ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"71"> mes, ou bien id jus est nec ne, &c. La réponse du jurisconsulte étoit secundum ea qua proponuntur existime, placet, puto.

Lorsqu'il se présentoit de grandes questions, on les discutoit en présence du peuple, ce qu'on appelloit disputatio fori, parce que cette dispute se faisoit dans une place publique: la question se decidoit à la pluralité des voix. Ces décisions n'avoient pas à la vérité d'abord force de loi, mais elles étoient confirmées par l'usage; quelques auteurs tiennent que le titre de regulis juris, n'est qu'un recueil des principales de ces décisions.

Les plus célebres jurisconsultes depuis le commencement de la république romaine jusqu'à sa fin, furent Sextus Papyrius, Appius - Claudius - Contemmanus, Simpronius surnommé le Sage, Tiberius Coruncanus, les deux Catons, Junius Brutus, Publius - Mucius, Quintus - Mucius - Scevola, Publius - Rutilius - Rufus, Aquilius - Gallus, Lucilius - Balbus, Caïus - Juventius, Servius - Sulpitius, Caïus - Trebatius, Offilius, Aulus - Cascellius, Q. AEtius - Tubero, Alfenus - Varus, Aufridius - Tuca, & Aufridius - Namusa, Lucius - Cornelius - Silla, Cneïus - Pompeïus, & plusieurs autres moins connus.

Les jurisconsultes de Rome étoient ce que sont parmi nous les avocats consultans, c'est - à - dire, qui par le progrès de l'âge & le mérite de l'expérience, parviennent à l'emploi de la consultation, & que les anciennes ordonnances appellent advocati consiliarii: mais à Rome les avocats plaidans ne devenoient point jurisconsultes; c'étoient des emplois tout différens.

Du tems de la république, l'emploi des avocats étoit plus honorable que celui de jurisconsulte; parce que c'étoit la voie pour parvenir aux premieres dignités. On appelloit même les jurisconsultes par mépris formularii, ou legulei, parce qu'ils avoient inventé certaines formules & certains monosy llables, pour répondre plus gravement & plus my stérieusement; cependant ils se rendirent si recommandables, qu'on les nomma prudentes ou sapientes.

Leurs réponses acquirent une grande autorité depuis qu'Auguste eut accordé à un certain nombre de personnes illustres le droit exclusif d'interpreter les lois, & de donner des décisions auxquelles les juges seroient obligés de se conformer; il donna même à ces jurisconsultes des lettres: en sorte qu'ils étoient regardés comme officiers de l'empereur.

Caligula au contraire menaça de détruire l'ordre entier des jurisconsultes; mais cela ne fut pas exécuté, & Tibere & Adrien confirmerent les jurisconsuites dans les privileges qui leur avoient été accordés par Auguste.

Théodose le jeune, & Valentinien III. pour ôter l'incertitude qui naît du grand nombre d'opinions différentes, ordonnerent que les ouvrages de Papinien, de Caius, de Paul, d'Ulpien, & de Modestin, auroient seuls force de loi, & que quand les jurisconsultes seroient partagés, le sentiment de Papinien prevaudroit.

Ceux qui travaillerent sous les ordres de Justinien à la composition du digeste, firent cependant aussi usage des ouvrages des autres jurisconsultes.

Depuis Auguste jusqu'à Adrien, les jurisconsultes commencerent à se partager en plusieurs sectes; Antistius Labeo, & Arterius - Capito, furent les auteurs de la premiere; l'un se livrant à son génie, donna dans les opinions nouvelles, & ses sectateurs s'attacherent plus à l'esprit de la loi, & à l'équité, qu'aux termes mêmes de la loi; l'autre au contraire se tint attaché strictement à la lecture de la loi, & aux anciennes maximes. Le parti de Labeo fut soutenu par Proculus & Pegasus ses disciples, d'où cette secte prit le nom de Proculeïene & de Pégasienne, de même que celle de Capito fut appellée successivement Sabinienne & Cassienne, du nom de deux disciples de Capito.

Les disciples de Labeo furent Nerva pere & fils, Proculus, Pegasus, Celsus pere & fils, & Neratius Priscus; ceux de Capito, furent Massurius - Sabinus, Cassius - Longinus, Caelius - Sabinus, Priscus - Javolenus, Alburnius - Valens, Tuscianus & Salvius - Julianus. Ce dernier après avoir réuni les différentes sectes qui divisoient la Jurisprudence, composa l'édit perpétuel.

Les plus célebres jurisconsultes depuis Adrien jusqu'à Constantin, furent Gaïus ou Caïus, Scaevola, Sextus - Pomponius Papinien, Ulpien - Paulus, Modestinus, & plusieurs autres.

Depuis Constantin, on trouve Grégorien & Hermogénien auteurs des deux codes ou compilations qui portent leur nom.

La direction de celles que Justinien fit faire, fut confiée à Tribonien, qui a ssocia à ses travaux Théophile, Dorothée, Leontius, Anatolius, & Cratinus, le patrice Jean Phocas, Basilide, Thomas, deux Constantins, Dioscore, Praesentinus, Etienne, Menna, Prosdocius, Eutolmius, Thimothée, Léonides, Platon, Jacques.

Pour la confection du digeste, Tribonien choisit seize d'entre ceux qui avoient travaillé avec lui au code; on sait que le digeste fut composé de ce qu'il y avoit de meilleur dans les livres des jurisconsultes, leurs ouvrages s'étoient multipliés jusqu'à plus de 2000 volumes, & plus de 300000 vers. On marque au haut de chaque loi le nom du jurisconsulte, & le titre de l'ouvrage dont elle a été tirée; on prétend qu'après la confection du digeste, Justinien fit supprimer tous les livres des jurisconsultes; quoi qu'il en soit, il ne nous en reste que quelques fragmens.

Quelques auteurs ont entrepris de rassembler ces fragmens de chaque ouvrage, qui sont à part dans le digeste & ailleurs; mais il en manque encore une grande partie, qui seroit nécessaire pour bien connoître les principes de chaque jurisconsulte.

Les jurisconsultes les plus célebres que l'Allemagne a produits, sont Irnerius, Haloander, Ulric Zarius, Fichar l Ferrier, Sichard, Mudée, Oldendorp, Damhouden Raevard, Hopper, Zuichem, Ramus, Cisner, Giffanius, Volfanghus, Freymonius, Dasius, Vander - Anus, Deima Wesembeck, Leunclavius, Vander - Bier, Drederode, Dorcholten, Lectius, Rittershusius, Treutler, Grotius, Godefroy, Matthaeus, Conringius, Pufendorf, Cocceius, Leibnitz, & Gerard Noodt, Van - Espen, &c.

L'Italie a pareillement produit un grand nombre de savans jurisconsultes tels que Martin & Bulgare son antagoniste, Accurse, Azon, Bartole, Ferrarius, Fulgose, Caccialupi, Paul de Castres, François Aretin, Alexandre Tartagni, les trois Sorin, Caepola, les Riminaldi, Jason Decius, Ruinus, Alciat, Nevizan, Pancirolle, Matthaeus de afflictis, Peregrinus, Julius Clarus, Lancelot, les deux Gentilis, Pacaeus, Menochius, Mantica, Farinacius, Gravina, &c.

Il n'y a eu guere moins de grands jurisconsultes en Espagne; on y trouve un Govea, Antoine - Augustin Covaruvias, Vasquez, Gomez, Pinellus, Garvias, Avarés, Pierre & Emmanuel Darbosa, Veneusa, Amaïa Caldas de Peirera, Caldera, Castillo - Soto - Major, Carranza, Perecius, &c.

La France n'a pas été moins féconde en jurisconsultes; le nombre en est si grand, que nous ne rappellerons ici que les plus célebres, tels sont Guillaume Durand, surnommé le spéculateur, Guy Foucaut, qui fut depuis pape sous le nom de Clément IV. Jean Faber, Celse Hugues, Descousu, Guillaume Budée, Equinard Baron, Duaren, Tir [p. 72] queau, Charles Dumolin, Jean de Coras, François Baudouin ou Balduin, Berengér Fernand, Contius, Hotman, Jacques Cujas, Pierre Faber, Barnabé Brisson, Charles Loiseau, Chenu, Loisel, Petrus Gregorius, Eveillon, Pierre Pithon, Bouchelle, Coquille, Pasquier, Pierre Ayrault, Charles Labbé, Maran, Leschassier, Brodeau, Antoine Faber, Janus Acosta, Didier Hérault, Heraldus, Edmond Merille, Charles - Annibal Fabrot.

On doit aussi compter entre les modernes Jean Doujat, Jean Domat, Henrys, Corbin, Baluze, Pinson, Bengy, Gerbais, Ferret, Grimaudet, de Lauriere, de la Marre, Pierre le Merre, Dupuy, Bardet, le Prêtre, Dupineau, Boucheul, Ricard, le Brun, le Grand, Hevin, Poquet de Livonieres, Claude de Ferrieres, de Boutarie, Bouhier, Cochin, de Hericourt, & plusieurs autres, dont l'énumération seroit trop longue.

Nous ne parlons point ici des jurisconsultes vivans, dans la crainte d'omettre quelqu'un de ceux qui mériteroient d'être nommés.

Les Jurisconsultes romains, françois, & autres, ont toûjours été en grande considération; plusieurs ont été honorés des titres de chevalier, de comte, de patrice, & élevés aux premieres dignités de l'état.

Bernardin Rectilius de Vicense a écrit les vies des anciens jurisconsultes qui ont paru depuis 2000 ans. Guy Pancirol a écrit quatre livres des illustres interpretes des lois. Taisand a aussi ecrit les vies des jurisconsultes anciens & modernes; on trouve aussi dans l'histoire de la Jurisprudence romaine de M. Terrasson, une tres - bonne notice de ceux qui ont écrit sur le Droit romain. (A)

JURISDICTION (Page 9:72)

JURISDICTION, s. f. (Jurisprud.) jurisdictio, quasi poiestas jus dicendi, est le droit de rendre la justice à quelqu'un.

Quelquefois le terme de jurisdiction est pris pour le tribunal où se rend la justice, ou pour les officiers qui la composent.

Quelquefois aussi ce terme signifie le territoire qui dépend du tribunal, ou bien l'étendue de sa compétence.

La jurisdiction prise en tant que justice est de plusieurs sortes; savoir, séculiere ou ecclésiastique, volontaire ou contentieuse, ordinaire ou extraordinaire, royale ou seigneuriale, supérieure ou inférieure ou subalterne. Nous expliquerons ci - après ce qui concerne chacune de ces especes de jurisdictions, & plusieurs autres qui ont encore d'autres dénominations particulieres.

Faire acte de jurisdiction, c'est user du pouvoir jurisdictionnel.

On appelle degrés de jurisdiction les différens tribunaux dans lesquels on peut plaider successivement pour la même affaire, & l'ordre qui est établi pour procéder dans une jurisdiction inférieure avant de pouvoir porter l'affaire à une jurisdiction supérieure.

Les Romains avoient trois sortes de jurisdictions, dont le pouvoir étoit différent; savoir, celles des magistrats du premier ordre qui avoient merum & mixtum imperium, c'est - à - dire l'entiere jurisdiction, ou, comme on diroit parmi nous, haute, moyenne & basse justice. D'autres, d'un ordre inférieur, qui n'avoient que le mixtum imperium, dont le pouvoir étoit moins étendu, & ressembloit à peu - près à la moyenne justice. Enfin, il y avoit des jurisdictions simples qui ressembloient assez à nos basses justices, voyez ci - après Jurisdiction simple: mais ces diverses jurisdictions, quoique de pouvoir différent, ne formoient pas trois degrés de jurisdiction pour l'appel.

Anciennement en France, quoiqu'il y eût diffé<cb-> rens magistrats qui avoient plus ou moins de pouvoir, on ne distinguoit point les degrés de jurisdiction; cependant du tems de Charlemagne le comte de chaque province connoissoit d'affaires graves privativement aux premiers juges appellés centenarii, scabini, racemburgi. Dès le tems de Pepin, il n'étoit pas permis d'aller au roi avant d'avoir plaidé devant le comte & devant les juges qui étoient sous lui; autrement si c'étoit un homme du commun, on le battoit de verges; si c'étoit un homme qualifié, il étoit puni à l'arbitrage du roi.

Dans les jurisdictions séculieres, il se trouvoit en quelques endroits jusqu'à cinq degrés de jurisdiction. Le premier degré, c'est - à - dire l'ordre lé plus inférieur, est celui de la basse ou de la moyenne justice: on peut appeller de ces justices à la haute, qui sait le second degré; de la haute justice on peut appeller à la justice royale, qui fait le troisieme degré; & si c'est une prevôté ou autre justice du même ordre, on peut en appeller au bailliage ou sénéchaussée, qui fait en ce cas le quatrieme degré. Enfin, du bailliage ou sénéchaussee, on appelle au parlement, qui fait le cinquieme degré.

Pour diminuer le nombre des degrés de jurisdictions, l'ordonnance d'Orléans, art. 54. & celle de Roussillon, art. 24. avoient ordonné que toutes prevôtés, vigueries ou autres jurisdictions royales & subalternes qui étoient établies dans les villes où il y a bailliage ou sénéchaussée auxquelles elles ressortissoient, seroient supprimées.

Mais comme cela ne devoit avoir lieu qu'à mesure que les offices vaqueroient, l'exécution en fut par - là si long tems différée, qu'Henri III. par son ordonnance de Blois, art. 288. se contenta d'ordonner que les offices de ces sieges subalternes seroient réduits au même nombre où ils étoient suivant la premiere création.

Cette loi n'ayant pas été mieux exécutée, le Roi à présent régnant, après avoir supprimé par différens édits particuliers plusieurs prevôtés, par un autre édit du mois d'Avril 1749, ordonna que toutes les prevôtés, châtellenies, prevôtés foraines, vicomtés, vigueries, & toutes autres jurisdictions royales établies, sous quelque dénomination que ce fut, dans les villes où il y a bailliage ou sénéchaussée auxquels elles étoient ressortissantes, ensemble tous les offices créés & établis pour servir à l'administration de la justice dans ces jurisdictions demeureroient supprimées.

Cet édit a laissé subsister les jurisdictions royales ressortissantes aux bailliages & sénéchaussées, lorsqu'elles ne sont pas dans la même ville.

En quelques endroits l'appel de la haute justice est porté directement au bailliage ou sénéchaussée, auquel cas il n'y a que trois degrés de jurisdictions.

Dans les affaires qui sont portées recta au bailliage royal, il ne peut y avoir que deux degrés de jurisdiction.

Il en est de même des affaires qui sont du ressort des cours des aides, il n'y a jamais que deux degrés de jurisdictions. En effet, des élections, greniers à sel & juges des traites, on va directement par appel à la cour des aides.

En matiere d'eaux & forêts il y a ordinairement trois degrés, savoir les greniers & maîtrises, la table de marbre & le parlement.

L'ordre des jurisdictions est de droit public, tellement qu'il n'est permis à personne de l'intervertir.

Il est défendu en conséquence aux juges d'entreprendre sur la jurisdiction les uns des autres.

Il n'y a que le prince ou les cours souveraines dépositaires de son autorité, qui puissent distraire quelqu'un de la jurisdiction à laquelle il est naturellement soumis.

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