ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"204"> peut appeller le fait, à ce qu'on peut appeller le droit (nous ne parlons toûjours que de l'usage intétieur, qui est l'essentiel), il me paroît, toutes les autorités & les observations étant opposées, comparées, résumées, & en y joignant le résultat de mes propres expériences, qu'on a dit en général du lait trop de bien & trop de mal.

Premierement, trop de bien, car il est sûr que le lait ne guérit véritablement aucune maladie grave, nommément les phtifies décidées, c'est - à - dire dès le commencement du second degré, lors même qu'il réussit, ou passe très - bien. J'ai même observé plus d'une fois que quoiqu'il calmât certains symptômes, ce n'étoit - là qu'un calme trompeur, comme celui de l'opium, & que la maladie n'en alloit pas moins son train perfide. Que s'il réussit quelquefois très bien dans le premier degré de phtisie, c'est que cet état est moins une maladie qu'une menace de maladie. Il ne guérit non - plus aucun ulcere des organes intérieurs, ni les rhumatismes, ni les maladies de la peau, notamment les boutons au visage, ni les ophtalmies. Il a, dans la petite vérole, le défaut capital de constiper trop opiniâtrément, trop long - tems; c'est même, comme nous l'avons observé dejà, un des effets des plus communs de la diete lactée: cette diete a encore l'inconvénient très - grave de devenir presque nécessaire pour toute la vie, une fois qu'on s'y est a ccoutumé, notamment chez les goutteux qui éprouvent, selon l'observation de Sydenham, des acces plus cruels & plus fréquens, lorsqu'après s'être soumis pendant un certain tems à la diete lactée, ils reviennent à l'usage des alimens ordinaires. En général l'usage du lait demande une façon de vivre tres - réguliere, & à laquelle il est difficile de réduire la plûpart des malades; & soit par des erreurs de régime presque inévitables, soit même sans aucune de ces erreurs, il est très sujet à causer des nausées, des abolitions totales d'appétit, diarthées, des vents, des sueurs, une mélancholie noire, des douleurs de tête; la fievre. Or tous ces accidens, qui rendent son usage dangereux, même dans l'état de santé, comme nous l'avons observé plus haut, sont bien plus funestes, sans doute, dans l'état de maladie, & principalement dans les maladis chroniques de la poitrine, & presque tous les cas de suppuration interne. Il n'est pas rare non - plus d'observer dans ces der<-> cas, & lorsque le pus a une issue, comme dans les lceres du poumon ou de la matrice, que cet coulement est supprimé par l'usage du lait, avec augmentation de symptômes & accélération de la mort. Enfin c'est un reproche très - grave à faire au lait, que celui de ne pouvoir être supporté que par la moindre partie des sujets non - accoutumés, auxquels on le prescrit.

Secondement, trop de mal, car il est observé d'abord que si on s'obstine à user du lait, quoiqu'il cause la plûpart des accidens ci - dessus rapportés, il n'est pas rare de voir tous ces accidens disparoître peu - à - peu, & le lait passer ensuite assez heureusement. Il est observé encore, comme nous en avons touché quelque chose déjà, que de même que le lait passe très - bien quelquefois sans que le fond de la maladie reçoive aucun amandement utile, de même il paroît quelquefois causer & même il cause en effet dans les cas graves, certains accidens, ou qui ne sont funestes qu'en apparence, ou qui n'en existeroient pas moins si on n'avoit pas donné le lait. Il est sûr encore que le lait fait communément très - bien dans les amaigrissemens externes, sans fievre suppuratoire, dans les toux simples & vraiment pectorales ou gutturales, dans les menaces de phtisie, & dans les dispositions à l'hémoptisie, dans les fleurs blanches, &c. On l'a vu même réussir plus d'une fois dans les vapeurs hystériques, & dans les affections mélancoli<cb-> ques hypocondriaques; mais le lait brille principalement sur un ordre de sujets que beaucoup de medecins n'ont pas été à portée de distinguer & d'observer, savoir les habitans éleves déli ment des grandes villes. Toutes les petites incommodités presque particulieres aux grands & aux riches, aux constitutions dégénérées par le luxe, que les Medecins comprennent sous le nom d'affections vaporeuses ou nerveuses, dont la plus grande partie sont inconnues dans les provinces; tout cela, dis - je, est assez bien assoupi, masqué par l'usage du lait; & l'on ne se passeroit que très - difficilement de ce secours dans la pratique de la Medecine exercée dans le grand monde. Enfin le lait est au - moins une ressource dans les cas desespérés pour calmer les angoisses, les douleurs, l'horreur du dernier période de la maladie, pour cacher au malade, par l'emploi'd'un secours indifférent, la triste vérité qu'il n'a plus de secours à espérer.

Le lait étant suffisamment indiqué par la nature de la maladie, il reste à déterminer les autres circonstances qui doivent diriger dans son administration, & premierement la constitution du sujet. Quant à ce premier chef, toutes les regles se réduisent à celle - ci. On le donne sans hésiter à ceux qui y sont accoutumés; Bennet ajoûte, & qui l'appetent vivement, avidè petentibus. On ne le donne point à ceux qui l'ont en horreur, & même on en suspend, on en supprime l'usage lorsqu'il dégoûte celui qui en use. Enfin, dans les sujets neutres, s'il est permis d'appeller ainsi ceux qui n'ont pour le lait, ni penchant, ni dégoût, & qui n'y sont point accoutumés, on n'a d'autre ressource que le tatonnement.

2°. La saison de l'année; on choisit, lorsque les circonstances le permettent, le printems & l'autommne; quand la nécessité est urgente, on le donne en tout tems.

3°. L'heure dans la journée. Si on n'en prend qu'une fois parjour, c'est le matin à jeun, ou le soir en se couchant, trois heures au moins après le souper. S'il s'agit de la diete lactée, ou de la boisson du lait en guise de ptisane dans la toux par exemple, ou dans certaines maladies aiguës, la question n'a plus lieu. Dans le premier cas, on le prend à l'heure des repas, & dans le second, à toutes les heures de la journée.

4°. Faut - il préparer le sujet au moins par une médecine? Cette pratique est salutaire dans la plupart des cas; mais certainement on en fait une loi trop universelle.

5°. Quel régime doivent observer ceux qui prennent le lait? Il y aici une distinction essentielle à faire savoir entre le lait donné pour toute nourriture, ou à peu près; & le lait pris pendant l'usage, sub usu, des alimens communs. Dans le premiers cas, la premiere est de régime, c'est - à - dire la privation de tout aliment ou boisson qui pourroit corrompre le lait, est comprise dans la prescription même de cet aliment médicamenteux, puisqu'on le prend pour toute nourriture, c'est - à - dire pour tout aliment & pour toute boisson. Cependant comme cet usage est moins sévere que ne l'annonce la valeur de ces mots pour toute nourriture, on accorde communément avec le lait, comme nous l'avons dit plus haut, les farineux fermentés & non fermentés, & on supprime tout autre aliment.

Une tasse de lait pur ou coupé, d'environ six onces le matin, une soupe faite avec deux ou trois petites tranches de pain, & environ dix ou douze onces de lait à midi, un riz clair avec pareille quantité de lait à sept heures du soir, & une tasse de lait pareille à celle du matin, le soir en se couchant; cette maniere de vivre, dis - je, fait une diete lactée très - pleine, & capable de soutenir les forces & l'embon<pb-> [p. 205] point. Une diete lactée purement suffisante pour vivre, peut ne consisten qu'en trois petites tasses à cafsé de lait par jour.

On interdit à ceux qui usent en même tems du lait, & les älimens communs, tout ce qui peut cailler le lait, & principalement les acides. En général cette pratique est bonne, mais non pas autaut qu'on le croit, ni par la raison qui le sait croire car il est de sait que le lait est caillé, même dans l'estomac le plus sain avant d'etre digéré; qu'il subit dans l'état sain une vraie digestion, à la manicre des alimens solides; par consequent les acides ne nuisent pas en le coagnant D'ailleurs ils ne nuirent pas aussi généralement qu'on le croit; & peut - être sont - ils utiles au contraire dans certains cas; dans celui du détant de la présure naturelle, à laquelle ils peuvent suppléer utilement. On a vu plusieurs personnes ne digérer jamais mieux le lait, que lorsquelles prenoient ensuite des acides. Une femme m'a assuré qu'elle ne pouvoit souffrir le lait coupé avec la limonade; j'ai entendu dire que ce mélange étoit communément usiré en Italie. Quoi qu'il en soit, il est clair que la sobriété est plus nécessaire à ceux qui prennent le lait, que la privation de tel ou tel aliment. Cependant si ce doit être la la premiere loi diététique, la seconde chez les gens vraiment malades, doit être d'eviter autant qu'il est possible les crudités, sur - les truits veres, les alimens éminemment inaigestes.

Une regle commune â la diete lactée, & à l'usage non - exclui du lait, c'est que ceux qui en usent, soient très circonspcts, tres - tobres sur l'usage de la veille, des exercices, de l'acte venerien, des passions: & qu'ils évitent l'air humide & froid, & le chaud excessif.

6°. Quels sont les effets du lait évidemment mauvais, & qui doivent engager à en sutpendre, & meme à en abandonner abument l'age. Nous avons déja répdu en partie à cette question, lorsque nous ayons rapporte les accidens divers qui suivent assez souvent l'usage du lait. ar, quoique nous ayons observé qu'il arrivoit quelqueois qu'en bravant ces accidens, & s'obstinant dans l'emploi du lait, on reuissoit à le faire passer: quoique nous ayons remarqué aussi que les malade, le se trouvoient pas mieux, quoiqu'on eut eloigne par la suppression lu lait les accidens qui étoient evidemment dûs à l'usage de ce remede: cependant ce n'est pas là la loi commune; & en général lorsque le lait donne des nausées, des gonsemens, des vents, des pertes d'appétit, des diarrhées, des sueurs, des maux de tête, la fievre, ou senlement une partie de ces accidens, il faut en suspendre, ou en supprimer absolumert l'usage.

Nous avons déja observé que la coagulation du lait dans l'estomac, n'étoit point un mal: par conséquent ce n'est pas une raison pour quitter le lait, que d'en vomir une partie sous la forme d'un caille blanc & peu dense.

Mais lorsque pendant l'usage du lait, les gros excrémens sont méies d'une matiere coagulée dense, de la n du sromage, blanchâtre, verte ou jaune, & qu'en même tems les hypecondres sont gonslés, & que le malade se sent lourd, bousfi, foible, & qu'il n'a point d'appétit, &c. alors, dis - je, il faut quitter le lait. Ce genre d'altération ne se corrige ni par les remedes, ni par le tems; l'espece d'engorgement sans tation, iners, qu'il cause dans l'estomac & dans les intestins, augmente chaque jour, & élude si bien la force expultrice de ces organes, qu'on a vu des malades rendre abondamment de ces concrétions sromageuses six mois pres avoir quitté le lait; or ces embourbemens sont toujours funestes.

La constipation opiniâtre, c'est - à - dire qui ne ce<cb-> de point aux remedes ordinaires que nous allons indiquer dans un instant, est aussi une raison pour quitter le lait, sur - tout chez les vaporeux des deux sexes; ou si elles donnent des vapeurs a ceux même qui n'y étoient pas sujets, ce qui est une suite trèsordinaire de la constipation.

Enfin le dégoût du lait, sur - tout lorsqu'il est considérable, est une indication certaine & évidente d'eninterdire, ou au moins d'en suspendre l'usage.

7°. Quels sont les remedes de ces divers accidens causés par le lait, soit qu'ils exigent qu'on en suspende l'usage, soit qu'on se propose d'y remédier, afin de continuer le lait avec moins d'inconvénient.

Lorsqu'on se détermine à renoncer au lait, il est presque toujours utile de purger le malade; & c'est même l'unique remede direct à employer dans ce cas. Les autres remedes destinés à reparer le mal causé dans les premieres voies, doivent être régiés non - seulement sur cette vûe, mais même sur la considération de l'état général du malade.

La constipation causee par le lait n'est pas vaincue communément par les lavemens; ils ne font que faire rendre quelques crotins blancs; & il arrive souvent même que la constipation augmente. La magnésie blanche, & la casse cuite qui sont fort usitées dans ce cas ne réussissent pas toujours; le suc d'herbe de violette, de mauve & de cerfeuil, mêlés en parties égales, ajoutés à pareille quantité d'eau de veau ou de poulet, & pris à la dose de quelques cuillerees seulement dans la matinée, font à mervèille dans ces sujets délicats, dont nous avons parlé déja: or c'est à ceux - la principalement, comme nous l'avons observé encore, que convient la diete lactée; & c'est eux aussi que tourmentent particulierement les constipations & les bouffees portant à la tête & à la poitrine, qui sont les suites les plus facheuses de la constipation.

On remédie communément d'avance autant qu'il est possible, aux autres mauvais effets du lait, par les diverses circonstances de sa préparation, que nous allons exposer sur le champ.

On donne le lait pur & chaud sortant du pis, ou bouilli ou froid; on le mêle ou on le coupe avec differentes liqueurs, avec de l'eau pure (ce qui fait le mêlange appellé par les Grecs NDOOGALA), avec des décoctions des semences farineuses, principalement de Forge, avec les sucs, infusions ou décoctions de plusieurs plantes vulnéraires, astringentes, adoucissantes, antiscorbutiques, sudorifiques, &c. telles que le suc ou la décoction de plantain, l'infusion de millepertuis, de violette, de bouillon - blanc, le suc de cresson, la décoction d'esquine, &c. avec des bouillons & des brouets; tels que le bouillon commun de boeuf ou de mouton, l'eau de veau, l'eau de poulet, &c. avec les liqueurs fermentées même, comme le vin & la bierre, avec les eaux minérales, &c. On l'assaisonne avec le sucte, le sel, le miel, divers syrops, les absorbans, le fer rouillé & ro<-> gi au feu, & éteint dedans, &c. On l'emploie comme assaisonnement lui - même dans les crêmes de riz, de gruau, d'orge mondé, avec les pâtes d'Italie, le sagou, &c. On le donne entier, ou privé de l'un de ses principes, d'une partie du beurre, par exen ple, ce qui fait le lait ceremé, ou de plusieurs de ses principes, du beurre & du fromage, par exemple; ce qui fait le petic lait, dont nous ferons un petit article à part, à la suite de celui - ci. Le beurre & le fromage, soit confondus ensemble, soit séparés, ne sont pas mis communément au rang des laitages considéres médicinalement: nous en avons fait des articles partieuliers. Voyez ces articles.

Le lait pur demande la trop grande habitude por bien passer. La circonstance d'etre pris chaud, froid,

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