillées que nous en avons, mais plus que tout un génie contagieux épidémique, pourroient aisément nous la faire reconnoître; d'ailleurs il n'y au<pb-> [p. 395] roit pas grand risque à la confondre avec les autres maladies cutanées; la vérole peut aussi, dans certains cas, en imposer pour la lepre. J'ai vu une jeune femme dont toutes les parties du corps étoient couvertes de pustules écailleuses assez larges, semblables à celles qui paroissent dans la lepre; pendant l'usage des frictions mercurielles que je lui sis administrer, tous les autres symptomes vénériens se dissiperent, ces pustules s'applanirent par la chute de grosses écailles, & la peau revint ensuite, moyennant quelques bains, dans son état naturel. Je suis tres - persuade que dans pareil cas une erreur dans le diagnostic ne peut avoir aucune suite funeste.

Malgré l'appareil effiayant que présente la lepre, on a observé qu'elle etoit rarement mortelle, & qu'elle n'étoit accompagnée d'aucun danger pressant. On a vu des lépreux vivre pendant plusieurs années, sans autre incommodité ou plutôt n'ayant que le désagrément d'avoir la peau ainsi défigurée. Lorsque la lepre ne fait que commencer, qu'elle est encore dans le premier degré que nous avons appellé avec les Latins impetigo, ou peut se flatter de la guérir; les remedes que les anciens employoient réussissoient ordinairement. Dans le second degré, ou la lepre des Grecs, on ne guérissoit que rarement & à la longue, & la guérison etoit le plus souvent trésimpartaite; pour la lepre des Arabes ou l'étiphantiase, les remedes qu'un succès heureux & constant faisoit regarder comme plus appropriés à cette maladie dans les commencemens, ne produisoient dans ces derniers tems aucun effet, pas même le moindre changement en bien, toutes les tentatives étoient infructueuses; c'est pourquoi Celse conseille dans ce cas de ne point fatiguer le malade par des remedes dont l'inutilité est si constatée.

Dans la curation de la lepre, les anciens avoient prine palement égard à l'humeur mélancolique qu'ils regardoient conune la cause de cette maladie; cette idee n'est point tout - à - fait sans fondement, elle est sur - tout trés - utilement appliquable au traitement des autres maladies cutanées; en conséquence ils se servoient beaucoup des melanagogues, des hépatiques fondans, de l'aloes, de l'ellebore, de la coloquinte, de l'extrait de fumeterre, &c. ils joignoient à ces remedes plus particuliers l'usage d'une quantite d'autres remedes généraux dont en a encore augmenté le catalogue dans les derniers tems; les purgatifs, la saignée, le petit - lait à haute dose, les eaux acidules, les sucs d'herbes, les déecotions sudorifiques, les martiaux & le mercure sont ceux qu'on employoit le plus fréquemment; sans doute on en avoit observé de meilleurs essets; parmi les sudorisiques, on a beaucoup vanté les viperes: Aretée, Galien, Aétius, Avicenne, Rhaès, assurent que dans la lépre même contitmée, c'est un remede très - essicace; ils ne promettent de son usage lien moins qu'un renouvellement total de la constitution du corps; la cennoissance de leurs vertus est dûe, suivant Galien, au hasarurd; cet auteur raconte que quelques personnes touchées de compassion envers un misérable lépreux, & se croyant dans l'impossibilité de le guérir, résolurent de mettre fin à ses souffrances en l'empoisonnant; pour cet esset, ils lui donnerent de l'eau dans laquelle on avoit laissé long - tems une vipère; l'effet ne répondit point à leur attente, & le remede loin de précipiter la mort opéra une parfaite guérison, fides sit penes auctorem. Il s'en faut bien que la chair de viperes mangée, ou mise en decoction, produise des effets aussi sensibles. Voyez Vipere. La maniere dont Solenander les employoit ne paroît pas, toute singuliere qu'elle est, leur donner plus d'efsicacité; cet Auteut prenoit deux ou trois viperes, ou à leur défaut, des serpens, qu'il coupoit tous vivans par morceaux, & les mèloit ensuite avec de l'orge; il faisoit bouillir le tout jusqu'à ce que l'orge s'ouvrît, alors il s'en servoit pour nourrir des jeunes poulets; ne leur donnant aucune autre nourriture; apres quelques jours les plumes tomboient aux poulets, & des qu'elles étoient revenues, il les tuoit & en faisoit manger la chair & prendre le bouillon aux malades; il assure que par cette méthode, il a très souvent guéri des lépreux. Les sels volatils qu'on retire de la vipere, ou de la corne de cerf, paroissent mériter à plus juste titre tous ces éloges; leur action est incontestable, très - forte, & vraisemblablement avantageuse, dans le cas dont il s'agit. Quelqu'indiqués que paroissent les mercuriaux dans cette maladie, les expériences que Willis en a fait ne sont point en leur faveur; il les a employés dans deux cas où ils n'ont operé qu'un effet passager, ils n'ont fait qu'adoucir & pallier pour un tems les sy mptômes qui ont recommencé après de nouveau & même avec plus de force. Toutes les applications extérieures doivent, à mon avis, être bannies de la pratique dans cette maladie; si elles ne sont qu'adoucissantes, elles ne peuvent faire aucun bien, elles sont exactement inutiles; pour peu qu'elles soient actives elles exigent beaucoup de circonspection dans leur usage, qui peut dans bien des cas être dangereux & qui n'est jamais exactement curatif. Les bains simples, ou conposés avec des eaux minerales sulphureuses, teltes que celles de Barreges, de lsannieres, &c. so les remedes les plus appropriés, soit pour opeter la guérison, soit pour la rendre parfaite, en donnent a la peau sa couleur & sa soupiesse naturelie; ces mêmes eaux prises intérieurement ne peuvent lussi qu'etre très - avantageuses. Il ne faut cependant pas dissimuler que l'effet de tous ces remedes n'est pas constant, encore moins universel; nous avons deja remarqué que la lepre confirmée résistoit opin âtrement à toutes sortes de remedes, ce qui depend prob blement moins d'une incurabilité absolue, que du détaut d'un véritable spécifique. (M)

LEPROSERIE (Page 9:395)

LEPROSERIE, s. f. (Hist.) MALADRERIE; mais ce terme ne se soutient plus que dans le style du palais, dans les actes & dans les titres, pour signifier une maladrerie en général. En effet, il ne s'appliquoit auttefois qu'aux seuls hôpitaux, destinés pour les lepreux. Matthieu Paris comptoit dixneuf mille de ces hôpitaux dans la chrétienté, & cela pouvoit bien être, puisque Louis VIII. dans son testament fait en 1225, légue cent sols, qui reviennent à environ 84 livres d'aujourd'hui, à chacune des deux mille leproseries de son royaume.

La maladie pour laquelie on fit bâtir ce nombre prodigieux d'hôpitaux, a toujours eu, comme la peste, son siege principal en Egypte, d'où elle passa chez les Juifs, qui tirerent des Egyptiens les mêmes pratiques pour s'en préserver; mais nous n'avons pas eu l'avantage d'en être instruits.

Il paroit que Moïse ne preserit point de remedes naturels pour guérir la lepre, il renvoie les malades entre les mains des prêtres; & d'ailleurs il caracterise assez bien la maladie, mais non pas avec l'exactitude d'Arétée parmi les Grecs, liv. IV. chap. xiij. & de Celse parmi les Romains, liv. III. chap. xxv.

Prosper Alpin remarque que dans son tems, c'est - à - dire, sur la fin du seizieme siecle, la lepre étoit encore commune en Egypte. Nos voyageurs modernes, & en particulier Manndrel, disent qu'en Orient & dans la Palestine, ce mal attaque prineipaiement les jambes, qui deviennent enflées, écailleuses & ulcéreuses.

Le D. Townes a observé qu'une pareille lépre regne parmi les esclaves en Nigritie; l'enflure de leurs jambes, & les écailles qui les couvrent vont toujours en augmentant; & quoique cette écorce écail<pb->

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