ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"160"> pour élever ainsi sa patrie; pour voir qu'en choquant les usages recus, en confondant toutes les vertus, il montreroit à l'univers sa sagesse! Lycurgue mêlant le larcin avec l'esprit de jusfice, le plus dur esclavage avec la liberté, des sentimens atroces avec la plus grande modération, donna de la stabilité aux tondemens de sa ville, tandis qu'il sembloit lui enlever toutes les ressources, les Arts, le Commerce, l'argent, & les murailles.

On eut à Lacédémone, de l'ambition sans espérance d'être mieux; on y eut les sentimens naturels: on n'y étoit ni enfant, ni pere, ni mari; on y étoit tout à l'état. Le beau sexe s'y fit voir avec tous les attraits & toutes les vertus; & cependant la pudeur même fut ôtée à la chasteté. C'est par ces chemins étranges, que Lycurgue conduisit sa Sparte au plus haut degré de grandeur; mais avec une telle infaillibilité de ses institutions, qu'on n'obrint jamais rien contre elle en gagnant des batailles. Apres tous les succès qu'eut cette république dans ses jours heureux, elle ne voulut jamais étendre ses frontieres: son seul but fut la liberté, & le seul avantage de sa liberté, fut la gloire.

Quelle société offrit jamais à la raison un spectacle plus éclatant & plus sublime! Pendant sept ou huit siecles, les lois de Lycurgue y furent observées avec la fidélité la plus religieuse. Quels hommes aussi estimables que les Spartiates, donnerent jamais des exemples aussi grands, aussi continuels, de moderation, de patience, de courage, de tempérance, de justice & d'amour de la patrie? En lisant leur histoire, notre ame s'éleve, & semble franchir les limites etroites dans lésquelles la corruption de notre siecle retient nos foibles vertus.

Lycurgue a rempli ce plan sublime d'une excellente république que se sont fait après lui Platon, Diogène, Zénon, & autres, qui ont traité cettematiere; avec cette différence, qu'ils n'ont laissé que des discours; au lieu que le législateur de la Laconie n'a laissé ni paroles, ni propos; mais il a fait voir au monde un gouvernement inimitable, & a confondu ceux qui prétendroient que le vrai sage n'a jamais existé. C'est d'après de semblables considérations, qu'Aristote n'a pu s'empêcher d'écrire, que cet homme sublime n'avoit pas reçu tous les honneurs qui lui étoient dus, quoiqu'on lui ait rendu tous les plus grands qu'on puisse jamais rendre à aucun mortel, & qu'on lui ait érigé un temple, où du tems de Pausanias, on lui offroit encore tous les ans des sacrifices comme à un dieu.

Quand Lycurgue vit sa forme de gouvernement solidement etablie, il dit à ses compatriotes qu'il alloit consulter l'oracle, pour savoir s'il y avoit quelques changemens à faire aux lois qu'il leur avoit données; & qu'en ce cas, il reviendroit promptement remplir les decrets d'Apollon. Mais il résolut dans son coeur de ne point retourner à Lacédémone, & de finir ses jours à Delphes, étant parvenu à l'âge où l'on peut quitter la vie sans regret. Il termina la sienne secretement, en s'abstenant de manger; car il étoit persuadé que la mort des hommes d'état doit servir à leur patrie, être une suite de leur ministere, & concourir à leur procurer autant ou plus de gloire, qu'aucune autre action. Il comprit qu'après avoir exéouté de trds - belies choses, sa mort mettroit le comble à son bonheur, & assureroit à ses citoyens les biens qu'il leur avoit fait pendant sa vie, puisqu'elle les obligeroit à garder toûjours ses ordonnances, qu'ils avoient juré d'observer inviolablement jusqu'à son retour.

Dicéarque, que Cicéron estimoit à un point singulier, composa la description de la république de Sparte. Ce traité fut trouvé à Lacédémone même, si beau, si exact, & si utile, qu'il fut décidé par les magistrats, qu'on le liroit tous les ans en public à la jeunesse. La perte de cet ouvrage est sans doute tres digne de nos regrets; il faut pourtant nous en consoler par la lecture des anciens historiens qui nous restent, sur - tout par celle de Pausanias & de Plutarque, par les recueils de Meursius, de Cragius, & de Sigonius, & par la Lacédémone ancienne & moderne de M. Guillet, livre savant & très - agréablement écrit. (D. J.)

LACER (Page 9:160)

LACER, v. act. (Gramm. & art méchan.) c'est serrer ou fermer avec un lacet; on lace un corps en passant un lacet dans les oeillets percés sur ses bords à droite & à gauche. On lace une voile en la saisissant avec un quarentenier qui passe dans les yeux du pié & qui l'attache à la vergue, lorsqu'on est surpris de gros tems, & qu'il n'y a point de garcelles au ris. On fait lacer ses lices par de bons chiens, c'est - à - dire couvrir, &c. Quand une lice lacée a retenu, on dit qu'elle est nouée.

LACERATION (Page 9:160)

LACERATION, s. f. (Jurisprud.) en termes de palais, signifie le dichirement de quelque écrit ou imprimé. Quand on déclare nulles des pieces qui sont reconnues fausses, on ordonne qu'elles seront lacérées par le greffier: quand on supprime quelque écrit ou imprimé scandaleux ou injurieux à quelque personne ou compagnie constituée en dignité, on ordonne qu'il sera lacéré par l'exécuteur de la hautejustice, & ensuite brûlé. (A)

LACERNE (Page 9:160)

LACERNE, s. f. lacerna, lacernum, (Littér.) nom d'une sorte d'habit ou de capote des Romains; j'en ai déja parlé au mot habit des Romains; j'ajoute ici quelques particularités moins connues.

La lacerne étoit une espece de manteau qu'on mettoit par - dessus la toge, & quand on quittoit cette robe, par - dessus la tunique; on l'attachoit avec une agraffe sur lépaule, ou par devant. Elle étoit d'abord courte, ensuite on l'allongea. Les pauvres en portoient constamment pour cacher leurs haillons, & les riches en prirent l'usage pour se garantir de la pluie, du mauyais tems, ou du froid aux spectacles, comme nous l'apprenons de Martial.

Amphitheatrales nos commendamur ad usus, Quùm tegit algentes nostra lacerna togas.

L'usage des lacernes étoit fort ancien dans les armées de Rome; tous les soldats en avoient. Ovide, liv. Il. des Fastes, v. 745, nous apprend que Lucrece pressoit ses esclaves d'achever la lucerne de son mari Collatinus, qui assiégeoit Ardée.

Mittendo est domino, nunc nunc properate, puella, Quàm primùm nostrâ facta lacerna manu.

Mais sur la fin de la république, la mode s'en établit à la ville comme à l'armée; & cette mode dura pour les grands jusqu'aux regnes de Gratien, de Valentinien & de Théodose, qui défendirent aux sénateurs d'en porter en ville. Les femmes s'en servoient même le soir, & dans certains rendez - vous de galanterie, la clara lacerna d' Horace, satyr. VII. liv. II. v. 48, c'est - à - dire le manteau transparent, vaut tout autant pour la leçon du texte, que la clara lucerna, la lampe, allumée de Lambin.

Il y avoit des lacernes à tout prix. Martial parle de quelques - unes qu'on achetoit jusqu'à dix mille sexterces. Enfin si vous êtes curieux d'épuiser vos recherches sur ce sujet, voyez les auteurs de re vestiariâ Romanorum, & Saumaise dans ses notes sur Spartien & sur Lampridius. (D. J.)

LACERT (Page 9:160)

LACERT, dracunculus, s. m. (Hist. nat. Lytholog.) poisson de mer ainsi nommé parce qu'il ressemble en quelque façon à un lésard. Sa longueur est d'un pié; il a le museau pointu, la tête grande, large, applatie, & la bouche petite. Au lieu d'une fente à l'endroit des ouies, il y a au - dessous de la [p. 161] tête deux trous qui y suppléent, un de chaque côté. Les yeux sont aussi placés sur la face supérieure de la tête; les nageoires sont en partie de couleur d'or, & en partie de couleur d'argent; celles qui se trouvent au dessous des nageoires voisines des ouies, ont plus de longueur, & sont placées fort près de la bouche. Le dos a deux nageoires: la premiere est foit petire, & de couleur d'or, avec des traits de couleur d'argent: la seconde est très - longue, & terminée par cinq pointes; il se trouve au - delà de l'anus une nageoire dorée dans toute son étendue, excepté le bord qui est noir; le corps a peu de diametre; la queue a une nageoire très longue, & noire sur le bord; la couleur du dos est d'un jaune verdâtre; les côtés ont de petites taches argentees & bleuâtres; le ventre est blanc, large, plat, & revêtu seulement d'une peau déliée; la chair du lacert a beaucoup de rapport à celle du goujon. On voit des lacerts à Gêne & à Rome. Voyez Rond. Hist. des poissons, liv. X. Voyez Poisson.

LACET (Page 9:161)

LACET, s. m (Artimécan.) petit cordon ferré par le, deux bouts, qui sert à quelques vêtemens des femmes ou des enfans, & à d'autres usages; il y a des lacets ronds, des lacets plats, & des lacets de fil & de soie.

Des lacets de fil. On fait avec le fil deux sortes de lacets, les uns de fil de plain, & les autres de fil d'étoupes; le fil de plain qui provient du chanvre, qui porte le chénevi, & que neanmoins on nomme male, parce que c'est le chanvre le plus fort, sert à la fabrique des meilleurs lacets, & ne s'emploie jamais qu'en blanc, parce que ces lacets étant plus fins & plus chers, le debit ne s'en fait qu'aux gens aisés; le fil d'étoupes qui est fait des matieres grossieres qui restent après que le frotteur a tiré la meilleure filasse, tant du chanvre femelle que du mâle, s'emploie pour la fabrique des lacets d'étoupes que l'on teint de différentes couleurs, parce que les gens de la campagne donnent volontiers dans tout ce qui est apparent; mais la vraie raison est que la teinture altere beaucoup moins le fil d'étoupes que le blanchissage qui en abrege considérablement la durée. On fait cependant blanchir la sixieme partie du fil d'étoupes, pour faire un mêlange de couleurs dont il sera parlé ci - après; on teint tout le reste, mais la moindre partie en rouge avec le bois de Bresil & l'alun, & le surplus en bleu avec le bois d'Inde & le verd de gris.

Du rouet. Le fil étant blanchi on le devide en bobines sur un rouet ordinaire, tel qu'on le voit à la Planche I. fig. 1. Ce rouet A est composé d'une roue B, de deux montans C qui la soutiennent, d'une piece de bois D qui sert d'empatement à toute la machine, & de quatre morceaux de bois qui servent de pié pour élever cette piece de bois, au bout de laquelle il y a une espece de coffre E dans lequel on met la bobine F sur laquel e on: doit devider le fil. Cette bobine tourne sur son axe, par le moyen d'une broche de fer G, qui parcourt toute la longueur du coffre; cette broche traverse les deux bouts du cosfre. Voyez la bobine separée de cette broche, Planche III. fig. 1. Cette bobine tourne sur elle - même par le moyen d'une petite poulie qui est fixée sur elle, & la corde de boyau passant sur cette poulie, la fait tourner avec la broche. A deux piés de distance se trouve un devidoir H sur lequel le fil qu'on doit devider doit être mis. Ce qui étant disposé comme on le voit à la Planche I. fig. 1. on com mence par tirer de la main droite le sil du devidoir, lequel étant parvenu au rouet, on l'attache sur la bobine, l'ouvrier tourne de la main gauche la roue qui par son mouvement fait tourner la broche, & de la droite il tient toujours le fil qu'il dirige & entasse sur la bobine.

Du tri. Le fil étant devidé sur plusieurs bobines, on les met sur un tri, Planche I. fig. 2. qui est au bas du métier à lacets. Ce tri A est composé de quatre petites colonnes BBBB rangées en ligne droite, & enclavées sur le marche - pié du métier à lacets; elles sont arrêtées dans le haut par une petite traverse qui les embrasse & leur sert de chapiteau. Ces colonnes sont hautes d'un pié & demi, & eloignées d'un demi - pié l'une de l'autre; elles sont percées sur leur hauteur, à distance égale de quatre pouces. On passe dans ces trous des petites broches de fer dans lesquelles on fait passer des bobines, & on en met entre les colonnes le nombre dont on a besoin, ce qui ne va qu'à trois ou quatre. Voyez Planche I. fig. 2.

Du métier à lacet, Planche I. fig. 3. il est composé de deux colonnes AA d'un demi - pié d'équarissage, hautes de trois piés chacune. Elles sont soutenues par deux petites pieces de bois BB, longues de deux piés, qui sont couchées, & dans lesquellès sont enclavées les deux colonnes: elles sont éloignées l'une de l'autre de trois piés, & arrêtées dans le bas par deux planches CC, qui sont clouées de chaque côté des colonnes, sur les deux pieces de bois sur lesquelles on met deux poids pesans chacun cent livres ou environ. Voyez ces poids mis séparément, Planche I. fig. 6. AA. Ces deux colonnes soutiennent une traverse D qui est percée à distance égale de vingt - quatre trous F, sur une ligne droite, & de douze autres E rangés également sur une seconde ligne, à l'opposite des vingt - quatre premiers, où l'on place les fers à crochet. Planche III. fig. 2.

Du fer à crochet. Le fer à crochet, Planche II. fig 1. est une manivelle qui sert à tordre le lacet. A en est la poignée, B le coude, C un bouton qui appuie contre la traverse du métier, D le bout du fer à crochet qui ayant passé par la traverse, Planche III. fig. 3. est recourbé à la pointe; c'est au bout de ce crochet qu'on attache le fil pour le tordre. Derriere cette traverse E, il s'en trouve une autre F, de même longueur, qui est attachée aux deux bouts par deux petits cordons à la premiere traverse, & qui étant percée d'autant de trous que la premiere, reçoit le bout des fers à crochet, & les fait tourner tous ensemble. On observe que cette seconde traverse n'est attachée que foiblement, afin qu'elle puisse se prêter au mouvement. Derriere ce métier est une escabelle C, Planche I. fig. 2. ou s'assied l'ouvrier.

Du chariot. Le chariot, Planche I. fig. 4. est un second métier à lacet, qui se met à l'opposite du premier. Il est composé d'un montant A, arrêté par deux goussets montês sur deux roulettes, & terminé au - dessous par une traverse B pareille à celle du premier métier, laquelle est percee de douze trous qui répondent aux douze autres trous de la seconde ligne, Planche III. fig. 4. du premier métier. Il y a derriere cette traverse, comme à celle du premier mérier, une autre double traverse C, que les Fabriquans appellent la poignée, Planche III. fig. 5. qui étant percée d'autant de trous que cette premiere traverse, reçoit les fers à crochet, comme je l'ai dit dans celle du premier métier. Cette seconde traverse du chariot sert à accélérer le mouvement des fers à crochet, en les faisant tourner en sens contraire, Planche I. fig. 7. de ceux du premier métier, & par ce moyen on parvient à accélerer du double le tortillement des lacets. On met sur ce second métier un poids A de cent livres pesant, ou environ, pour arrêter la force de l'ourdissement du lacet, qui ne doit se faire sentir qu'imperceptiblement.

Connoissant à présent la disposition du métier à lacet, & les instrumens qu'on y emploie, il faut

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