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On opere encore la décomposition du lait par un
moyen très - connu, très - vulgaire, mais dont il n'existe
encore dans l'art aucune théorie satisfaisante,
je veux dire, la coagulation par l'application de
certaines substances, savoir les acides (soit foibles,
soit tres - forts, tels que l'acide vitriolique le plus
concentré, qu'Hoffman prétend produire dans le lait
l'effet directement contraire. Voyez la dissertation de
salub. seri lactis virtute, >. 4), les alcalis, les esprits
ardens, & particulierement le lait aigri dans l'estomac
des jeunes animaux à la mamelle, lactantium, &
certaines fleurs & étamines; ce lait aigri & ces fleurs
tirent de leur usage le nom commun de presure. Voy.
Le lait n'est séparé par la coagulation qu'en deux parties, & cette séparation n'est pas absolue ou parfaite. Le coagulum ou caillé contient cependant presque tout le fromage & le beurre, & la liqueur est le petit - lait ou le principe aqueux chargé du sel ou sucre, & d'une très petite quantité de fromage & de beurre.
Quelques auteurs ont prétendu que de même que certaines substances mêlées au lait hâtoient son altération ou le coaguloient, de même il en étoit d'autres qui le preservoient de la coagulation en opérant une espece d'assaisonnement. Ils ont attribué principalement cette vertu aux eaux minérales alcalines ou sulphureuses, & aux spiritueuses. Ces prétentions sont sans fondement: on ne connoît aucune matiere qui étant mêlée en petite quantité au lait, en empêche l'altération spontanée; & quant aux eaux minérales, j'ai éprouvé que le principe aqueux étoit le seul agent utile dans les mélanges d'eaux minérales & de lait, faits dans la vûe de corriger la tendance du lait à une prompte décomposition: car il est vrai que ces eaux minérales mêlées à du lait frais à parties à - peu - près égales, en retardent sensiblement, quoique pour peu de tems, l'altération spontanée; mais de l'eau pure produit exactement le même effet.
Le petit - lait n'aigrit point, n'a pas le tems d'aigrir
dans cette derniere opération. Aussi est - ce toûjours
par ce moyen qu'on le sépare pour l'usage médicinal
ordinaire. Voyez
Le lait distillé au bain - marie, donne un phlegme chargé d'une odeur de lait; mais cette odeur n'est point dûe à un principe aromatique particulier, & distinct des principes dont nous avons parlé jusqu'à présent. Ce n'est ici, comme dans toutes les substances véritablement inodores (c'est - à - dire dépourvûes d'un principe aromatique dictinct) qui se font reconnoître pourtant dans le produit le plus mobile de leur distillation, qu'une foible & legere émanation, effluvium, de leur substance entiere.
Tout ce principe aqueux étant séparé par la distillation
au bain - marie, ou dissipé par l'évaporation
libre au même degré de chaleur, on obtient une
matiere solide, friable, jaunâtre, d'un goût gras &
sucré assez agréable, qui étant jettée dans des liqueurs
aqueuses bouillantes, s'y dissout en partie,
les blanchit, & leur donne presque le même goût
que le mêlange du lait frais & inaltéré. Il est évident que cette matiere n'est que du lait concentré,
mais cependant un peu dérangé dans sa composition.
Voyez
L'analyse ultérieure à la violence du feu, ou la
distillation par le feu seul poussée jusqu'à ses derniers
degrés, fournit une quantité assez considérable
d'huile empyreumatique; & s'il en faut croire Homberg, Mém. de l'Acad. royale des Scienc. 1712, incomparablement
plus d'acide que le sang & la chair
des gros animaux, & point du tout de sel volatil concret.
Cette attention à spécifier l'état concret de
l'alcali volatil que ce chimiste exclut des produits du
lait, fait conjecturer, avec beaucoup de fondement,
qu'il retiroit du lait de l'alcali volatil sous son autre
forme, c'est - à - dire liquide. Or, quoique les matieres
d'où on ne retire de l'alcali volatil que sous cette
derniere forme, dans les distillations vulgaires, en
contiennent beaucoup moins en général que celles
qui fournissent communément ce principe sous forme
concrete, cependant cette différence peut n'être
qu'accidentelle, dépendre d'une circonstance de
manuel, savoir du desséchement plus ou moins absolu
du sujet pendant le premier tems de la distillation.
Voyez
Ce que nous avons dit du lait jusqu'à présent,
convient au lait en général. Ces connoissances sont
déduites des observations faites sur le lait de plusieurs
animaux, différant entr'eux autant qu'il est
possible à cet égard, c'est - à - dire sur celui de plusieurs
animaux qui ne se nourrissent que de substances végétales,
& sur celui de certains autres qui vivent
principalement de chair. L'analogie entre ces différens
laits est parfaite, du moins très considérable;
& il y a aussi très - peu de différence quant au sond
de la composition du lait entre celui que donne un
même individu, une semme, par exemple, nourrie
absolument avec des végétaux, ou qui ne vivra
presque que de substances animales. Ce dernier f it
est une suite bien naturelle de l'observation precédente.
Une expérience décisive prouve ici que la
Chimie, en découvrant cette identité, ne l'etablit
point seulement sur des principes grossiers, tandis
que des principes plus subtils & qui fondent des différences
essentielles lui échappent. Cette expérience
est que les quadrupedes, soit très - jeunes, lactantia,
soit adultes, sont très - bien nourris avec le lait de
quelqu'autre quadrupede que ce soit: on éleve très bien
un jeune loup avec du lait de brebis. Rien n'est
si commun que de voir des petits chats têter des
chiennes. On nourrit très - bien les enfans avec le lait
de vache, de chevre, &c. Un observateur très - judicieux, très - philosophe, très - bon citoyen, a même
prétendu qu'il résulteroit un grand bien pour l'espece
humaine en général, & un avantage décidé pour
les individus, de l'usage de nourrir tous les enfans
avec le lait des animaux. Voyez
Cette identité générique ou fondamentale, n'empêche pas que les laits des divers animaux ne soient distingués entr'eux par des qualités spécifiques; la différence qui les spécifie principalement & essentiellement, c'est la diverse proportion des principes ci - dessus mentionnés. Les Chimistes medecins se sont principalement attachés à déterminer ces proportions dans les especes de lait qui ont des usages médicinaux, savoir le lait de femme, le lait d'anesse & celui de jument, le lait de vache, celui de chevre, & celui de brebis.
Frideric Hoffman a trouvé qu'une livre de médecine
ou douze onces de lait de vache, épuisée par
l'évaporation de sa partie aqueuse, laissoit une once
& cinq gros de matiere jaunâtre, concrete, seche
& pulvérulente; que cette matiere lessivée avec
l'eau bouillante, perdoit une dragme & demie. Homberg a d'ailleurs observé dans les mémoires de l'a.ad.
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Les mêmes expériences tentées par Hoffman & par Homberg sur le lait de chevre, ont indiqué que la proportion des principes étoit la même dans ce lait: & que la quantité de matiere concrescible prise en somme, étoit seulement moindre d'un vingt - sixieme.
Hoffman a tiré, par la même voie, de douze onces de lait d'anesse, une once de résidu sec, pulvérulent & blanc, qui ayant été lefsivé avec de l'eau bouillante, a perdu environ sept gros. Homberg prétend que le lait d'anesse contient trois ou quatre sois plus de fromage que de crême ou de substance dans laquelle le beurre domine. Ainsi la partie soluble dans l'eau, ou le sucre de lait un peu barbouillé de fromage & de beurre domine dans le lait d'anesse, y est contenue à la quantité d'environ un quinzieme ou un seizieme du poids total; le beurre fait tout au plus le trois - centieme du tout, & le fromage le centieme.
Le lait de femme a donné à Hoffman un résidu blanchâtre, presqu'égal en quantité à celui du lait d'ânesse; mais qui ne contenoit pas tant de matiere soluble par l'eau, & seulement six gros sur neuf ou les deux tiers.
Les expériences que nous venons de rapporter
ont été faites avec beaucoup de négligence & d'inéxactitude;
l'énoncé de celles d'Homberg est on ne
peut pas plus vague, & Hoffman a manqué, 1°. à
employer le bain - marie pour dessécher la substance
fixe ou concrescible du lait: or il est presqu'impossible
de dessécher cette matiere parfaitement au feu
nud, sans la brûler ou du moins la rissoler tant soit
peu, ce qui est le défaut contraire au desséchement
imparfait. Secondement, il n'a point distingué dans
la partie insoluble de son résidu, le beurre du fromage,
ni dans la matiere enlevée par les lessives le sel
ou sucre du lait d'un fromage subtil, uni à un peu
de beurre que l'eau entraîne avec ce sel, qui fournit
la matiere de la recuite, & qui est celle qu'on se
propose d'enlever par la clarification du petit - lait,
& par la lotion du sel ou sucre de lait. Voyez ci - dessous
Ce que nous venons de rapporter, tout imparfait qu'il est, suffit pourtant pour fixer l'idée des Médecins sur les différences essentielles des especes de lait qui fournissent des alimens ou des remedes aux hommes; car l'usage médicinal se borne prosque aux quatre especes de lait dont nous venons de faire mention; & il est connu encore par des observations à peu près suffisantes, que le lait de brebis qu'on emploie dans quelques contrées, est fort analogue à celui de vache, & que le lait de jument, dont l'usage commence à s'établir en France, est d'une nature
Usage diététique & médicamenteux du lait, & premierement du lait de vache, de chevre &. de brebis.
Le lait de vache est, pour les Médecins, le lait par excellence; c'est de ce lait qu'il est toujours question dans leurs ouvrages, lorsqu'ils parlent de lait en général, & sans en déterminer l'espece. Le lait de vache possede en effet le plus grand nombre des qualités genériques du lait: il est, s'il est permis de s'exprimer ainsi, le plus lait de tous ceux que la Médecine emploie, celui qui contient les principes que nous avons exposés plus haut, dans la proportion la plus exacte. Il est vraissemblable pourtant que cette espece de prééminence lui a été principalement accordée, parce qu'il est le plus commun de tous, celui qu'on a le plus commodément sous la main; car le lait de chevre est très - analogue au lait de vache: la prétendue qualité plus particulierement pectorale, vulnéraire, par laquelle on distingue le premier dans la pratique la plus reçue, est peu éyidente; & dans les pays où l'on trouve plus facilement du lait de chevre que du lait de vache, on emploie le premier au lieu du second, sans avoir observé des différences bien constatées dans leurs bons & dans leurs mauvais effets. Le lait de brebis supplée très - bien aussi dans tous les cas à l'un & à l'autre, dans les pays où l'on manque de vaches & de chevres. Tout cela pourroit peut - être s'éclaircir par des observations: je dis peut - être, car ces observations seroient au moins très - difficiles, tres fines. Quoi qu'il en soit, elles n'existent pas, & il paroît que l'art y perd peu. On peut cependant, si l'on veut, regarder le lait de vache comme le remede principal, chef majeur; & les deux autres seulement comme ses succédanées.
Le mot lait sans épithéte signifiera donc dans la suite de cet article, comme il doit le signifier dans les ouvrages de Médecine, lait de vache, ou à son défaut lait de chevre ou de brebis; & nous renfermerons ce que nous avons à dire à ce sujet dans les considérations suivantes, où nous nous occuperons premierement de ses usages diététiques dans l'état sain, & ensuite de son emploi plus proprement médicinal, c'est - à - dire dans le cas de maladie.
Le lait fournit à des nations entieres, principalement aux habitans des montagnes, la nourriture ordinaire, journaliere, fondamentale. Les hommes de ces contrées sont gras, lourds, paresseux, stupides ou du moins graves, sérieux, pensifs, sombres. Il n'est pas douteux que l'usage habituel du lait ne soit une des causes de cette constitution populaire. La gaité, l'air leste, la légereté, les mouvemens aisés, vifs & vigoureux des peuples qui boivent habituellement du vin, en est le contraste le plus frappant.
Ce qui confirme cette conjecture, & qui est en même tems une observation utile, c'est que le lait donné pour toute nourriture, ou ce qu'on appelle communément la diete lactée ou la diete blanche, que ce régime, dis - je, jette très - communément les sujets qu'on y soumet dans une mélancolie très - sombre, très - noire, dans des vapeurs affreuses.
Il est admirable cependant combien le lait pris en
très - petite quantité pour toute nourriture, nourrit
& soutient, lorsqu'il réussit, les personnes mêmes
les plus vigoureuses, & de l'esprit le plus vif, sans
faire tomber sensiblement leurs forces corporelles,
& sans assoiblir considérablement leurs facultés intellectuelles,
& cela pendant des années entieres.
On comprend plus aisément, mais il est pourtant
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