ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"162"> expliquer comment on le fabrique. On commence à placer le premier métier au bout d'une chambre, voyez Pl. II. figure 1. que l'on rend solide par deux poids AA de cent livres chacun, qui se placent de chaque côté des colonnes, afin qu'il puisse supporter tout l'effort de l'ourdissement des lacets. On met à l'autre bout de la même chambre le second métier, que l'on appelle le chariot B, qu'il faut éloigner du premier métier, en ligne droite, de treize piés, quoique la longueur du lacet ne doive être que d'onze. Car il faut observer que quand les fils ont acquis un certain degré de force élastique par le tortillement, le lacet fait effort pour tourner dans la main de l'ouvrier; c'est par cette raison qu'on a mis deux roulettes au metier appellé le chariot, qui étant tiré par l'effort que fait le lacet en s'ourdissant, diminue la grandeur que l'on a donné aux fils, en se retirant à mesure que le lacet s'ourdit. On commence ensuite par tirer le fil des bobines C, qui sont placées au bas du premier métier, comme je l'ai déja dit ci - dessus; & réunissant les trois fils des trois bobines en un seul, l'ouvrier acroche par un noeud ce triple fil au premier fer à crochet de la premiere rangée du premier métier; il va ensuite acrocher ce même triple fil au premier fer à crochet du second métier appellé le chariot. Ce triple fil est destiné à faire la premiere partie des neuf fils dont le lacet doit être composé. Cela fait, il revient attacher un second triple fil au premier crochet de la seconde rangée, opposé à celui où il a attaché le premier, & va l'arrêter sur le même crochet du chariot sur lequel il a déja attaché le premier triple fil. Ensuite il revient au premier métier, & acroche un troisieme triple fil au second crochet de la seconde rangée; il retourne l'attacher sur le même crochet du chariot où il a déja attaché les deux autres; ce qui forme une espece de triangle. Il faut avoir attention que les fils que l'on tire des trois bobines pour n'en former qu'un seul, doivent être de même longueur, de même grosseur & avoir une égale tension. Cette opération étant faite sur les trente - six fers à crochet dont le premier métier est composé, & sur les douze fers à crochet du second métier, l'ouvrier commence par tourner pendant un demi - quart d'heure environ, la double traverse du premier métier, laquelle, par son mouvement, fait tourner tous les fers à crochet de gauche à droite, jusqu'à ce que les neuf fils dont chaque lacet est composé, soient ourdis en trois parties.

Tout étant ainsi disposé, l'ouvrier prend un instrument que l'on appelle le sabot; voy. Pl. I, fig. 5. où il est placé entre la premiere & la seconde rangée des fers à crochet D du premier métier; il tourne la double traverse de ce métier pendant cinq minutes, cette traverse faisant agir tous les fers à crochet, ourdit chacun des trois fils en son particulier, & par ce mouvement le sabot A s'avance peu - à - peu du côté du chariot. Quand il y est arrivé, l'ouvrier l'arrête avec une ficelle, qui doit être attachée au milieu du chariot; ensuite il reprend la double traverse du premier métier, & tournant encore quelques tours, il détache le sabot; puis faisant tourner la traverse du premier métier pendant qu'une autre main fait tourner celle du chariot, le mouvement qui se fait du côté du chariot, éloigne le sabot, & le renvoie du côté du premier métier; mais il faut que l'ouvrier qui est du côté du chariot ait soin, pendant qu'il tourne d'une main, de diriger le sabot avec l'autre main, au moyen d'un bâton fourchu, Pl. III, fig. 3. parce que ce sabot se trouve quelquefois arrêté par des noeuds qui se rencontrent dans les fils. On se sert aussi d'un autre bâton crochu, fig. 4, pour l'arrê<cb-> ter lorsqu'il s'éloigne trop vîte. Ce sabot, en s'éloignant, glisse entre les fils jusqu'au premier métier par le mouvement du second métier. La traverse du chariot faisant mouvoir les douze fers à crochet du second métier dont elle est composée, réunit en un seul les trois fils que contient chaque fer à crochet en se roulant les uns sur les autres; mais il faut observer que pendant cette seconde opération, c'est - à - dire pendant que le lacet s'ourdit, il continue de se racourcir, & le chariot B remonte d'environ deux piés. Quelquefois il arrive que plusieurs fers à crochet s'embarrassent en tournant, par le frottement qui se fait contre la traverse: c'est à quoi il faut bien prendre garde; on peut y remédier en prenant soin de les frotter de tems en tems d'huile d'olive, qu'il faut avoir auprès de soi dans un vaisseau; voyez la Pl. III, fig. 10. Toute l'opération que les ouvricrs du pays appellent un tirage, se fait en un quart - d'heure.

Le lacet étant ourdi, on le cire avec un torchon ciré, & on le détache des fers à crochet du métier. On rassemble ces lacets en grosse; voyez Planche III, fig. 6. La grosse de lacets est composée de douze douzaines, ou de 144 lacets: ceux de fil de plain doivent être garnis de neufs fils, & ceux d'étoupes de six. La grosse de lacets de fils d'étoupes mise en couleur, est composée de 18 lacets blancs, de 18 mêlés de rouge & de blanc, de 36 mêlés de bleu & de blanc, & de 72 entierement bleus. On fabrique des lacets de cinq longueurs, d'une demi - aune, de trois quarts, d'une aune, d'une aune & demie & de trois aunes, qui est la plus grande longueur qu'on puisse leur donner. On en fait d'un seul tirage une douzaine de ceux de trois aunes, deux douzaines de ceux d'une aune, quatre douzaines de ceux de trois quarts, & six douzaines de ceux d'une demi aune.

Du ser à lacet. Les lacets étant rassemblés en grosse, on les garnit aux deux bouts d'un morceau de fer - blanc, Pl. III, fig. 7. La grosse de lacets d'une aune de long & au - dessous, doit avoir à chaque bout une garniture de fer - blanc de huit lignes de longueur; celle de trois quarts d'aune, de cinq lignes, & celle d'une demi - aune, de trois lignes. On peut, avec une feuille de fer - blanc ordinaire, garnir trois grosses de lacets; mais on ne se sert que des retailles des Lanterniers, qui sont à très - bon marché.

On coupe le fer - blanc avec des cisailles, qui sont attachées sur une table, Pl. III, fig. 8, au moyen d'une broche de fer qui les soutient dans la position où il faut qu'elles soient pour ce travail.

Le fer à lacet étant taillé, on le plie; voyez Planche III, figure 9. L'ouvrier étant assis, tient de la main droite un marteau, & de la main gauche une broche de fer; voyez cette broche Pl. III, fig. 7. Sous cette broche qu'il tient de la main gauche, il met un des morceaux de fer - blanc taillé, qu'il soutient avec le second doigt de la même main. Il pose le tout ensemble sur l'une des cannelures dont la petite enclume A est garnie sur sa largeur; voyez fig. 9. L'ouvrier, avec un marteau dont le manche n'a que la longueur qu'il faut pour l'ompoigner, frappe légerement sur la broche deux ou trois coups, qui font prendre au fer la forme de la cannelure; & pour donner à ce fer une demi - rondeur suffisante, il soutient toujours le bout du fer avec le bout du second doigt de la main gauche; & en le faisant un peu tourner de côté & d'autre, il frappe quelques coups qui achevent de donner au fer - blanc la voussure suffisante. Il y a ordinairement deux cases sur l'établi, l'une pour mettre les morceaux de fer - blanc qui sont plats, & l'autre pour les déposer, à mesure qu'ils sont pliés. [p. 163]

Lorsqu'il est question de ferrer le lacet, l'ouvrier prend une grosse de lacets, qu'il attache sur une petite table garnie d'une enclume, Pl. III. fig. 10. le tout pareil à la table qui sert à plier les fers, & qui peut servir aussi à ce double travail. Il prend l'un des lacets, qu'il tient de la main gauche; il prend de l'autre main un fer plié, dans lequel il fait entrer le bout du lacet. Il applique l'un avec l'autre sur l'une des cannelures de l'enclume. Il frappe un premier coup pour adapter le fer au lacet; puis tournant le bout du lacet avec ce fer, il arrondit & assujettit le fer au lacet, en donnant quelques coups avec le marteau.

A onze ou douze ans les jeunes gens sont assez forts pour tourner le métier à lacet, & les enfans de huit ans peuvent plier le fer - blanc & l'appliquer aux lacets. Un ouvrier dans la force de l'âge, ou ce que l'on appelle un bon ouvrier, fait par jour ses dix grosses de lacets d'une aune de long, mais un petit apprentif, ou un foible ouvrier, n'en fait que huit. Un seul homme en un jour coupe assez de fer blanc pour la garniture de 80 grosses de lacets.

Mémoire sur la fabrique des lacets. Ire Question: Combien se vend le fil, & de quelle qualité on l'emploie pour les lacets. Reponse. On distingue trois sortes de fil; le fil fin, le fil de plain & le fil d'étoupes. Le fil fin est celui qui provient du meilleur chanvre, improprement appellé femelle, que l'on recueille le premier; mais on n'emploie point ce fil pour les lacets. Le fil de plain, qui provient du chanvre qui porte le chénevi, & que néanmoins on nomme le mâle, apparemment parce que c'est le plus fort, sert à la fabrique des meilleurs lacets: il coûte ordinairement quinze sols la livre. Le fil d'étoupes, qui est fait des matieres grossieres qui restent après que le frotteur a tiré la meilleure filasse, tant du chanvre femelle que du mâle, s'emploie pour la fabrique des lacets de couleur, & coûte communément neuf sols la livre.

Il. Si les fabriquans achetent le chanvre pour le faire frotter & filer, ou s'ils achetent le fil tout fait, & s'ils le font blanchir ou teindre Rép. Ils achetent le fil tout fait, & ils font toujours blanchit le fil de plain, qui ne s'emploie jamais qu'en blanc pour faire les meilleurs lacets. Le fil d'étoupes ne sert jamais qu'à faire des lacets de couleur: on n'en fait blanchir qu environ la sixiemo partie, pour faire un mélange de couleurs dont il sera parlé ci - après, & on teint tout le reste, mais la moindre partie en rouge avec le bois du Brésil & l'alun, & le surplus en bleu avec le bois d'Inde & le verd - de gris.

III. Si les fabriquans font eux - mêmes le blanchissage & la teinture du fil. Rép. Les fabriquans teignent le fil par eux - mêmes, mais ils font faire tous leurs blanchissages au village de Marmagne, à une petite demi - lieue de Montbard. où il y a une blanchisserie renommée.

IV. Ce qu'il en coûte pour le blanchissage & pour la teinture du fil. Rép. Il en coûte un sol de blanchissage par écheveau de fil, & chaque écheveau pese communément une demi - livre. La teinture en rouge coûte deux sols six deniers par livre de fil; & en bleu, un sol six deniers, outre la peine, que l'on ne compte pour rien, attendu que les petits fabriquans qui n'ont pas de fonds pour leur commerce, peuvent teindre le fil à mesure qu'ils l'achetent, & en toute saison, au lieu qu'il n'y a qu'une saison propre pour le blanchissage, qui exige beaucoup plus de tems. Il ne faut que 24 heures pour teindre, mais pour blanchir il faut six semaines au printems, & jusqu'à trois mois dans l'automne; ce qui fait que les petits fabriquans sont souvent obligés, par cette seule raison, de faire des lacets de couleur, quoique moins lucratifs & moins de défaite que les blancs. Il résulte que, tout considéré, la livre de fil, soit à blanchir, soit à teindre, coûte deux sols.

V. Ce qu'il en coûte pour devider une livre de fil. Rép. On paie aux dévideurs trois deniers par chaque écheveau de fil, ce qui fait six doniers par livre; les deux écheveaux pesent une livre environ.

VI. De combien de longueurs différentes se font les lacets. Rép. On en fabrique de cinq longueurs; d'une demi - aune, de trois quarts, d'une aune, d'une aune & demie & de trois aunes, qui est la plus grande longueur qu'on puisse leur donner ici. On en fait d'un seul tirage une douzaine de ceux de trois aunes, deux douzaines de ceux d'une aune & demie, trois douzaines de ceux d'une aune, quatre douzaines de ceux de trois quarts, & six douzaines de ceux d'une demi - aune.

VII. De combien de fils chaque lacet est composé, & combien il faut de lacets pour faire une, grosse. Rép. La grosse de lacets est composée de douze douzaines, ou de 144 lacets: ceux de fil plain doivent être garnis de neuf fils, & ceux d'étoupes de six fils seulement.

VIII. Combien il entre de fil pesant dans une grosse de lacets de chaque qualité. Rép. Une grosse de lacets de sil de plain d'une aune de long, consomme dix onces de fil, & il en faut onze onces pour ceux de fil d'étoupes.

IX. Quelle matiere emploie - t - on pour garnir le bout des lacets, & combien cette matiere coûte - t - elle à couper pour la garniture d'une grosse de lacets. Rep. On se sert de ter - blanc pour garnir le bout des lacets, & un seul homme coupe en un jour de quoi faire la garniture de 80 grosses; de sorte que, en payant sa journée quatorze sols, il en coûte deux deniers par grosse.

X. Ce qu'il en coûte pour le fer blanc de la garniture d'une grosse de lacets. Rép. La grosse de lacets d'une aune de long & au - dessus, qui doivent avoir à chaque bout une garniture de fer - blanc de huit lignes de longueur, coûte deux sols pour le prix du ferblanc qui y entre. La grosse de lacets de trois quarts d'aune, qui doivent être garnis de cinq lignes de fer blanc, coûte un sol six deniers; & la grosse de lacets d'une demi - aune, dont la garniture ne doit être que de trois lignes, un sol.

XI. D'où se tire le fer - blanc qui s'emploie à Montbard pour la fabrique des lacets. Rép. Le fer blanc se tire de Lorraine, & il coûte, rendu à Montbard, six sols une feuille de grandeur suffisante pour la garniture de trois grosses de lacets d'une aune de long. Mais il est un moyen de faire une épargne sur cette matiere, en se servant des retailles des Lanterniers. Quelques colporteurs qui viennent prendre ici des lacets, apportent de Lyon des rognures de fer - blanc, qui coûtent, rendues ici, neuf sols la livre, & qui fournissent de quoi garnir six grosses de lacets d'une aune de long; par ce moyen il y a six deniers à gagner par grosses. Mais quoique ces retailles soient d'une forme avantageuse à la fabrique, puisque ce sont des lisieres coupées quarrément, cependant ce fer blanc étant plus épais & plus dur que celui de Lorraine, il faut plus de tems & de peine pour le couper, le plier & l'appliquer. Il y a encore un meilleur expédient pour tirer à l'épargne, c'est de prendre les retailles des Lanterniers de Paris, qui ne coûtent que trois sols la livre, & huit deniers de transport. Il est vrai que ces retailles étant de formes irrégulieres, il faut beaucoup plus de tems pour les couper; mais ce fer - blanc étant de bonne qualité, & y ayant beaucoup de petits fabriquans qui ne craignent pas de perdre en tems ce qu'ils gagnent en argent, la

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