ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"75"> de quelque affaire, lorsqu'il y a quelque raison pour en user ainsi. Voyez ci - devant Juge délégué, & ci - après Jurisdiction déléguée.

On entend ordinairement par jurisdiction commise celle qui n'est pas ordinaire, mais qui est seulement attribuée par le prince pour certaines matieres ou sur certaines personnes, ou pour certaines affaires seulement. Voyez Juge commis, Jurisdiction d'attribution, ordinaire, de privilege . (A)

Jurisdiction consulaire (Page 9:75)

Jurisdiction consulaire est celle qui est exercée par des consuls & autres juges établis pour connoître des affaires de commerce, tels que la conservation de. Lyon. Voyez Conservation & Consuls. (A)

Jurisdiction contentieuse (Page 9:75)

Jurisdiction contentieuse est celle qui connoît des contestations mûes entre les parties; elle est ainsi appellée pour la distinguer de la jurisdiction volontaire qui ne s'étend point aux affaires contentieuses. Voyez Jurisdiction volontaire. (A)

Jurisdiction correctionnelle (Page 9:75)

Jurisdiction correctionnelle est celle que les supérieurs des monasteres ont sur leurs religieux, & que quelques chapitres ont sur leurs membres. Cette espece de jurisdiction n'est autre chose que le droit de correction modérée, que l'on a improprement appellé jurisdiction; en tout cas ce n'est qu'une jurisdiction domestique. Voyez Correction & Jurisdiction des Abbés. (A)

Jurisdiction criminelle (Page 9:75)

Jurisdiction criminelle. Voyez Justice criminelle.

Jurisdiction des Curés (Page 9:75)

Jurisdiction des Curés, on entend par ce terme la puissance qu'ils ont pour le spirituel; & dans ce sens on dit que leur jurisdiction est émanée immédiatement de J. C. qui donna lui - même la mission aux 72 disciples qu'il avoit choisis, aussi bien qu'à ses apôtres. (A)

Jurisdiction déléguée (Page 9:75)

Jurisdiction déléguée est celle qui est commise à quelqu'un par le prince ou par une cour souveraine, pour instruire & juger quelque différend. Voyez ci - devant Juge délégué. (A)

Jurisdiction ecclésiastique (Page 9:75)

Jurisdiction ecclésiastique considérée en général est le pouvoir qui appartient à l'Eglise d'ordonner ce qu'elle trouve de plus convenable sur les choses qui sont de sa compétence, & de faire exécuter ses loix & ses jugemens.

L'Eglise a présentement deux sortes de jurisdictions qui sont regardées l'une & l'autre comme ecclésiastiques; l'une qui lui est propre & essentielle, l'autre qui est de droit humain & positif.

La jurisdiction qui est propre & essentielle à l'Eglise, est toute spirituelle; elle tire son origine du pouvoir que J. C. a laissé à son Eglise de faire exécuter les lois qu'il avoit prescrites, d'en établir de nouvelles quand elle le jugeroit nécessaire, & de punir ceux qui enfreindroient ces loix.

Cette puissance & jurisaiction qui appartient à l'Eglise de droit divin, ne s'exerce que sur le spirituel; elle ne consiste que dans le pouvoir d'enseigner tout ce que J. C. a ordonné de croire ou de pratiquer, d'interpréter sa doctrine, de réprimer ceux qui voudroient enseigner quelque chose de contraire, d'assembler les fideles pour la priere & l'instruction, de leur donner des pasteurs de différens ordres pour les conduire, & de déposer ces pasteurs s'ils se rendent indignes de leur ministere.

J. C. a encore dit à ses apôtres: « recevez lé Saint - Esprit; ceux dont vous remettrez les péchés, ils leur seront remis, & ceux dont vous les retiendrez, ils leur seront retenus ». Il leur a dit encore, « si votre frere a péché contre vous, reprenez - le seul à seul; s'il ne vous écoute pas, appellez un ou deux témoins; s'il ne les écoute pas, dites - le à l'Eglise; s'il n'écoute pas l'Eglise, qu'il vous soit comme un payen & un publicain. Tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel, & tout ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel ». L'Eglise a donc reçu de J. C. le pouvoir de juger les pécheurs, de distinguer ceux qui doivent être absous, de ceux qui ne sont pas en état de recevoir l'absolution, & de retrancher de l'Eglise les pécheurs rebelles & incorrigibles.

Enfin l'Eglise a pareillement le pouvoir d'assembler le clergé d'une ou de plusieurs églises pour ordonner conjointement ce qui est nécessaire par rapport au spirituel.

La jurisdiction de l'Eglise étoit dans son origine bornée à ces seuls objets, & pour centraindre les réfractaires d'exécuter ses lois & ses jugemens, elle n'avoit d'autres armes que les peines spirituelles.

Mais on lui a attribué peu - à - peu une autre espece de jurisdiction qui est de droit humain & positif; on l'a aussi comprise sous le terme de jurisdiction ecclésiastique, soit parce qu'elle a été attribuée à l'Eglise, soit parce qu'elle s'exerce principalement sur des matieres ecclésiastiques; elle a néanmoins été aussi étendue à des matieres purement temporelles, lorsqu'elles intéressent des ecclésiastiques, ainsi qu'on l'expliquera dans la suite.

Cette partie de la jurisdiction ecclésiastique qui est de droit humain & positif, lui a été attribuée à l'occasion de la puissance spirituelle.

L'Eglise ayant droit de retrancher de son sein ceux qui ne rendoient pas justice à leurs freres, les Apôtres défendoient aux Chrétiens de plaider devant les magistrats infideles, & leur ordonnoient de prendre des arbitres d'entr'eux - mêmes.

Les jugemens que rendoient ces arbitres n'étoient que des jugemens de charité dont personne ne pouvoit se plaindre, parce qu'ils n'étoient exécutés que par la soumission du condamné.

On trouve qu'encore du tems de saint Cyprien, l'éveque avec son clergé jugeoit de tous les différends des fideles avec tant d'équité, que les assemblées de l'Eglise étant devenues plus difficiles dans la suite à cause des persécutions, c'étoit ordinairement l'évêque seul qui prononçoit, & l'on s'y soumettoit presque toujours.

On étoit si content de ces jugemens, que lors même que les princes & les magistrats furent devenus chretiens, & que l'on n'eut plus les mêmes raisons pour éviter leurs tribunaux; plusieurs continuerent à se soumettre par préférence à l'arbitrage des évêques.

L'église avoit donc alors la connoissance des différends concernant la religion, l'arbitrage des causes qui lui étoient déférées volontairement, & la censure & correction des moeurs que Tertullien appelle exhortations, castigations, & censura divina; mais elle n'avoit pas cet exercice parfait de la justice, qui est appellé en droit jurisdictio. Tertullien appelle la justice des évêques notionem, judicium, judicationem, audientiam, & jamais jurisdictionem; & aussi M. Cujas observe que le titre du code qui traite de la justice des évêques, est intitulé de episcopali audientiâ, & non pas de episcopali jurisdictione, parce que les juges d'église ont seulement le pouvoir d'ouir les parties, & de décider leurs différends, mais non pas de leur faire droit pleinement, ne pouvant mettre leurs jugemens à exécution, parce qu'ils n'ont point de tribunaux proprement dits, mais une simple audience, comme l'observa M. le premier président de la Moignon, sur l'art. 1. du tit. 15. de l'ordonnance de 1667, & que d'ailleurs l'Eglise n'a point la force extérieure en main pour mettre ses jugemens à effet, & qu'elle n'a point de territoire.

Cependant les princes séculiers par respect pour l'Eglise, & pour honorer les pasteurs, favoriserent [p. 76] les jugemens rendus par les évêques, en ordonnant qu'ils pourroient juger les affaires civiles comme arbitres du consentement des parties. Constantin ordonna que leurs jugemens seroient exécutés sans appel, & que les juges séculiers les feroient exécuter par leurs officiers.

Arcadius & Honorius s'étant apperçu que quelques évêques'cherchoient à étendre trop loin la puissance qui leur avoit été accordée, les réduisirent à juger seulement des affaires de religion. Ce réglement fut renouvellé par Valentinien II. en sa novelle 12. où il déclare formellement que les évêques & les prêtres forum legibus non habere, nec de aliis causis, proeter religionem, posse cognoscere; il leur permet seulement de connoître des causes d'entre clercs ou entre laïcs, mais seulement du consentement des parties, & en vertu d'un compromis.

Ainsi lorsqu'il s'agissoit de religion, le pape & les évêques étoient juges, & dans ces matieres l'appel du jugement de l'évêque étoit porté au métropolitain, de celui - ci au primat ou au patriarche, suivant les différens lieux; dans l'occident on appelloit du primat au pape; & dans l'orient, des exarques ou primats au patriarche de Constantinople; on ne voulut pas permettre l'appel du patriarche au pape.

Mais lorsqu'il s'agissoit de procès, les évêques n'en connoissoient que par compromis; ce fut la premiere cause pour laquelle il n'y avoit pas d'appel de leurs sentences.

Justinien en ajouta ensuite une autre, en ordonnant que les jugemens des évêques seroient respectés comme ceux des préfets du prétoire, dont il n'y avoit pas d'appel; il rendit aux évêques toute l'autorité que quelques - uns de ses prédécesseurs leur avoit ôtée; il leur établit même une audience publique, & donna aussi aux clercs & aux moines le privilege de ne pouvoir être obligés de plaider hors de leur province, & de n'avoir que leur évêque pour juge en matiere civile, & pour les crimes ecclésiastiques.

Ce même empereur connoissant la probité & la charité des évêques, & suivant en cela l'exemple de plusieurs de ses prédécesseurs, leur donna beaucoup d'autorité dans certaines affaires temporelles, comme dans la nomination des tuteurs & des curateurs, dans les comptes des deniers communs des villes, les marchés & réception des ouvrages publics, la visite des prisons, & pour la protection des esclaves, des enfans exposés, des personnes misérables, enfin pour la police contre les jeux de hasard, & contre la prostitution; mais leur autorité par rapport à ces différentes choses, ne consistoit qu'à veiller à l'exécution des réglemens concernant la piété & les bonnes moeurs, sans qu'ils eussent à cet égard aucune jurisdiction coactive.

Les loix civiles qui autorisoient les évêques à connoître des différends des clercs, entroient dans les vûes de l'Eglise, qui étoient d'empêcher ses ministres de plaider, ou du moins qu'ils ne parussent devant les juges laïques, dans la crainte que cela ne tournât au mépris du ministere ecclésiastique; c'est pourquoi le troisieme concile de Carthage avoit ordonné que si un évêque, un prêtre, ou autre clerc poursuivoit une cause dans un tribunal public, que si c'étoit en matiere criminelle, il seroit déposé, quoiqu'il eût gagné sa cause; que si c'étoit en matiere civile, il perdroit le profit du jugement s'il ne vouloit pas s'exposer à être déposé.

Le concile de Calcedoine ordonne qu'un clerc qui a une affaire contre un autre clerc, commence par le déclarer à son évêque, pour l'en faire juge, ou prendre des arbitres du consentement de l'évêque.

Quelques autres conciles postérieurs ne défendent pas absolument aux clercs d'agir devant les juges séculiers, mais de s'y adresser ou d'y répondre sans la permission de l'évêque.

La jurisdiction ecclésiastique s'accrut encoredans les siecles suivans, tellement qu'en 866 le pape Nicolas I. dans ses réponses aux Bulgares, dit qu'ils ne doivent point juger les clercs, maxime fondée principalement sur les fausses décretales, comme l'on voit dans le decret de Gratien.

Ce pouvoir des évêques augmenta encore beaucoup, tant par rapport au respect dû à la sainteté de leur ministere, que par la piété des princes chrétiens qui leur donnerent de grands biens, & par la considération dûe à leur savoir, sur - tout dans des tems où les laïques étoient presque tous plongés dans une ignorance profonde: les évêques furent admis dans les conseils des princes; on leur confia une partie du gouvernement politique, & cette jurisdiction qui n'étoit au commencement qu'extraordinaire, fut ensuite rendue ordinaire en quelques lieux avec plus ou moins d'étendue, selon les talens de l'évêque, & l'incapacité du comte qui étoit préposé sur la province.

Il n'y eut point de pays, sur - tout où les évêques acquirent plus d'autorité, qu'en France; quelques-uns prétendent que leur jurisdiction par rapport aux matieres temporelles, vint du commandement militaire que les évêques & les abbés avoient sur leurs hommes qu'ils menoient à la guerre; que cela entraîna depuis la jurisdiction civile sur ceux qui étoient soumis à leur conduite.

Ce qu'il y a de certain c'est que le grand crédit qu'ils eurent sous les deux premieres races, la part qu'ils eurent à l'élection de Pepin, la considération que Charlemagne eut pour eux, firent que ce prince leur accorda comme un droit de l'épiscopat, & sous le titre de jurisdiction ecclésiastique, une jurisdiction qu'ils ne tenoient auparavant que du consentement des parties, & de la permission du prince.

On persuada à Charlemagne dans sa vieillesse, qu'il y avoit dans le code Théodosien une loi de Constantin, portant que si de deux séculiers en procès l'un prenoit un évêque pour juge, l'autre étoit obligé de se soumettre au jugement, sans en pouvoir appeller. Cette loi qui s'est trouvée insérée au code Théodosien, liv. XVI. tit. 10. de episcop. audient. l. i. passe chez tous les critiques pour supposée.

Quoi qu'il en soit, elle n'a point été insérée dans le code de Justinien, & elle n'avoit jamais été exécutée jusqu'au tems de Charlemagne, lequel l'adopta dans ses capitulaires, liv. VI. capit. cccxxxvj. Louis le Debonnaire son fils, en fut une des premieres victimes.

Le troisieme concile de Latran poussa les choses jusqu'à défendre aux laïques, sous peine d'excommunication, d'obliger les clercs à comparoître devant eux, & Innocent III. décida que les clercs ne pouvoient pas renoncer à ce privilege, comme étant de droit public.

La jurisdiction des évêques se trouva pour - tant fort restrainte dès le x. siecle, pour les matieres spirituelles, par l'extension qui fut donnée à l'autorité du pape au préjudice des évêques, & par la jurisdiction des légats qui furent envoyés fréquemment dans le xj. siecle.

Les évêques chercherent à s'en dédommager, en étendant sous différens prétextes leur jurisdiction sur les matieres temporelles.

Non - seulement les clercs étoient alors totalement exempts de la jurisdiction séculiere, mais les évêques exerçoient même leur jurisdiction sur les sécu<pb->

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