ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"87"> ce rapport avec notre conservation, fonde les qualités de bon & de droit, de mauvais & de pervers, qui ne dépendent par conséquent d'aucune disposition arbitraire, & existent non - seulement avant la loi, mais même quand la loi n'existeroit point. « La nature universelle, dit l'empereur philosophe, (liv. X. art. j.) ayant créé les hommes les uns pour les autres, afin qu'ils se donnent des secours mutuels, celui qui viole cette loi commet une impiété envers la Divinité la plus ancienne: car la nature universelle est la mere de tous les êtres, & par conséquent tous les êtres ont une liaison naturelle entre eux. On l'appelle aussi la vêrité, parce qu'elle est la premiere cause de toutes les vérités ». S'il arrivoit donc qu'un législateur s'avisât de déclarer injustes les actions qui servent naturellement à nous conserver, il ne feroit que d'impuissans efforts: s'il vouloit au moyen de ces lois faire passer pour justes, celles qui tendent à nous détruire, on le regarderoit lui - même avec raison comme un tyran, & ces actions étant condamnées par la nature, ne pourroient être justifiées par les lois; si quoi sint tyrannorum leges, si triginta illi Athenis leges imponere voluissent, aut si omnes Athenienses delectarentur tyrannicis legibus, num idcirco hoe leges justae haberentur? Quod si principum decretis, si sententius judicum jura constitutrentur, jus esset latrocinari, jus ipsum adulterare. (Cicero, lib. X. de Legibus.) Grotius a donc été très - fondé à soutenir que la loi ne sert & ne tend en effet, qu'à faire connoìtre, qu'à marquer les actions qui conviennent ou qui ne conviennent pas à la nature humaine; & rien n'est plus aisé que de faire sentir le foible des raisons dont Puffendorf, & quelques autres jurisconsultes, se sont servis pour combattre ce sentiment.

On objecte, par exemple, que ceux qui admettent pour fondement de la moralité de nos actions, je ne sais quelle regle éternelle indépendante de l'institution divine, associent manifestement à Dieu un principe extérieur & co - éternel, qu'il a dû suivre nécessairement dans la détermination des qualités essentielles & distinctives de chaque chose. Ce raisonnement étant fondé sur un faux principe, croule avec lui: le principe dont je veux parler, c'est celui de la liberté d'indifférence de Dieu, & du prétendu pouvoir qu'on lui attribue de disposer à son gré des essences. Cette supposition est contradictoire: la liberté du grand auteur de toutes choses consiste à pouvoir créer ou ne pas créer; mais dès - là qu'il se propose de créer certains êtres, il implique qu'il les crée autres que leur essence, & ses propres idées les lui représentent. S'il eût done donné aux créatures qui portent le nom d'hommes, une autre nature, un autre être, que celui qu'ils ont reçu, elles n'cussent pas été ce qu'elles sont actuellement; & les actions qui leur conviennent entant qu'Hommes, ne s'accorderoient plus avec leur nature.

C'est donc proprement de cette nature, que resultent les propriétés de nos actions, lesquelles en ce sens ne souffrent point de variation; & c'est cette immutabilité des essences qui forme la raison & la vérité éternelle, dont Dieu, en qualité d'être souverainement parfait, ne sauroit se départir. Mais la vérité, pour être invariable, pour être conforme à la nature & à l'essence des choses, ne forme pas un principe extérieur par rapport à Dieu. Elle est fondée sur ses propres idées, dont on peut dire en un sens, que découle l'essence & la nature des choses, puisqu'elles sont éternelles, & que hors d'elles rien n'est vrai ni possible. Concluons donc qu'une action qui convient ou qui ne convient pas à la nature de l'être qui la produit, est moralement bonne ou mauvaise; non parce qu'elle est conforme ou contraire à la loi, mais parce qu'elle s'accorde avec l'essence de l'être qui la produit, ou qu'elle y répugne: ensuite de quoi, la loi survenant, & bâtissant sur les fondemens posés par la nature, rend juste ce qu'elle ordonne ou permet, & injuste ce qu'elle défend.

Juste (Page 9:87)

Juste, en Musique, est opposé à faux; & cette épithete se donne à tout intervalle dont les sons sont exactement dans le rapport qu'ils doivent avoir. Mais ce mot s'applique spécialement aux consonnances parfaites. Les imparfaites peuvent être majeures ou mincures, mais celles - ci sont nécessairement justes; dès qu'on les altere d'un semi - ton, elles deviennent fausses, & par conséquent dissonnantes. (S)

Juste (Page 9:87)

Juste, (Peinture.) un dessein juste, conforme à l'original; dessinér avec justesse, c'est à - dire avec précision, exactitude.

Juste (Page 9:87)

Juste, (Commerce.) en fait de poids, ce qui est en équilibre, ce qui ne panche pas plus d'un côté que de l'autre; on le dit des balances.

Peser juste, c'est ne point donner de trait; on pese ainsi l'or, l'argent, les diamans, dont le bon poids apporteroit trop de préjudice au vendeur. La plûpart des marchandises se pesent en donnant du trait, c'est à - dire en chargeant assez le bassin où on les met pour emporter celui où est le poids.

Auner juste, c'est auner bois à bois, & sans pouce évent. Voyez Auner & évent, Dictionnaire de Commerce.

Juste (Page 9:87)

Juste, s. m. (Gram. Tail.) c'est un vêtement de femmes; il a des manches. Il s'applique exactement sur le corps. Si l'on en porte un, il s'agraffe ou se lace par - devant ou par - derriere. Il est échancré, & laisse voir la poitrine & la gorge; il prend bien, & fait valoir la taille; il a de petites basques par - derriere & par - devant. La mode en est passée à la ville; nos paysanes sont en juste, & quand elles sont jolies, sous ce vêtement elles en paroissent encore plus élégantes & plus jolies.

JUSTESSE (Page 9:87)

JUSTESSE, s. f. (Gramm.) ce mot qu'on emploie également au propre & au figuré, désigne en général l'exactitude, la régularité, la précision. Il se dit au figuré en matiere de langage, de pensées, d'esprit, de goût, & de sentiment.

La justesse du langage consiste à s'expliquer en termes propres, choisis & liés ensemble, qui ne disent ni trop ni trop peu. Cette justesse extreme dans le choix, l'union & l'arrangement des paroles, est essentielle aux sciences exactes; mais dans celles de l'imagination, cette justesse trop rigoureuse affoiblit les pensées, amortit le feu de l'esprit, & desseche le discours. Il faut oser à propos, sur tout en Poésie, bannir cet esclavage scrupuleux, qui par attachement à la justesse servile ne laisse rien de libre, de naturel & de brillant. « Je l'aimois inconstant, qu'eussai - je fait fidele est une inexactitude de langage à laquelle Racine devoit se livier, dès que la justesse de la pensée s'y trouvoit énergiquement peinte.

La justesse de la pensée consiste dans la vérité & la parfaite convenance au sujet; & c'est ce qui fait la solide beauté du discours. Les pensées sont plus ou moins belles, selon qu'elles sont plus ou moins conformes à leur objet. La conformité entiere fait la justesse de la pensée; de sorte qu'une pensée justeest, à proprement parler, une pensée vraie de tous les côtés, & dans tous les jours qu'on la peut regarder. Le P. Bouhours n'a pas eutort de donner pour exemple de cette justesse, l'épigramme d'Ausone sur Didon, & qui a été très - heureusement rendue dans notrelangue.

Pauvre Didon où t'a réduite De tes maris le triste sort; L'un en mourant cause ta fuite, L'autre en fuyant cause ta mort. [p. 88] Une pensée qui manque de justesse est fausse; mais quelquefois ce défaut de justesse vient plus de l'expression qui est vicieuse, que de la fausseté de l'idée. On est exposé à ce défaut dans les vers, parce que la servitude de la rime ôte souvent l'usage du ferme propre, pour en faire adopter un autre, qui ne rend pas exactement l'idéc. Tous les mots qui passent pour synonimes, ne le sont pas dans toutes les occasions.

La justesse d'esprit sait démêler le juste rapport que les choses ont ensemble; la justesse de goût & de sentiment, fait sentir tout ce qu'il y a de sin & d'exact dans le tour, dans le choix d'une pensée, & dans celui de l'expression; voyez l'article Gout.

C'est un des plus beaux présens que la nature puisse faire à l'homme, que la justesse d'esprit & de goût; c'est à elle seule qu'il en faut rendre graces. Cependant lorsque la nature ne nous a pas absolument refusé ce don, nous pouvons le faire germer & l'étendre beaucoup par l'entretien fréquent des personnes, & par la lecture assidue des auteurs, en qui domine cer heureux talent. (D. J.)

Justesse (Page 9:88)

Justesse, (Maréchallerie.) cheval bien ajusté; finir un cheval, & lui donner les plus grandes justesses. Ces expressions designent un cheval achevé dans tous les airs qu'on lui demande; voyez Air. Toutes les justesses dépendent de celles de ferme à ferme. Voyez Ferme a Ferme. Pour qu'un cheval soit parfaitement ajusté, il faut après les premieres leçons, le promener de pas sur les demi - voltes; après l'avoir promené quelque peu, lui faire faire une demi - volte juste; lorsqu'il y répond sans hésiter, lui en faire faire trois ou quatre tout d'une haleine; lui apprendre ensuite à manier sur le côté, de - çà & de dela en avant: on le finit & on lui donne les justesses les plus parfaites, en lui apprenant à aller & à manier en arriere, & pour cet effet il n'y a rien de meilleur que les voltes bien rondes. Voyez Voltfs.

JUSTICE (Page 9:88)

JUSTICE, s, f. (Morale.) la justice en général est une vertu qui nous fait rendre à Dieu, à nous - mêmes, & aux autres hommes ce qui leur est dû à chacun; elle comprend tous nos devoirs, & êtrejuste de cette maniere, ou être vertueux, ne sont qu'une même chose.

Ici nous ne prendrons la justice que pour un sentiment d'équité, qui nous fait agir avec droiture, & rendre à nos semblables ce que nous leur devons.

Le premier & le plus considérable des besoins étant de ne point souffrir de mal, le premier devoir est de n'en faire aucun à personne, sut - tout dans ce que les hommesont de plus cher; savoir, la vie, l'honneur & les biens. Ce seroit contrevenir aux droits de la charité & de la justice, qui soutiennent la société; mais en quoi précisément consiste la distinction de ces deux vertus? 1°. On convient que la charité & la justice tirent également leur principe, de ce qui est du au prochain: à s'en tenir uniquement à ce point, l'une & l'autre étant également dûes au prochain, la charité se trouveroit justice, & la justice se trouveroit aussi charité. Cependant, selon les notions commuément reçues', quoiqu'on ne puisse blesser la justice sans blesser la charité; on peut blesser la charité sans blester la justice. Ainsi quand on refuse l'aumône à un pauvre qui en a besoin, on n'est pas censé violer la justice, mais seulement la charité; au lieu que de manquer à payer ses dettes, c'est violer les droits de la justice, & au même tems ceux de la charité.

2°. Tout le monde convient que les fautes ou péchés contré la justice, exigent une réparation ou restitution, a quoi n'obligent pas les péchés ou fautes contre la charité? Sur quoi l'on demande sil'on peut jamais blesser la charité sans faire tort au prochain; & pourquoi l'on ne dit pas en général qu'on est obli<cb-> gé de réparer tout le mal qu'on lui a fait, & tout le bien qu'on auroit dû lui faire.

On répond communément qu'on ne fait tort au prochain qu'en des choses auxquelles il a droit; mais c'est remettre la même difficulté sous un autre terme. En effet, on demandera s'il n'a pas droit d'attendre qu'on fasse à son égard le bien qu'on lui doit, & qu'on s'abstienne du mal qu'on ne lui doit pas faire? Qu'est - ce donc que le droit du prochain; & comment arrive t - il qu'en blessant le prochain par les fautes qui sont contre la charité, & par celles qui sont contre la justice, on ne blesse point son droit dans les unes, & qu'on le blesse dans les autres? voici là - dessus quelques pensées qui semblent conformes aux droits de la société.

Par - tout où le prochain est offensé, & où l'on manque de faire à son égard ce que l'on auroit dû, soit qu'on appelle cette faute contre la charité ou contre la justice, on lui fait tort: on lui doit quelque réparation ou restitution; que si on ne lui en doit aucune, on n'a en rien intéressé son droit: on ne lui a fait aucun tort; dequoi se plaint - il, & comment est - il offensé?

Rappellons toutes les fautes qu'on a coutume de regarder comme opposées à la charité, sans les supposer contraires à la justice. Une mortification donnée sans sujet à quelqu'un, une brusquerie qu'on lui aura faite, une parole desobligeante qu'on lui aura dite, un secours, un soulagement qu'on aura manqué de lui donner dans un besoin considérable; est il bien certain que ces fautes n'exigent aucune réparation ou restitution? On demande ce qu'on lui restitueroit, si on ne lui a ôté ni son honneur, ni son bien: mais ces deux sortes de bien sont subordonnés à un troisieme plus général & plus essentiel, savoir la satisfaction & le contentement. Car si l'on pouvoit être satisfait en perdant son honneur & son bien, la perte de l'un & de l'autre cesseroit en quelque sorte d'être un mal. Le mal qu'on fait au prochain consiste donc en ce qui est de contraire à la satisfaction & au contentement légitime, à quoi il pouvoit prétendre; & quand on l'en prive contre les droits de la société humaine, pourquoi ne seroit on pas obligé à lui en restituer autant qu'on lui en a ôté?

Si j'ai manqué à montrer de la déférence & de la complaisance à qui je l'aurois dû, c'est lui restituer la satisfaction dont je l'ai privé mal - à - propos, que de le prévenir dans les choses qu'il pourroit une autre fois attendre de moi. Si je lui ai parlé avec hauteur ou avec dédain, avec un air brusque ou emporté; je réparerai le desagrément que je lui ar donné, en lui parlant dans quelqu'autre occasion avec plus de douceur & de politesse qu'à l'ordinaire. Cette conduite étant une juste réparation, il semble qu'il ne la faudroit refuser à qui que ce soit, & qu'on la doit faire au moins d'une maniere tacìte.

Par le principe que nous venons d'établir, on pourroit éclaircir peut - être une question qui a été agitée au sujet d'un homme qui avoit été attaqué & blessé injustement par un autre. Il demanda une somme d'argent pour dédommagement & pour se désister des poursuites qu'il intentoit en justice. L'aggresseur donna la somme convenue pour un accommodement, sans lequel il lui en auroit coûté beaucoup plus; & c'est ce qui fit un sujet de dispute entre d'habiles gens. Quelques - uns soutinrent que le blessé ayant reçu au - delà de ce qui étoit nécessaire pour les frais de sa guérison, il devoit rendre le surplus de l'argent reçu. Mais est - il dédommagé, demandoient les autres, du tort qu'il a souffert dans sa personne par la douleur, l'ennui & la peine de la maladie; & cela ne demande - t - il nulle réparation? Non, disoient les premiers: ces choses là, non plus que l'honneur, ne sont point

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