ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"89"> estimables par argent. Cependant, repliquoit - on, les droits de la société temblent exiger qu'on repare un déplaisir par quelque sorte de satisfaction que ce puisse être. En effet qu'on ne doive jamais réparer le tort causé au prochain dans son honneur, par une satisfaction simplement pécuniaire; c'est un principe qui n'est peut être pas si évident. Il est vrai qu'à l'égard des personnes distinguées dans le monde, ils ne mettent rien en comparaison avec l'honneur; mais à l'égard des personnes du peuple, pour qui les besoins de la vie sont ordinairement plus intéressans qu'un peu de réputation; si après avoir diminué injustement la leur, on setrouvoit dans l'impossibilité de la reparer, & qu'on pût contenter la personne lezée par une satisfaction pécuniaire; pourquoi ne s'en pourroit - il pas faire une compensation légitime entre les deux partis?

La chose semble plus plausible encore par rapport à la douleur corporelle; si on pouvoit ôter la douleur & la maladie causées injustement, on seroit indubitablement obligée de le faire, & à titre de justice; or ne pouvant l'ôter, on peut la diminuer & l'adoucir, en fournissant au malade lezé dequoi vivre un peu plus à son aise, dequoi se nourrir mieux, & se procurer certaines commodités qui sont des réparations de la douleur corporelle. Or il faut réparer en toutes les manieres possibles la peine causée sans raison au prochain, pour lui donner autant de satisfaction qu'on lui a causé de déplaisir. C'est aux savans à décider; il suffit d'avoir fourni des réflexions qui pourront aider la décision.

On propose ordinairement plusieurs divisions de la justice; pour en dire quelque chose, nous rema rquerons:

1°. Que l'on peut en général diviser la justice en parfaite ou rigoureuse, & imparsuite ou non rigoureuse. La premiere est celle par laquelle nous nous acquittons envers le prochain de tout ce qui lui est dû, en vertu d'un droit parfait & rigoureux, c'est - à - dire dont il peut raisonnablement exiger l'exécution par la force, si l'on n'y satisfait pas de bon gré. La seconde est celle par laquelle on rend à autrui les devoirs qui ne lui sont dûs qu'en vertu d'une obligation imparfaite & non rigoureuse, qui ne peuvent point être exigés par les voies de la contrainte, mais dont l'accomplissement est laissé à l'honneur & à la conscience d'un chacun. 2°. L'on pourroit ensuite subdiviser la justice rigoureuse en celle qui s'exerce d'égal à égal, & celle qui a lieu entre un supérieur & un inférieur. Celle - là est d'autant de differentes especes, qu'il y a de devoirs qu'un homme peut exiger à la rigueur de tout autre homme, considéré comme tel, & un citoyen de tout autre citoyen du même état. Celle - ci renfermera autant d'especes qu'il y a de différentes sociétés, où les uns commandent, & les autres obéissent.

3°. Il y a d'autres divisions de la justice, mais qui paroissent peu précises & de peu d'utilité. Par exemple celle de la justice universelle & particuliere, prise de la maniere que Puffendorf l'explique semble vicieuse, en ce que l'un des membres de la division se trouve enfermé dans l'autre.

La subdivision de la justice particuliere en distributive & permutative, est incomplette, puisqu'elle ne renferme que ce que l'on doit à autrui en vertu de quelque engagement où l'on est entré, quoiqu'il y ait plusieurs choses que le prochain peut exiger de nous à la rigueur, indépendamment de tout accord & de toute convention.

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Justice, (Littérat.) déesse allégorique du paganisme: les Grecs ont divinisé la justice sous le nom de Dicé & d'Astrée; les Romains en ont fait une divinité distinguée de Thémis, & l'empereur Auguste lui bâtit un temple dans Rome.

On la peignoit ainsi qu'Astrée, en vierge, d'un regard sévere, joint à un certain air de fierté & de dignité, qui inspiroit le respect & la crainte.

Les Grecs du moyen âge la représenterent en jeune fille, assise sur une pierre quarrée, tenant une balance à la main, & de l'autre une épée nûe, ou faisceau de haches entourées de verges, pour marquer que la justice pese les actions des hommes, & qu'elle punit également comme elle récompense.

Elle étoit aussi quelquefois représentée le bandeau sur les yeux, pour montrer qu'elle ne voit & n'envisage ni le rang, ni la qualité des personnes. Les Egyptiens faisoient ses statues sans tête, voulant signifier par ce symbole, que les juges devoient se dépouiller de leur propre sentiment, pour suivre la décision des lois.

Hésiode assure que la justice fille de Jupiter, est attachée à son trône dans le ciel, & lui demande vengeance, toutes les fois qu'on blesse les lois & l'équité. Voyez Astrée, Dicé, Thémis

Aratus dans ses phénomènes, peint d'un style mâle la justice déesse, se trouvant pendant l'âge d'or dans la compagnie des mortels de tout sexe & de toute condition. Déja pendant l'âge d'argent, elle ne parut que la nuit, & comme en secret, reprochant aux hommes leur honteuse dégénération; mais l'âge d'airain la contraignit par la multitude des crimes, à se retirer dans le ciel, pour ne plus descendre ici - bas sur la terre. Ce dernier trait me fait souvenir du bon mot de Bautru, à qui l'on montroit un tableau, dans lequel pour exprimer le bonheur dont la France alloit jouir, on avoit peint la Justice & la Paix qui s'embrassoient tendrement: « ne voyez - vous pas, dit - il à ses amis, qu'elles se disent un éternel adieu »? (D. J.)

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Justice, (Jurispr.) est une des quatre vertus cardinales: on la définit en droit une volonté ferme & constante de rendre à chacun ce qui lui appartient.

On la divise en deux especes: justice commutative, & justice distributive. Voyez ci - après Justice commutative, &c.

Le terme de justice se prend aussi pour la pratique de cette vertu; quelquefois il signifie bon droit & raison; en d'autres occasions, il signifie le pouvoir de faire droit à chacun, ou l'administration de ce pouvoir.

Quelquefois encore justice signifie le tribunal où l'on juge les parties, & souvent la justice est prise pour les officiers qui la rendent.

Dans les siecles les moins éclairés & les plus corrompus, il y a toujours eu des hommes vertueux qui ont conservé dans leur coeur l'amour de la justice, & qui ont pratiqué cette vertu. Les sages & les philosophes en ont donné des préceptes & des exemples.

Mais soit que les lumieres de la raison ne soient pas également étendues dans tous les hommes, soit que la pente naturelle qu'ils ont pour la plûpart au vice, étouffe en eux la voix de la raison, il a fallu employer l'autorité & la force pour les obliger de vivre honnêtement, de n'offenser personne, & de rendre à chacun ce qui lui appartient.

Dans les premiers tems de la loi naturelle, la justice étoit exercée sans aucun appareil par chaque pere de famille sur ses femmes, enfans & petits - enfans, & sur ses serviteurs. Lui seul avoit sur eux le droit de correction: sa puissance alloit jusqu'au droit de vie & de mort; chaque famille formoit comme un peuple separé, dont le chef étoit tout - à - la - fois le pere, le roi & le juge.

Mais bien - tôt chez plusieurs nations on éleva une puissance souveraine au - dessus de celle des peres; alors ceux - ci cesserent d'être juges absolus comme ils l'étoient auparavant à tous égards. Il leur resta [p. 90] néanmoins toujours une espece de justice domestique, mais qui fut bornée au droit de correction plus ou moins étendu, selon l'usage de chaque peuple.

Pour ce qui est de la justice publique, elle a toûjours été regardée comme un attribut du souverain; il doit la justice à ses sujets, & elle ne peut être rendue que par le prince même, ou par ceux sur lesquels il se décharge d'une partie de cette noble & pénible fonction.

L'administration de la justice a toujours paru un objet si important, que dès le tems de Jacob le gouvernemont de chaque peuple étoit considéré comme une judicature. Dan judicabit populum suum, dit la Genese, ch. xlix.

Moïse, que Dieu donna aux Hébreux pour conducteur & pour juge, entreprit d'abord de remplir seul cette fonction pénible; il donnoit audience certains jours de la semaine, depuis le matin jusqu'au soir, pour entendre tous ceux qui avoient recours à lui; mais la seconde année se trouvant accablé par le grand nombre des affaires, il établit, par le conseil de Jethro, un certain nombre d'hommes sages & craignans Dieu, d'une probité connue, & sur - tout ennemis du mensonge & de l'avarice, auxquels il confia une partie de son autorité.

Entre ceux qu'il choisit pour juges, les uns étoient appellés centurions, parce qu'ils étoient préposes sur cent familles; d'autres quinquegenarii, parce qu'ils n'étoient préposés qu'à cinquante; d'autres decani, qui n'étoient que sur dix familles. Ils jugeoient les moindres affaires, & devoient lui référer de celles qui étoient plus importantes, qu'il décidoit avec son conseil, composé de soixante - dix des plus anciens, appellés seniores & magistri populi.

Lorsque les Juifs furent établis dans la Palestine, les tribunaux ne furent plus reglés par familles: on établit dans chaque ville un tribunal supérieur composé de sept juges, entre lesquels il y en avoir toûjours deux lévites; les juges inférieurs, au lieu d'etre préposés comme auparavant sur un certain nombre de familles, eurent chacun l'intendance d'un quartier de la ville.

Depuis Josué jusqu'à l'etablissement des rois, le peuple juif fut gouverné par des personnages illustres, que l'Ecriture - sainte appelle juges. Ceux - ci n'étoient pas des magistrats ordinaires, mais des magistrats extraordinaires, que Dieu envoyoit, quand il lui plaisoit, à son peuple, pour le délivrer de ses ennemis, commander les armées; & en général pour le gouverner. Leur autorité étoit en quelque chose semblable à celle desrois, en ce qu'elle leur étoit donnée à vie, & non pas seulement pour un tems. Ils gouvernoient seuls & sans dépendance, mais ils n'étoient point héréditaires; ils n'avoient point droit absolu de vie & de mort comme les rois, mais seulement selon les lois. Ils ne pouvoient entreprendre la guerre que quand Dieu les envoyoit pour la faire, ou que le peuple le desiroit. Ils n'exigeoient point de tributs & ne se succédoient pas immédiatement. Quand un juge étoit mort, il étoit libre au peuple de lui donner aussi - tôt un successeur; mais on laissoit souvent plusieurs années d'intervalle. Ils ne portoient point les marques de sceptre ni de diadème, & ne pouvoient faire de nouvelles loix, mais seulement faire observer celles de Moïse: ensorte que ces juges n'avoient point de pouvoir arbitraire.

On les appella juges apparemment parce qu'alors juger ou gouverner selon les lois étoit réputé la même chose. Le peuple hébreu fut gouverné par quinze juges, depuis Othoniel, qui fut le premier, jusqu'à Ileli, pendant l'espace de 340 années, entre lesquelles quelques - uns distinguent les années des juges, c'est à - dire de leur judicature ou gouvernement, & les années où le peuple fut en servitude.

Le livre des juges est un des livres de l'Ecrituresainte, qui contient l'histoire de ces juges. On n'est pas certain de l'auteur; on croit que c'est une collection tirée de différens mémoires ou annales par Esdras ou Samuel.

Les Espagnols donnoient aussi anciennement le titre de juges à leurs gouverneurs, & appelloient leur gouvernement judicature.

On s'exprimoit de même en Sardaigne pour désigner les gouverneurs de Cagliari & d'Oristagne.

Ménés, premier roi d'Egypte, voulant policer ce pays, le divisa en trois parties, & subdivisa chacune en dix provinces ou dynasties, & chaque dynastie en trois jurisdictions ou nomos, en latin proefecturoe: chacun de ces siéges étoit composé de dix juges, qui étoient présidés par leur doyen. Ils étoient tous choisis entre les prêtres, qui formoient le premier ordre du royaume. Ils connoissoient en premiere instance de tout ce qui concernoit la religion, & de toutes autres affaires civiles ou criminelles. L'appel deleurs jugemens étoit porté à celle des trois nomos ou jurisdictions supérieures de Thebes, Memphis ou Héliopolis, dont ils relevoient.

Chez les Grecs les juges ou magistrats avoient en même tems le gouvernement. Les Athéniens choisissoient tous les ans cinq cent de leurs principaux citoyens dont ils formoient le sénat qui devoit gouverner la république. Ces cinq cent sénateurs étoient divisés en dix classes de cinquante chacune, qu'ils nommoient prytanes; chaque prytane gouvernoit pendant un dixieme de l'année.

Pour l'administration de la justice, ils choisissoient au commencement de chaque mois, dans les neuf autres prytanes, neuf magistrats qu'ils nommoient archontes: on en tiroit trois au sort pour administrer la justice pendant le mois; l'un pour présider aux affaires ordinaires des citoyens, & pour tenir la main à l'exécution des lois concernant la police & le bien public; l'autre avoit l'intendance sur tout ce qui concernoit la religion; le troisieme avoit l'intendance de la guerre, connoissoit de toutes les affaires militaires & de celles qui survenoient à cette occasion entre les citoyens & les étrangers. Les six autres archontes servoient de conseil à ces premiers.

Il y avoit d'autres juges inférieurs qui connoissoient de différentes matieres, tant civiles que criminelles.

Le tribunal souverain établi au - dessus de tous ces juges, étoit l'aréopage: il étoit composé des archontes sortis de charge: ces juges étoient perpétuels: leur salaire étoit égal & paye des deniers de la république. On donnoit à chacun deux, trois oboles pour une cause. Ils ne jugeoient que la nuit, afin d'être plus recueillis, & qu'aucun objet de haine ou de pitié ne pût surprendre leur religion.

Les juges ou magistrats de Lacédémone étoient tous appellés NOMORU/LAXES2, dépositaires & gardiens de l'exécution des lois. Ils étoient divisés en deux ordres; l'un supérieur, qui avoit inspection sur les autres, & les juges inférieurs, qui étoient seulement préposés sur le peuple pour le contenir dans son devoir par l'exécution des lois. Quelques - uns des juges inférieurs avoient chacun la police d'un quartier de la ville. On commit aussi à quelques - uns en particulier certains objets; par exemple, l'un avoit l'inspection sur la religion & les moeurs; un autre étoit chargé de faire observer les lois somptuaires sur le luxe des habits & des meubles, sur les moeurs des femmes, pour leur faire observer la modestie & réprimer leurs débauches; d'autres avoient inspection sur les festins & sur les assemblées; d'autres, sur la sûreté & la tranquillité publiques, sur les émotions populaires, les vices, assemblées illicites, incendies, maisons qui menaçoient ruine, & ce qui pouvoit

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